12 mai 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/04866
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30F
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2022
N° RG 20/04866 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UC2G
AFFAIRE :
S.C.I. PERYNE
C/
M. [M] [Z]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Février 2020 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre : 8
N° RG : 17/06008
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Victoire GUILLUY
Me Franck LAFON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.C.I. PERYNE
N° SIRET : 423 476 431
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Victoire GUILLUY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 446 – N° du dossier 24996
APPELANTE
****************
Monsieur [M], [F], [N] [Z]
né le 11 Septembre 1953 à [Localité 7] ([Localité 7])
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [U], [W] [K] épouse [Z]
née le 05 Janvier 1951 à [Localité 4] (Somme)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentés par Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20200341 et par Me Khoukha MOSTEFAOUI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
Par actes des 16 et 21 janvier 2003, la société Peryne a donné à bail à M. [M] [Z] et Mme [U] [K], épouse [Z], des locaux commerciaux situés à [Localité 6]. Le bail a été conclu pour une durée de neuf ans moyennant un loyer annuel de 7.150 euros hors taxes.
Les biens loués comprennent un local commercial au rez-de-chaussée, à usage de bar, brasserie, restaurant, composé d’une salle, d’une cuisine, d’un dégagement, d’une chaufferie et de toilettes, un local d’habitation situé au 1er étage comprenant trois pièces, une salle de bains, une buanderie et des dégagements et une cave au sous-sol.
A la suite d’une demande de renouvellement du bail, à compter du 1er avril 2011, formée le 18 mars 2011 par M. et Mme [Z], le loyer a été fixé à la somme de 9.500 euros hors taxes et hors charges par jugement du juge des loyers du tribunal de grande instance de Nanterre du 30 avril 2014. La société Peryne a interjeté appel de cette décision.
Le 15 juillet 2015, la société Peryne a signifié aux locataires l’exercice de son droit d’option et a refusé le renouvellement du bail en offrant paiement d’une indemnité d’éviction.
Par ordonnance de référé du 5 février 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a désigné M. [T] [J] en qualité d’expert. Ce dernier a déposé son rapport le 31 janvier 2017.
Les locaux ont été restitués le 31 mars 2016.
Par acte du 14 juin 2017, M. et Mme [Z] ont assigné la société Peryne en fixation du montant de l’indemnité d’éviction principale à la somme de 115.000 euros et le total des indemnités accessoires à la somme de 35.888 euros.
Par acte du 26 juin 2017, la société Peryne a assigné M. et Mme [Z] en jonction d’instance et en fixation du montant de l’indemnité d’occupation à compter du 14 avril 2011.
Par jugement du 24 février 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– Dit que M. [M] [Z] et Mme [U] [K] épouse [Z] ont droit à une indemnité d’éviction du fait du non renouvellement du bail ;
– Condamné la société Peryne à payer à M. [M] [Z] et Mme [U] [K] épouse [Z] les sommes suivantes :
– 86.700 euros à titre d’indemnité d’éviction principale,
– 4.000 euros au titre du trouble commercial,
– 2.640 euros à titre d’indemnité de déménagement,
– 581 euros à titre des travaux non amortis,
– 4.000 euros au titre des frais administratifs,
– Condamné M. [M] [Z] et Mme [U] [K], épouse [Z], à payer à la société Peryne la somme de 14.100 euros par an, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2011 à titre d’indemnité d’occupation ;
– Ordonné la compensation entre l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation;
– Débouté M. [M] [Z] et Mme [U] [K] épouse [Z] de leur demande d’indemnisation de la plus-value ;
– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– Condamné la société Peryne à payer à M. [M] [Z] et Mme [U] [K] épouse [Z] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société Peryne aux dépens en ce compris les frais d’expertise lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile;
– Ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration du 8 octobre 2020, la société Peryne a interjeté appel du jugement sauf en ce qu’il a ordonné la compensation entre l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation et en ce qu’il a débouté M. [M] [Z] et Mme [U], épouse [Z] [K], de leur demande d’indemnisation de la plus-value.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 8 janvier 2021, la société Peryne demande à la cour de :
– Déclarer la société Peryne recevable et bien fondée en son appel ;
– Réformer le jugement attaqué et, statuant à nouveau ;
Sur l’indemnité d’éviction,
– Fixer à la somme de 40.000 euros le montant de l’indemnité d’éviction principale par application de la méthode de la rentabilité ;
Subsidiairement, pour le cas où la cour opterait pour la méthode dite des barèmes ou du chiffre d’affaires,
– Réduire à de justes proportions l’indemnité d’éviction ;
Sur les indemnités accessoires,
– Débouter les époux [Z] de leurs demandes ;
Sur l’indemnité d’occupation,
– Fixer à la somme de 14.940 euros par an le montant de l’indemnité d’occupation à compter du 1er avril 2011, hors taxes et hors charges ;
Sur les demandes accessoires,
– Ordonner la compensation entre indemnité d’éviction et indemnité d’occupation ;
– Condamner les époux [Z] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner les époux [Z] aux dépens qui seront recouvrés par Me Victoire Guilluy conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 7 avril 2021, M. [M] [Z] et Mme [U] [K] épouse [Z] demandent à la cour de :
– Débouter la société Peryne de toutes ses demandes ;
– Confirmer le jugement rendu par tribunal judiciaire de Nanterre le 24 février 2020 en tout point à l’exception des points suivants :
// Infirmer le jugement rendu par tribunal judiciaire de Nanterre le 24 février 2020 en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité principale à 86.700 euros ;
// Infirmer le jugement rendu par tribunal judiciaire de Nanterre le 24 février 2020 en ce qu’il a fixé le montant de l’occupation à 14.100 euros ;
// Infirmer le jugement rendu par tribunal judiciaire de Nanterre le 24 février 2020 en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité de remploi revenant aux locataires ;
En conséquence,
– Fixer le montant de l’indemnité d’éviction principale à la somme de 115.000 euros;
– Fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 12.348 euros ;
– Fixer le montant de l’indemnité de remploi à la somme de 11.500 euros ;
– Fixer le montant de l’indemnité pour trouble commercial à la somme 4.000 euros;
– Fixer le montant de l’indemnité des frais administratifs à la somme de 4.000 euros;
– Condamner la société Peryne au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts ;
– Condamner la société Peryne au paiement de la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Peryne au paiement des entiers dépens en ce compris les frais d’expertise d’appel dont distraction au profit de Me Franck Lafon, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 décembre 2021.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à «donner acte », «constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
En application de l’article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile la cour ne statue, dans la limite de l’effet dévolutif de l’appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Sur l’indemnité d’éviction
La société Peryne critique le jugement en ce qu’il a retenu la valeur de l’indemnité d’éviction principale déterminée par l’expert à partir de la méthode du résultat brut d’exploitation (86.700 euros). Elle estime que cette valorisation est hors de proportion avec la réalité du fonds de commerce au regard du chiffre d’affaires moyen de ses trois dernières années d’exploitation. Elle fait valoir que la méthode de valorisation selon la capacité bénéficiaire ne doit pas être exclue. Elle relève notamment que la charge salariale de M. [Z] n’a pas été prise en compte de sorte que la méthode d’évaluation fondée sur l’excédent brut d’exploitation n’aurait pas dû être retenue. Elle déplore que le tribunal n’ait pas retenu la proposition de l’expert d’une valeur du fonds de 55.510 euros selon la méthode de la capacité bénéficiaire qu’elle réduit à 40.000 euros en retenant un coefficient multiplicateur de 5 au lieu de 7 appliqué par l’expert. A titre subsidiaire, pour le cas où la cour opterait pour la méthode du chiffre d’affaires, elle invite la cour à réduire à de justes proportions l’indemnité d’éviction.
M. et Mme [Z] font valoir que cette indemnité doit être calculée en fonction d’une perte de fonds ainsi que les premiers juges l’ont jugé et non de transfert de celui-ci, et qu’il ne résulte ni de l’expertise, ni des débats que M. [Z] ait perçu un salaire. Ils soutiennent qu’il est d’usage de retenir le chiffre d’affaires toutes taxes comprises et non hors taxes, calculé en fonction du nombre de jours d’ouverture de l’établissement, paramètres que n’ont pas pris en compte ni l’expert, ni le tribunal. Ils sollicitent de la cour de fixer le montant de l’indemnité d’éviction principale à la somme de 115.000 euros.
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Selon les dispositions de l’article L 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail, toutefois il est tenu de payer au locataire évincé une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait preuve que le préjudice est moindre.
Il est, par ailleurs, admis que la consistance du fonds doit être évaluée à la date du refus de renouvellement et que le préjudice du locataire doit s’apprécier à la date de son départ des lieux.
*
L’expert qualifie de ‘bon emplacement’ les locaux loués situés à [Localité 6] à [Adresse 5], dans un secteur commerçant favorable à l’activité de café, bar, restaurant, à proximité de l’hôtel de ville (300 m). Il ajoute que les locaux loués se situent face à ‘une voie piétonne et Intermarché apportant un caractère commercial favorable, permettant d’accroître le flux de chalands.’, dans un secteur commerçant de la ville comportant de nombreux immeubles à usage mixte d’habitation et commercial en rez-de-chaussée, à proximité de services publics (situés dans la même rue).
L’expert relève que les locaux loués à affectation commerciale sont en assez bon état d’usage et d’entretien général, en revanche, l’appartement d’habitation présente un très mauvais état d’usage et d’entretien, le tout nécessitant des travaux de réhabilitation et de rénovation.
L’expert tempère son appréciation du bon emplacement des locaux en relevant notamment que l’activité commerciale dépend pour l’essentiel de l’activité des bureaux alentours dans un environnement économique difficile.
L’expert a estimé la valeur du droit au bail à la somme de 50.000 euros et la valeur moyenne du fonds de commerce à la somme de 86.700 euros.
Les deux parties s’accordent à dire que seule l’indemnité pour perte de fonds, dite de remplacement, doit être appréhendée et non l’indemnité de transfert, le fonds n’existant plus puisque les preneurs ont quitté les lieux le 31 mars 2016.
En cas de perte du fonds de commerce, il est admis que l’indemnité d’éviction correspond à la plus élevée des deux valeurs suivantes : la valeur marchande du fonds ou la valeur du droit au bail.
Aucune des deux parties ne conteste le quantum de l’évaluation faite par l’expert du droit au bail, (50.000 euros) inférieur en l’espèce à la valeur du fonds de commerce (86.700 euros). Chacune d’entre elles se fonde sur la valeur marchande du fonds pour fixer l’indemnité d’éviction.
La cour recherchera ainsi à déterminer l’indemnité d’éviction en fonction de la valeur du fonds de commerce.
L’expert propose pour ce faire deux méthodes d’évaluation, l’une selon le chiffre d’affaires moyen réalisé sur les trois derniers exercices (2013, 2014 et 2015), méthode dite des ‘barèmes’, qui le conduit à retenir la somme de 86.700 euros, l’autre selon la méthode de la capacité bénéficiaire en application de laquelle il retient la somme de 55.510 euros (rapport pages 52 et 53 – pièce 9 – [Z]).
La société Peryne retient la méthode d’évaluation du fonds de commerce selon la capacité bénéficiaire dans la mesure où, selon elle, les charges sociales de M. [Z] auraient dû être intégrées dans le calcul du résultat d’exploitation, ce qui n’a pas été le cas de sorte qu’à défaut seule la méthode de la capacité bénéficiaire doit être appliquée.
Ainsi que les premiers juges l’ont relevé, il ne résulte ni de l’expertise, ni des échanges entre les parties que M.[Z] ait perçu un salaire de sorte qu’il n’y avait pas lieu de retraiter le calcul du résultat d’exploitation pour y intégrer les coûts salariaux de M. [Z]. Cet argument n’est donc pas suffisant à écarter la méthode dite des ‘barèmes’.
La cour retiendra cette dernière méthode comme généralement suivie et surtout plus proche, en l’espèce, de la valeur économique réelle du fonds s’agissant d’une activité modeste de café bar et restaurant dégageant en moyenne un chiffre d’affaires annuel de 60.757 euros TTC, l’objectif poursuivi par les preneurs n’étant pas nécessairement de dégager un bénéfice important mais d’en vivre.
L’expert a retenu un chiffre d’affaires hors taxes faisant valoir qu’il appliquait la méthode ‘classique’ suivi en cela par les premiers juges. M. et Mme [Z] contestent cette approche.
La détermination de la valeur marchande du fonds de commerce s’effectue selon les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale concernés.
Il résulte des éléments produits (jurisprudence et doctrine) par M.et Mme [Z] que s’agissant d’une activité de café, bar et restaurant il est d’usage de retenir un chiffre d’affaires toutes taxes comprises. La société Peryne conteste cet usage en se fondant uniquement sur les déclarations de l’expert ce qui est insuffisant à remettre en cause les éléments fournis par M.et Mme [Z].
La cour retiendra dans son appréciation le chiffre d’affaires toutes taxes comprises.
En revanche, elle écartera de l’évaluation toute référence aux nombre de jours d’ouverture de l’établissement dont M.et Mme [Z] ne justifient pas qu’il s’agisse d’un usage de la profession.
La cour relève que l’expert a retenu une valeur de 86.700 euros répartie entre l’activité café et bar pour 77.900 euros et restaurant pour 8.800 euros
La cour ,s’appuyant partiellement sur le rapport d’expertise (page 48), retiendra un chiffre d’affaires moyen toutes taxes comprises de 45.281 euros et un multiple de 700 (et non 720 retenu par l’expert sur une échelle de 400 à 750) fois la recette journalière soit une indemnité arrondie à 88.046 euros [ 45.281 euros / 360 jours = 125,78 euros x 700= 88.046 euros], pour l’activité de café et bar.
La cour retiendra, pour l’activité de restaurant, la valeur arrondie de 9.830 euros [15.124 euros x 0,65 (coefficient retenu par l’expert) = 9.830,60 euros].
L’indemnité d’éviction sera fixée à 97.876 euros [88.046 + 9.830].
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité d’occupation,
Les premiers juges ont fixé l’indemnité d’occupation à la somme de 14.100 euros à compter du 1er avril 2011 (date de renouvellement du bail), suivant en cela la proposition de l’expert.
M et Mme [Z] ne contestent pas la valeur locative fixé par l’expert à 220 euros /m2b mais sollicitent l’application d’un abattement de 50 % en raison d’un préjudice de jouissance dû à la vétusté et au très mauvais état d’entretien de leur appartement, le bailleur ayant failli à son obligation de délivrance. Ils demandent à la cour de fixer cette indemnité à 12.348 euros après un abattement pour précarité de 15%, à compter de l’exercice du droit d’option soit le 15 juillet 2015.
La société Peryne conteste, d’une part, le taux d’abattement de 15 % retenu par l’expert, en faisant valoir l’absence de toute circonstance exceptionnelle, et d’autre part, la valeur au m² fixée par l’expert, sans toutefois contester la surface locative. Elle demande à la cour de fixer cette indemnité à la somme de 14.940 euros par an à compter du 1er avril 2011, hors taxes et hors charges.
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L’article L 145-28 du code de commerce dispose qu’aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d’appréciation.
Il est, par ailleurs, admis que lors d’une offre de renouvellement de bail, si le bailleur, n’acceptant pas le prix judiciairement fixé, exerce son droit d’option, l’indemnité d’occupation, est due par le preneur à compter de la date d’expiration du bail, et non à compter du jour où le bailleur a exercé son droit d’option.
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Les premiers juges ont relevé, à raison, que l’expert avait ‘bien pris en compte le mauvais état d’entretien de l’appartement en établissant à 220 €/ m²B la valeur locative du local commercial avec logement d’accompagnement en tenant compte à la fois de la localisation, des références de loyers, de la spécificité de l’activité exercée, de la surface, de la taxe foncière, des obligations mise à la charge du bailleur selon l’article 606 du code civil, de l’état d’usage et d’entretien de l’appartement et du local.’ et qu’il avait ‘justement retenu un coefficient de précarité de 15 % justifié à la fois, en raison de l’aléa pesant sur la dite occupation durant toute le procédure, mais aussi de la précarité non contestable en l’espèce, s’agissant de la résidence principale des locataires.’.
La cour adoptant cette motivation confirmera le jugement en ce qu’il a retenu une indemnité d’occupation de 14.100 euros, hors taxes et hors charges, à compter du 1er avril 2011, date de renouvellement du bail.
Sur les indemnités accessoires,
– Sur l’indemnité de remploi
M. et Mme [Z] sollicitent une indemnité de remploi de 11.500 euros contestée par la société Peryne sans s’expliquer spécialement sur ce point.
Cette indemnité est destinée à compenser les droits de mutation dus par les locataires évincés pour acquérir, le cas échéant, un fonds de commerce ou un droit au bail et payer les frais d’acte ou de transaction.
Les locataires ne justifient pas depuis leur départ le 31 mars 2016 d’avoir exposés de tels frais, n’ayant pas caché leur intention de partir en retraite.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande à cette fin.
– Sur l’indemnité pour trouble commercial
M. et Mme [Z] sollicitent la confirmation du jugement qui leur a accordé la somme de 4.000 euros à ce titre.
La société Peryne fait valoir que les locataires n’ont pas vocation à être indemnisés d’un trouble commercial puisqu’ils sont partis en retraite.
Cette indemnité est destinée à compenser la perte de temps supportée et le trouble subi par les locataires occasionnés par l’éviction.
Les locataires ont subi un trouble dans l’exercice de leur activité commerciale depuis l’annonce du non renouvellement du 15 juillet 2015, et dont dépendait leur habitation principale.
La cour confirmera le jugement qui a retenu la proposition d’indemnisation de l’expert.
– Sur l’indemnité pour frais administratifs
M. et Mme [Z] sollicitent la confirmation de la décision des premiers juges d’allouer une indemnité pour frais administratifs de 4.000 euros. Ils exposent que ces frais correspondent aux frais liés à la cessation, tels que frais d’information de la clientèle et des fournisseurs, les frais de radiation du registre du commerce, la clôture comptable,…
La société Peryne objecte que la cessation d’activité résulterait de leur décision de partir en retraite et que ces frais ne sont pas justifiés.
La cour confirmera le jugement qui a retenu la proposition d’indemnisation de l’expert.
Sur la procédure abusive
M. et Mme [Z] demandent à la cour de condamner la société Peryne au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, considérant que la société Peryne a interjeté appel malgré l’absence de moyens pour le soutenir.
La société Peryne ne répond pas spécialement à cette demande.
L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts que lorsqu’est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.
M. et Mme [Z] ne démontrent pas le caractère abusif de l’exercice par la société Peryne de ses droits et des voies de recours alors que les premiers juges leur ont partiellement donné tort. Ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Peryne.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Peryne sera condamnée aux dépens d’appel.
La société Peryne sera condamnée à une indemnité de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande de chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 24 février 2020 en ce qu’il a fixé l’indemnité d’éviction principale à 86.700 euros,
CONFIRME, pour le surplus, le jugement en ses dispositions frappées d’appel,
Et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Peryne à payer à M.[M] [Z] et Mme [U] [K], épouse [Z], la somme de 97.876 euros à titre d’indemnité d’éviction principale,
REJETTE toutes autres demandes,
CONDAMNE la société Peryne aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Peryne à payer à M.[M] [Z] et Mme [U] [K], épouse [Z], la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur Hugo BELLANCOURT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,