12 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/01435
Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 12 AVRIL 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01435 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG7FT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2022 du TJ de PARIS – RG n° 18/13498
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Rachel LE COTTY, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
ASSOCIATION POUR LA PROMOTION D’UN ACCES POUR TOUS A UNE OFFRE DE SOINS (APATS)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Et assistée de Me Hannah-Annie MARCIANO, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : D0273
à
DÉFENDEUR
S.A.S. MOULINET
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250
Et assistée de Me Cecile MARTINSEGUR, avocat plaidant au barreau de PARIS
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 15 Mars 2023 :
Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial du 17 octobre 2020 portant sur des locaux situés [Adresse 3], à la date du 22 novembre 2018, par l’effet de la sommation de respecter les obligations du bail visant la clause résolutoire restée infructueuse ;
– condamné l’Association pour la promotion d’un accès pour tous à une offre de soins (APATS) à procéder à la remise en état à usage d’habitation des locaux du 8ème étage de l’immeuble situé [Adresse 3] ;
– accordé à celle-ci un délai de deux mois pour s’acquitter de la remise d’une garantie bancaire à première demande d’un montant de 440.487 euros et pour libérer les locaux du 8ème étage, à compter de la signification de la décision ;
– suspendu les effets de la clause résolutoire pendant cette période ;
– dit que si la garantie à première demande était remise dans le délai ainsi fixé et les locaux du 8ème étage libérés pendant ce délai, elle serait réputée n’avoir jamais joué ;
– à défaut,
– dit qu’en l’absence de remise de la garantie bancaire à première demande et de libération des locaux du 8ème étage, la clause résolutoire retrouverait de plein droit ses effets et le bail serait résilié ;
– dit qu’il pourrait être procédé à l’expulsion de l’APATS et de tous occupants de son chef des lieux loués ;
– débouté la société Moulinet de sa demande d’expulsion de l’APATS des locaux du 8ème étage situés [Adresse 3] ;
– dit que le congé sans offre de renouvellement pour motifs graves et légitimes délivré le 2 novembre 2018 par la société Moulinet à l’APATS a mis fin au bail liant les parties à compter du 30 juin 2019 à minuit ;
– dit que ce congé à ouvert droit, en l’absence de gravité des motifs invoqués, au paiement d’une indemnité d’éviction au profit de l’APATS et à un droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de cette indemnité et, au profit de la société Moulinet, au paiement d’une indemnité d’occupation statutaire ;
– avant dire droit, ordonné une expertise pour déterminer le montant des indemnités d’éviction et d’occupation et désigné un expert ;
– fixé à titre provisionnel le montant de l’indemnité d’occupation dont est redevable l’APATS au montant du loyer contractuel en cours ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
– réservé les dépens et les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 16 juin 2022, l’APATS a interjeté appel de cette décision et, par acte du 26 janvier 2023, elle a assigné en référé la société Moulinet devant le premier président de cette cour aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire.
Aux termes de ses conclusions développées oralement à l’audience du 15 mars 2023, fondées sur les articles 514-3 et 524 du code de procédure civile, elle demande à la juridiction du premier président de :
– la déclarer recevable et bien fondée en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire ;
– débouter la société Moulinet de sa demande reconventionnelle de radiation, le conseiller de la mise en état ayant été saisi de cette demande ;
– débouter la société Moulinet de l’ensemble de ses demandes ;
– ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement du 10 mai 2022 ;
– condamner la société Moulinet à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions développées oralement à l’audience, la société Moulinet demande à la juridiction du premier président de :
– la juger recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;
– débouter l’APATS de toutes ses demandes ;
– juger que l’APATS n’apporte pas la preuve de moyens sérieux d’infirmation ou de réformation du jugement du 10 mai 2022 ;
– juger qu’elle ne démontre pas que l’exécution provisoire du jugement entraînerait des conséquences manifestement excessives ni que ces conséquences se seraient révélées postérieurement au jugement ;
– débouter en conséquence l’APATS de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement, les conditions de l’article 514-3 du code de procédure civile n’étant pas remplies;
à titre reconventionnel,
– ordonner la radiation de l’appel interjeté par l’APATS, selon déclaration d’appel du 16 juin 2022, procédure actuellement pendante devant la chambre 3, pôle 5, ayant pour numéro RG 22/11492 ;
en tout état de cause,
– condamner l’APATS à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner l’APATS aux entiers dépens, avec faculté de recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile.
A l’audience du 15 mars 2023, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations au soutien de leurs écritures.
Le délégataire du premier président a mis dans les débats l’application au litige de l’article 524 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, au regard de la date de l’assignation devant les premiers juges, ce dont les parties sont convenues.
SUR CE,
Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire
L’instance ayant été introduite devant les premiers juges avant le 1er janvier 2020, elle est soumise aux dispositions de l’article 524, 2°, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.
Il résulte de ce texte que lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, le premier président statuant en référé peut l’arrêter si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La présente juridiction n’a donc pas à apprécier s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision frappée d’appel, de sorte que les observations des parties sur le fond du litige sont inopérantes.
Seul le risque de conséquences manifestement excessives doit être pris en considération, lequel suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.
Il existe un débat entre les parties sur l’exécution de la décision, l’APATS ayant libéré les locaux du 8ème étage dans les deux mois de la signification du jugement frappé d’appel et fourni une garantie à première demande, mais la société Moulinet soutenant, d’une part, que les locaux n’ont pas été entièrement libérés car elle ne peut y accéder qu’aux horaires d’ouverture de l’immeuble fixés par l’APATS, soit entre 8 heures et 21h30, à l’exception des week-ends et jours fériés, d’autre part, que la garantie à première demande produite n’est pas conforme aux termes du jugement et du bail.
C’est ainsi que, par acte du 16 septembre 2022, la société Moulinet a fait délivrer un commandement de quitter les lieux à l’APATS, dont la validité a été reconnue par le juge de l’exécution, par jugement du 4 janvier 2023, celui-ci ayant retenu que la société Moulinet n’avait pas récupéré la pleine jouissance de ses locaux et qu’en conséquence, la clause résolutoire était acquise au profit du bailleur.
La société APATS risque donc d’être expulsée des locaux dans lesquels elle exerce son activité.
Or elle a, à tout le moins, exécuté partiellement le jugement entrepris en libérant entièrement les locaux du 8ème étage de l’immeuble, ainsi qu’en atteste le procès-verbal de constat d’huissier du 12 juillet 2022 qu’elle produit, faisant preuve de bonne foi, même s’il ne peut être contesté qu’en raison de contraintes matérielles tenant à la configuration de l’immeuble et à la sécurité des locaux, la société Moulinet ne peut accéder librement au 8ème étage à toute heure du jour et de la nuit et l’utiliser à usage d’habitation, en contradiction avec le dispositif du jugement entrepris.
Surtout, l’APATS justifie que le centre de santé du Moulinet emploie 109 salariés et constitue une structure sanitaire importante pour le quartier. Ainsi, le maire du [Localité 4] indique dans une lettre du 13 février 2023 que ce centre est « absolument essentiel au 13ème arrondissement », s’agissant d’une « structure sanitaire extrêmement importante puisqu’environ 100 professionnels de santé, dont 50 médecins, y travaillent et qu’elle a accueilli plus de 120.000 visiteurs en 2022 ». Il ajoute qu’« au regard de la situation critique actuelle et du manque de professionnels de santé, la fermeture d’un tel site serait une véritable catastrophe ».
La société Moulinet oppose que l’APATS a déjà bénéficié de délais pour se réinstaller, que le risque de perte de patientèle est inexistant et que l’activité de soins peut être transférée dans d’autres centres de soins exploités par le groupe Doctegestio.
Mais il n’est pas établi que ces centres de soins se situent dans le 13ème arrondissement ou à proximité ni qu’ils puissent accueillir une activité médicale et dentaire aussi importante et variée que celle du centre de santé du Moulinet.
L’exécution de la décision risque donc d’entraîner des conséquences manifestement excessives, de sorte que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est justifiée et sera accueillie, étant précisé que la société Moulinet ne justifie pour sa part d’aucune urgence à récupérer les locaux.
Sur la demande de radiation du rôle de l’affaire formée par la société Moulinet
Selon l’article 524 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
Ainsi que le relève l’APATS, le conseiller de la mise en état a déjà été saisi d’une demande de radiation du rôle de l’affaire par la société Moulinet.
La demande formée devant la juridiction du premier président est donc irrecevable.
Sur les frais et dépens
La société Moulinet sera tenue aux dépens d’appel, sans possibilité de recouvrement direct, l’article 699 du code de procédure civile n’étant pas applicable à la présente procédure où le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.
Elle sera par suite condamnée au paiement de la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Arrêtons l’exécution provisoire dont est assorti le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 10 mai 2022 ;
Déclarons irrecevable la demande de radiation du rôle formée par la société Moulinet ;
Condamnons la société Moulinet aux dépens d’appel ;
La condamnons à payer à l’Association pour la promotion d’un accès pour tous à une offre de soins (APATS) la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
ORDONNANCE rendue par Mme Rachel LE COTTY, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère