Indemnité d’éviction : 12 février 2024 Tribunal judiciaire de Lille RG n° 21/06910

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Indemnité d’éviction : 12 février 2024 Tribunal judiciaire de Lille RG n° 21/06910
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12 février 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG n°
21/06910

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 21/06910 – N° Portalis DBZS-W-B7F-VWGF

JUGEMENT DU 12 FEVRIER 2024

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. MRA,
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n°411787609, agissant en la personne de son gérant domicilié es qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier BERNE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

Mme [R] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Caroline LOSFELD-PINCEEL, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Aurélie VERON, Vice-présidente, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 22 Mars 2023 ;

A l’audience publique du 11 Décembre 2023, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 12 Février 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 12 Février 2024, et signé par Aurélie VERON, Président, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 19 janvier 2010, Mme [R] [F] a donné à bail en renouvellement à la SARL MRA « Le Bricolage de la Place » un local à usage commercial sis [Adresse 1] à [Localité 4] moyennant le règlement d’un loyer annuel de 22 200 euros, payable mensuellement, avec indexation. Le bail a été conclu pour une durée de neuf années, à compter du 15 février 2010.

Par jugement du 20 octobre 2014, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société MRA. Un plan de redressement d’une durée de huit années a été adopté le 10 février 2016.

Se plaignant d’impayés de loyers, par acte d’huissier du 23 octobre 2020, Mme [R] [F] a fait délivrer à la SARL MRA un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant en principal de 47 243,10 euros.

Par exploit du 28 avril 2021, Mme [F] a assigné la société MRA en référé aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire et d’expulsion du preneur.

Parallèlement, par acte extrajudiciaire du 22 juin 2021, la société MRA a sollicité le renouvellement du bail commercial à compter du 1er juillet 2021.

Par acte du 20 septembre 2021, Mme [F] a refusé le renouvellement du bail et le paiement d’une indemnité d’éviction.

Par exploit d’huissier délivré le 8 novembre 2021, la société MRA a assigné Mme [F] devant le tribunal judiciaire de Lille en opposition au commandement de payer visant la clause résolutoire.

Dans ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 24 octobre 2022, la société MRA demande à la juridiction de :

A titre principal,

déclarer nul le commandement de payer visant la clause résolutoire ;déclarer irrecevable la demande de constatation de la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire ;condamner Mme [F] au paiement de la somme de 125 000 euros à titre d’indemnité d’éviction lui revenant en raison du non-renouvellement du bail commercial ;la condamner à lui payer la somme de 30 000 euros au titre du trouble de jouissance ;
A titre subsidiaire,

désigner expert avec mission de donner son avis sur l’indemnité d’éviction;surseoir à statuer sur le montant de l’indemnité d’éviction ;
En toute hypothèse,

fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 420 euros par mois à effet du 1er juillet 2021 ;déclarer irrecevable la demande d’expulsion ;débouter Mme [F] de ses autres demandes ;l’autoriser à rester dans les lieux loués jusqu’au complet paiement de l’indemnité d’éviction ;ordonner la compensation entre les sommes dont elle serait débitrice et celles dont elle serait créancière ;l’autoriser à se libérer de sa dette après compensation en 24 règlements mensuels;écarter l’exécution provisoire sauf pour la demande d’expertise ;condamner Mme [F] à lui payer la somme de 4 800 euros et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 août 2022, Mme [R] [F] s’oppose aux demandes formées à son encontre. Elle sollicite de la juridiction de :

débouter la SARL MRA de ses demandes,
– reconventionnellement, constater la résiliation de la location sur les locaux à compter du 23 novembre 2020 ;

– Subsidiairement prononcer la résiliation du bail, objet de la location à compter du 24 novembre 2020 ;

– Voir ordonner en conséquence que dans la quinzaine de la signification du jugement à intervenir, la SARL MRA sera tenue de délaisser les lieux, et que faute pour elle de ce faire, la requérante sera autorisée à l’en faire expulser, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec l’aide et l’assistance de la force publique ;

– voir fixer au montant du loyer soit 3 118,67 euros, le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation due par la société MRA à compter de la date à laquelle la résiliation sera constatée ;

– voir condamner la SARL MRA pour le prix de la location et de l’occupation :

à la somme de 79 608,21 euros due suivant décompte arrêté au 27 juin 2022 échéance d’avril 2022 incluse ; au paiement d’une indemnité d’occupation telle que fixée ci-dessus à compter du 24 novembre 2020 jusqu’au jour de l’expulsion définitive de la SARL MRA ;
– dire qu’en toute hypothèse, le montant de l’indemnité d’occupation variera dans les mêmes termes et conditions que le loyer contractuel au titre de l’indexation ;

– dire que la part correspondant aux charges pourra être réajustée au cas où les charges réelles de l’année dépasseraient douze fois le montant de la provision sollicitée ;

– dire qu’en toute hypothèse, s’il devait être fait droit au principe d’une indemnité d’éviction, celle-ci se compensera avec l’arriéré locatif dû par la société MRA ;

– voir condamner la société MRA à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 outre les dépens.

Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des motifs conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture des débats est intervenue par ordonnance du 22 mars 2023 avec fixation de l’affaire à l’audience du 11 décembre 2023 à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 12 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal “constater” ou “dire et juger” ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, 768 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles ci.

I- Sur la résiliation du contrat de bail

A- Sur la clause résolutoire

L’article 1224 du code civil dispose que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. Selon l’article 1225 du même code, la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

D’après l’article L. 145-41 du code de commerce, dans sa version applicable à l’espèce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

-Sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire

La société MRA se prévaut de la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire au motif qu’il contient à la fois le rappel des dispositions de l’article L. 145-41 et l’indication qu’en cas de refus de quitter les lieux, il pourrait y être contraint par une ordonnance de référé, ce qui entrainerait une confusion dans l’esprit du débiteur de nature à l’induire en erreur.

En l’espèce, le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 23 octobre 2020 comporte le visa et la copie de la clause résolutoire insérée au bail. Il comporte également la retranscription in extenso de l’article L.145-41 du code de commerce stipulant que le juge peut accorder des délais de paiement qui suspendent la réalisation et les effets de la clause.

Le fait que la clause résolutoire contractuelle dont la copie in extenso est annexée au contrat de bail précise la possibilité d’obtenir l’expulsion du preneur par une ordonnance de référé et que toute « offre de paiement » faite donc au créancier à l’expiration du délai d’un mois du commandement sera sans effet, n’est pas une cause de nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, s’agissant simplement du rappel de la convention librement négociée entre les parties.

La demande de nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire sera en conséquence rejetée.

Sur l’irrecevabilité de la demande d’acquisition de la clause résolutoire
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’article 32 du même code dispose qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’intérêt à agir doit être apprécié au moment de l’introduction de la demande en justice. Il doit être né et actuel.

La société MRA soutient que la demande d’acquisition de la clause résolutoire est irrecevable au motif d’une part que le commandement de payer visant la clause résolutoire est irrégulier et que la clause n’a donc pas été valablement mise en œuvre et d’autre part que le bail a pris fin par la demande de renouvellement formulée par le preneur et le refus du bailleur, de sorte que Mme [F] n’a pas d’intérêt à agir en acquisition de la clause résolutoire à la date du 23 novembre 2020.

Or, il résulte des développements précédents que le commandement de payer visant la clause résolutoire est régulier. Le montant du commandement n’est pas contesté par le débiteur, et l’absence de paiement des causes du commandement dans le délai d’un mois de sa délivrance n’est pas davantage remis en cause.

Par ailleurs, l’acquisition de la clause résolutoire est antérieure à la résiliation du bail résultant du refus de la demande de renouvellement par le bailleur le 30 juin 2021.

Mme [F] a dès lors intérêt à agir pour obtenir le constat de l’acquisition de la clause résolutoire.

Cette demande est donc recevable et la demande d’irrecevabilité sera rejetée.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire
En l’espèce, en l’absence de paiement des causes du commandement de payer visant la clause résolutoire dans le délai d’un mois de sa délivrance, la clause résolutoire est acquise au 23 novembre 2020

B- Sur les effets de l’acquisition de la clause résolutoire

Le bail est définitivement résilié à la date du 23 novembre 2020, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du bail.

Par ailleurs, le bail étant résilié dans ces conditions à cette date, le preneur n’est pas fondé à solliciter le bénéfice d’une indemnité d’éviction laquelle n’est due, en vertu de l’article L.145-14 du code de commerce qu’en cas de refus de renouvellement de la location par le bailleur.

– Sur l’expulsion

La société MRA fait valoir que lorsque le renouvellement du bail est refusé sans motif grave et légitime, le preneur a droit à une indemnité d’éviction et ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue, en vertu de l’article L. 145-28 du code de commerce.

Or en l’espèce, la résiliation du bail est la conséquence de l’acquisition de la clause résolutoire et non du non-renouvellement du contrat, de sorte que le preneur n’a aucun droit à indemnité d’éviction.

Dès lors, la demande d’expulsion est parfaitement recevable et il y sera fait droit selon les modalités reprises au dispositif de la présente décision.

– Sur la demande d’indemnité d’occupation

Le maintien du preneur dans les lieux postérieurement à la résiliation du bail cause un préjudice au bailleur qu’il convient de réparer par l’allocation d’une indemnité d’occupation.

Si la société MRA argue de ce que la valeur locative a baissé et serait aux alentours de 1050 euros par mois, force est de constater qu’elle ne produit aucun élément pour justifier de cette diminution de la valeur locative au regard de ses éléments constitutifs ou encore des prix pratiqués dans le voisinage.

De même, si elle argue du mauvais état du bien, elle ne justifie pas de son état lors de la négociation libre du prix du bail entre les parties. D’ailleurs, si elle se plaint de l’absence de chauffage, cet élément était connu d’elle lors de la conclusion du bail en renouvellement en 2010.

En conséquence, en l’absence d’éléments objectifs de nature à estimer la valeur locative actuelle, il convient de retenir celle que les parties ont estimé adaptée lors de la conclusion du bail, soit le loyer contractuel.

Le preneur ayant fait le choix de se maintenir dans les lieux en toute connaissance que le bail était résilié, à tout le moins depuis le mois de juin 2021 suite au refus de renouvellement, il n’y a pas lieu d’appliquer un abattement pour précarité.

Le preneur sera condamné au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle du même montant que le loyer indexé, soit 3 118,67 euros, selon les modalités reprises au dispositif.

II- Sur le paiement des loyers et des charges

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1353 du code civil dispose qu’il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, il résulte du décompte locatif du 27 juin 2022, échéance de juin 2022 et règlement du 15 juin 2022 inclus, une dette locative de 79 608,21 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés (pièce 21).

Le preneur ne discute pas le décompte locatif et le montant des charges dues.

En conséquence, l’indemnité d’occupation étant fixée au montant du loyer courant, il sera fait droit à la demande en paiement et la société MRA sera condamnée au règlement de la somme de 79 608,21 euros, au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés au 27 juin 2022.

III- Sur la demande de dommages-intérêts au titre du trouble de jouissance

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1221 du même code dispose que le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations.

La société MRA se plaint d’un trouble de jouissance résultant d’une installation de chauffage hors d’usage depuis des années, de fuites dans la couverture ayant endommagé les dalles de faux-plafond, d’un éclairage insuffisant en raison de défaillances de l’installation électrique et de l’absence de réalisation des travaux nécessaires par le propriétaire.

Pour toute preuve, la locataire se contente de produire un procès-verbal de constat réalisé par huissier de justice le 25 mai 2022 dans lequel il est mentionné que les dalles de faux-plafond présentent des traces d’infiltration, que des tubes fluorescents au faux-plafond ne sont pas allumés et qu’il n’existe pas de système de chauffage.

Ce constat a été réalisé postérieurement à la résiliation du bail le 23 novembre 2020 par l’acquisition de la clause résolutoire et même postérieurement au refus de renouvellement du bail par la propriétaire en juin 2021.

La société MRA ne produit aucune pièce pour démontrer avoir demandé au bailleur de procéder aux travaux dont elle se prévaut. D’ailleurs, elle ne fait aucunement état du mauvais état du bien dans son offre de renouvellement du bail du 22 juin 2021, étant rappelé que le bail de 2010 vient déjà en renouvellement d’un bail antérieur, de sorte que la locataire connaissait parfaitement les locaux et notamment l’absence de système de chauffage.

Dans ces conditions, le preneur ne justifie pas d’un manquement du bailleur à son obligation de garantir la jouissance paisible du local. Il sera en conséquence débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

IV- Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
L’article L.145-41 du code de commerce dispose en outre que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

La SARL MRA sollicite l’octroi de délais de paiement afin de s’acquitter de sa dette en vingt-quatre mensualités en se prévalant de l’amélioration de sa situation financière.

Cependant, il sera relevé que la locataire bénéficie d’un plan de redressement depuis 2016 et qu’elle a sollicité une modification du plan en septembre 2021 en raison de difficultés financières liées à la pandémie de covid-19 sans qu’il soit justifié de l’acceptation ou non de cette modification par le tribunal de commerce de Lille Métropole.

D’après le décompte locatif du 27 juin 2022, la société MRA présentait un arriéré locatif de 14 267,54 euros au 31 décembre 2019, elle ne s’est acquittée d’aucune somme entre le 1er janvier et le 30 novembre 2020 et si elle a repris des versements à compter du 7 décembre 2020, ceux-ci sont systématiquement insuffisants à couvrir le loyer courant, de sorte que la dette s’est considérablement augmentée en dix-huit mois.

Dans ce contexte, la société MRA ne démontre pas qu’elle sera en mesure de s’acquitter d’une mensualité de 3 317 euros (79 608 euros/24) en sus de l’indemnité d’occupation de 3 118,67 euros, ce qui représenterait une somme mensuelle totale de plus de 6 400 euros.

En conséquence, il convient de débouter la SARL MRA de sa demande de délais de paiement.

V- Sur les demandes accessoires

.Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, rien ne justifie d’écarter l’exéution provisoire, celle-ci étant compatible avec la nature et l’issue du litige.

. Sur les frais irrépétibles et les dépens

La SARL MRA succombant au principal, elle supportera les dépens de la présente instance et sera redevable d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qui sera équitablement fixée à la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE la SARL MRA de sa demande de nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire ;

DÉBOUTE la SARL MRA de sa demande d’irrecevabilité de la demande de constatation de la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire ;

CONSTATE la résiliation du bail commercial liant Mme [R] [F] à la SARL MRA portant sur le local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 4] par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire, à compter du 23 novembre 2020 ;

DÉBOUTE la SARL MRA de sa demande d’une indemnité d’éviction et de sa demande subsidiaire d’expertise ;

ORDONNE l’expulsion de la SARL MRA et de tous occupants de son chef, du local commercial sis [Adresse 1] à [Localité 4], à défaut de libération volontaire effective caractérisée par la remise des clés dans le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, et avec le concours de la force publique si nécessaire ;

CONDAMNE la SARL MRA à une indemnité d’occupation de 3 118,67 euros par mois à compter du 24 novembre 2020 et jusqu’à la libération complète des locaux avec remise des clés ;

DIT que le montant de l’indemnité d’occupation variera dans les mêmes termes et conditions que le loyer contractuel au titre de l’indexation ;

DIT que la part correspondant aux charges pourra être réajustée au cas où les charges réelles de l’année dépasseraient douze fois le montant de la provision sollicitée ;

CONDAMNE la SARL MRA à payer à Mme [R] [F] la somme de 79 608,21 euros, au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés au 27 juin 2022;

DÉBOUTE la SARL MRA de sa demande de dommages-intérêts au titre du trouble de jouissance ;

DIT n’y avoir lieu à compensation ;

DÉBOUTE la SARL MRA de sa demande de délais de paiement ;

CONDAMNE la SARL MRA à payer à Mme [R] [F] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SARL MRA de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit ;

DÉBOUTE la SARL MRA de ses autres demandes ;

DÉBOUTE Mme [R] [F] de ses autres demandes ;

CONDAMNE la SARL MRA aux dépens de la présente instance.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUMEAurélie VERON

 


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