Indemnité d’éviction : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03053

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Indemnité d’éviction : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03053

12 janvier 2023
Cour d’appel de Versailles
RG
22/03053

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 JANVIER 2023

N° RG 22/03053 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VFP3

AFFAIRE :

[N] [K]

C/

S.A.S. MINELLI

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 28 Mars 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHARTRES

N° RG : 22/00066

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12.01.2023

à :

Me Marion CORDIER, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [N] [K]

né le 19 Février 1947 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 – N° du dossier S220133

APPELANT

****************

S.A.S. MINELLI

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

N° SIRET : 413 15 7 3 06

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2268829

Assistée de Me Olivier GUIDOUX, avocat plaidant au barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [K] a conclu un bail commercial avec la société Minelli portant sur divers locaux lui appartenant et dépendant d’un ensemble immobilier à [Localité 8] [Adresse 1] et [Adresse 2]. Le bail a été conclu pour neuf ans à compter du 4 septembre 2012 pour un loyer de 80 000 euros par an. Le loyer trimestriel, payable d’avance, s’élève actuellement à 21 816,66 euros.

Les 7 et 8 juillet 2021, M. [K] a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 43 594,96 euros pour les loyers du 1er avril au 30 septembre 2021 soit les termes du 2ème et du 3ème trimestre 2021.

Les 26 et 27 octobre 2021, il a fait délivrer deux nouveaux commandements de payer pour obtenir le paiement du loyer du 4ème trimestre 2021, le remboursement de la taxe foncière 2021 et le coût des commandements de payer.

Par acte d’huissier de justice délivré le 3 février 2022, M. [K] a fait assigner en référé la société Minelli aux fins d’obtenir principalement l’acquisition de la clause résolutoire du bail, 1’expulsion de la société Minelli, sa condamnation à lui payer à titre de provision la somme de 14 985,40 euros correspondant à l’arriéré locatif, la somme de 10 000 euros par mois à titre d’indemnité d’occupation et, à titre de dommages et intérêts, la somme de 21 723,21 euros représentant le montant du dépôt de garantie qui devra demeurer définitivement acquis au bailleur.

Par ordonnance contradictoire rendue le 28 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres a :

– rejeté l’exception de nullité,

– accordé à la société Minelli des délais de paiement jusqu’au 15 février 2022 pour s’acquitter des causes des commandements de payer des 26 et 27 octobre 2021,

– constaté qu’à cette date, la société Minelli s’étant acquittée du montant visé à cet acte, la clause résolutoire est dépourvue d’effet,

– rejeté les demandes de M. [K],

– dit que chacune des parties conservera la charge des dépens engagés,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 3 mai 2022, M. [K] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 17 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [K] demande à la cour, au visa des articles 835 alinéa 2 du code de procédure civile, 1343-5 et 1728 du code civil et L. 145-41 du code de commerce, de :

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé en date du 28 mars 2022 rendue par le tribunal judiciaire de Chartres en ce qu’elle a accordé des délais rétroactifs à la société Minelli, et n’a pas constaté l’acquisition de la clause résolutoire ;

– débouter la société Minelli de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dommages et intérêts et article 700 du code de procédure civile ;

– l’infirmer en ce qu’elle n’a pas alloué au demandeur le remboursement des dépens et n’a pas estimé devoir condamner la société Minelli à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

– déclarer que la société Minelli n’apporte pas la preuve de sa situation l’empêchant de payer ses loyers à bonne date ;

– débouter la société Minelli de sa demande de délais rétroactifs ;

– constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial consenti par M. [K] à la société Minelli le 4 septembre 2012 suite au non-paiement de l’intégralité des sommes visées dans les commandements en dates des 26 et 27 octobre 2021 dans le mois de leur signification ;

en conséquence,

– ordonner l’expulsion de la société Minelli ainsi que de tous occupants de son chef, de l’ensemble des lieux loués sis [Adresse 1] ainsi désignés : au rez-de-chaussée, un local commercial dont l’entrée est située à l’angle de la [Adresse 11] et de la [Adresse 10] comprenant boutique, réserve, et WC, ledit local également desservi par une porte donnant sur le couloir de l’immeuble accessible par la porte d’entrée de l’immeuble située [Adresse 3],

– au sous-sol une cave.

– au premier, deuxième étages divers locaux bruts de béton sous combles aménageables au troisième étage, lesdits locaux et combles desservis par l’escalier de l’immeuble accessible par la porte d’entrée de l’immeuble située [Adresse 3], étant ici précisé que lesdits locaux sont au regard tant des règles du code de l’urbanisme que du code de la construction et de l’habitation affectés à l’habitation avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier dès la signification de l’ordonnance de référé à intervenir ;

– condamner par provision la société Minelli à lui payer la somme de 10 000 euros HC par mois à titre d’indemnité d’occupation à compter du 27 novembre 2021, soit un mois après le commandement du 26 octobre 2021 et jusqu’à complète restitution des lieux, outre intérêts au taux légal à compter de chaque terme échu et impayé ;

– condamner la société Minelli à lui payer par provision à titre de premiers dommages -intérêts, sans préjudice de tous autres, conformément aux stipulations du bail à payer la somme de 21 723,21 euros représentant le montant du dépôt de garantie qui devra demeurer définitivement acquis au bailleur ;

– condamner la société Minelli à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Cordier, avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions déposées le 14 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Minelli demande à la cour, au visa des articles 1104, 1240, 1343-5 et 1728 du code civil, 559 et 700 du code de procédure civile et L. 145-41 du code de commerce, de :

– confirmer l’ordonnance de référé du 28 mars 2022 rendue par le tribunal judiciaire de Chartres en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif au profit de la société Minelli ;

– le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile au profit de la société Minelli ;

– le condamner aux entiers dépens d’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du bail

M. [K] soutient que le retard de paiement des loyers par la société Minelli est systématique, ce qui le contraint à lui délivrer régulièrement des commandements de payer.

Il fait valoir que les causes des commandements litigieux des 26 et 27 octobre 2021 ont été payées, pour le principal, dans le mois qui était imparti à la locataire, mais que les frais n’ont été réglés que le 7 mars 2022.

Il soutient avoir fait délivrer un commandement au siège social et un dans les lieux loués pour assurer l’efficacité de sa procédure, eu égard au changement de siège social de la société Minelli et à l’annonce tenant à des modifications de l’actionnariat.

L’appelant soutient que l’acquisition de la clause résolutoire doit donc être constatée, et conteste que la société Minelli puisse bénéficier de délais de paiement, s’agissant d’une société qui réalise un important chiffre d’affaires, qui s’octroie elle-même des délais de paiement en réglant en retard ses loyers et qui fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution de ses obligations, étant précisé que lui-même a 75 ans et qu’il ne peut lui être reproché de manquer de diligence dans le recouvrement des loyers qui lui sont dus.

La société Minelli sollicite en réponse la confirmation de l’ordonnance déférée en ce qu’elle a débouté M. [K] de ses demandes provisionnelles et d’acquisition de la clause résolutoire.

Elle soutient avoir réglé le principal de sa dette le 22 novembre 2021 et n’avoir été redevable, à l’expiration du délai d’un mois, que des frais de commandement de payer, dont elle s’est acquittée le 10 janvier 2022, soit avant l’assignation devant le premier juge, même si, à la suite d’une erreur de l’huissier qui lui a renvoyé la somme de 227, 84 euros, elle a dû réitérer son paiement le 3 mars 2022.

Affirmant que l’octroi de délais rétroactifs au 10 janvier 2022 était donc fondé, la société Minelli expose être de bonne foi et être à jour du paiement de ses loyers.

Elle rappelle les circonstances difficiles liées à la fermeture des commerces durant la pandémie de Covid-19 mais soutient être en mesure de s’acquitter du règlement des loyers courants.

Sur ce,

L’article 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

En l’espèce, la société Minelli ne conteste pas que, dans le délai d’un mois qui lui état imparti à compter de la signification des commandement de payer, elle a réglé le principal de la dette locative mais non les frais des commandements.

C’est donc à juste titre que le premier juge a constaté l’acquisition de la clause résolutoire.

Cependant, il est établi que l’intimée s’est acquittée du paiement des frais de procédure le 10 janvier 2022, soit avant la délivrance de l’assignation en référé du 3 février 2022, la circonstance que l’huissier lui ait par erreur renvoyé la somme de 227, 84 euros ne pouvant lui être reprochée.

Par la suite, et même si des retards peuvent effectivement être constatés, la société Minelli a réglé les loyers échus au cours de l’année 2022, démontrant ainsi sa capacité à assurer le paiement des échéances courantes.

La décision querellée doit être confirmée en ce qu’elle a accordé à la société Minelli des délais de paiement rétroactifs, la chronologie des événements ainsi rappelée ne permettant pas de mettre en doute la bonne foi de la locataire.

Sur l’appel abusif

La société Minelli affirme qu’à supposer même que M. [K] se soit mépris sur la persistance d’une dette afférente aux frais de commandement de payer, il était en tout état de cause mal fondé à réclamer l’acquisition de la clause résolutoire pour un arriéré locatif de 440, 96 euros.

Soutenant qu’il s’agit en réalité pour le bailleur d’obtenir son départ des locaux loués sans verser d’indemnité d’éviction, l’intimée fait valoir que l’appel interjeté par M. [K] est abusif, ce qui justifie l’octroi de dommages et intérêts.

M. [K] affirme que son appel n’est pas abusif, dès lors que la société Minelli a continué à régler ses loyers en retard même postérieurement à l’ordonnance attaquée et qu’il n’a été remboursé ni de ses frais de justice ni de celui des commandements de payer.

Sur ce,

L’article 559 du code de procédure civile, ‘en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d’enregistrement de la décision qui l’a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés’.

La faute de M. [K] n’est pas démontrée en l’espèce, dès lors que, si l’appelant persiste à demander l’expulsion de sa locataire en appel malgré l’absence de dette actuelle, il se fonde cependant à juste titre sur l’acquisition de la clause résolutoire et sur le comportement de la société Minelli, qui n’est pas exempt de reproches puisqu’elle règle souvent avec retard les échéances de loyer.

La demande de dommages et intérêts pour appel abusif sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires

La procédure engagée par M. [K] étant juridiquement fondée, la société Minelli sera condamnée aux dépens de première instance et l’ordonnance sera infirmée de ce chef.

Partie succombant en appel, M. [K] sera condamné aux dépens d’appel.

En équité, chaque partie ayant succombé, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance déférée sauf en sa disposition relative aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette les demandes au titre de l’appel abusif et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Minelli aux dépens de première instance ;

Condamne M. [K] aux dépens d’appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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