Indemnité d’éviction : 11 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01860

·

·

Indemnité d’éviction : 11 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01860
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

11 janvier 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/01860

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre 4-2

(Anciennement 6ème chambre)

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JANVIER 2024

N° RG 21/01860 – N° Portalis DBV3-V-B7F-USG5

AFFAIRE :

[R] [S]

C/

SAS CARGLASS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 18/02541

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ghislain DADI

Me Claire RICARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 09 novembre 2023 et prorogé au 21 décembre 2023 puis au 11 janvier 2024, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur [R] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

APPELANT

****************

SAS CARGLASS

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 et Me Marie-emilie DUTRAIN de la SELARL DUTRAIN AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Rappel des faits constants

La SAS Carglass, dont le siège social est situé à [Localité 5] dans les Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le commerce de détail d’équipements automobiles. Elle emploie environ cent salariés et applique la convention collective nationale des services du commerce et réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle, activités connexes, contrôle technique automobile, du 15’janvier 1981.

M. [S], né le 22’octobre 1983, a été engagé par cette société, d’abord selon contrat de travail à durée déterminée du 1er’juin 2015, puis selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er’octobre 2015, en qualité de préparateur de commandes, statut ouvrier.

Après un entretien préalable qui s’est déroulé le 31’janvier 2017, M. [S] s’est vu notifier son licenciement pour faute simple, par lettre datée du 13’février 2017, dans les termes suivants’:

«’Le 17’janvier 2017, votre chef d’équipe, M. [B], vous a demandé de faire 11 bulks, une fois vos préparations de commandes terminées. Il s’agissait de réapprovisionner les articles liés à la préparation de commandes, à l’aide du chariot élévateur de type C5, pour les besoins de nos sites de distribution de [Localité 6] et [Localité 4]. Vous avez alors refusé, prétextant que cela ne faisait pas partie de vos attributions.

Cependant, un peu plus tard dans la soirée, votre chef d’équipe vous a surpris sur un chariot de type C5 pour faire des bulks liées à la préparation de commandes qui vous avaient été initialement confiées.

Lorsque vous avez été rencontré par vos managers le 19’janvier 2017, vous avez réaffirmé votre intention de ne pas faire de bulks ou de monter sur un chariot C5.

A l’issue de cet échange, de retour à votre poste de travail dans l’entrepôt, vous avez tenu des propos sans équivoque sur vos intentions envers la société : «’ils veulent me faire chier, moi aussi je vais les faire chier ».

Lors de l’entretien du 31’janvier 2017, vous avez confirmé que votre refus d’effectuer les bulks demandés par votre chef d’équipe était délibéré.

Vous n’êtes pourtant pas sans savoir que la mission de l’équipe à laquelle vous appartenez consiste à préparer les commandes et assurer les départs camions afin que nos centres soient livrés pour intervenir sur les véhicules de nos clients dans les délais. Assurer les bulks fait partie intégrante de cette mission.

Votre attitude est inacceptable et pénalisante pour votre équipe. Dans la mesure où vous êtes titulaire du Caces 1.3.5, et donc habilité à utiliser le chariot de type C5, il est naturel de solliciter votre polyvalence pour permettre à l’ensemble de l’équipe à laquelle vous appartenez d’assurer les départs camions et ainsi de contribuer à la prestation attendue par nos clients dans les délais. Votre refus d’effectuer les tâches demandées est d’autant plus surprenant que vous n’hésitez pas à utiliser le chariot élévateur lorsque cela vous arrange. Votre comportement est donc également provoquant à l’égard de votre manager.

S’agissant de vos propos tenus à l’encontre de votre hiérarchie, nous considérons qu’ils sont menaçants et totalement inadaptés au sein de l’entreprise. Ils vont à l’encontre de l’une de nos valeurs essentielles, à savoir le respect.’»

M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre en contestation du bien-fondé de son licenciement par requête reçue au greffe le 3’mai 2017.

En cours de procédure devant le conseil de prud’hommes, il a demandé la nullité de son licenciement pour violation des droits de la défense.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 13 avril 2021, la section commerce du conseil de prud’hommes de Nanterre a’:

– déclaré les demandes au titre de la nullité du licenciement de M. [S] irrecevables,

– dit que le licenciement de M. [S] par la société Carglass est fondé,

– débouté M. [S] de l’ensemble de ses demandes et prétentions,

– reçu la demande de la société Carglass au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de M. [S] mais n’y a pas fait droit,

– condamné M. [S] aux entiers dépens de l’instance.

M. [S] avait formulé les demandes suivantes:

à titre principal,

– dire et juger que le licenciement est nul,

– fixer son salaire brut mensuel à la somme de 2 017,44 euros,

– ordonner sa réintégration à son poste de travail,

– rappel de salaire au titre de la nullité du licenciement (restant à parfaire jusqu’à la date de réintégration) : 93 810,96 euros,

– congés payés afférents (restant à parfaire jusqu’à la date de réintégration)’: 9 381,09 euros,

subsidiairement,

– dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause et à défaut de réintégration,

– indemnité compensatrice de préavis (reliquat)’: 517,44 euros,

– congés payés afférents’: 51,74 euros,

– indemnité de licenciement (reliquat)’: 155,60 euros,

– indemnité pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse’: 12’104,64’euros,

– dire que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l’envoi à la défenderesse de la convocation au bureau de conciliation (article 1231-7 du code civil) et capitalisation des intérêts,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir (article 515 du code de procédure civile),

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Carglass aux dépens.

La société Carglass avait, quant à elle, conclu à titre liminaire à l’irrecevabilité de la demande de nullité du licenciement de M. [S] qui ne figurait pas dans la saisine initiale, au débouté du surplus de ses demandes, et avait sollicité la condamnation du salarié à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure d’appel

M. [S] a interjeté appel du jugement par déclaration du 15 juin 2021 enregistrée sous le numéro de procédure 21/01960.

Par ordonnance rendue le 28 juin 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 7 septembre 2023.

Prétentions de M. [S], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 6 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [S] demande à la cour d’appel de’:

– infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

– fixer son salaire mensuel moyen à 2 017,44 euros,

à titre principal,

– débouter la société de sa demande d’irrecevabilité de la nullité du licenciement,

– dire et juger son licenciement nul,

– ordonner sa réintégration à son poste de travail,

– condamner la société Carglass à lui payer les sommes suivantes :

. rappel de salaire au titre de la nullité du licenciement’: 93 810,96 euros (restant à parfaire jusqu’à la date de réintégration),

. congés payés afférents’: 9 381,09 euros (restant à parfaire jusqu’à la date de réintégration),

à titre subsidiaire,

– dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause, et à défaut de réintégration,

– condamner la société Carglass au paiement des sommes suivantes :

. indemnité compensatrice de préavis (reliquat)’: 517,44 euros,

. congés payés afférents: 51,74 euros,

. indemnité de licenciement (reliquat)’: 155,60 euros,

. indemnité pour licenciement nul et subsidiairement, sans cause réelle ni sérieuse’: 12’104,64’euros,

– dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1154 devenu l’article 1343-2 du code civil,

– condamner la société Carglass à lui verser la somme de 4 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Carglass aux dépens.

Prétentions de la société Carglass, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 21 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Carglass demande à la cour d’appel de :

– débouter M. [S] de son appel,

– confirmer en toutes ses dispositions, à l’exception de l’article 700 du code de procédure civile, le jugement dont appel,

ce faisant,

– fixer le salaire mensuel de M. [S] à la somme de 1 913,41 euros,

– déclarer irrecevable la demande de nullité du licenciement formulée par M. [S] et, subsidiairement, rejeter le moyen sur la violation des droits à la défense de M. [S],

– confirmer le licenciement pour faute de M. [S] en ce qu’il est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– confirmer son calcul sur l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement en déboutant M. [S] de sa demande de complément d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité de licenciement,

en conséquence,

– débouter M. [S] de l’intégralité de ses demandes, aucune preuve de l’existence du moindre préjudice n’étant rapportée par M. [S],

– condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner M. [S] aux entiers dépens.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la nullité du licenciement

M. [S] demande que soit prononcée la nullité de son licenciement, motif pris de la violation des droits de la défense tandis que la société Carglass s’oppose à la demande mais fait valoir à titre préalable l’irrecevabilité de cette demande présentée en cours de procédure devant le conseil de prud’hommes.

S’agissant de la recevabilité de la demande

La société Carglass soutient que M. [S] a modifié ses demandes initiales en ajoutant avant la tenue du bureau de jugement, à la seule et unique demande qu’il présentait, soit le versement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une nouvelle demande fondée sur la nullité de son licenciement.

Elle soutient que cette demande nouvelle de nullité du licenciement est irrecevable en ce qu’elle ne présente aucun lien avec la demande principale de licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée lors de la saisine du conseil de prud’hommes, que la première demande reposait sur la contestation du motif du licenciement et tendait à voir reconnaître le licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages-intérêts à ce titre tandis que la nouvelle demande est fondée sur un moyen différent tenant à une prétendue violation des droits de la défense et tend à voir reconnaître la nullité du licenciement et à obtenir la réintégration du salarié ainsi que des rappels de salaire.

M. [S] conteste cette prétention, soutenant qu’il a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de contestation de son licenciement, qu’il est donc bien fondé à solliciter la nullité de son licenciement à titre principal au cours de la procédure prud’homale dès lors que la demande additionnelle se rattache par un lien suffisant aux demandes initiales.

L’alinéa 1er de l’article 70 du code de procédure civile dispose’: «’Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant’».

Il est constant qu’en l’espèce, M. [S] a d’abord saisi le conseil de prud’hommes d’une contestation du bien-fondé de son licenciement puis qu’il a présenté en cours de procédure devant le conseil de prud’hommes des demandes additionnelles tendant au prononcé de la nullité de son licenciement pour violation des droits de la défense avec en conséquence une demande de réintégration et une demande en paiement d’une indemnité d’éviction.

Ces demandes, en ce qu’elles portent sur le même contrat de travail et sur la rupture de celui-ci, constituent toutes les deux des demandes qui tendent à obtenir l’indemnisation des conséquences du licenciement que le salarié estime injustifié.

Dans ces conditions, il sera retenu que les demandes additionnelles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Elles seront déclarées recevables, par infirmation du jugement entrepris.

S’agissant de la violation des droits de la défense

A l’appui de sa demande de nullité, M. [S] explique qu’à la suite de sa convocation à entretien préalable, il a écrit à son employeur par fax et par courrier recommandé du 23 janvier 2017, lui précisant qu’il ignorait totalement les griefs retenus à son encontre et que dans ces conditions il ne pouvait pas se défendre, qu’il a alors sollicité d’une part, la communication des griefs par courriel, d’autre part l’accès à son dossier personnel trente minutes avant l’entretien afin de prendre connaissance des éléments à charge contre lui. Il indique qu’il a pu consulter son dossier personnel trente minutes avant l’entretien mais n’y a trouvé aucun élément au sujet des faits reprochés, ni aucune attestation, alors que l’employeur a indiqué lors de l’entretien préalable, détenir des courriels et des preuves des griefs avancés. Il soutient que ses droits n’ont pas été respectés.

En défense, la société Carglass soutient qu’elle n’était pas tenue par le code du travail d’inclure d’autres éléments que ceux d’ordre administratif au dossier du salarié, qu’elle a ainsi satisfait à ses obligations et n’a pas méconnu les droits du salarié.

L’article 7 de la Convention n°158 de l’OIT stipule qu’«’un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées’».

Il est constant que l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à un licenciement et la tenue d’un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté pour se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et au respect des droits du salarié.

Par ailleurs, la décision que l’employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder ont vocation, le cas échéant, à être discutés devant les juridictions de jugement, le respect des droits de la défense n’imposant pas que le salarié ait accès au dossier avant l’entretien préalable.

Il est observé que la lettre de convocation à l’entretien préalable que la société Carglass a adressée à M. [S] le 20 janvier 2017 énonce’: «’Nous sommes au regret de vous informer que nous sommes amenés à envisager à votre égard une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. En vertu de l’article L. 1232-2 du code du travail, nous vous demandons de bien vouloir vous présenter à un entretien préalable à cette éventuelle mesure (…)’» (pièce 4 du salarié).

Par ailleurs, il résulte du compte rendu de l’entretien préalable que M. [S] était assisté lors de cet entretien par M. [D], représentant de section syndicale (RSS) de la société Carglass (pièce 9 du salarié).

C’est donc de façon inopérante que M. [S] invoque une violation de l’article 7 de la Convention OIT n°158 et que le dossier qui lui a été communiqué ne contenait aucun élément sur les faits qui lui étaient reprochés.

Il sera débouté de sa demande de nullité du licenciement ainsi que des demandes subséquentes.

Sur le bien-fondé du licenciement

L’article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

L’article L. 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties. En application de l’article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé de faits matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, il est reproché deux griefs à M. [S]’:

– avoir refusé d’effectuer des tâches de préparateur de commandes (les bulks),

– avoir tenu des propos menaçants à l’égard de ses supérieurs.

Il convient d’apprécier d’abord la réalité des faits reprochés au salarié puis le cas échéant leur sérieux.

Sur la réalité des faits reprochés au salarié

S’agissant du refus d’effectuer des bulks

La lettre de licenciement énonce’précisément que, le 17’janvier 2017, le chef d’équipe de M.'[S] lui a demandé de faire 11 bulks, une fois ses préparations de commandes terminées à l’aide du chariot élévateur, que M. [S] a cependant refusé d’exécuter cette tâche, prétextant que cela ne faisait pas partie de ses attributions, que malgré ce refus, un peu plus tard dans la soirée, le chef d’équipe l’a surpris, exécutant les bulks qui lui avaient été demandés.

La société Carglass fait ainsi grief à M. [S] d’avoir délibérément refusé d’obéir aux instructions de son supérieur hiérarchique alors qu’il disposait de la qualification et du diplôme pour effectuer des bulks, qu’il avait réalisé cette tâche plusieurs fois par le passé et que cette demande ne modifiait en rien le contrat de travail, ni le contenu du poste.

De son côté, M. [S] conteste ce grief, motif pris que cette tâche ne faisait pas partie de ses fonctions et qu’il n’avait donc pas à se soumettre à cet ordre. Il explique que la tâche de préparateur de commande doit être distinguée de celle de cariste ou bulkeur, qui implique de prendre les pare-brises sur racks en hauteur. Il se prévaut également des termes de sa fiche de poste qui, selon lui, ne prévoit pas cette tâche.

Il souligne la duplicité de l’employeur qui l’a engagé en qualité de simple préparateur de commande mais qui n’hésitait pas à mettre à profit ses compétences pour exécuter des tâches relevant d’un poste plus qualifié et mieux rémunéré.

Il explique son refus d’exécuter une mission le 17 janvier 2017 compte tenu des compétences requises, des risques induits, de sa santé déjà fragilisée et de l’absence de contreparties pécuniaires en découlant. Il souligne avoir quand même fini par s’exécuter, ce que son employeur a reconnu.

Ainsi, M. [S] ne remet pas en cause le fait qu’il a en effet refusé d’exécuter la tâche que lui a commandée son supérieur hiérarchique mais estime son refus légitime.

Toutefois, il doit être tenu compte du fait que M. [S] est bien titulaire du Caces 1-3-5 lui permettant de conduire des chariots de type C5, ainsi que cela résulte du diplôme produit (pièce 14 de l’employeur) et du curriculum vitae du salarié mentionnant sa qualité d’agent logisticien cariste (pièce 15 de l’employeur).

Il doit également être pris en compte le fait que lors d’un entretien professionnel le 27 janvier 2016, M. [S] a fait savoir à la société qu’il souhaitait développer ses compétences et être formé sur le chariot de type C5 pour faire des bulks, ce dont la société Carglass a pris acte en fixant des objectifs au salarié en ce sens visant à développer sa polyvalence et en le sollicitant pour effectuer différentes tâches selon les besoins de l’activité (pièce 16 de l’employeur).

Il est confirmé par cinq salariés, Mme [W], M. [O], M. [M], M. [Y] et M. [B], que M. [S] a été amené à effectuer à plusieurs reprises des bulks de la même façon que ses autres collègues préparateurs de commandes (pièces 8, 17, 18, 31 et 32 de l’employeur), le salarié ne justifiant pas avoir émis la moindre contestation à ce sujet.

Enfin, la société Carglass fait valoir qu’elle souhaite valoriser la polyvalence sur le site afin d’être en mesure de répondre aux commandes dans les meilleures conditions qui soient et produit pour en justifier les attestations de Mme [W] et de M. [O] (ses pièces 31 et 32), lesquelles confirment qu’il était de pratique courante de demander, ponctuellement, pour les nécessités de l’activité, à un préparateur de commandes titulaire du Caces 1-3-5 et habilité à conduire des chariots de type C5, de réaliser des bulks.

En conséquence, au-delà des termes du contrat de travail de M. [S] et de ceux de sa fiche de poste, qui ne visent effectivement pas cette tâche précise, les considérations ci-dessus retenues conduisent à dire que son refus d’exécuter des bulks, le 17 janvier 2017, était effectivement fautif. Le grief est matériellement établi.

S’agissant des propos menaçants tenus par le salarié

La lettre de licenciement énonce à ce sujet que M. [S] a tenu des propos violents et injurieux à l’encontre de la direction devant plusieurs de ses collègues de travail en ces termes’: «’Ils veulent me faire chier. Moi aussi je vais les faire chier’».

M. [S] conteste avoir tenu les propos qui lui sont attribués et ajoute qu’il souffrait d’une lombalgie aiguë, était placé en arrêt maladie depuis le 23 janvier 2017 et ne pouvait effectuer des tâches de cariste au risque de la violation de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Les propos prêtés à M. [S] ont été confirmés par Mme [L] lors de l’entretien préalable (pièce 24 de l’employeur) et sont corroborés par un courriel de M. [H], salarié de l’entreprise (pièce 9 de l’employeur).

M. [S], de son côté, ne produit aucun élément de preuve utile.

Au vu des éléments en présence, il sera retenu que ces propos ont effectivement été tenus, de surcroît devant des collègues de travail. Le grief est matériellement établi.

Sur le sérieux des griefs matériellement établis

Le refus injustifié du salarié d’exécuter une tâche et les propos injurieux émis à l’encontre de sa direction justifient la rupture du contrat de travail, malgré l’absence d’antécédents disciplinaires laquelle doit être cependant relativisée par la très faible ancienneté du salarié.

Le licenciement pour faute simple prononcé par la société Carglass à l’égard de M.'[S] est dans ces conditions bien fondé.

Il s’ensuit le débouté de M. [S] de l’ensemble de ses demandes contraires, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le reliquat d’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis

M. [S] conteste le montant des indemnités qui lui ont été versées, prenant en compte un salaire de référence de 2 017,44 euros alors que l’employeur a retenu un salaire de référence de 1’913,41 euros.

La société Carglass s’oppose à ces demandes, soutenant avoir parfaitement calculé l’indemnité de licenciement et avoir versé une indemnité compensatrice de licenciement.

S’agissant de l’indemnité de licenciement

M. [S] a reçu la somme de 685 euros à ce titre. Il soutient qu’il aurait dû recevoir la somme de 840,60 euros, sans s’expliquer précisément sur son calcul.

L’article L. 1234-9 du code du travail dispose’: «’Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire ».

L’article R. 1234-2 du même code prévoit’: «’L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.’».

L’article R. 1234-4 énonce’: «’Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.’»

Au vu de l’attestation destinée à Pôle emploi sur laquelle figurent les salaires des 12 mois civils complets précédant le dernier jour travaillé et payé, le tiers des trois derniers mois s’élève à 1 501,66 euros et la moyenne mensuelle des douze derniers mois s’élève à 1 677,66 euros, cette dernière étant la plus favorable au salarié.

L’ancienneté de M. [S] est d’1 an et 8 mois, depuis le 1er juin 2015, date du CDD suivi du CDI, jusqu’au 14 mars 2017, préavis d’un mois inclus.

Sur ces bases, le calcul s’établit ainsi’:

(1 677,66 X ¿) + (1 677,66 X ¿ X 8/12) = 699 euros, soit un rappel dû au salarié de 14 euros, auquel la société Carglass sera tenue, par infirmation du jugement entrepris.

S’agissant de l’indemnité compensatrice de préavis

M. [S] a reçu la somme de 1 500 euros à ce titre. Il soutient qu’il aurait dû recevoir la somme de 2 017,44 euros, reprenant le salaire de référence tel qu’il l’a déterminé ci-avant.

Aux termes de l’article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice, l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraînant aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

Au vu des bulletins de salaire de M. [S], le salaire brut qu’il aurait perçu pendant le préavis doit être fixé à la somme de 1 624 euros.

La société Carglass sera en conséquence condamnée à verser à M. [S] la différence, soit la somme de 124 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 12,40 euros au titre des congés payés afférents, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur. Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation pour les créances contractuelles et à compter de la décision, qui en fixe le principe et le montant, pour les créances indemnitaires.

En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de préciser que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Compte tenu de la teneur de la décision rendue, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu’il a mis les dépens à la charge de M. [S] et confirmé en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de procédure.

Pour la même raison, chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle aura engagés en première instance et en cause d’appel et pour des considérations tirées de l’équité, elles seront déboutées de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article’700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 13 avril 2021, excepté en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de nullité du licenciement, en ce qu’il a débouté M. [R] [S] de ses demandes de reliquats d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et en ce qu’il a condamné M. [R] [S] au paiement des dépens de première instance,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT recevable la demande de nullité du licenciement,

DÉBOUTE M. [R] [S] de sa demande de nullité du licenciement ainsi que de ses demandes de réintégration, d’indemnité d’éviction et de congés payés afférents,

CONDAMNE la SAS Carglass à payer à M. [R] [S] les sommes suivantes’:

. 14 euros à titre de reliquat d’indemnité de licenciement,

. 124 euros à titre de reliquat d’indemnité compensatrice de préavis,

. 12,40 euros au titre des congés payés afférents,

CONDAMNE la SAS Carglass à payer à M. [R] [S] les intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation pour les créances contractuelles et à compter de l’arrêt pour les créances indemnitaires,

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

CONDAMNE chaque partie à conserver la charge des dépens qu’elle aura engagés,

DÉBOUTE M. [S] de sa demande présentée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS Carglass de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x