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11 janvier 2024
Cour d’appel de Papeete
RG n°
22/00373
N° 13
MF B
————–
Copie exécutoire
délivrée à :
– Me Oputu,
Le 11.01.2024.
Copie authentique
délivrée à :
– Me Quinquis,
le 11.01.2024.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 11 janvier 2024
RG 22/00373 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 43, rg n° 11/00031 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, section détachée d’Uturoa Raiatea du 29 août 2022 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 20 décembre 2022 ;
Appelante :
La Société Moemoea, société civile immobilière, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 3106 B dont le siège social est sis au Centre Ville Raiatea, domicile ès-qualitès audit siège ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Robin QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La Sarl Tamahere, société à responsabilité limitée immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 08116 B dont le siège social est sis à [Adresse 1], prise en la personne de sa gérante statutaire Mme [I] [R] ;
Représentée par Me Lorna OPUTU, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 27 octobre 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 novembre 2023, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Par acte authentique du 11 juillet 2008, la Sarl Moemoea a cédé à la société Tamahere, un fonds de commerce de snack-bar exploité au sein d’un immeuble appartenant à la SCI Moemoea dans la commune de Uturoa (île de Raiatea, Polynésie française) en contrepartie du paiement de la somme de 23’000’000 XPF outre le loyer mensuel du bail commercial réévalué à 160’000 XPF.
Par acte extrajudiciaire du 23 décembre 2010, la SCI Moemoea a délivré à la société Tamahere ainsi qu’aux trois autres exploitants de locaux situés dans le même immeuble, un congé avec refus de renouvellement du bail commercial moyennant le paiement d’une indemnité d’éviction au locataire, le congé prenant effet le 30 juin 2011.
Suivant requête du 28 juin 2011, la société Moemoea et les trois autres exploitants, ont engagé une action en fixation de l’indemnité d’éviction.
M. [Y] [J] a été désigné en qualité d’expert judiciaire et a déposé son rapport le 21 novembre 2012. Une contre-expertise a été ordonnée et a été exécutée par Mme [L] [K], expert ayant déposé son rapport le 28 novembre 2019.
Au vu de ce rapport, la société Tamahere a réclamé une indemnité d’éviction de 97 800 000 XPF alors que la SCI Moemoea offrait la somme de 15 445 167 XPF à ce titre.
Les 3 autres locataires commerciaux se sont désistés de leur action.
***
Suivant jugement n° 43 rendu le 29 août 2022 (RG 11/000 31), le tribunal civil de première instance de Papeete en sa section détachée de Uturoa Raiatea a, concernant les relations de la SCI Moemoea et de la société Tamahere :
– a fixé l’indemnité d’éviction du bail commercial due à la société Tamahere à la somme de 46’445’167 XPF,
– a rappelé que l’ordonnance sur incident rendue par le juge de la mise en état le 22 juin 2015 avait condamné la SCI Moemoea à payer à la société Tamahere une provision à valoir sur l’indemnité d’éviction du bail commercial, de 9’296’000 XPF ,
– a condamné la SCI Moemoea à payer à la société Tamahere au titre de l’indemnité d’éviction du bail commercial, la somme de 37’149’167 XPF ,
– a ordonné l’exécution provisoire de sa décision,
– a condamné la SCI Moemoea à payer à la société Tamahere la somme de 500’000 XPF au titre des frais irrépétibles, outre les dépens,
– a rejeté toutes autres demandes.
***
Suivant déclaration reçue au greffe le 20 décembre 2022, la SCI Moemoea a relevé appel, et en ses dernières conclusions du 12 octobre 2023, elle demande à la cour, statuant après infirmation du jugement entrepris en ses dispositions qui lui sont défavorables,
– de fixer l’indemnité d’éviction due à la société Tamahere à la somme de 15’445’167 XPF,
– de condamner en conséquence, la société Tamahere à lui rembourser la somme de 31’000’000 XPF,
– de condamner la société Tamahere à lui verser en outre la somme de 1’000’000 XPF au titre des frais irrépétibles, et de laisser à sa charge les entiers dépens.
En ses dernières conclusions du 21 septembre 2023, l’Eurl Tamahere entend voir la cour infirmant partiellemen le jugement et statuant à nouveau,
Fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 97’800’000 XPF montant révisé après le dépôt du rapport définitif d’expertise le 19 novembre 2019 ventilé comme suit :
‘ valeur du fonds de commerce 31’000’000,
‘ indemnité de licenciement 2’005’167,
‘ droit au bail 13’440’000,
‘ remboursement du solde du prêt 14’321’158,
‘ indemnité de perte sur la marge commerciale 37’061’851,
Condamner en outre la SCI Moemoea à lui verser la somme de 500’000 XPF représentant les frais irrépétibles, outre les entiers dépens qui doivent rester à sa charge.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure, des prétentions des parties, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. Se conformant aux dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.
MOTIFS DE LA DECISION :
L’appelante demande que,
– que l’indemnité d’éviction soit fixée selon les conclusions de l’expert Mme [K], soit pour la valeur du droit au bail, la somme de 13’444’000 XPF et les indemnités de licenciement évaluées à 2’005’167 XPF soit 15’445’167 XPF ;
– que, compte tenu de ce que l’exploitation était déficitaire, il ne soit pas inclus dans l’indemnité d’éviction comme l’a fait le tribunal, la valeur marchande du fonds de commerce en plus de la valeur du droit au bail à hauteur de la somme de 31 millions XPF ;
– que les indemnités accessoires dont la société demande le paiement, soit le solde d’un prêt bancaire s’élevant à 14’321’158 XPF ne soient pas retenues, non plus que l’indemnisation du poste intitulé «perte sur la marge commerciale pour les exercices de 2011, 2012 et premiers trimestres 2013», qui est contraire à la jurisprudence.
Le tribunal a statué au vu de l’article L.145-14 du code de commerce.
Il en résulte que lorsqu’il refuse le renouvellement du bail commercial, le bailleur doit en principe payer une indemnité qui doit réparer intégralement le préjudice résultant pour le locataire de l’obligation de quitter les lieux à la suite du non-renouvellement du bail.
L’indemnité comprend la valeur marchande du fonds déterminée selon les usages de la profession, les frais normaux de déménagement et de réinstallation, les frais et droit de mutation à payer pour un fonds d’égale valeur, sauf dans le cas où le propriétaire rapporte la preuve que le préjudice est moindre.
En l’état le bailleur indique que la valeur marchande du fonds de commerce se résume à celle du droit au bail car les résultats de l’entreprise sont déficitaires. Il ne conteste pas les indemnités accessoires.
La locataire réplique que le tribunal a, à juste titre, retenu l’estimation du fonds de commerce faite par l’expert [J] à hauteur de 31 000 000 XPF et celle de l’expert [K] de 13 440 000 XPF pour le droit au bail.
– sur l’indemnité principale :
Le tribunal a retenu que la valeur marchande du fonds de commerce s’élevait à 31 000 000 XPF et que le droit au bail était de 13 440 000 XPF sur la base du rapport de Mme [K] et que s’y ajoutaient les indemnités de licenciement de 2 0005 167 XPF.
Il n’est fait état en appel d’aucun élément juridique nouveau et il n’est produit aucune pièce d’une valeur probante équivalente à celle des rapports d’expertise judiciaire. Du reste, les parties argumentent sur la base des conclusions des experts judiciaires mais en font une lecture différente en fonction de leur thèse respective.
S’agissant de la valeur marchande du fonds de commerce :
La SCI Moemoea appelante soutient que la valeur du fonds est réduite à celle du droit au bail.
Elle produit aux débats l’annexe 4 du rapport de M. [J] et le rapport intégral de Mme [K]. Quant à l’intimée, elle ne verse aux débats aucune partie des rapports d’expertise.
Etant saisie dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire, la cour ne statue qu’au vu des pièces qui sont communiquées dans le cadre de la mise en état d’appel.
Dans son rapport, Mme [K] rappelle que la cession de fonds de commerce a eu lieu le 11 juillet 2008 pour le prix de 23 000 000 XPF, et que le local était loué à la société Tamahere en contrepartie d’un loyer de 160 000 XPF par mois.
Pour l’expert, l’emplacement de l’immeuble dans lequel était exploité le snack bar de la société Tamahere situé en front de mer en face de la marina de Utuora est de premier choix pour la commercialisation, et elle propose donc que la valeur du fonds de commerce soit chiffrée à 31 millions XPF en retenant le calcul par la valorisation du chiffre d’affaire qui est normalement calculée sur la moyenne du chiffre d’affaire des trois dernières années : en l’état, la société Tamahere ayant cessé son activité après deux ans seulement, Mme [K] a fait la moyenne des résultats des années 2009 et 2010.
Elle chiffre également la valeur du droit au bail à hauteur de13 440 000 XPF par application d’un coefficient multiplicateur du loyer annuel de 1 920 000 XPF.
Force est de constater que Mme [K] a utilisé une méthode de calcul purement abstraite qui, du reste, a été conçue pour être utilisée sur trois années d’exploitation, et non sur deux années d’exercie seulement, pour conférer une valeur objective à un fonds de commerce.
Or, la société Tamahere qui a libéré le local en juin 2011, ne produit pas absolument aucun élément matériel pour justifier qu’il soit retenu une valeur de 31 000 000 XPF pour un fonds de commerce exploité entre 2008, année de création de la société, et la cessation de son activité en fin 2010.
Il apparaît qu’en réalité l’éviction du locataire n’a pas entraîné la perte du fonds de commerce dont l’activité très récente était déjà largement déficitaire. La SCI Moemoea appelante renvoie à l’annexe 4 du rapport [J] qui confirme que depuis 2010, l’activité du snack bar était déficitaire et qui a chiffré l’indemnité d’éviction à 9 296 000 XPF. Et Mme [K] indique dans son rapport que la société a cessé son activité dès la délivran-ce du congé le 23 décembre 2010 et qu’elle a licencié son personnel.
Du reste, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 22 juin 2015, alloué à la société Tamahere une provision de 9 296 000 XPF à valoir sur l’indemnité d’éviction alors qu’elle réclamait 40 000 000 XPF à ce titre, et cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d’appel rendu le 27 avril 2017.
Il apparait donc que c’est à bon droit que l’appelante soutient que la valeur du fonds de commerce se résout à celle du droit au bail soit la somme non contestée par l’appelante – de 13 440 000 XPF – de sorte que le jugement devra être infirmé.
Le montant des indemnités de licenciement s’élevant à 2 005 167 XPF n’est pas discuté et doit donc être intégré dans l’indemnité d’éviction.
Pour le surplus des demandes indemnitaires de la société Tahamhere, il convient de rappeler que l’expertise judiciaire a pour objet, de donner un avis technique au tribunal mais non de constituer des preuves pour les parties qui doivent elles-mêmes communiquer aux juges les pièces justifiant leurs prétentions, surtout quand il s’agit de calculer des indemnités sur la base de pièces comptables.
Or, aucune pièce n’est produite par la société Tamahere concernant le solde du prêt bancaire de 14 321 158 XPF dont elle sollicite le remboursement au titre des indemnités accessoires. Et dans son rapport, Mme [K] indique qu’elle laisse à l’appréciation souveraine du tribunal, ce poste de demande.
S’agissant d’indemnités de perte sur la marge commerciale pour les exercices 2011 au 1er trimtesre 2013, là encore, aucune pièce n’est versée aux débats et l’expert [K] n’a pas été saisie d’une demande d’avis sur ce poste. Au surplus, c’est à bon droit que l’appelante relève qu’il ne peut être tenu compte d’éléments postérieurs au départ du locataire.
En conséquence, la société Tamahere doit être déboutée de ces deux chefs de prétention.
Il résulte des motifs susvisés que l’appel de la SCI Moemoea est fondé en ce que l’indemnité d’éviction dont elle est redevable à l’égard de la société Tamahere doit être fixée à 15 445 167 XPF (13 440 000 + 2 005 167).
Il n’y a pas lieu de prononcer à l’égard de la société Tamahere une condamnation à restituer le trop-perçu de 31 000 000 XPF au titre de l’infirmation du jugement car l’arrêt à intervenir sera insusceptible de recours suspensif d’exécution, ce qui induit que sa signification vaudra titre de remboursement. En outre la cour n’est pas juge de l’exécution de ses propres décisions. Cette demande sera rejetée.
– Sur les frais de procédure :
Aucune des parties n’obtient totalement gain de cause. Dès lors, chacune d’entre elles devra supporter les entiers dépens qu’elle a exposés. Et au surplus, il n’apparait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune ses débours irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Vu l’appel de la SCI Moemoea,
Statuant dans les limites de l’appel interjeté à l’égard de la société Tamahere seulement,
Infirme le jugement en ce qu’il a :
– fixé l’indemnité d’éviction du bail commercial due à la société Tamahere à la somme de 46’445’167 XPF,
– condamné la SCI Moemoea à payer à la société Tamahere au titre de l’indemnité d’éviction du bail commercial, la somme de 37’149’167 XPF,
– a condamné la SCI à payer à la société Tamahere la somme de 500’000 XPF au titre des frais irrépétibles, outre les dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SCI Moemoea à payer à la société Tamahere au titre de l’indemnité d’éviction du bail commercial, la somme de 15 445 167 XPF,
Confirme les autres dispositions du jugement querellé,
Y ajoutant,
Rejette les demandes présentées au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Dit que chacune des deux parties conservera la charge des dépens de première instance et d’appel qu’elle a exposés pour les besoins du procès.
Prononcé à Papeete, le 11 janvier 2024.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD