10 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/02027
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 10 MAI 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02027 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBSH2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/04879
APPELANTE
Madame [Z] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Benjamin MERCIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0138
INTIMEE
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] [Localité 4], représenté par son Syndic en exercice Société GESTION TRANSACTIONS DE FRANCE qui
se trouve donc aux droits de la Société JOUBERT SA
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Luca DE MARIA, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Février 2023,en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [Z] [P] a été engagée par le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] [Localité 4], représenté par son Syndic en exercice le Cabinet JOUBERT SA, par contrat de travail écrit en date du 22 Novembre 1996, en qualité de gardienne à service permanent catégorie B.
Sa rémunération initiale était de 1.118,44 € bruts à laquelle s’ajoutait une rémunération en
nature sous la forme d’un logement de fonction de 27,38 m² en catégorie 2 ; son dernier salaire était de 1.791,37 € Bruts.
L’annexe du contrat de travail susvisé prévoyait un taux d’emploi de 74 % pour 7.400 unités de valeur.
Un logement de fonction d’une superficie de 27,38 m 2 était mis à sa disposition, comprenant 1 pièce principale réservée à l’habitation, une alcôve, une salle d’eau, un coin cuisine, un wc, ainsi qu’au 6 ème étage de l’immeuble une chambre de service n°14, deux débarras situés dans la cour, la cave.
L’attribution de ce logement représente un salaire en nature conformément à l’article 23 de la convention collective applicable, en l’espèce la convention collective des concierges, gardiens et employés d’immeubles.
La société JOUBERT SA, syndic du Syndicat des copropriétaires [Adresse 3] [Localité 4], a été dissoute le 16 juillet 2020 puis radiée, suite à la transmission universelle de son patrimoine à la Société GESTION TRANSACTIONS DE FRANCE (GTF).
La Société GESTION TRANSACTIONS DE FRANCE se trouve donc aux droits de la Société JOUBERT SA, et de ce fait est devenu le nouveau syndic du Syndicat des copropriétaires [Adresse 3] [Localité 4].
Madame [Z] [P] a été licenciée par lettre de licenciement du 22 Décembre 2017, pour faute grave énonçant les motifs suivants :
‘ Le 27 novembre 2017, monsieur [X] s’est présenté à votre loge pour vous remettre en main propre une convocation à un entretien préalable au licenciement et vous notifier votre mise à pied conservatoire dans l’attente de la décision vous concernant .
Vous avez refusé de signer ce courrier et de tenir compte de la mise à pied conservatoire qui vous a été signifiée, en rétorquant à monsieur [X] sur un ton agressif ‘vous n’êtes rien , vous n’êtes pas la loi ‘
Comme vous réceptionnez vos lettres recommandées de manière très aléatoire, nous vous avons notifié par huissier le 28 novembre 2017 au matin une convocation à un entretien préalable fixé le 8 décembre 2017 à 11hh dans nos locaux situés [Adresse 2]; ainsi que la notification de votre mise à pied conservatoire
Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien.
Préalablement le 5 décembre 2017 vous nous avez adressé un avis d’arrêt de travail pour la période du 4 au 10 décembre 2017 inclus, avec des sorties autorisées mais l’obligation d’être présente à votre domicile entre 9h et 11h puis entre 14h et 16h .
Vous n’avez pas sollicité le report de l’entretien préalable ou de modification de son horaire, pour tenir compte des autorisations de sorties. Néanmoins nous avons considéré que cet arrêt de travail avait pu vous empêcher de vous présenter à cet entretien, nous avons donc pris le soin de vous convoquer à un autre entretien. Cette seconde convocation vous demandait de vous présenter le vendredi 15 décembre à 12 h dans nos locaux situs [Adresse 2] [Localité 4] afin de recueillir vos explications sur les faits qui vous sont reprochés.
Vous nous avez adressé un second avis d’arrêt de travail pour la période du 12 au 17 décembre, avec sorties autorisées sans restriction d’horaires.
Le 15 décembre 2017, nous vous avons attendu mais une fois encore vous n’êtes pas venue à cet entretien sans fournir d’explication.
Nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave.
Nous vous rappelons chronologiquement les motifs qui nous contraignent à prendre cette mesure.
Le 25 octobre 2017 vous nous avez adressé un courrier RAR dans lequel vous énoncez une Iiste de reproches et d’accusations graves contre un copropriétaire, Monsieur [J], sans élément permettant toutefois d’en vérifier la réalité ; dans ce courrier, vous nous accusez également de ne pas vous tenir informée des travaux dans l’immeuble et de vous ‘raccrocher au nez’ lorsque vous appelez, ce qui est parfaitement faux.
Avant même que nous ayons pu répondre a votre courrier, vous avez pris l’initiative d’en adresser une copie aux copropriétaires et occupants de l’immeuble qui nous aussitôt informés.
Vous avez ainsi colporté auprès de tous les occupants de l’immeuble des faits infondés et calomnieux concernant la SA JOUBERT. S’agissant de vos accusations relatives à Monsieur [J], nous ne pouvons pas porter d’appréciation, puisque q|u’en l’état nous de disposons d’aucun élément permettant d’en contrôler la véracité. Néanmoins, la divulgation de ce courrier est fautive, car vous ne devez pas prendre à partie les occupants de l’immeuble et les méler à vos éventuels différents avec votre employeur ou un copropriétaire.
Vous avez réitéré vos agissements, puisque le 9 novembre 2017 vous nous avez adressé un second courrier RAR pour régler vos comptes avec Monsieur [J] et énoncer de nouvelles accusations contre Iui ; cette fois encore, vous l’avez diffusé auprès des occupants de l’immeuble , pour donner de la publicité à votre conflit avec ce copropriétaire.
Des membres du Conseil Syndical se sont insurgés contre vos agissements et nous ont contactés pour determiner les mesures à prendre afin que vous mettiez un terme à de telles pratiques. C’est alors que nous avons reçu un troisième courrier recommandé de votre part, daté du 13 novembre 2017, distribué lui aussi aux occupants de l’immeuble, mettant en cause Monsieur [J] et notre gestionnaire, Monsieur [X].
Dans ce courrier, vous soutenez que Monsieur [X] vous aurait adressé des courriers
recommandés et vous aurait culpabilisée pour votre fracture du bras. Vos accusations sont
totalement mensongères et particulièrement choquantes.
Tout d’abord, ce n’est pas Monsieur [X]. mais Mademoiselle [Y] qui gérait l’immeuble lorsque vous avez eu cet accident du travail le 19 novembre 2014 ; un jeune homme en roller vous a percuté alors que vous sortiez les containers à ordures ménagères sur le trottoir. Nous. ne vous avons jamais fait le moindre reproche à ce sujet et nous avons tous mis en oeuvre pour que vous soyez indemnisée et prise en charge dans les meilleures conditions possibles.
En outre, nous vous rappelons que si nous avons été contraints de vous adresser des courriers recommandés en mars 2015, c’est en raison de votre insubordination puisque vous avez repris vos fonctions sans attendre la visite de reprise Que nous avions programmée, et ce malgré nos courriers et notre interdiction.
Les accusations contre Monsieur [X] contenues dans votre courrier du 13 novembre 2017 sont infondées et inadmissibles.
Vos courriers, leur contenu et votre comportement ont indisposé de nombreux copropriétaires, lesquels sont attachés à ce que l’immeubIe demeure un lieu exempt de conflits et de polémiques avec la gardienne de leur lieu de résidence.
Par vos agissements, vous créez délibérément des polémiques et des conflits dans la copropriété, ce qui n’est pas acceptable.
Par ailleurs, nous avons été avertie par l’entreprise FORCELEC qui réalisent des travaux d’électricité dans toutes les parties communes de l’immeuble, que le 30 octobre 2017 vous avez refusé de lui ouvrir la cave que vous occupez en hurlant contre le salarié qui était présent et qui désirait seulement poursuivre son travail.
L’entreprise FORCELEC a donc été contrainte de suspendre ses travaux, faute de pouvoir accéder à votre cave.
Le 24 novembre 2017, vous ave: téléphoné à Monsieur [X] en vociférant contre lui ce dont nos autres salariés ont été témoins. De manière irrespectueuse, vous lui avez: enjoint de rétablir l’électricité dans la cave que vous occupez dans l’immeuble. Monsieur [X] vous a expliqué calmement qu’il n’était pas responsable de cette coupure d’électricité et que cela était la conséquence de votre refus de laisser l’entreprise FORCELEC accéder à cette cave. En effet, elle devait y réaliser des raccordements électriques, mais ne pouvant y accéder, pour des raisons de sécurité, elle a été contrainte de couper l’alimentation dans votre cave.
Monsieur [O] de l’entreprise FORCELEC nous a informés que dans le même temps, vous lui avez téléphoné pour l’insulter et lui donner l’ordre de rétablir l’électricité dans votre cave.
Une fois encore, votre comportement est intolérable. Vous avez refusé l’accès à cette cave sans aucune raison valable et empêché l’entreprise FORCELEC d’achever les travaux dans l’immeuble, vous êtes donc l’unique responsable de cette coupure d’électricité. Il était particulièrement mal venu de votre part, d’exiger par la suite, en employant un ton agressif avec votre employeur et insultant avec l’entreprise, le rétablissement immédiat de l’électricité.
Dans les semaines qui ont suivies, vous avez continué adopter un comportement totalement
inapproprié et constitutif de fautes graves.
Le lundi 27 novembre 2007, lorsque Monsieur [X] s’est rendu votre loge pour vous remettre en main propre la convocation à l’entretien préalable et vous notifier votre mise à pied conservatoire, il était accompagné d’un représentant de l’entreprise PRESNET missionnée pour vous remplacer pendant cette période.
Vous avez élevé la voix contre Monsieur [X] et vous avez déclaré à haute voix en le narguant, ‘vous n’êtes pas loi, c’est moi qui décide et mon avocat, vous n’êtes rien et les copropriétaires aussi’.
Le lendemain, le 28 novembre 2017, Monsieur [X] est revenu accompagné par l’huissier, Maitre [T] qui vous a notifié cette convocation et votre mise à pied conservatoire. Après que l’huissier soit parti, Monsieur [X] qui était avec Monsieur [F] de l’entreprise PRESNET s’est présenté à votre loge pour vous demander de lui remettre les badges et clés des locaux communs pendant cette période de mise à pied . Vous lui avez répondu ‘d ‘aIler se faire foutre’ et vous lui avez fait ‘ un doigt d’honneur ‘ à travers la vitre en rnaintenant délibérément votre geste pendant un long moment, tout en ricanant. il a alors quitté l’immeuble pour mettre un terme à cet incident, mais vous êtes venue le narguer sur le trottoir.
Vos actes excessifs et obscènes, ainsi que propos injurieux envers votre employeur ne peuvent trouver aucune justification et sont d ‘une particulière gravité.
Vous avez également, le 36 novembre 2,017, agressé verbalement et eu des gestes violents envers Monsieur [J] lorsqu’il est entré dans l’immeuble pour regagner son domicile. Vous avez hurlé contre lui et proféré des menaces, puis lorsqu’il a voulu prendre l’ascenseur, vous avez bloqué la porte avec votre pied pour l’empêcher de monter. Monsieur [J] a dû quitter l’acenseur et prendre l’escalier pour regagner son appartement, Vous avez continué à hurler contre lui depuis le rez~de-chaussée. Une copropriétaire a rencontré Monsieur [J] juste Après cette altercation et a confirmé qu’il était trés choqué par votre son agression et la violence de vos propos.
L’ensemble de ces faits nous amène à considérer que vous n’êtes plus à même de poursuivre vos fonctions dans des conditions normales.
S’ajoute à cela votre insubordination persistante et délibérée, puisque depuis le 28 novembre 2017, vous avez refusé de tenir compte de la mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée, en continuant à travailler dans l’immeuble en dépit de l’interdiction reçue. Malgré notre courrier RAR du 1er décembre 2017, vous rappelant cette interdiction et vous informant que vous commettiez un acte d’insubordination , et notre SMS vous interdisant à nouveau de travailler, les jours suivants vous avez continué à sortir les containers à ordures ménagères avant le passage de Ia société PRESNET, à nettoyer les parties communes et à vouloir distribuer le courrier.
Compte tenu de l’extrême gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans vos
fonctions s’avère impossible. Votre licenciement prend effet immédiatement a la date de
présentation de la présente lettre, sans indemnité de préavis ni le licenciement.’
Contestant son licenciement celle-ci a saisi le conseil de Prud’hommes.
Par jugement du 10 janvier 2020, le Conseil de Prud’hommes de PARIS, a débouté madame [Z] [P] de l’ensemble de ses demandes, le syndicat des copropriétaires de ses demandes reconventionnelles et condamné madame [P]
aux dépens.
Madame [Z] [P] en a interjeté appel.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 30 janvier 2023 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [P] demande à la cour d’infirmer le jugement , en toute ses dispositions et statuant à nouveau,
de prononcer l’annulation pure et simple du licenciement pour faute grave intervenu en date du 26 Décembre 2017;
d’ordonner la réintégration de madame [Z] [P] ;
de condamner le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] [Localité 4], représenté par son syndic en exercice le Cabinet JOUBERT SA, à verser à madame [Z] [P] les sommes suivantes :
– 53.730 € à titre de rappels de salaire pour la période du 26 Décembre 2017 au 26 Décembre 2019, à parfaire au jour du jugement, du fait du licenciement injustifié ;
– 5.373 € au titre des congés payés afférents ;
À titre subsidiaire,
Dire que le licenciement pour faute grave dont Mme [P] a fait l’objet le 26 Décembre 2017 est sans cause réelle et sérieuse et donc abusif ;
o 27.760,50 € à titre d’ indemnité pour licenciement abusif ‘ 15,5 mois de salaire ;
o 5.373,00 € au titre du préavis ‘ 3 mois ;
o 537,30 € au titre des congés payés sur préavis ;
o 11.402,70 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
o 10.746,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement ‘ six mois de salaire.
En tout état de cause,
Condamner le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] [Localité 4], représenté par son syndic en exercice le Cabinet JOUBERT SA, à verser à Madame [Z] [P] une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 6 février 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la Société GESTION TRANSACTIONS DE FRANCE demande à la cour de débouter madame [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions, de prendre acte que le Syndicat des copropriétaires [Adresse 3] [Localité 4] est désormais représenté et agit en la personne de son nouveau syndic la société GESTION TRANSACTIONS DE France, de confirmer le jugement , de dire qu’en vertu de l’arrêt de la Cour de Paris en date du 15 juin 2022, le salaire de référence de madame [P] est de 1.641,37 € bruts, après déduction de l’astreinte de nuit d’un montant de 150 € qui ne lui est pas dû, que madame [P] n’a pas subi de harcèlement moral et que le Syndicat de copropriétaires [Adresse 3] [Localité 4] n’a pas manqué à son obligation de prévention en matière de sécurité et de santé des travailleurs, que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et se trouve justifié par les fautes graves commises de madame [P] ,qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’annulation du licenciement pour faute grave en date du 26 Décembre 2017 , débouter madame [P] de sa demande de réintégration et de paiement d’une indemnité d’éviction,
A titre subsidiaire,
Dire que Madame [P] ne justifie pas du montant des indemnités de remplacement et salaires qu’elle a perçus depuis son licenciement, que sa demande de réintégration étant tardive, puisque formulée pour la première fois, le 28 novembre 2019, aucune demande d’indemnité d’éviction ne lui est due pour la période du 26 décembre 2017 au 28 novembre 2019 et condamner madame Irène [P] à payer au Syndicat des copropriétaires [Adresse 3] [Localité 4] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur la demande de nullité du licenciement
L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d’une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L.1226-13.
Madame [P] sollicite l’annulation de son licenciement en indiquant que son employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité en ne la protégeant pas du harcèlement qu’elle subissait du fait d’un copropriétaire.
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, ‘l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’
Cette obligation s’étend à la situation de harcèlement moral , l’employeur peut désormais s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral, quand un tel harcèlement s’est produit dans l’entreprise, mais pas à n’importe quelle condition, il doit prendre toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; en vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L1153-4, le salarié établit des faits qui laissent supposer l’existence d’un harcèlement , il incombe à la partie adverse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ; dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Madame [P] indique s’être plainte du comportement de l’un des copropriétaire, sans que le syndic n’intervienne . Elle verse aux débats une lettre de son avocat, en date du 6 septembre 2017 demandant de bien vouloir demander à différents copropriétaires de cesser leur logique de harcèlement mise en oeuvre depuis plusieurs années , sans que ceux-ci ne soient nommés ni que les faits répétés caractérisant un tel harcèlement ne soient explicités .
Elle verse aux débats une lettre datée du 3 juillet 2013 dont la réception par le syndic n’est pas établie, se plaignant de l’arrogance de certains copropriétaires, du ton qu’ils emploiraient à son égard et de leur exigence . Elle critique que ceux-ci puissent se plaindre du fait qu’elle ne sorte pas les poubelles tous les jours ce qu’elle conteste devoir faire si celles-ci ne sont pas pleines , du fait qu’elle ne réponde pas toujours quand on l’appelle alors qu’elle estime normal de pouvoir aller chercher son fils à l’école ou aller chez le médecin .Les autres griefs qu’elle conteste concernent son époux. Dans sa lettre du 25 octobre 2017 elle se plaint nommément d’un copropriétaire indiquant qu’il lui répète ‘de partir , de changer de métier ‘, qu’il tient des propos racistes et qu’il l’insulte . Elle verse également une main courante en date du 14 décembre 2017 dans laquelle elle se plaint de la pression que lui mettent le syndic et monsieur [J] , essayant de la pousser à la faute pour la licencier.
Aucun élément ne précise la nature des pressions qu’elle subirait et aucun témoignage ne vient corroborer les insultes dont elle prétend avoir été victime.
Il sera observé que celle-ci ne verse aux débats aucun autre élément que ses propres dires et lettres lesquels sont insuffisants pour démontrer des faits répétés laissant présumer une situation de harcèlement .
Aucun autre manquement à l’obligation de sécurité n’étant invoqué puisque l’employeur verse aux débats les documents uniques d’évaluation des risques mis à jour chaque année.
Les dispositions de l’article L.11324-4 du Code du travail stipulent que :
« Est nul et de nul effet le licenciement d’un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n’ayant jamais cessé d’occuper
son emploi.
La salariée demande également l’annulation de son licenciement en soutenant que le licenciement a été prononcé en mesure de rétorsion à une assignation en justice qu’elle a envoyée à son employeur concernant notamment son logement de fonction .
Il sera rappelé que le syndic l’avait convoqué par courrier du 24 août 2017 à un entretien préalable à sanction fixé au 5 septembre, pour avoir prolongé ses vacances sans autorisation de son employeur et avoir envoyé des arrêts de travail non reconnu par la CPAM. Elle sollicitait le report de cet entretien au 24 septembre , faisant adresser entre temps un courrier soulevant différents problèmes par son avocat , le 6 septembre 2017 .
Il sera observé que la saisine du conseil de Prud’hommes est datée du 28 novembre 2017 alors que la lettre de convocation à l’entretien préalable en vue de son licenciement date du 24 novembre 2017 .
La chronologie démontre que le licenciement n’est pas prononcé en raison de la procédure qu’elle a engagée.
Sur la liberté d’expression
L’article L.1121-1 du code du travail prévoit : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. », mais également en son
L’ article L. 2281-1 précise : « Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail.
L’accès de chacun au droit d’expression collective peut être assuré par le recours aux outils numériques sans que l’exercice de ce droit ne puisse méconnaître les droits et obligations des salariés dans l’entreprise.
Enfin, l’article L.2281-3 du même code souligne que : « Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. »
Elle soutient enfin que son licenciement intervient en atteinte à sa liberté d’expression et que le fait de dénoncer un harcèlement moral ne peut constituer un abus de la liberté d’expression.
Il est reproché à la salariée non pas d’avoir dénoncé ce qu’elle estimait être du harcèlement moral mais le fait d’ avoir informé tout l’immeuble copropriétaires et occupants , alors que ceux-ci ne sont pas ces employeurs en leur remettant copie des courriers qu’elle adressait à son employeur. La gardienne par trois courriers successifs informe l’ensemble des habitants de l’immeuble de ses différents avec monsieur [J] et avec son employeur , sans qu’elle ne puisse dans le cadre de cette affaire démontrer la réalité de ce qu’elle dénonce, elle y profère des accusations graves accusant monsieur [J] de racisme, notamment .
Dés lors ce type de propos ne peut relever de la liberté d’expression , ceux- ci semblent avoir pour but de créer une ambiance délétère dans l’immeuble .
En conséquence le licenciement ne sera pas annulé et la salariée sera déboutée de sa demande de réintégration.
Sur le licenciement
Sur la faute grave
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
Le syndicat des copropriétaires reproche à madame [P] d’avoir diffusé des courriers dans lesquels elle porte des accusations mensongères envers le syndic et monsieur [J] membre du conseil syndical .
La diffusion des courriers est démontré par des mails de copropriétaire ainsi madame [S] qui écrit ‘ ces accusations sont scandaleuses, elle ,(madame [P]) a toujours été agressive mais là c’est inacceptable » ses propos sont scandaleux et plusieurs copropriétaires m’ont dit être choqués par son attitude et sa méchanceté . Elle a souvent provoqué des scandales dans l’immeuble mais maintenant elle fait régner une ambiance exécrable en étant agressive avec beaucoup d’entre nous ! Au point que l’on redoute de passer devant sa loge de peur de se faire agresser ‘
Madame [J] dans une attestation détaillée explique le fonctionnement de la gardienne qui tente de monter les habitants de l’immeuble les uns contre les autres en déposant ses trois courriers à tous les occupants et en répandant des calomnies sur son mari , l’accusant notamment de propos racistes
Madame [N] rappelle avoir reçu 3 courriers de la gardienne ‘portant des accusations véhémentes et injustifiés à l ‘encontre de monsieur [J] lui s’occupe bénévolement des travaux de l’immeuble depuis plusieurs années .’
Monsieur [U] confirme avoir reçu ‘une lettre de la gardienne portant des accusations calomnieuses concernant monsieur [J] ‘ ce que confirmait également monsieur [I] .
Ce grief est donc démontré .
Il est également reproché à madame [P] d’avoir eu une altercation avec l’employé de la société FORCELEC .
Le Syndicat des copropriétaires reproche madame [Z] [P] d’avoir eu une altercation, le 30 Octobre 2017, avec l’entreprise FORCELEC qui réalisait des travaux d’électricité dans l’immeuble.
Madame [P] conteste cette présentation des faits et verse aux débats des échanges de SMS avec monsieur [O] pour montrer les bons rapports qu’elle entretiendrait avec celui-ci.
Le message de madame [P] en date du 21 novembre envoyé à 22h36 , est le suivant:’demain vous venez sans faute me mettre électricité dans ma cave que vous avez coupé ‘ qui n’ est pas de nature à démontrer l’absence de relations conflictuelles entre eux, il en sera relevé le caractère autoritaire et l’heure tardive pour l’envoi d’un message à un professionnel.
Monsieur [O], responsable de l’entreprise FORCELEC atteste avoir dû demandé l’accès de sa cave à madame [P] pour terminer le raccordement qui devait être effectué , Elle a refusé catégoriquement cet accès en criant sur lui . Il a dû pour des raisons de sécurité de débrancher l’alimentation de sa cave et il précise ‘ le 27 novembre elle m’a appelé sans dire bonjour , elle m’a agressé et insulté pour avoir coupé l’alimentation électrique de sa cave , elle hurlait au téléphone comme une folle que c’était un complot contre elle . Puis elle m’a menacé en disant que je devais immédiatement venir dans l’immeuble remettre l’électricité , sinon elle me le ferait payer. Je lui ai indiqué que je ne pouvais pas venir tout de suite , elle m’a raccroché au nez . J’ai averti le cabinet Joubert et j’ai prévenu que je ne voulais plus avoir à faire à elle , ni revenir dans l’immeuble dans de telles conditions’.
Ainsi ce grief est démontré sans que le témoignage de monsieur [J] du refus de madame [P] de laisser l’accès à sa cave, ne soit nécessaire, eu égard au conflit existant entre la gardienne et monsieur [J] .
L’attitude de la gardienne cause un préjudice à l’immeuble puisque des travaux importants n’ont pû être effectués et que le Syndic ne peut plus faire appel à cette entreprise à l’avenir.
Il est reproché à madame [P] sa réaction brutale lors de l’annonce de sa mise à pied
Les courriers et courriels de monsieur [X] le gestionnaire de l’immeuble mentionnent les insultes et menaces de madame [P] à son encontre, les faits qu’il relate sont corroborés par l’attestation de monsieur [F] qui atteste avoir été présent lors de la remise de sa mise à pied à la gardienne . Il précise ‘la réaction a été vive de la part de madame [P] qui a élevé la voix, ses propos ont été inappropriés , son attitude impertinente et irrespectueuse.’. ‘Lui disant ‘allez vous faire foutre et lui faisant un doigt d’honneur’.
Le dernier reproche est celui de son ‘insubordination pendant la période de mise à pied . Celle-ci est démontré par des attestations de copropriétaires et un mail de la société Prestinet signalant que depuis son intervention , les conteneurs à poubelle étaient sortis, le hall d’entrée nettoyé et avoir des difficultés à récupérer le courrier qui est intercepté par la gardienne.
L’ensemble des griefs sont prouvés .
Madame [P] invoque sa longue ancienneté pour contester son licenciement , il sera néanmoins observé que de nombreux incidents ont émaillés ces longues années , les mêmes types de reproche de grande liberté pour les vacances , son caractère difficile et ses rapports conflictuels avec de nombreux copropriétaires, que dés lors son ancienneté ne peut retenue pour exclure la faute grave .
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE madame [P] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] [Localité 4] pris en la personne de son syndic Gestion Transactions de France en cause d’appel la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus des demandes,
LAISSE les dépens à la charge de madame [P].
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE