Indemnité d’éviction : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17952

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Indemnité d’éviction : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17952

13 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG
22/17952

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 13 AVRIL 2023

(n° /2023)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17952 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSMQ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Juillet 2022 du Président du TJ de MEAUX – RG n° 22/00273

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Patricia LEFEVRE, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

Madame [P] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Mathilde LAVENU collaboratrice de Me Benjamin CABAGNO de la SELARL CHOISEZ & ASSOCIES Société d’avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C2308

à

DEFENDEUR

SAS PV CP CITY

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Et assistée de Me Justine LE CALVEZ substituant Me Géraldine MACHINET, avocat plaidant au barreau des HAUTS-DE-SEINE

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 16 Mars 2023 :

Saisi par une assignation du 30 septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a, par une ordonnance contradictoire en date du 22 juillet 2022, condamné sous astreinte, Mme [P] [N] propriétaire des lots 131 et 420, soit les appartements 208 et 259 de la résidence de tourisme Adagio Val d’Europe située [Adresse 2] (Seine et Marne) à remettre à la société PV-CP City les clés des serrures des dits appartements, ordonnant, à défaut de remise volontaire des clés, l’expulsion de Mme [N], ainsi que de tous occupants de son chef, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier. Il a également condamné à titre provisionnel Mme [N] à payer à la société PV-CP City la somme de 1969,17 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance pour le lot 131, laissant les dépens à la charge des parties qui les ont exposés, rejetant les autres demandes et rappelant que sa décision bénéficiait de l’exécution provisoire de droit.

Le 4 octobre 2022, Mme [N] a interjeté appel de cette décision et par acte extra-judiciaire en date du 9 novembre 2022, elle a fait assigner la société PV-CP City devant le premier président de la cour de céans, afin de voir principalement ordonner l’arrêt et subsidiairement, l’aménagement de l’exécution provisoire qui assortit l’ordonnance du 22 juillet 2022.

A l’audience, Mme [N] a, par la voie de son conseil, soutenu ses dernières conclusions notifiées le 14 mars 2023. Elle sollicite, au visa des 514-3, 514-5, 699 et 700 du code de procédure civile et des articles L.145-17 et suivants du code de commerce, que soit ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée par le jugement du tribunal judiciaire de Meaux 22 juillet 2022 (sic) et subsidiairement, elle sollicite son aménagement (en ordonnant la consignation des condamnations prononcées), réclamant en tout état de cause la condamnation de la société PVCP city au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle prétend que les conditions posées par l’article 514-3 du code de procédure civile sont réunies, dans la mesure où son expulsion entraînera des conséquences manifestement excessives tant sur sa santé que sur sa situation financière et lui causera un préjudice irréversible en terme d’image sur la plate-forme sur laquelle elle propose son bien à la location. Elle prétend également à un moyen sérieux de réformation, évoquant la perte par la locataire de son droit à l’indemnité d’éviction et de la possibilité pour elle de se maintenir dans les lieux/ elle ajoute que le juge ,n’a pas recherché si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par conclusions déposées le 15 mars 2023 et soutenues à l’audience, le conseil de la société PV-CP City soutient au visa des articles 514-3, 834 et 835 du code de procédure civile, des articles 1218, 1219, 1719, 1722 et 1195 du code civil, des articles L. 145-28 et L. 145-60 du Code de commerce et de l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution, le rejet de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire et subsidiairement, le rejet de la demande d’aménagement, sollicitant la condamnation de M. et Mme [N] au paiement de la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle retient en premier lieu, l’obligation pour la demanderesse d’arguer de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées après l’ordonnance rendue le 22 juillet 2022, faute d’avoir présenté devant le premier juge, des observations sur l’exécution provisoire. Elle conteste que l’expulsion puisse en elle-même constituer une telle circonstance, regrette l’état de santé dégradé de la demanderesse, mais exclut qu’elle puisse s’en prévaloir et rappelle qu’elle se prive de revenus en refusant de restituer les clés. Elle évoque son propre préjudice, rappelle que la décision a été rendue pour faire cesser une voie de fait à laquelle ne peut être opposée une hypothétique perte du droit à l’indemnité d’éviction. Elle en déduit que Mme [N] échoue à établir l’existence d’un moyen sérieux de réformation.

SUR CE,

Selon l’article 514-3 du code de procédure civile :

En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Mais, aux termes de l’article 514-1 du code de procédure civile : le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée. Par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état .

Le juge des référés ne peut donc, en application de ce texte, écarter l’exécution provisoire de droit attachée à sa décision. En conséquence, toute observation d’une partie sur l’exécution provisoire serait vaine devant lui. L’absence de telles observations ne saurait dès lors être sanctionnée par une fin de non-recevoir, sauf à reprocher à une partie de ne pas avoir formulé d’observations inopérantes. En conséquence, l’article 514-3, alinéa 2, du code de procédure civile ne peut être applicable aux ordonnances de référé et il ne peut être exigé de Mme [N] de justifier de circonstances manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à la décision de première instance.

Cependant, en application du 1er alinéa de l’article 514-3 du code de procédure civile, il appartient à Mme [N] d’établir tout à la fois, que l’exécution provisoire de la décision dont elle a fait appel, aura des conséquences manifestement excessives et l’existence d’un moyen de réformation.

Or, si elle justifie de sérieux problèmes de santé, ceux-ci sont consécutifs à un accident du travail et rien ne vient établir une aggravation liée à la procédure l’opposant à la société PV-CP City ou à la perspective de l’exécution de l’ordonnance du 22 juillet 2022, aucun des certificats produits ne faisant ce lien.

Elle ne peut, dès lors que la remise des clés à la société locataire s’accompagnera nécessairement du règlement de la contrepartie convenue au bail commercial, arguer de la perte des revenus qu’elle tire de son bien, proposé à la location sur une plate-forme de location touristique. Elle ne peut pas plus mettre en exergue ses difficultés à régler l’indemnité provisionnelle mise à sa charge ainsi qu’une astreinte, due uniquement si elle n’exécute pas spontanément la décision de première instance, alors qu’elle n’apporte au débat aucun élément pertinent sur ses revenus actuels, qu’il s’agisse de revenus salariaux ou de remplacement ou des revenus locatifs.

Enfin, les conséquences en terme d’image de la remise des clés, voire de l’expulsion du locataire en place sont purement hypothétiques, dans la mesure où l’état des réservations versé au débat (pièce [N] n° 22) se rapporte aux locations des mois d’octobre et novembre 2022.

Dès lors et sans avoir à entrer dans la discussion des parties relative à l’existence d’un moyen sérieux de réformation, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire présentée par Mme [N] sera rejetée.

Celle-ci sollicite à titre subsidiaire, l’aménagement de l’exécution provisoire de l’ordonnance querellée, proposant de consigner le montant des condamnations prononcées, mesure à laquelle s’oppose la société PV-CP City qui relève l’absence de risque de non restitution des fonds en cas de réformation de l’ordonnance de référé.

L’article 521 du code de procédure civile dispose : la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Ce texte n’impose pas de caractériser le risque de conséquences manifestement excessives, mais il n’en demeure pas moins que le demandeur à la consignation, doit, à tout le moins, établir la nécessité de cette mesure, eu égard aux circonstances de l’espèce, s’agissant d’une mesure dérogeant à l’exécution provisoire attachée à la décision.

En l’espèce, Mme [N] se contente de solliciter cet aménagement, sans développer la moindre argumentation. Sa demande d’aménagement sera également rejetée.

Mme [N] sera condamnée aux dépens de l’instance et à payer une indemnité au titre des frais exposés par la société PV-CP City pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire présentée par Mme [N] et sa demande d’aménagement ;

Condamnons Mme [N] à payer à la société PV-CP City la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

ORDONNANCE rendue par Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Conseillère

 


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