11 mai 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/05707
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 11 MAI 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05707 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBWJX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Février 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2018045293
APPELANTE
S.A. MARCADET EXPLOITATION 75 pris en la personne de tout représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 388 348 336
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant
Assistée de Me Hélène CARPENTIER PERON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1362, avocat plaidant
INTIMEES
S.A. MARCADET DISTRIBUTION 75 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 351 564 158
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant
Assistée de Me Laurent AZOULAI de la SELEURL LAMLA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1642, avocat plaidant substitué par Me Perrine CHIAROVANO NORCOTT, avocat au barreau de Versailles, avocat plaidant
SAS PROFIDIS agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de CAEN sous le numéro 323 514 406
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, avocat postulant
Assistée de Me Pauline COSSE de la SCP BARON-COSSE-ANDRE, avocat au barreau de l’EURE, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Gilles BALA’, président de chambre
Madame Sandrine GIL, conseillère
Madame Emmanuelle LEBÉE, magistrate honoraire chargée
de fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l’audience par Madame Emmanuelle LEBÉE, magistrate honoraire chargée de fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Gilles BALA’, président de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Marcadet Distribution 75 (la société Marcadet Distribution) a été créée en 1989. Le capital de cette société est détenu à hauteur des 2/3 par la famille [P], le 1/3 restant étant détenu par la société Profidis, société du groupe Carrefour.
La société Marcadet Distribution a pour président-directeur-général, [O] [P]. Elle a pour objet l’exploitation d’un supermarché sous l’enseigne Champion sis [Adresse 2] à [Localité 3] en vertu d’un bail consenti à effet au 1er octobre 1989 par la société Promodès aux droits de laquelle se trouve la société Soval, également société du groupe Carrefour.
Par contrat en date du 31 août 1992, la société Marcadet Distribution a donné son fonds de commerce en location-gérance, pour une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction pour la même durée, à la société Marcadet Exploitation 75 (la société Marcadet Exploitation), dont les actions sont également détenues par la famille [P] et qui a pour président [I] [P], fils de [O] [P]. la société Marcadet Distribution a exploité le fonds de commerce ainsi donné en location-gérance de manière ininterrompue depuis le 1er septembre 1992.
Le 29 décembre 2008, la société Soval a fait signifier à la société Marcadet Distribution un congé avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction à effet au 30 juin 2009.
Par arrêt en date du 14 juin 2017, définitif après rejet du pourvoi formé par la société Soval, la cour d’appel de Paris a fixé le montant de l’indemnité d’éviction, toutes causes confondues, due par la société Soval à la société Marcadet Distribution, à la somme de 11 188 737 euros, outre les frais de licenciement à payer sur justificatifs et le montant de l’indemnité d’occupation due par la société Marcadet Distribution à la société Soval à la somme de 271 400 euros hors taxes et hors charges par an à compter du 1er juillet 2009. La société Soval a consigné le montant de l’indemnité d’éviction le 31 janvier 2018.
Le 12 février 2018, la société Marcadet Distribution a adressé la lettre suivante à la locataire-gérante du fonds :
« Nos entreprises sont liées par un contrat de location gérance signé le 31 août 1992.
Suite au refus de renouvellement de notre bail par la société Soval, propriétaire des murs, la cour d’appel de Paris s’est prononcée sur le litige. La société Soval a séquestré les fonds relatifs à l’indemnité d’éviction (fixés par la cour d’appel de Paris) le 31 janvier 2018.
Cette consignation nous a été signifiée le 5 février 2018 et nous avons obtenu copie du récépissé de consignation le 12 février.
À terme, cette décision de justice entraînera indirectement la cessation de votre activité. Les négociations que j’envisage de mener avec le groupe carrefour auront pour but d’aménager les délais d’application et la reprise de l’ensemble du personnel de votre entreprise ».
Un protocole signé le 22 mars 2018 par le bailleur, la société Soval, l’ancien preneur, la société Marcadet Distribution, et le nouveau preneur des locaux, la société Coviam 9 (la société Coviam), faisant également partie du groupe Carrefour a prévu que :
– les locaux seront restitués le 3 avril 2018,
– la société Coviam reprendra l’ensemble du personnel,
– elle reprendra le stock de marchandises et en réglera le prix à la société Marcadet Exploitation.
Il n’est pas discuté que l’ensemble de ces dispositions a été exécuté et que la société Marcadet Exploitation a quitté les lieux le 3 avril 2018.
Le 31 juillet 2018, la société Marcadet Exploitation, soutenant en substance que l’exploitation du fonds de commerce n’avait pas cessé et avait été reprise par la société Coviam, a assigné la société Marcadet Distribution devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 12 121 997 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de procédure.
La société Profidis est intervenue à l’instance.
Par jugement en date du 28 février 2020, le tribunal de commerce de Paris, au motif principal que le contrat de location-gérance était devenu caduc, a débouté la société Marcadet Exploitation de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et à payer les sommes de 1 000 euros à la société Marcadet Distribution, 9 000 euros à la société Profidis au titre de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de leurs autres demandes et a ordonné l’exécution provisoire.
La société Marcadet Exploitation a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 25 mars 2020.
MOYENS ET PRÉTENTIONS EN CAUSE D’APPEL
POUR LEUR EXPOSÉ COMPLET, IL EST FAIT RENVOI AUX ÉCRITURES VISÉES CI-DESSOUS :
Vu les conclusions récapitulatives de la société Marcadet Exploitation, en date du 23 juin 2020, tendant à voir la cour infirmer le jugement entrepris, statuer à nouveau, débouter les intimées de leurs demandes, condamner la société Marcadet Distribution à lui payer la somme de 12 121 997 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont la distraction est demandée ;
Vu les conclusions récapitulatives de la société Marcadet Distribution, en date du 21 septembre 2020, tendant à voir la cour confirmer le jugement entrepris, débouter l’appelante de ses demandes, la condamner à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont la distraction est demandée ;
Vu les conclusions récapitulatives de la société Profidis, en date du 7 août 2020, tendant à voir la cour confirmer le jugement attaqué, condamner la société Marcadet Exploitation à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
DISCUSSION
Sur la violation par la société Marcadet Distribution de ses obligations contractuelles :
La prétention de la société Marcadet Exploitation d’obtenir la condamnation de la société Marcadet Distribution à lui payer des dommages-intérêts contractuels suppose qu’elle démontre une inexécution fautive du contrat de location-gérance par le loueur du fonds.
À l’appui de cette prétention, à laquelle les intimées opposent principalement la caducité du contrat de location-gérance, l’appelante soutient que la société Marcadet Distribution a violé la clause de résiliation du contrat de location-gérance, lequel, faute d’être résilié d’un commun accord par les parties, devait être dénoncé par lettre recommandée avec accusé de réception au moins trois mois avant la fin de chaque période annuelle de renouvellement, qu’elle a violé également la clause qui prévoyait expressément que, dans l’hypothèse d’une cession du fonds, « le bailleur s’engage[ait] à prévenir le locataire-gérant et à imposer à son acquéreur la continuation dudit contrat, de manière qu’en aucun cas le droit du locataire-gérant à se maintenir dans les lieux, en dépit de la cession, ne puisse être contesté par l’acquéreur », qu’il ressort clairement du protocole d’accord du 22 mars 2018 dont elle a été écartée que le fonds de commerce de supermarché sous l’enseigne Champion a bien été repris par la société Coviam sans qu’à cette date, alors que la société Marcadet Exploitation en était encore locataire-gérante, elle n’y soit partie ni même conviée à y participer et puisse faire valoir son droit à se maintenir dans les lieux.
Cependant, le contrat de location-gérance prévoit à l’article « désignation du fonds de commerce » que celui-ci comprend, notamment, le droit au bail des lieux où le fonds est exploité, pour le temps qui lui reste à courir.
En l’espèce, le bail a pris fin le 30 juin 2009 par l’effet du congé signifié le 29 décembre 2008 par la société Soval, qui a entraîné la perte du fonds, le preneur ayant droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction due par le bailleur. Le contrat de location-gérance s’est donc reconduit de façon précaire au titre du seul droit au maintien dans les lieux du loueur jusqu’à la consignation du montant de l’indemnité d’éviction.
Ce droit au maintien dans les lieux a cessé dès la consignation de l’indemnité d’éviction de sorte que le loueur du fonds n’avait ni à résilier un contrat de location-gérance qui avait pris fin le 30 juin 2009 à l’expiration du bail portant sur les lieux où le fonds était exploité, ni à imposer au nouveau locataire choisi par le bailleur le maintien de ce contrat de location-gérance.
En l’absence de faute commise par la société Marcadet Distribution dans l’exécution du contrat de location-gérance, la fin du bail étant indépendante de sa volonté, la société Marcadet Exploitation sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts, sans qu’il y ait lieu d’examiner les moyens des intimées relatifs à la caducité du contrat de location-gérance.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement entrepris sera confirmé sur l’indemnité de procédure allouée.
L’appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à chacune des intimées, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne la société Marcadet Exploitation 75 à payer à chacune des sociétés Marcadet Distribution 75 et Profidis la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en auront fait la demande.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT