Indemnité d’éviction : 11 janvier 2024 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04946

·

·

Indemnité d’éviction : 11 janvier 2024 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04946
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

11 janvier 2024
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/04946

N° RG 21/04946 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I67L

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 11 JANVIER 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE DIEPPE du 02 Décembre 2021

APPELANTE :

Madame [D] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

présente

représentée par Me Stéphane PASQUIER de la SELARL PASQUIER, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Association AIDE RURALE PAYS DE BRAY ‘LA BRECHE’

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Rose Marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me Mélanie DERNY, avocat au barreau de DIEPPE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 22 Novembre 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 22 novembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 janvier 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 11 Janvier 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [D] [M] a été engagée par l’association Aide rurale du Pays de Bray en qualité d’aide médico-psychologique par le biais d’un contrat unique d’insertion à durée déterminée pour la période du 26 septembre 2016 au 26 septembre 2017, puis son contrat s’est poursuivi en contrat à durée indéterminée suite à une requalification ordonnée par le conseil de prud’hommes le 14 septembre 2017.

Elle a été licenciée pour faute grave le 17 novembre 2017 dans les termes suivants :

‘(…) Nous vous rappelons que vous avez été embauchée par l’association sous contrat à durée déterminée à terme précis (contrat unique d’insertion-CUI) à compter du 26 septembre 2016 jusqu’au 26 septembre 2017 inclus en qualité d’aide médico-psychologique au sein du foyer d’hébergement.

Et que par jugement du 14 septembre 2017, assortie de l’exécution provisoire, le Conseil de prud’hommes a ordonné la requalification de votre contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Aussi et en exécution de cette décision, la relation de travail s’est poursuivie sous contrat à durée indéterminée à compter du 26 septembre 2017, étant rappelé que l’association a fait appel de cette décision.

Et, dès le mercredi 27 septembre 2017, à votre prise de poste à 14h30, vous vous êtes empressée de vous rendre dans le bureau du foyer afin de vous vanter auprès de l’un de vos collègues de travail M. [A] [C] de cette décision prud’homale.

Mais loin de vous limiter à l’expression de votre satisfaction quant à cette décision, vous avez délibérément, sans retenue, sur un ton peu amène et en présence de M. [L], volontairement indiqué à M. [A] [C] qu’entre vous et lui, l’un des deux était de trop au sein de la structure au regard du budget octroyé au foyer d’hébergement.

Et lui avez alors, de façon jubilatoire, clairement précisé que l’obtention d’un contrat à durée indéterminée vous préservait d’une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique, ce qui n’était pas son cas puisqu’en sa qualité de dernier entré il allait être, sans aucun doute possible, licencié.

Particulièrement choqué, désappointé et bouleversé tant par vos affirmations que par le ton employé, M. [A] [C] a ressenti le besoin d’en parler, à certains de ses collègues de travail, lesquels, estimant que vos propos étaient totalement inacceptables, les ont sans attendre rapportés aux délégués du personnel.

C’est dans ces conditions que M. [E] [W] a été informé de la situation.

Afin de se prémunir contre tout malentendu, M. [E] [W] a alors considéré légitimement devoir rencontrer :

– d’une part, M. [A] [C] afin que l’intéressé lui relate sa version de la situation,

– d’autre part, les autres salariés du foyer, afin de recueillir leurs explications.

Et à cette occasion, M. [E] [W] a appris que loin de vous limiter à la profération délibérée de menaces non dissimulées vis-à-vis de l’un de vos collègues quant à son devenir dans l’entreprise, vous entreteniez un climat volontairement délétère au sein du foyer tant auprès des usagers que de vos collègues de travail.

Vos collègues de travail lui ont ainsi fait part de leur réticence à travailler avec vous et du mal être au travail généré par votre attitude quotidienne.

Et il a été alors porté à la connaissance de M. [E] [W] qu’au mépris des consignes données :

– Il vous arrive d’emmener des usagers à votre domicile personnel,

– Vous tenez auprès de certains d’entre eux des propos dépassant le cadre des sujets pouvant être abordé en entretien ce qui génère chez eux du stress, de l’angoisse et des tensions,

– vous refusez assez régulièrement de réaliser certaines demandes des usagers ou les déléguez en renvoyant l’usager reformuler sa demande auprès d’un autre collègue,

– vous n’hésitez pas à chercher à obtenir avec insistance des personnes que vous côtoyez des informations d’ordre privé ou professionnel afin de pouvoir les réutiliser ensuite au détriment du collègue concerné ou de l’établissement.

Ces griefs vous ont été exposés lors de l’entretien préalable qui s’est tenu le 10 novembre dernier et vous avez pu vous en expliquer.

Vous n’avez pas nié avoir tenu les propos rapportés par [A] [C] mais avez simplement répondu que selon vous les faits dataient de plus de deux mois et que nous ne pourrions donc plus les sanctionner.

S’agissant du grief relatif aux usagers que vous avez emmenés à votre domicile, vous avez alors expliqué à M. [E] [W] que vous étiez allée faire des courses à [Localité 5] pour des usagers en leur présence mais également des courses pour vous même, que vous avez déposées ensuite chez vous et que vous avez fait visiter votre maison à cette occasion.

Concernant le reproche qui vous est fait de refuser de réaliser certaines demandes des usagers, vous avez tenté de vous justifier en indiquant que dans l’organisation, il vous arrivait d’échanger certaines tâches avec ses collègues.

Nous considérons qu’une telle situation ne peut perdurer en ce qu’elle :

– conduit inévitablement à des tensions à l’origine d’une dégradation du climat des relations quotidiennes avec vos collègues peu propice à l’exécution sereine du travail, mais aussi et surtout génératrice d’un mal-être qui n’est pas tolérable,

– engendre nécessairement des répercussions auprès des usagers, toutes aussi intolérables,

– traduit au surplus une volonté de porter atteinte aux règles les plus élémentaires de bienséance et de discipline que nous ne pouvons tolérer.

Il s’agit là de manquements manifestes à vos obligations contractuelles.

L’ensemble de ces faits, en regard de leur gravité et de leur persistance, ne permet plus votre maintien dans l’association, situation qui nous contraint à vous licencier pour fautes graves privatives de toute indemnité de rupture.

Votre contrat de travail prendra donc fin dès l’envoi du présent courrier. […]

Enfin, vous avez considéré devoir adresser par recommandé avec AR et par voie électronique à M. [E] [W] un courrier daté du 12 novembre 2017, reçu par ses soins le 13  novembre 2017.

Dans ce courrier, vous estimez devoir lui faire part de ‘[votre] déstabilisation à la suite de l’entretien pour sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, auquel [nous vous avons] convoquée ce vendredi 10 novembre’.

Vous n’hésitez pas à travestir la réalité de la situation et des faits ainsi que le déroulement de l’entretien préalable.

Vous seule, lors de cet entretien préalable, avez fait état de la procédure prud’homale que vous avez engagée en indiquant que vous étiez protégée par le jugement rendu.

Nous sommes persuadés que la lettre que vous avez adressée à M. [E] [W] a uniquement pour but de laisser entendre que la procédure engagée à votre encontre serait la conséquence de votre action prud’homale, alors que tel n’est pas le cas.

Aussi, nous tenons à vous préciser que votre argumentation dénuée de tout fondement ne saurait en aucun cas vous exonérer des manquements graves aux devoirs les plus élémentaires de votre fonction ainsi qu’à vos obligations contractuelles que vous n’avez pas manqué de commettre avec une conscience et une volonté parfaitement établies et non dissimulées.

Et que, contrairement à ce que vous laissez entendre, la mesure de licenciement pour fautes graves que nous vous notifions par la présente est la conséquence directe d’une situation que vous avez vous-même créée en adoptant un comportement parfaitement inacceptable à l’égard de vos collègues et en vous refusant délibérément à respecter les consignes de votre hiérarchie.

Sachez que M. [E] [W] et nous-mêmes réfutons catégoriquement l’analyse que vous faites de la situation ainsi que l’ensemble de vos propos de même que les conclusions que vous semblez vouloir en tirer.

Et nous ne pouvons souscrire, l’un comme l’autre, à une telle démarche que nous dénonçons vigoureusement, ce que nous tenions à vous faire savoir. (…)’

Par requête du 19 juin 2018, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Dieppe en nullité de la rupture, ainsi qu’en paiement de rappel de salaires et indemnités.

Par jugement du 2 décembre 2021, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a déclaré recevable la demande de réintégration de Mme [M], a dit que le licenciement reposait sur une faute grave, a condamné l’association Aide rurale du Pays de Bray-La Brèche à payer à Mme [M] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale journalière et a débouté les parties du surplus de leurs demandes, disant qu’il serait fait masse des dépens qui seraient supportés par les deux parties à concurrence de la moitié chacune.

Mme [M] a interjeté appel de cette décision le 30 décembre 2021.

Par conclusions remises le 21 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Mme [M] demande à la cour d’infirmer le jugement et statuant à nouveau, de :

– à titre principal,

– juger son licenciement nul et ordonner sa réintégration avec toutes les conséquences de droit afférentes (rappel de salaires chiffrés à la somme de 132 720,15 euros bruts, montant fixé au 31 octobre 2023, outre la somme de 13 272,01 euros bruts au titre des congés payés, étant précisé que ces montants seront actualisés en fonction des délais d’audiencement de la cour, et les salaires redevables jusqu’à la réintégration effective de Mme [M]), la réintégration étant ordonnée sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la notification de la décision à intervenir jusqu’à la réintégration effective par l’association,

– ordonner la remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard d’un bulletin de salaire afférent à la période située entre le licenciement et la réintégration effective, la chambre sociale près la Cour d’appel de Rouen se réservant la liquidation desdites astreintes passé le délai de trois mois suivant la notification de la décision à intervenir,

– à titre subsidiaire,

– juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’association Aide rurale du Pays de Bray ‘La Brèche’ à lui payer les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement nul, et en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse : 15 000 euros

indemnité de licenciement : 516,89 euros

indemnité de préavis : 1 772,21 euros

congés payés afférents : 177,22 euros

– en tout état de cause,

– condamner l’association Aide rurale du Pays de Bray ‘La Brèche’ à lui payer les sommes suivantes :

rappel d’heures supplémentaires : 4 341,56 euros

congés payés afférents : 434,15 euros

dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires : 1 623,91 euros

congés payés afférents : 162,39 euros

dommages et intérêts pour travail dissimulé : 10 633,26 euros

dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales hebdomadaires de travail : 5 000 euros

dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes au travail : 1 000 euros

dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires : 5 000 euros

dommages et intérêts pour non-respect des repos suite au travail de nuit : 5 000 euros

– ordonner la rectification des documents sociaux sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir,la chambre sociale près la cour d’appel de Rouen se réservant la liquidation desdites astreintes passé le délai de trois mois suivant la notification de la décision à intervenir,

– faire courir les intérêts à taux légal à compter de la date du jugement rendu par le conseil de prud’hommes sur les créances de nature salariale et à compter de la date de l’arrêt de la cour d’appel sur les créances de nature indemnitaire,

– ordonner la capitalisation des intérêts dès lors que les intérêts courront depuis plus d’un an à compter de la date de signification de la décision à intervenir,

– condamner l’association Aide rurale du Pays de Bray ‘La Brèche’ à lui régler la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais de signification de la décision à intervenir.

Par conclusions remises le 25 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, l’association Aide rurale du Pays de Bray ‘La Brèche’ demande à la cour de :

– ordonner le renvoi de l’audience en ce que Mme [M] a méconnu le principe directeur du contradictoire et, à titre subsidiaire, écarter des débats les dernières écritures et pièces numérotées 24 à 31 versées aux débats par Mme [M] le 10 octobre 2023,

– constater l’irrecevabilité des demandes nouvelles principales et prescrites relatives à la réintégration de la salariée et ses demandes financières en conséquence, telles que formulées pour la première fois aux termes de ses conclusions responsives n°2 adressées le 1er octobre 2020,

– débouter Mme [M] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a jugé recevable la demande de réintégration de Mme [M], l’a condamnée à verser à Mme [M] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale journalière, l’a déboutée de sa demande indemnitaire au titre des heures supplémentaires et de celle relative à l’article 700 du code de procédure civile et a dit qu’il serait fait masse des dépens et qu’ils seraient supportés par les deux parties à concurrence de la moitié chacune,

– l’infirmant de ces chefs et statuant à nouveau,

– déclarer irrecevables les demandes nouvelles principales et prescrites relatives à la réintégration de la salariée et ses demandes financières en conséquence, telles que formulées pour la première fois aux termes de ses conclusions responsives n° 2 adressées le 1er octobre 2020,

– débouter Mme [M] de sa demande indemnitaire au titre du dépassement pour la durée maximale journalière,

– condamner Mme [M] à lui rembourser la somme de 1 526,69 euros au titre du trop-perçu pour les heures supplémentaires,

– condamner Mme [M] au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 22 novembre 2023 avant l’ouverture des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, et conformément à l’article 954 du code de procédure civile, il convient de relever que Mme [M] ne demande pas à la cour d’écarter les pièces 25, 26, 28, 29 et 31 au terme du dispositif de ses conclusions, aussi, ne sera t-il pas statué sur cette demande.

I – Sur la demande de renvoi et de retrait de pièces

Il ne peut qu’être relevé qu’il n’est pas sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture, sachant que celle-ci, initialement envisagée le 26 octobre, a été reportée au 22 novembre 2023 avant l’ouverture des débats afin de laisser à l’association Aide rurale Pays de Bray le temps de répondre aux conclusions déposées tardivement par Mme [M] les 10 et 26 octobre 2023.

De même, ce délai lui a laissé le temps utile pour répondre aux nouvelles pièces déposées le 10 octobre 2023 comme en témoignent les nouvelles conclusions et pièces qu’elle a déposées en réponse.

Dès lors, il n’y a pas lieu d’écarter les pièces 24 à 31 déposées par Mme [M] le 10 octobre 2023.

II – Sur l’exécution du contrat de travail

1. Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Relevant que ni le régime des heures d’équivalence, ni le travail de nuit n’ont été mentionnés sur son contrat de travail, et qu’il est même expressément indiqué qu’elle était soumise à la durée légale de 35h, sans qu’aucune modulation ne puisse être appliquée, Mme [M] réclame le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de cette durée hebdomadaire, étant rappelé que le régime d’équivalence n’est applicable que si le salarié a été réellement en inactivité pendant son temps de présence et que l’employeur produit un décompte qui cumule heures d’équivalence et modulation.

En réponse, l’association Aide rurale du Pays de Bray fait valoir que le contrat de travail vise expressément la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, laquelle prévoit en son article 13 un régime d’équivalence pour la responsabilité de surveillance nocturne. Aussi, et alors que ce régime est également prévu par le code de l’action sociale et des familles, elle soutient que Mme [M] y était soumise et doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Selon l’article L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Par ailleurs, selon l’article 13 de l’annexe 10 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, dans le cas où le personnel d’animation est appelé à assurer en chambre de veille la responsabilité de surveillance nocturne, ce service s’étend du coucher au lever des pensionnaires sans que sa durée puisse excéder douze heures. Ce service fait l’objet d’une compensation dans les conditions suivantes :

– les neuf premières heures sont assimilées à trois heures de travail,

– entre neuf et douze heures, chaque heure est assimilée à une demi-heure de travail.

En l’espèce, il résulte du contrat unique d’insertion que la relation de travail entre Mme [M] et l’association Aide rurale du Pays de Bray était régie par la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, avec cette précision qu’elle était engagée pour une durée légale de travail de 35 heures et que le régime de la modulation ne lui était pas applicable, cette mention ressortant expressément du contrat.

Aussi, il se déduit de ces mentions que si le calcul des heures supplémentaires doit être établi de manière hebdomadaire, sans pouvoir être modulé sur un cycle ou sur l’année, il doit néanmoins se faire en tenant compte du régime d’équivalence prévu par la convention collective, peu important que ce régime n’ait pas été expressément mentionné dans le contrat de travail dès lors qu’il y est indiqué qu’il est régi par ladite convention.

En outre, l’association Aide rurale Pays de Bray produit deux attestations de salariés qui indiquent faire des nuits en étant couchées, ce qui permet de s’assurer qu’elles bénéficient de chambre de veille, qu’elles n’ont pas à s’occuper de manière permanente des résidents et qu’il peut donc leur être appliqué le régime d’équivalence.

Dès lors, tenant compte de ce régime d’équivalence, sans cependant retenir la modulation, il apparaît que Mme [M] a effectué 22,5 heures supplémentaires en 2016 et 31 heures supplémentaires en 2017, toutes majorées à 25 %, soit une somme due de 742,56 euros sur la base du salaire horaire majoré retenu par l’association à l’occasion du paiement d’heures supplémentaires en novembre 2017, à savoir 13,87958 euros.

Il résulte cependant du bulletin de salaire du mois de novembre 2017 qu’ont été payées des heures supplémentaires à Mme [M] pour un montant de 560,74 euros, aussi, il convient de condamner l’association Aide rurale du Pays de Bray à lui payer la somme de 181,82 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 18,18 euros au titre des congés payés afférents.

2. Sur la demande formulée au titre du dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires

Alors que Mme [M] fait valoir que le nombre d’heures supplémentaires réalisées en 2017 a dépassé le contingent annuel, outre qu’elle ne précise pas son calcul, en tout état de cause, n’ayant réalisé que 31 heures supplémentaires sur l’année 2017, le contingent annuel d’heures supplémentaires n’est pas atteint et il convient de la débouter de sa demande.

3. Sur la demande de remboursement du paiement d’heures supplémentaires présentée par l’association Aide rurale du Pays de Bray

Il résulte du décompte de l’association Aide rurale du Pays de Bray que sa demande de remboursement d’heures supplémentaires consiste en réalité à solliciter de Mme [M] le remboursement d’heures payées sur la base de son contrat de 151,67 heures alors que le nombre d’heures réalisées était inférieur à ce nombre d’heures contractuelles.

Aussi, et alors que l’association Aide rurale du Pays de Bray est tenue de fournir à son salarié le travail correspondant au temps contractuel pour lequel il a été embauché, elle ne peut qu’être déboutée de sa demande.

4. Sur la demande de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale hebdomadaire

Si l’article 20.3 de la convention collective vantée par Mme [M] n’est pas applicable pour faire référence à un temps de travail par cycle auquel il a été jugé qu’elle n’était pas soumise, il résulte cependant de l’article L. 3121-20 du code du travail qu’au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de 48 heures.

Aussi, et alors qu’il ne peut être tenu compte d’un système d’équivalence pour vérifier en matière de temps de travail effectif le respect des seuils et plafonds fixés par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne, dont celui de la durée hebdomadaire maximale de quarante-huit heures, il ressort du décompte produit par Mme [M] que ce dépassement a concerné trois semaines durant lesquels elle a effectué de nombreuses heures de surveillance nocturne.

Si l’association Aide rurale du Pays de Bray ne peut se prévaloir de ce que Mme [M] elle-même sollicitait des interversions de services avec des collègues pouvant conduire à des difficultés horaires pour échapper à son obligation en la matière, pour autant, il convient d’en tenir compte pour apprécier le préjudice et il lui sera en conséquence alloué la somme de 150 euros au titre du dépassement de la durée maximale hebdomadaire, laquelle répare justement son préjudice qui n’est pas plus amplement démontré.

5. Sur la demande de dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales quotidiennes

Selon l’article 20.5 de la convention collective, la durée quotidienne du travail peut être continue ou discontinue et la durée quotidienne maximale du travail est fixée à 10 heures, de jour ou de nuit. Toutefois, pour répondre à des situations particulières, elle peut être portée à 12 heures conformément aux dispositions légales.

En l’espèce, et alors qu’il n’est pas fait état de situations particulières justifiant de porter les journées à 12 heures et qu’il ne peut pas plus, comme vu précédemment, être tenu compte du système d’équivalence pour apprécier le dépassement des durées maximales quotidiennes, il apparaît que cette durée a été régulièrement dépassée et il convient en conséquence, conformément à la demande de Mme [M], de confirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 000 euros à ce titre.

6. Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires

Selon l’article 21 de la convention collective, le repos hebdomadaire est fixé à 2 jours dont au moins 1 jour et demi consécutif et au minimum 2 dimanches pour 4 semaines. Toutefois, pour les personnels éducatifs ou soignants prenant en charge les usagers et subissant les anomalies du rythme de travail définies à l’article 20.8, la durée du repos hebdomadaire est portée à 2 jours et demi, dont au minimum 2 dimanches pour 4 semaines.

En cas de fractionnement des 2 jours de repos hebdomadaire, chacun des jours ouvre droit à un repos sans interruption de 24 heures auxquelles s’ajoutent 11 heures de repos journalier entre 2 journées de travail.

Par ailleurs, selon l’article 20.8, on entend par anomalie de rythme de travail, un horaire comprenant les deux sujétions suivantes, à savoir, des horaires irréguliers selon les jours ou selon les semaines incluant des services de soirée et/ou de nuit et des repos hebdomadaires accordés de façon irrégulière selon les semaines.

En l’espèce, il apparaît qu’en retenant un cycle de quatre semaines débutant le 26 septembre 2016, Mme [M] a travaillé trois dimanches au lieu de deux à une reprise sur le cycle du 5 juin au 2 juillet.

Par ailleurs, s’agissant des semaines sur lesquelles Mme [M] indique n’avoir bénéficié que de 2 jours de repos au lieu de 2,5 jours, il doit être relevé qu’elles concernent toutes la période à compter de laquelle son contrat unique d’insertion a été requalifié en contrat à durée indéterminée et il apparaît qu’à compter de cette date, ses horaires ont été très réguliers, à savoir de 14h30 à 21h30 du lundi au vendredi en alternance avec un horaire du lundi au jeudi de 14h30 à 21h30 et le samedi de 10h à 17h.

Aussi, il ne peut être considéré qu’elle était encore soumise aux contraintes évoquées à l’article 20.8 et c’est donc à juste titre qu’elle a bénéficié de deux jours de congés sur cette période et non de 2,5 jours de congés, étant précisé que pour les repos fractionnés, elle a bien bénéficié d’un repos sans interruption de 24 heures auxquelles se sont ajoutées 11 heures de repos journalier.

Enfin, pour les semaines pour lesquelles elle indique n’avoir bénéficié que d’un jour de repos alors qu’elle aurait dû bénéficier de 2,5 jours de repos pour être effectivement concernée par des anomalies de rythme de travail y ouvrant droit, il résulte de l’analyse des plannings produits que le nombre de semaines sur lequel Mme [M] n’a pas bénéficié de l’intégralité des repos auxquels elle pouvait prétendre est bien plus limité que celui invoqué pour concerner trois semaines, et pour la plupart en lien avec un problème d’application du fractionnement.

Au vu de ces éléments, il convient de condamner l’association Aide rurale du Pays de Bray à payer à Mme [M] la somme de 150 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires.

7. Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect du repos suite au travail de nuit

Il résulte de l’article 3 de l’accord de branche n° 2002-01 du 17 avril 2002 relatif au travail de nuit que lorsque la durée du travail de nuit dépasse 8h, les salariés bénéficient d’un repos équivalent à la durée du dépassement, ce temps de repos s’additionnant soit au temps de repos quotidien de 11h, soit au repos hebdomadaire, étant relevé que ce temps ne doit pas prendre en compte les équivalences.

En l’espèce, l’étude des plannings démontrent des manquements à ce titre, notamment à l’occasion des dimanches travaillés mais aussi, pour exemple, sur la semaine du 8 au 14 mai 2017, sur celles du 19 juin au 9 juillet, ou encore celles du 17 juillet ou 21 août.

Au vu de ces éléments, il convient de condamner l’association Aide rurale du Pays de Bray à payer à Mme [M] la somme de 150 euros, cette somme réparant justement son préjudice.

8. Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l’article L. 8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli(…).

Selon l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il résulte très clairement des plannings et décomptes produits qu’il n’existait aucune intention de dissimulation au regard du nombre d’heures payées à Mme [M], en réalité supérieur à celui réellement effectué, quand bien même l’association Aide rurale du Pays de Bray a, à tort, appliqué une modulation du temps de travail.

Il convient en conséquence de débouter Mme [M] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

III – Sur la rupture du contrat de travail

1. Sur la recevabilité de la demande de réintégration

L’association Aide rurale du Pays de Bray soulève l’irrecevabilité de la demande de réintégration dès lors qu’elle a été présentée pour la première fois le 1er octobre 2020, soit plus d’un an après le licenciement, sachant que Mme [M] avait même indiqué à plusieurs reprises dans ses conclusions qu’il devait être acté qu’elle ne sollicitait pas sa réintégration malgré la demande de nullité.

Aussi, et rappelant que les actions ne sont plus soumises au principe de l’unicité d’instance, elle soutient que l’effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice ne s’étend pas à une seconde demande, différente de la première par son objet, et qu’en conséquence, la demande de réintégration est prescrite.

En l’espèce, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes en nullité de la rupture le 19 juin 2018, soit moins d’un an après son licenciement intervenu le 17 novembre 2017, conformément au délai de prescription posé par l’article L. 1471-1 du code du travail.

Aussi, comme justement relevé par les premiers juges, la demande de réintégration étant la conséquence directe de la demande de nullité d’un licenciement et aucun délai n’étant imparti au salarié pour demander sa réintégration en conséquence de la nullité de la rupture, aucune prescription n’est encourue et ce, quand bien même elle a été présentée plus d’un an après le licenciement et qu’il avait été expressément indiqué initialement par la salariée qu’elle ne sollicitait pas sa réintégration.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable la demande de réintégration présentée par Mme [M] le 1er octobre 2020.

2. Sur la demande de nullité du licenciement

Mme [M] soutient que la seule mention ou référence à l’action en justice engagée par un salarié dans une lettre de licenciement suffit à entraîner sa nullité, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs visés, s’agissant d’un motif contaminant.

Aussi, et tout en contestant les griefs qui lui sont reprochés aux termes de la lettre de licenciement, elle relève qu’il y est non seulement mentionné le jugement du 14 septembre 2017 ayant fait droit à sa demande de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, mais que bien plus, il lui est reproché de s’en être vanté ou de s’être sentie protégée par lui, ce qui suffit à retenir la nullité du licenciement, et ce, d’autant que la chronologie elle-même conforte le lien entre le licenciement et son action en justice.

Au-delà de ce premier motif de nullité, elle considère qu’il a également été porté atteinte à sa liberté d’expression dès lors qu’il lui est reproché les termes du courrier qu’elle a envoyé à la direction suite à l’entretien préalable à licenciement.

Enfin, elle soulève un troisième moyen de nullité en faisant valoir qu’elle a été désignée représentante de section syndicale le 27 septembre 2017 et que, si cette désignation a été annulée par le tribunal d’instance de Dieppe le 19 octobre 2017, celui-ci ne lui a été notifié que le 24 octobre, ce qui ne permettait pas de la convoquer valablement à un entretien préalable à licenciement le 20 octobre 2017 sans autorisation préalable de l’inspection du travail, étant au surplus relevé que l’ensemble des griefs sont survenus durant la période de protection.

En tout état de cause, elle conteste les fautes qui lui sont reprochées, faisant valoir leur imprécision et leur absence de datation, sachant qu’elle produit deux témoignages qui remettent en cause non seulement l’attestation de M. [C] mais aussi la manière dont l’employeur a procédé pour obtenir les pièces qu’il verse aux débats, étant noté qu’il est difficilement envisageable qu’elle se soit sentie protégée par le jugement du 14 septembre 2017 au regard des mesures de rétorsion qui ont été prises à son égard, à savoir retrait de ses fonctions de référente éducative, modification de ses horaires de travail avec perte de salaire, mise à l’écart ou encore consigne donnée à une de ses collègues de ne plus lui adresser la parole.

Enfin, elle estime que les dernières pièces transmises par l’association Aide rurale du Pays de Bray doivent être écartées en ce que, pour les pièces 25, 26 et 28, l’émetteur des courriels transférés à de multiples reprises est une certaine Mme [F], secrétaire de l’association, et non elle, de même que pour les pièces 29 et 31 l’émetteur et le destinataire ne sont pas identifiables, que la pièce 30 est illisible et qu’enfin l’association en est réduite à se livrer à une violation du secret de la correspondance et de la vie privée puisque ces écrits lui sont attribués en tant que prétendue expéditrice dans un cadre personnel, sans néanmoins reprendre cette prétention dans le dispositif de ses conclusions.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, elle sollicite non seulement la nullité du licenciement mais aussi sa réintégration et un rappel de salaire couvrant l’ensemble des sommes dont elle aurait dû bénéficier durant sa période d’éviction, étant rappelé qu’en cas d’atteinte à une liberté fondamentale ou au statut protecteur du salarié protégé, il n’y a pas lieu à déduction des sommes perçues durant la période d’éviction.

En réponse, l’association Aide rurale du Pays de Bray explique qu’elle a immédiatement fait application de la décision de justice en intégrant Mme [M] au sein de ses effectifs le 26 septembre 2017 mais que, dès le lendemain, cette dernière a fait comprendre à un de ses collègues qu’il serait licencié puisqu’elle-même ne pouvait l’être au vu de la décision judiciaire, que celui-ci l’a très mal vécu et s’en est ouvert auprès des délégués du personnel qui ont averti le directeur qui, à cette occasion, a eu connaissance d’autres agissements de Mme [M], contraires aux consignes de travail et à ses obligations contractuelles, ce qui a justifié la convocation à entretien préalable.

Aussi, rappelant que la nullité du licenciement n’est encourue que lorsque celui-ci est prononcé en raison d’une action en justice, et non par la seule référence à une telle action, elle conteste en l’espèce toute nullité, relevant qu’il a simplement été retracé chronologiquement la relation de travail, laquelle comportait l’action en requalification du contrat de travail de Mme [M], sans qu’elle lui ait été reprochée ou que la décision de licenciement ait été prise en mesure de rétorsion, le fait reproché à Mme [M] étant bien l’attitude inacceptable qu’elle a adoptée à l’égard de son collègue en lui faisant croire qu’il serait nécessairement licencié.

Elle conteste en outre qu’il puisse lui être reproché un acharnement judiciaire, alors même qu’elle n’a fait que se défendre face aux actions engagées par Mme [M] et que, s’agissant de la seule action qu’elle a initiée, à savoir la contestation de sa désignation en qualité de représentante syndicale, elle était particulièrement légitime puisqu’il a été retenu le 19 octobre 2017 que cette désignation était frauduleuse, ce dont il se déduit d’ailleurs qu’il ne peut lui être opposé aucune nullité à raison du statut protecteur, cette décision étant antérieure à la convocation à entretien préalable, et, qu’à supposer que Mme [M] ait bénéficié du statut protecteur jusqu’au 19 octobre, celui-ci n’a débuté que le 28 septembre, date à laquelle elle a eu connaissance de la désignation, soit le lendemain des faits reprochés.

Enfin, tout en relevant que cet argument n’a été soulevé qu’une quinzaine de jours avant la clôture de la procédure, elle conteste que la réponse apportée au courrier envoyé par Mme [M] suite à l’entretien préalable à licenciement soit une atteinte à sa liberté d’expression, ce courrier n’étant aucunement la cause de son licenciement.

A cet égard, elle relève qu’elle produit des comptes-rendus de réunions mais aussi des attestations justifiant de la réalité des griefs reprochés et s’étonne que Mme [M] ait dû attendre six ans pour obtenir des attestations remettant en cause ces faits, sachant qu’elle n’a pas hésité à contacter M. [C] pour qu’il revienne sur son attestation, et ce, en se montrant particulièrement insistante, voire menaçante, en lui dictant la nouvelle attestation à remplir et en mettant en avant sa qualité de juge prud’homal, ce qui l’a d’ailleurs conduite à déposer plainte pour subornation de témoin.

Enfin, en ce qui concerne sa demande de réintégration, rappelant qu’elle a été présentée pour la première fois le 1er octobre 2020 après que Mme [M] ait clairement indiqué le 19 juin 2018 qu’elle n’entendait pas la demander, elle considère que cette tardiveté la rend abusive et ne peut donc lui donner droit à rémunération qu’à compter du 1er octobre 2020, étant noté qu’elle a perçu des salaires durant la période en cause et qu’elle est très certainement déjà embauchée actuellement, ce qui questionne sur sa réelle volonté d’être réintégrée, d’autant qu’elle considère que son employeur a eu un comportement inacceptable à son égard. Bien plus, elle estime qu’il est impossible de faire droit à cette demande tant au regard de l’indisponibilité de l’emploi qu’au regard des relations désormais conflictuelles entretenues.

Il résulte de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur.

En l’espèce, il ressort de la lecture de la lettre de licenciement que l’association Aide rurale du Pays de Bray a, dans un premier temps, retracé la chronologie des faits ayant conduit à l’embauche de Mme [M] en contrat à durée indéterminée, laquelle s’est effectivement imposée à raison d’une décision de justice prononçant la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en l’assortissant de l’exécution provisoire, et il ne saurait être tiré argument de cette seule référence à la décision prud’homale pour prononcer la nullité du licenciement, quand bien même il est rappelé par l’association qu’elle en a interjeté appel.

Néanmoins, s’il est exact que le reproche principal fait à Mme [M] est d’avoir indiqué à M. [C] qu’il allait seul pouvoir être licencié et d’avoir ainsi induit chez lui une grande angoisse, en précisant qu’elle ne s’était pas limitée à l’expression de sa satisfaction quant à cette décision dont elle s’était empressée de se vanter auprès de son collègue, il apparaît que, de manière indirecte, l’association Aide rurale du Pays de Bray lui reproche son action en justice et il convient en conséquence, sans qu’il y ait lieu d’examiner la réalité des griefs reprochés à Mme [M], de dire le licenciement nul, infirmant sur ce point le jugement.

Il convient en conséquence de statuer sur la demande de réintégration présentée par Mme [M], étant rappelé que c’est à la date à laquelle le juge statue que l’impossibilité matérielle de la prononcer doit être appréciée.

Si les pièces produites par l’association Aide rurale du Pays de Bray sont insuffisantes à justifier de ce que l’ensemble des postes seraient pourvus et empêcheraient ainsi la réintégration de Mme [M], il convient néanmoins d’examiner si les griefs développés de part et d’autre par les parties ne rendent pas impossible cette réintégration.

A cet égard, il résulte de l’attestation de M. [C], datée du 10 octobre 2017, que depuis le mercredi 27 septembre, il se sent mal et inquiet vis-à-vis de son poste sur le foyer d’hébergement, qu’il est angoissé et le noeud dans le ventre, car Mme [M] est venue le voir pour lui dire qu’un licenciement économique aurait lieu dans la mesure où ils étaient de trop sur le foyer en raison du budget, et que ce serait sûrement lui qu’on allait licencier car dernier arrivé et qu’elle était intouchable vu son procès.

Mme [R] confirme en octobre 2017 ces propos en expliquant que M. [C] a ressenti le besoin de lui en parler, en présence de M. [O], car il était très angoissé que les dires se transforment en faits, précisant que Mme [M] est procédurière et n’hésite pas à s’imposer dans ce sens au sein de l’équipe, que depuis son arrivée, elle donne le sentiment de manipuler l’équipe et les usagers dans un but personnel. Elle conclut qu’elle a elle-même vécu une situation délicate plusieurs mois auparavant qu’elle n’a pu relater faute de témoins mais que Mme [M] paraît dangereuse pour l’établissement et, malgré le jugement, elle tient à signaler sa difficulté à travailler avec cette personne.

Les deux déléguées du personnel, Mmes [J] et [UD] cosignent une attestation afin d’indiquer qu’elles ont été interpellées par Mme [R] concernant une situation vécue la veille par son collègue, M. [C], qu’elles l’ont donc rencontré, qu’il leur a expliqué que le 27 septembre, alors qu’il se trouvait avec M. [L], Mme [M] est directement venue le voir et lui a annoncé qu’elle avait gagné son procès prud’homal et obtenu un contrat à durée indéterminée, que cela allait engendrer un licenciement économique et, qu’étant le dernier arrivé, son poste allait être supprimé. Elles précisent que M. [C], qu’elles ont trouvé bouleversé et fragilisé, a pris cette menace au sérieux, que cela l’a mis dans un état de stress et d’angoisse avec une perte de sommeil durant quelques jours.

Il est encore produit un courrier dactylographié du 9 octobre 2017, signé sur une page annexe par cinq salariés, à savoir Mmes [S], [I] et [R] et MM. [O] et [C], aux termes duquel il est indiqué que Mme [M] évoque avec certains usagers des propos qui ne les concernent pas, à savoir son contrat, l’affaire aux prud’hommes, ses horaires ou encore met en cause la direction, ce qui leur cause du stress. Il est également indiqué qu’elle peut les emmener à son domicile ou refuser de réaliser certaines demandes de leur part, en les déléguant à ses collègues.

S’agissant plus largement de l’équipe, il est indiqué qu’elle procède par intimidation et manipulation psychologique, déstabilisant et fragilisant certains usagers et membres de l’équipe et il est conclu qu’ils éprouvent une certaine réticence à travailler avec elle, ne serait-ce que par rapport au regard qu’elle porte sur leur prise en charge quotidienne se demandant constamment comment elle pourrait interpréter les choses, qu’elle cherche à obtenir des personnes qui l’entourent des informations qu’elles soient d’ordre privé ou professionnel afin de pouvoir les réutiliser contre un collègue ou l’établissement, écrivant même qu’ils peuvent dire qu’ils craignent des attaques personnelles et qu’il est difficile de venir travailler en sentant un danger constant peser sur eux.

Enfin, il est versé un courrier écrit par M. [C] le 8 octobre faisant état de ce qu’un usager, Mme [B] est venue le voir le 6 octobre pour lui dire être angoissée, avoir peur pour [E] [W] car Mme [M] est venue la voir pour lui dire qu’ils ont été au tribunal. Il précise par ailleurs que Melle [H] lui demande souvent s’il aime bien [D] et qu’il ne sait pas pourquoi.

Face à ces pièces, Mme [M] produit une attestation de M. [L], datant du 28 septembre 2023, aux termes de laquelle il indique qu’il l’effectue ce jour car il a depuis quitté son emploi pour partir à la retraite et qu’il ne craint donc plus d’éventuelles représailles de l’employeur.

Or, il explique que le 27 septembre 2017, Mme [M] et lui-même ont eu une conversation avec M. [C], dans le bureau des éducateurs, mais qu’elle ne lui a en aucun cas dit qu’il allait être licencié, qu’ils ont cherché à le rassurer car il n’était dernièrement pas venu au travail et il craignait une sanction disciplinaire pour absence injustifiée, que Mme [M] ne s’est pas non plus vantée du jugement des prud’hommes devant lui et n’a pas indiqué que ce jugement la protégeait.

Elle produit également l’attestation de M. [U] du 9 avril 2022, lequel explique que le 2 avril, il accompagnait Mme [M] au supermarché Super U de [Localité 8] lorsqu’ils ont rencontré un ancien collègue de cette dernière, M. [O], lequel était très content de la revoir, lui demandant aussitôt de ses nouvelles, qu’elle lui a alors dit qu’elle était toujours en litige avec l’association au sujet de son licenciement et qu’elle avait pris connaissance avec surprise et déception d’un courrier d’anciens collègues que lui-même avait apparemment signé multipliant les griefs contre elle avec des avis sur sa personnalité.

Il précise que M. [O] s’est aussitôt montré surpris, puis gêné, qu’il a répondu que ce courrier était une commande, qu’il avait effectivement tourné un moment dans le service des éducateurs sans qu’elle ne le sache, que le directeur, M. [W], avait donné pour consigne de le signer, que face à la surprise de Mme [M], il a ajouté avec un air résigné qu’elle connaissait [W], qu’il ne manquait jamais une occasion de leur mettre la pression, de leur fait du chantage à la sanction et qu’il arrivait d’ailleurs toujours à parvenir à ses fins.

Il note encore que lorsque Mme [M] lui a précisé qu’elle avait eu dû mal à lire ce qui lui était reproché, que cela ne lui ressemblait pas du tout, M. [O] a alors répondu de façon ironique que l’employeur était super doué pour inventer des fautes et licencier, qu’il faisait toujours preuve d’imagination, qu’elle savait bien que les autres éducateurs recevaient souvent des sanctions à n’importe quel sujet, qu’il a ajouté qu’il savait bien qu’elle n’avait pas commis de faute à part celle d’avoir mis l’employeur aux prud’hommes.

Enfin, elle verse aux débats l’attestation du 29 août 2023 de Mme [K], retraitée et secrétaire générale de l’union locale CGT de [Localité 5], qui atteste que, suite à la requalification obtenue par Mme [M], elle est passée le 6 octobre 2017 à l’association et a pu constater qu’elle avait été mise à l’écart, seule dans un bureau annexe, éloigné du bureau principal des éducateurs, dans un bâtiment vide en journée, qu’elle lui avait alors montré que l’accès à sa session informatique avait été supprimé et qu’elle n’avait plus accès à sa messagerie personnelle.

Elle précise encore que lors de ses passages à l’association, une dizaine de salariés l’avaient avertie que l’employeur déclamait dans tout l’établissement qu’il se donnait ‘maximum 3 mois pour se débarrasser de Mme [M]’, et que c’est ce qu’il a fait en quelques semaines, que d’ailleurs plusieurs salariés lui ont déclaré par la suite ne pas vouloir présenter des candidatures CGT lors des élections professionnelles par craintes de représailles.

Au-delà du caractère particulièrement tardif de ces attestations, près de six ans après les faits, il doit être relevé que la date du 6 octobre 2017 visée par Mme [K] correspond à un jour de repos de Mme [M], ce qui ne peut que questionner sur ce qu’elle a constaté ce jour-là.

Bien plus, il résulte en tout état de cause de celle de M. [U] que le courrier du 9 octobre 2017 versé aux débats par l’association Aide rurale du Pays de Bray, a bien été signé par les salariés puisqu’il explicite les conditions dans lesquels il aurait été obtenu.

A cet égard, et si M. [O] s’est montré gêné lors de cette rencontre et a tenté d’expliquer que cette signature aurait été extorqué par l’employeur sous peine de sanctions, outre qu’elle n’a pas été signée de tous les salariés, ainsi, M. [L] n’en est par exemple pas signataire, la teneur même du courrier, au regard du ressenti de danger qui y est exprimé, rend particulièrement peu probable le caractère inventé de son contenu.

Mais bien plus, il est produit aux débats une série de messages ‘messenger’ qui ne peuvent que conforter le sentiment de crainte évoqué dans ce courrier, sachant que l’attestation de Mme [P] du 6 octobre 2023 permet de s’assurer qu’ils émanent de Mme [M], sans qu’elle puisse évoquer une atteinte à la correspondance privée alors même qu’il s’agit de messages qui ont été volontairement transmis à Mme [P] qui les a ensuite soumis à son employeur.

Ainsi, elle y précise qu’à mesure que Mme [M] percevait un changement dans le soutien de l’équipe et réalisait que son approche n’était plus efficace, elle adoptait une tactique inappropriée, précisant avoir été personnellement témoin d’une série de messages messenger qu’elle joint, adressés à divers membres de l’équipe du foyer d’hébergement, et qui franchissaient, selon elle, la limite du harcèlement. Elle conclut en indiquant que ces tentatives de manipulation ont créé un climat de stress supplémentaire au sein de l’équipe.

Or, s’il ressort des premiers échanges de décembre 2016 que Mme [M] entretient une relation amicale avec Mme [P] et se contente de mettre en cause son employeur, écrivant ainsi que si la direction leur raconte des trucs bien vilains à son sujet, il ne faudra pas les croire, au contraire, à compter du 15 avril 2017, le ton change radicalement suite à une soirée organisée entre membres de l’équipe à laquelle elle n’a pas été conviée.

Si, en soi, l’existence d’un ressenti est parfaitement légitime, d’autant qu’il apparaît qu’il lui a été demandé de remplacer une collègue, et ce, en réalité pour qu’elle puisse être présente à ce repas, néanmoins la lecture de ces messages conduit à un sentiment de malaise, tant ils sont culpabilisants et répétitifs, justifiant la crainte évoquée dans le courrier signé par six salariés.

Ainsi, elle écrit le 15 avril 2017 à 11h23 :

‘Hello [Z]! Tu sors de nuit. Mois, je suis en week-end. Et de devrais pouvoir me changer les idées. Mais voilà, je pense à quelque chose de gênant et révélateur selon moi. Vendredi 24 mars, vous êtes allés au resto, là, notre équipe (avec d’autres salariés de l’ESAT), sauf [T] et moi. Bah oui, il m’a vendu la mèche il y a 48 heures.

Ce soir-là, j’ai du faire la nuit d'[G]. Tiens donc. Alors que mon chéri et mon fils venaient d’arriver à la maison pour le week-end. Ah, mais moi seule emmerdée, hein.

Pour justifier mon absence à cette soirée, a même été élaboré mon faux ‘refus’ : du genre elle a dit qu’elle ne savait si elle était toujours là dans quelques mois (fin de CDD), donc, inutile de..’ se mélanger, participer, s’attacher, approfondir des relations (j’ai oublié le verbe exact qui m’a été rapporté!). En aucun cas, je n’ai formulé cette explication, en aucun cas je n’aurais refusé une bouffe avec vous, et même avec joie j’aurais accepté. Ahhhh, la vache.

Aussi, ce matin, j’ai les glandes. Et ce truc me semble révélateur.

A mon arrivée, beaucoup me manifestait reconnaissance, dont toi : j’étais celle qui allait changer vos conditions de travail pourries, enfin, après des années accumulées. A celles et ceux qui me sortaient cela, je répondais que je connaissais ce phénomène induit par la nouveauté, chez l’être humain, à la ‘t’es géniale’, mais qui bien souvent bascule plus tard à l’inverse dans le ‘t’es vraiment plus géniale, au fait, et critiquable, même’.

Je pense qu’on y est.

Je ne suis qu’une CDD de merde, après tout, et je pense que vous ne souhaitez plus que je reste parmi vous, enfin au moins plusieurs ne le souhaitent plus. Les premières critiques et coups bas tombent, et vont continuer. Est ce que je peux encore les désamorcer’ Enrayer ce phénomène auquel je m’attendais’ Il a débuté, à peut-être petite dose, mais il a débuté.’

à 11h42 :

‘Non, je ne dégagerai pas au FAM non plus.

Méga glandes ce jour, et je vous dédis à tous ma gamberge matinale, à peine réveillée.

Absolument envie de : vous laisser face à votre bordel d’illégalités, avec supérieurs sans limites.

De ce plan resto, avec écart de certains et tentatives de leur cacher, je n’en parlerai pas car je trouve ça bas, vilain, gna gna gna. Mais comment dire : j’ai compris.

Ou plutôt, je vais anticiper en fonction de cette anecdote révélatrice.

Je reste néanmoins ouverte à quelques explications, mais attention, elles ont intérêt à tenir la route, un minimum la route.

Aux membres de ma pseudo équipe de travail, hormis [T] [N], je dis merci. Je suis assez déstabilisée par la direction-hiérarchie et ce qu’elle prévoit à mon égard sous peu + dans 5 mois, il ne manquait plus que vous, à vous y rajouter. Par une anecdote, plus ou moins élaborée, et révélatrice.

C’est une belle bourde car vous me savez hautement préoccupée en ce moment.

J’espère que vous avez passé une agréable soirée entre vous, pendant que moi je bossais à la place de l’une de vous. Envie de chialer.’

à 14h55 :

‘[Z],

Je sors d’un petit resto avec ma petite famille. La vie est ailleurs, je dois me le rappeler. Je vais cuver cette ‘anecdote’, ce petit plan. Sachez néanmoins que je suis donc au courant sans toutefois tous les tenants et les aboutissants (sont ils utiles…) : de toutes façons, ce qui est fait est fait.

Je vais rester attentive à ce qui pourrait se produire éventuellement ensuite.’

Le 16 avril à 16h07 :

‘Coucou [Z],

Tu bosses. Te prévenir : je dors mal, ça y est, ça me tracasse. Je n’arrive pas à ignorer ce truc.

Voici où va désormais se placer ma méfiance :

– du côté de la qualité de mon travail, certainement déjà jugée. Oui, je dois absolument faire les orgas hebdos et orgas week-ends (réussir à les attraper au vol, noter quand vous les faites dans la semaine, attraper l’ordi), afin de ne pas me le voir reprocher (c’est peut-être déjà fait). Ou bref, être vigilante, comme [A], actuellement, à en faire suffisamment assez, voire davantage par rapport à vous, les CDI, de plus longue date. On ne sait jamais. Ce serait avisé je crois.

– m’attendre à devoir faire face à la réplique suivante : je me ‘fais un film’, cette histoire de resto planqué (en me faisant bosser pour libérer l’une d’entre vous, afin qu’elle puisse y aller) n’est qu’une ‘maladresse involontaire’.

Ah, autre truc que je me prépare à entendre : ‘j’emmerde mes collègues en repos par des écrits de parano’. Oui, on ne sait jamais.

Je t’écris tout cela, afin de ne rien entendre de ta bouche à toi. Ce qui me décevrait pas mal. Je vais voir ce qu’il m’est rétorqué du reste de votre équipe. Je finirai par comprendre ce qu’il s’est passé…

Autre truc (loool!) : ne plus faire vos nuits sans explications, et doublement me méfier quand elles me sont étrangement imposées.

Rouhhh, putaing, j’en ai ma claque.’

Le 22 avril à 22h56 :

‘J’avais vraiment zappé ce truc, cette histoire (comment le nommer, bref) absorbée rapidement par cette réunion de 2h30 avec [E] [W]. Déstabilisation terminée : d’autres préoccupations prenant le relais!

Donc, ce soir, reproches, tu as lancés, sujet sur le tapis, explications, puis engueulade, et j’apprends que tu as fait lire mes messages à l’équipe, entière ou partiellement (qu’importe).

Et que donc, également, couche rajoutée, je ne dois plus t’adresser la parole, tu as décidé.

Merde, j’ai oublié de te demander si je pouvais encore te saluer ! (Rires) (jaunes) Non mais quel foin.

Un seul truc je retiens : pourquoi ne dois-je plus t’adresser la parole, au fait ‘ (Et pourquoi ce bordel en communauté tu as lancé’) Question qui n’appelle pas de réponse, car tu n’en as pas. Je te l’ai posée plusieurs fois, vainement. On va conclure sur ça.

Et bien sûr, je ne t’écrirai plus, bah oui, cela me semble… sensé.

Allez, à demain matin, je verrai si tu me salues ou pas (Tu ne le feras pas, pour bien montrer à tout le monde qu’il y a un problème, un bin’s, qui étrangement, n’est plus celui -de base- que j’évoquait plus haut) Pouah.

PS : [Z], désolée, mais comment dire, me concernant. Pas mal de choses la semaine prochaine pour moi : donc, désolée, même si sur le coup je suis à nouveau sciée (et hop encore un message), je risque de passer encore à autre chose très bientôt. Vraiment.’

Or, s’il s’agit là d’une attitude adoptée en 2017, soit six ans avant la demande de réintégration examinée ce jour, il est cependant produit aux débats de nouvelles pièces, extrêmement récentes, pour dater de septembre 2023, dont il ressort cette même tonalité déstabilisante, voire menaçante, dont il peut être retenu, bien qu’ayant transité via la secrétaire de l’association, que Mme [M] en est l’auteur au regard de l’attestation rédigée par M. [C] le 6 octobre 2023, étant à nouveau précisé qu’il ne peut être invoqué une atteinte à la correspondance privée, dès lors que les messages produits ont été volontairement transmis par leurs destinataires.

Ainsi, M. [C] explique que suite à des faits qu’il a relatés il y a plusieurs années à son ancien employeur au sujet d’une collègue de travail, Mme [M], celle-ci l’a contacté sur messenger (Facebook) le 27 septembre 2023 afin qu’il revienne sur ses propos de l’époque, cette personne ayant également contacté un membre de sa famille qu’elle a trouvé sur facebook, M. [C] précisant que les messages envoyés ont été transmis à son ancienne direction.

Ainsi, il est produit les messages envoyés par Mme [M] à M. [A] [C] mais aussi à la cousine de celui-ci, ‘[X]’, dont la teneur est la suivante :

‘Bonjour [A]!

Me lis-tu’

Je souhaitais te prévenir.

Demain, [V] va me délivrer une attestation comme quoi je ne t’ai jamais menacé de licenciement (contrairement à ce que tu as toi-même attesté), puisqu’il était là à nos côtés (le 27 septembre 2017 dans le bureau des éducateurs de La Brèche).

Ceci, car mon affaire de licenciement va passer devant la cour d’appel de Rouen, et je dois me défendre de cette prétendue faute que je n’ai jamais commise te concernant.

Pourras tu revenir sur tes déclarations, et me faire une autre attestation où tu expliques par exemple pourquoi tu as attesté de cela alors que c’est absolument faux’

L’employeur t’avait peut-être obligé à faire cela, je me dis.

Sache qu’en l’absence de réponse de ta part, je me réserve le droit de porter plainte pour fausse attestation. Tu avais pourtant recopié la phrase suivante dans la tienne, d’attestation : ‘Est puni d’un an d’emprisonnement et de 1 500 euros d’amende le fait d’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts’.

Aussi, il m’est possible de faire appliquer cet article de loi, car c’est un délit civil.

Cela prendrait plusieurs mois, mais la plainte serait transférée au commissariat de ta région (tu es en Ardèche apparemment).

Bon, on termine cette sale histoire ‘

Pourquoi avais-tu attesté de cela alors que c’était faux ”’

[D]

PS : potasser le droit a porté ses fruits pour moi, je suis devenue juge prud’homale à Rouen. J’ai tellement horreur des licenciements injustes, et encore plus des déclarations mensongères…’

Autre message :

‘Le conseil de prud’hommes m’a innocentée dans toutes les fautes, sauf celle te concernant (que je n’ai pas commise), et celle qui consiste à dire que j’ai angoissé des résidents (ton autre courrier adressée à [Y] [GP]).

Aussi, c’est la cour d’appel qui va juger cela dans un peu plus d’un mois (faute ou pas, licenciement fondé ou pas)’

Message à la cousine de M. [C] :

‘Merci [X] d’avoir prévenu [A].

Il vient de m’appeler, et j’avais convenu avec lui d’aller le voir à [Localité 4] dimanche.

Je devais auparavant lui envoyer des documents (des attestations qu’il a rédigé en 2017 contre moi dans le cadre de notre travail) car il ne s’en ‘souvenait plus’.

Ce que j’ai fait dans messenger, ici même, et il a pu les lire.

Mais il ne me répond plus désormais, on dirait!

Aussi, je vous prierais de bien vouloir lui rappeler (je l’avais averti au téléphone) que je me réserve en conséquence le droit de porter plainte contre lui pour ‘fausses attestations’ (article 202 du code de procédure civile).

Car en raison de deux attestations mensongères qu’il a fourni (il y a 6 ans), j’ai été licenciée.

Ma plainte sera alors transférée du commissariat de [Localité 5] au commissariat de [Localité 6] à proximité de [Localité 4].

Merci par avance,

et navrée de devoir une nouvelle fois vous déranger.

J’espère qu’il va finalement me répondre, car c’est urgent.

[D] [M], ancienne AMP, et juge prud’homale désormais.’

Enfin, un dernier message :

‘[X]’

C’est encore moi..

Vous pouvez dire à [A] que je peux passer dimanche chez lui, et qu’il lui suffirait de me remplir une autre attestation où il déclare :

qu’il ne se souvient pas avoir rédigé des attestations contre moi, car il était sous traitement anxiolytique.

C’est vrai, je m’en souviens, il prenait des calmants à l’époque. On en a reparlé au téléphone. Faut dire que notre boulot était stressant.’

Ainsi, il ressort de la lecture de ces messages, qu’au-delà de rappeler les risques encourus en cas de fausse attestation, Mme [M] insiste pour que M. [C] la contacte téléphoniquement, puis, prend l’attache d’un tiers face à son silence, en lui dictant l’attestation à rédiger, et ce, tout en lui faisant faussement croire que c’est sur la base de sa seule attestation et de son courrier que les premiers juges ont validé le licenciement alors même qu’a également été retenu comme établi le climat délétère qu’elle faisait régner au sein du foyer.

Bien plus, au-delà de cette pression psychologique déjà ainsi mise sur M. [C], elle se prévaut de sa fonction de juge prud’homal, sans pouvoir ignorer l’autorité qui peut être attaché à une telle fonction pour un salarié, d’autant plus au regard de la manière dont cette information est portée à la connaissance de M. [C], à savoir, pour rappel, PS : potasser le droit a porté ses fruits pour moi, je suis devenue juge prud’homale à Rouen. J’ai tellement horreur des licenciements injustes, et encore plus des déclarations mensongères…’

Aussi, au regard du contexte ayant existé au sein de l’association Aide rurale Pays de Bray en 2017, lequel a, à juste titre, pu conduire les salariés à évoquer une certaine crainte liée à l’attitude de Mme [M], et de ce que les éléments récemment versés aux débats démontrent que cette situation n’a guère évolué en raison du ressentiment existant chez Mme [M] et de l’attitude qui en découle, il convient de dire que la réintégration de cette dernière au sein de l’association Aide rurale Pays de Bray est impossible, l’employeur étant tenu d’une obligation de sécurité l’obligeant à préserver ses salariés d’une situation de crainte, dangereuse pour leur santé mentale.

Il convient en conséquence de débouter Mme [M] de sa demande de réintégration ainsi que de ses demandes indemnitaires et remise de bulletins de salaire en découlant, à savoir indemnité d’éviction, congés payés afférents et astreinte.

Néanmoins, dès lors que la nullité du licenciement a été prononcée, sans cependant qu’il ne soit ordonné la réintégration de Mme [M], matériellement impossible, il convient de faire droit à sa demande en ce qui concerne l’indemnité de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement, tous trois justement calculés sur la base d’un salaire de référence de 1 772,21 euros correspondant au salaire de base, majoré de l’indemnité RTT, de l’indemnité sujétion spéciale et de l’indemnité dimanches et jours fériés, perçues chaque mois et correspondant au salaire qu’elle aurait perçu si elle avait travaillé.

Par ailleurs, conformément à l’article L. 1235-3-1 du code du travail qui prévoit une indemnisation ne pouvant être inférieure au salaire des six derniers mois, il convient, au regard de l’ancienneté de Mme [M], et alors qu’elle a connu des périodes de chômage, de condamner l’association Aide rurale du Pays de Bray à lui payer la somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Enfin, en vertu de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner à l’association Aide rurale du Pays de Bray de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [M] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de huit jours.

IV – Sur la remise de documents

Il convient d’ordonner à l’association Aide rurale du Pays de Bray de remettre à Mme [M] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifiés, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte.

V – Sur les intérêts

Les sommes allouées en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement rendu par le conseil de prud’hommes et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt, comme demandé par Mme [M].

Les intérêts échus produiront intérêts, dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière à compter de l’arrêt, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

VI – Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner l’association Aide rurale du Pays de Bray aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [M] la somme de 2 500 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté l’association Aide rurale du Pays de Bray ‘La Brèche’ de sa demande de remboursement des heures supplémentaires et l’a condamnée à payer à Mme [D] [M] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales quotidiennes et en ce qu’il a débouté cette dernière de ses demandes d’indemnité pour travail dissimulé et pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires et congés payés afférents ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [D] [M] est nul ;

Déboute Mme [D] [M] de sa demande de réintégration, ainsi que de ses demandes indemnitaires et remise de bulletins de salaire en découlant ;

Condamne l’association Aide rurale du Pays de Bray ‘La Brèche’ à payer à Mme [D] [M] les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 1 772,21 euros

congés payés afférents : 177,22 euros

indemnité de licenciement : 516,89 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 11 000,00 euros

rappel d’heures supplémentaires : 181,82 euros

congés payés afférents : 18,18 euros

dommages et intérêts pour non-respect des

durées maximales hebdomadaires au travail : 150,00 euros

dommages et intérêts pour non-respect des

repos hebdomadaires : 150,00 euros

dommages et intérêts pour non-respect des

repos suite au travail de nuit : 150,00 euros

Dit que les sommes allouées en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement rendu par le conseil de prud’hommes et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts échus produiront intérêts, dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière à compter de l’arrêt ;

Ordonne à l’association Aide rurale du Pays de Bray de remettre à Mme [D] [M] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifiés ;

Dit n’y avoir lieu à astreinte ;

Ordonne à l’association Aide rurale du Pays de Bray de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [D] [M] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de huit jours ;

Condamne l’association Aide rurale du Pays de Bray aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Condamne l’association Aide rurale du Pays de Bray à payer à Mme [D] [M] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute l’association Aide rurale du Pays de Bray ‘La Brèche’ de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x