Indemnité d’éviction : 10 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09075

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Indemnité d’éviction : 10 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09075

10 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/09075

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 10 MAI 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09075 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDVBQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 18/07995

APPELANTE

SARL AGI-WT

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 1]

[Localité 6]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 478 162 175

représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

assistée de Me Véronique SAHAGUIAN, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Stéphanie OGER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A. ICADE

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 4]

[Localité 7]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 113 613 795

représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée de Me Régis HALLARD, avocat au barreau des Hauts de Seine

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé,devant M.Douglas BERTHE, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie RECOULES, Présidente de chambre

M.Douglas BERTHE, Conseiller

Mme Emmanuelle LEBEE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Nathalie RECOULES, Présidente de chambre, et par Mme Laurène BLANCO, greffier, présente lors de la mise à disposition.

La SARL AGI-WT est preneuse de cinq baux commerciaux consentis par la SA ICADE dans les conditions suivantes :

Date du bail

Locaux

Destination

prise d’effet

Durée du bail

Loyer convenu

26/12/07

Deux travées du bâtiment [Adresse 2],

usage d’entrepôt.

30/04/08

12 ans

106.880 € au titre de la partie sud et 272.800 € au titre de la

partie nord indexé ICC

03/12/09

Travée n°4 du bâtiment [Adresse 3]

([Adresse 8]

usage d’entrepôt

01/01/ 2010

12 ans

o 95.398€ HT/HC au titre de la première année,

o 123.510€ HT/HC au titre de la deuxième année,

o 128.880€ HT/HC au titre de la troisième année,

o 134.250€ HT/ HC depuis de la quatrième année, indexé chaque année indice ICC.

15/06/07

Deux travées 3 et 4 du bâtiment [Adresse 5]

([Adresse 8]

usage d’entrepôt

31/10/07

12 ans

123 000 € HT/ HC indexé ICC

15/06/07

[Adresse 8] 3 et 4 du

[Adresse 9]

usage d’entrepôt

01/10/07

12 ans

88.892 € HT/ HC à compter du 1er juillet 2007 puis 123.000 € HT/ HC à

compter du 1er octobre 2007

30/07/04

[Adresse 8] ‘ Travées 1 et 2 du

[Adresse 10]

vente en gros et demi-gros

d’articles de maroquinerie, confection, textiles, radios, hi-fi, électroménagers, articles

de bazars

01/08/04

9 ans

75.400 € HT/ HC indexé ICC

La SA ICADE a fait délivrer à la SARL AGI-WT deux commandements de payer visant la clause résolutoire pour chacun des baux susvisés, le premier le 29 mai 2018 et le second le 24 mai 2019, pour les montants suivants :

Local concerné :

Sommes exigées au titre du commandement de payer du 29 mai 2018

Sommes exigées au titre du commandement de payer du 24 mai 2019

501

439.638,77 €

666.966,48 € TTC

255

207.771,67 €

292.404,40 € TTC

274

146.957,86 €

201.569,47 € TTC

275

193 995,11 €

230.768,88 € TTC

276

170.403,11 €

202.846,28 € TTC

En application de la clause attributive de compétence des baux, la SARL AGI-WT a assigné deux fois la SA ICADE au titre de chacun des cinq baux devant le tribunal de grande instance de Paris à raison de chaque commandement de payer aux fins de les voir déclarer nuls et les deux instances ont été jointes.

Par cinq jugements distincts des 23 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a notamment constaté l’acquisition de la clause résolutoire des baux, dit que la SARL AGI-WT devra libérer les lieux, a condamné le preneur à une indemnité d’occupation mensuelle équivalente au dernier loyer majoré des charges, outre 1 000 € au titre des clauses pénales des baux ainsi qu’au paiement des arriérés locatifs avec intérêts au taux légal pour les montants respectifs de 1 300 186,46 € en ce qui concerne le local 501, 542 293,06 € en ce qui concerne le local 255, 421 321,79 € en ce qui concerne le local 274, 447 321,79 € en ce qui concerne le local 275 et 142 420,26 € en ce qui concerne le local 276, le tout arrêté au 6 octobre 2020.

La SARL AGI-WT a interjeté appel de ces cinq jugements qui ont fait l’objet d’une jonction le 8 juin 2022.

L’ordonnance de clôture a été prononcée à l’audience de plaidoirie du 30 janvier 2023, après dépôt des conclusions récapitulatives des parties.

Vu les conclusions récapitulatives de la SARL AGI-WT du 27 janvier 2023.

Vu les conclusions récapitulatives de la SA ICADE du 27 janvier 2023.

Motifs de l’arrêt :

Sur la nullité des commandements de payer du 29 mai 2018 :

Le commandement de payer doit informer clairement le locataire du montant qui lui est réclamé et être suffisamment précis pour lui permettre d’identifier les causes des sommes exigées.

En l’espèce, il résulte des décomptes annexés aux cinq commandements de payer litigieux que ceux-ci font état de sommes globalisées et non détaillées ne permettant pas d’identifier précisément leurs causes (loyer, charges privatives, charges communes, taxe foncière, TVA, rappel dépôt de garantie, régularisation…). En outre, le décompte fourni par le bailleur doit s’avérer compréhensible au jour de la signification du commandement et ne faire l’objet d’une régularisation postérieure, notamment à l’occasion des débats de l’instance.

Dès lors, ces cinq commandements de payer du 29 mai 2018 seront déclarés nul et de nul effet et les jugements entrepris seront infirmés sur ce point.

Sur la nullité des commandement de payer des 24 et 31 mai 2019 :

L’objet du commandement de payer est d’exiger le paiement des impayés du locataire, ceux-ci devant être reproduits dans un décompte précis annexé au commandement.

Force est de constater que dans chaque commandement incriminé l’huissier a détaillé de façon extrêmement claire et précise l’ensemble des causes des sommes exigées, non seulement dans leur nature ((loyer, charges privatives, charges communes, taxe foncière, TVA, rappel dépôt de garantie, régularisation…) mais également en indiquant précisément les échéances restées impayées. Il ne saurait être fait grief au bailleur de ne pas avoir pris en compte les règlements effectués par le locataire alors que les décomptes joints sont exposés déduction faite de l’ensemble des paiements effectivement réalisés ainsi que des avoirs et retracent fidèlement les sommes restées impayées.

Les baux ‘ identiques sur ce point dans leurs rédactions et se trouvant être la loi des parties ‘ stipulent en leurs articles 17.3 sur l’imputation des règlements, que les paiements du preneur s’imputent par ordre d’ancienneté des dettes, après régularisation dans cet ordre de priorité du dépôt de garantie, des intérêts de retard, des frais de recouvrement et de l’éventuel coût des travaux à la charge du preneur.

Ainsi, en ce qui concerne le bâtiment 501, le preneur ne peut valablement reprocher au commandement de payer de considérer que l’échéance locative de juillet 2018 n’avait pas été acquittée sans tenir compte de son paiement du 22 janvier 2019 dans la mesure où il n’est pas contesté que plusieurs échéances précédentes, notamment celle de juin 2018, n’avait pas été réglées ; l’arriéré représentant en valeur 13 mois de loyers non acquittés.

Il en est de même pour le bâtiment 255, où il ne peut être fait grief au bailleur de ne pas avoir pris en compte le règlement intervenus les 18 janvier 2018, 9 février, 12 septembre et 16 octobre 2018 au titre des mois de janvier, février, août et octobre 2018 alors que ces règlements ne correspondent nullement aux échéances de leur encaissements, l’arriéré représentant en valeur quatorze mois de loyers à la date du commandement.

Pour le bâtiment 274, il ne peut être fait grief au bailleur de ne pas avoir pris en compte le règlement intervenu le 16 octobre 2018 au titre du mois d’octobre 2018 alors que ce règlement ne correspond nullement à l’échéance de son encaissement ; l’arriéré représentant en valeur onze mois de loyers à la date du commandement. Là encore, l’objet du commandement de payer est d’exiger le paiement du reliquat de la dette exigible du locataire et non faire l’inventaire de l’ensemble des sommes précédemment acquittées ou de mentionner l’avoir de taxe 2017 de 982,94 € consenti le 26 février 2018, qui se trouve avoir été effectivement déduit par le bailleur de la dette réclamée par le commandement de payer, soit 201 509,47 €, déduction faite notamment de cet avoir.

Pour le bâtiment 275, il ne peut être fait grief au bailleur de ne pas avoir pris en compte le règlement partiel intervenu le 16 octobre 2018 prétendument au titre du mois d’octobre 2018 alors que ce règlement ne correspond nullement à l’échéance de son encaissement ; l’arriéré représentant en valeur treize mois de loyers à la date du commandement. Là encore, l’objet du commandement de payer est d’exiger le paiement du reliquat de la dette exigible du locataire et non faire l’inventaire de l’ensemble des sommes précédemment acquittées ou de mentionner l’avoir de taxe 2017 de 1 391,78 € consenti le 26 février 2018, qui se trouve avoir été effectivement déduit par le bailleur de la dette réclamée par le commandement de payer, soit 230.768,88 €, déduction faite notamment de cet avoir.

Pour le bâtiment 276, où il ne peut être fait grief au bailleur de ne pas avoir pris en compte le règlement partiel intervenu le 16 octobre 2018 prétendument au titre du mois d’octobre 2018 alors que ce règlement ne correspond nullement à l’échéance de son encaissement ; l’arriéré représentant en valeur treize mois de loyers à la date du commandement.

La mauvaise foi du bailleur ne saurait être alléguée dès lors que les difficultés récurrentes de paiement du preneur sont intervenues, au regard des seuls derniers relevés de compte du locataire, au moins dès 2012 pour le bâtiment 501, dès 2011 pour le bâtiment 255, dès 2012 pour le bâtiment 274, dès 2012 pour le bâtiment 275, dès 2008 pour le bâtiment 276 et que la dette locative s’est significativement majorée à hauteur de 38% entre la date des deux commandements de payer de payer délivrés, soit en 12 mois. Le fait que le preneur ait acquiescé à des saisies-conservatoires n’emporte pas d’effet libératoire étant rappelé que ce dernier conteste le décompte des sommes lui étant réclamées.

Il est en outre de jurisprudence établie [Civ. 3e, 30 juin 2022], que les interdictions d’activité ou de réception du public imposées par l’administration relèvent exclusivement de la responsabilité éventuelle de cette dernière et ne peuvent être imputables aux bailleurs en ce qu’il aurait manqué à son obligation de délivrance ou être assimilé à la perte de la chose louée. En outre, le débiteur d’une somme d’argent ne peut s’exonérer de son obligation de payer en invoquant la force majeure alors qu’il résulte de l’article 1218 du code civil que le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure et qu’ en l’espèce, l’indisponibilité du bien n’est pas la conséquence de manquements personnels du bailleur ou de désordres de nature décennale. En outre, le bailleur ayant exécuté son obligation de délivrance, l’exception d’inexécution ne saurait lui être opposé.

La prétendue nécessité de préserver la viabilité financière du preneur ou de ses sous-locataires ne saurait être opposée au bailleur qui n’est pas l’associé de ces derniers.

Alors que la société AGI-WT fait état de la perte de 170 emplois en cas d’acquisition de la clause résolutoire et produit un compte d’exploitation 2020 de 350 000 € de charges salariales et ne produit aucun état de son personnel, elle ne démontre pas que le communiqué de presse de la SA Icade du 17 avril 2020 relatif à l’annulation des loyers dus au titre du 2e trimestre 2020 au profit de ses locataires TPE de moins de 10 salariés est susceptible de la concerner. En outre, ce communiqué, qui ne présente aucune valeur contractuelle, est intervenu très postérieurement au mois suivant la signification des commandements de payer litigieux.

Enfin en ce qui concerne les dispositions de l’article 1195 du Code civil sur l’imprévision, la société AGI-WT ne démontre pas l’existence d’un changement de circonstances imprévisibles qui rendrait l’exécution des baux excessivement onéreuse et dont elle persiste à solliciter par ailleurs le maintien.

Dès lors, l’obligation de payer les sommes dues au titre des baux n’était pas sérieusement contestable, les commandements de payer des 24 et 31 mai 2019 ont été régulièrement délivrés, le preneur ne s’est pas acquitté des causes des commandements dans le délai du mois de leur significations (réalisées le 31 mai 2019) et il y a lieu de constater l’acquisition de la clause résolutoire à compter du 30 juin 2019 à minuit. Les dispositions des jugements entrepris sur la libération des lieux et le sort des meubles seront ainsi également confirmées, étant précisé, comme l’a constaté le premier juge qu’il n’y a pas lieu d’assortir la condamnation d’une mesure d’astreinte dès lors que l’exécution des mesures d’expulsion est assurée par le concours de la force publique. Dès lors que les clauses résolutoires sont acquises, le preneur a perdu le bénéfice de son droit au renouvellement des baux ou à une indemnité d’éviction.

Sur la demande de suspension de la clause résolutoire du bail et l’octroi de délai de paiement :

Les difficultés récurrentes de paiement par le preneur sont intervenues, au visa des derniers relevés de compte du locataire, au moins dès 2012 pour le bâtiment 501, dès 2011 pour le bâtiment 255, dès 2012 pour le bâtiment 274, dès 2012 pour le bâtiment 275, dès 2008 pour le bâtiment 276 et la dette locative s’est significativement majorée à hauteur de 38% entre la date des deux commandement de payer de payer délivrés, soit 12 mois. Le fait que le preneur ait acquiescé à des saisies-conservatoires non converties en saisies-attribution n’emporte pas d’effet libératoire pour le preneur qui conteste en outre le décompte des sommes lui étant réclamées. Il n’est pas contesté que la Société AGI-WT a prioritairement tenté de solder sa dette locative relative au bâtiment 234 qui ne fait pas l’objet du litige et qui a été apurée entièrement en janvier, juin et juillet 2022, ce qui avait amené la Société ICADE à se désister d’une procédure en référé engagée contre le preneur. Pourtant, il ressort des débats que sa dette locative pour ce bâtiment accusait de nouveau un débit au 16 janvier 2023 de 108 480,48 €. Les difficultés de trésorerie du preneur s’avèrent régulières et chroniques et il n’est en outre pas démontré que ses démarches aux fins de financement ont abouties ni que sa marge d’exploitation actuelle lui permettra de faire face à ses obligations dans le futur. Dans ces conditions, il ne sera pas fait droit aux demandes de suspension des effets des clauses résolutoires et d’octroi de délais de paiement.

Sur les comptes entre les parties :

La SA ICADE produit le décompte locatif des six locations consenties à la SARL AGI-WT au 16 janvier 2023. Ces décomptes sont clairs et précis et reprennent en compte fidèlement les sommes que le preneur allègue avoir versé, les avoirs qui ont été constatés ainsi que les sommes effectivement portées au compte du bailleur. Il est toutefois observé que le preneur se prévaut ‘ en déduction de la dette locative au titre des cinq bâtiments litigieux ‘ des sommes qu’il a versé au titre du loyer du bâtiment 234 (17.045,26 € en janvier et février 2021, 33 770,96 € en février 2021, 55.000 € en novembre 2021 et deux versements de 50 000 € en décembre 2021) et que le paiement de l’ensemble de ces sommes a donc été prise en compte par le bailleur.

Par ailleurs, le bailleur ne conteste pas que les décomptes relatifs aux bâtiments 501, 255, 274 et 275 n’ont pas enregistré l’ensemble des sommes effectivement perçues par l’huissier, notamment de la part des différents sous-locataires. Il produit lui-même les décomptes d’arriéré locatif par bâtiment de son huissier mandataire, eux aussi établis au 16 janvier 2023 et dont il ressort un arriéré locatif de 983 773,23 € pour le bâtiment 501, 160 983,74 € pour le bâtiment 255, 43 094,49 € pour le bâtiment 274, 89 760,91 € pour le bâtiment 275. Le décompte de l’huissier relatif au bâtiment 275 reproduit est fidèle en ce sens qu’il fait état du virement de 10 000 € qui lui a été adressé le 7 octobre 2022 par la SARL KIKI Fashion, sous-locataire et qu’il a reçu en date du 10 octobre 2022. Il y a donc lieu de considérer que l’arriéré locatif relatif au bâtiment 275 est exact.

Il n’est pas allégué que l’huissier a été mandaté pour recouvrer l’arriéré locatif relatif au bâtiment 276 ni qu’il a perçu une quelconque somme de la part du sous locataire, SILVERSTONE, le décompte locataire ne reprenant que les règlements par chèques ou virements effectués directement par le preneur. À ce titre et contrairement à ce que prétend le preneur, son virement de 260 000 € en juillet 2020 a bien été pris en compte dans son relevé de compte au titre du bâtiment 276 qui accuse un solde débiteur de 603 022,50 € au 16 janvier 2023 alors que comme l’avait constaté le premier juge, cet arriéré était de 142 420,26 € en octobre 2020.

Dès lors, l’arriéré locatif étant ainsi déterminé au 16 janvier 2023 au titre des chacun des bâtiments loués, il n’y a pas lieu de désigner un expert comptable pour faire un compte entre les parties et le preneur sera condamné à payer les sommes ci-dessus déterminées.

Sur les clauses pénales :

Aux termes de l’article 17,4 des baux tous rédigés de façon identique sur ce point, il est stipulé qu’en cas de non-paiement a l’échéance, de toute somme due par le preneur, elle produira, de plein droit et sans mise en demeure préalable, intérêt au taux légal majoré de 5 points à compter de cette échéance. En outre l’article 19 des baux prévoit qu’en outre, toute action judiciaire introduite par la compagnie bailleresse a l’encontre du preneur aux ‘ns de voir respecter les baux, donnera lieu a une participation aux frais de procédure du preneur égale à 10 % des sommes TTC dues, sans pouvoir être inférieur a 1 500 euros hors taxes ; ce plancher étant indexé sur l’indice INSEE du coût de la construction. Enfin aux termes de l’article 18 des baux, le dépôt de garantie reste acquis au bailleur en cas d’acquisition de la clause résolutoire.

Ces clauses, dont la validité n’est pas contestée s’analysent comme des clauses pénales. Sans avoir justifié d’un concours bancaire, le preneur a de facto bénéficié d’un financement moyen permanent d’environ 0,67 M en euros constants de la part de son bailleur depuis 2017, correspondant à une dépréciation de 17% de la créance de ce dernier. Dans ces conditions, les clauses ci-dessus visées s’avèrent équilibrées et ne ne peuvent s’interpréter comme étant manifestement excessives ni disproportionnées. Le preneur devra ainsi s’acquitter de 10% des arriérés ainsi qu’au paiement des intérêts sur les sommes dues au taux d’intérêt légal majoré de 5 points à compter de la date d’exigibilité de chaque somme impayée. En outre et par application des contrats, les dépôts de garantie resteront acquis au bailleur.

Sur l’indemnité d’occupation :

La société AGI-WT se trouve occupante sans droits ni titre des locaux loués depuis le 1er juillet 2019. La demande formée à hauteur d’appel par le bailleur tendant à la condamnation du preneur à une l’indemnité d’occupation indexée et fixée au double du dernier loyer contractuel ne résulte d’aucune disposition contractuelle et ne se justifie ni d’un point de vue compensatoire ou indemnitaire. Il y a donc lieu de confirmer les jugements entrepris qui ont condamné le preneur au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du dernier loyer contractuel majoré des charges.

Sur les demandes de « juger » :

Par application de l’article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « juger » qui ne constituent pas des prétentions mais ne sont en réalité que le rappel de moyens invoqués.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La société AGI-WT qui succombe à hauteur d’appel, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés directement par Maître Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau des Hauts-de-Seine en application de l’article 699 du Code de procédure civile. Les jugements de première instance seront infirmés en leurs dispositions sur les dépens en ce qu’ils ont condamné le preneur au coût du commandement de payer de payer du 29 mai 2018, nul et de nul effet. En revanche le preneur devra supporter les dépens comprenant le coût des commandements de payer valides des 24 et 31 mai 2019. En revanche les dispositions des premiers jugements relatives aux frais irrépétibles seront confirmées.

La Société AGI-WT devra en outre indemniser la SA ICADE de ses frais irrépétibles d’appel en lui payant la somme de 15 000 € en application de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME partiellement les cinq jugements du tribunal judiciaire de Paris des 23 mars 2021 (RG n° 18/07995, n° 18/07996 n° 18/07997 n° 18/07998 et 18/07999), en ce qu’ils ont :

– constaté l’acquisition de la clause résolutoire des baux au 24 juin 2018 minuit,

– condamné la société AGI-WT à payer à la société Icade les arriérés de loyers, taxes et charges échus arrêtés au 06 octobre 2020, échéance du mois d’octobre 2020 incluse avec intérêts au taux légal à compter des jugements,

– condamné la société AGI-WT à payer à la société Icade la somme de 1.000 euros au titre des clauses pénales prévues aux baux,

– condamné la société AGI-WT à payer les dépens de l’instance qui comprendront le coût des commandements de payer du 29 mai 2018,

Statuant à nouveau sur ces chefs,

DÉCLARE nul et de nul effet les cinq commandements de payer visant la clause résolutoire des baux, délivré par la SA ICADE le 29 mai 2018,

CONSTATE l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail du 30 juillet 2004, aux deux baux du 15 juin 2007, au bail du 26 décembre 2007 et au bail du 3 décembre 2009 liant la SA ICADE et la SARL AGI-WT et portant sur des locaux dépendant du Parc des Portes de [Localité 11] situés à [Adresse 8], soit la travée n°4 du bâtiment 255, les travées 3 et 4 du bâtiment 274, les travées 3 et 4 du bâtiment 275, les travées 1 et 2 du bâtiment 276 et au [Adresse 2], deux travées du bâtiment 501, à la date du 30 juin 2019 à minuit,

REJETTE les demandes de suspension des effets de la clause résolutoire des baux et de délais de paiement présentées par la SARL AGI-WT,

DIT que la SARL AGI-WT devra libérer de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef tous les lieux loués dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt,

Faute pour la SARL AGI-WT de quitter les lieux dans le délai indiqué et celui-ci passé, AUTORISE la SA ICADE à faire procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef des lieux précités, au besoin avec l’assistance de la force publique,

DIT que les meubles et objets meublant se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L433-1 et suivants et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

CONDAMNE la société AGI-WT à payer à la société ICADE la somme de 983 773,23 € pour le bâtiment 501, 160 983,74 € pour le bâtiment 255, 43 094,49 € pour le bâtiment 274, 89 760,91 € pour le bâtiment 275 et 603 022,50 € pour le bâtiment 276, correspondant aux loyers, taxes et charges échus arrêtés au 16 janvier 2023, échéance du mois de janvier 2023 incluse, avec intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter de la date d’exigibilité de chaque somme impayée,

CONDAMNE la SARL AGI-WT à payer à la SA ICADE les sommes de 98 377,32 € pour le bâtiment 501, 16 098,37 € pour le bâtiment 255, 4 309,45 € pour le bâtiment 274, 8 976,09 € pour le bâtiment 275 et 60 302,25 € pour le bâtiment 276 correspondant à 10 % des sommes TTC dues et DIT que les dépôts de garantie resteront acquis à la SA ICADE au titre des clauses pénales prévues aux baux,

CONDAMNE la société AGI-WT à payer les dépens de la première instance et de l’appel qui comprendront le coût du commandement de payer des 24 et 31 mai 2019 et qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par Maître Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau des Hauts-de-Seine,

Y ajoutant,

DEBOUTE la société AGI-WT de sa demande d’expertise comptable,

CONDAMNE la SARL AGI-WT à payer la somme de 15 000 € à la société ICADE en indemnisation des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel,

REJETTE les autres demandes.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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