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10 janvier 2024
Cour d’appel de Riom
RG n°
22/00689
COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°2
DU : 10 Janvier 2024
N° RG 22/00689 – N° Portalis DBVU-V-B7G-FZD4
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Arrêt rendu le dix janvier deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 10 mars 2022 par le Tribunal CLERMONT- FERRAND (RG 20/03431)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, greffier placé, lors de l’appel des causes et lors du prononcé
ENTRE :
S.A.S. EDEN WASH
immatriculée au RCS de CUSSET sous le numéro 477 923 767
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
S.A.S. SOCIÉTÉ NOIRZO
immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le numéro 420 668 915
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Maître Pierre-nicolas DEVAUX de la SELARL PIERRE-NICOLAS DEVAUX, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Maître Frédéric DAGRAS de la SELAS ALTIJ, avocat au barreau de TOULOUSE (avocat plaidant)
INTIMÉE
DEBATS : A l’audience publique du 25 octobre 2023 Madame DUBLED- VACHERON a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 13 décembre 2023 puis prorogé au 10 janvier 2024.
ARRET :
Prononcé publiquement le 13 Décembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte sous seing privé non daté et à compter du 1 er janvier 1999, la société La Fontaine, aux droits de laquelle vient la société Cardinal Participations, a donné à bail commercial à la société Noirzo un ensemble immobilier situé à [Localité 2] pour l’exploitation d’un fonds de commerce de supermarché alimentaire et de distribution de carburants sous l’enseigne Intermarché. Ce bail a été renouvelé par avenant du 1 er janvier 2008.
Par acte sous seing privé du 24 juin 2004, la société Noirzo a sous-loué à la société Eden Wash une partie du terrain viabilisé ainsi que l’accès de cette surface pour l’exploitation d’une station de lavage automobile. Ce bail a été consenti pour une période de 9 ans à compter du 1 er juillet 2004. Il a été renouvelé par anticipation par avenant du 23 janvier 2013, aux mêmes conditions que le bail initial, à compter rétroactivement du 1 er juillet 2012 et jusqu’au 31 décembre 2016.
Par courrier du 31 octobre 2014, le bailleur a indiqué à la société Eden Wash qu’il entendait résilier le bail en ces termes « Par la présente nous vous informons que nous résilions le bail, liant les société Eden Wash et Noirzo, ayant fait l’objet d’un avenant en date du 23 janvier 2013 et qui vient à échéance le 31 décembre 2016. Par la présente, nous vous informons que des travaux de mise en conformité vont être réalisés sur la station essence située à proximité de votre portique auto sur le premier trimestre 2015. Son exploitation sera donc impossible pendant leur réalisation. ». Le 6 février 2015, la société Eden Wash a répondu que ce courrier s’analysait comme une résiliation de bail commercial intervenant avant la fin du bail. Elle a sollicité une indemnité d’éviction de 75 000 euros en cas de non renouvellement du bail. Suivant courrier du 22 avril 2015, la société Noirzo a répondu qu’elle n’entendait pas résilier le bail mais qu’elle avisait le preneur de sa volonté de le faire à son expiration, le 31 décembre 2016.
La société Eden Wash est demeurée en possession des lieux à compter du 1er janvier 2017. Arguant de manquements aux obligations d’entretien et d’exploitation des lieux, et par exploit du 19 juillet 2017, la société Noirzo lui a fait délivrer un congé pour le 31 mars 2018.
Par jugement du 10 mars 2022, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, saisi du litige opposant ces deux sociétés, a :
-débouté la société Eden Wash de toutes ses demandes,
-constaté que depuis le 1 er avril 2018, cette dernière était occupante sans droit ni titre et ordonné son expulsion ;
-condamné la société Eden Wash à payer à la société Noirzo une indemnité d’occupation ;
-rejeté les autres demandes de la société Noirzo ;
-condamné la société Eden Wash à verser une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Le tribunal a considéré que les dispositions des articles L145-1 et suivants du code de commerce trouvaient à s’appliquer. Il a jugé que le congé donné ne souffrait d’aucune irrégularité formelle et qu’il reposait sur de justes motifs.
Suivant déclaration enregistrée électroniquement le 5 avril 2022, la société Eden Wash a relevé appel de cette décision.
Par conclusions notifiées le 9 mars 2023, la société Noirzo a saisi le magistrat chargé de la mise en état afin de voir déclarer irrecevables les demandes de la société Eden Wash comme étant prescrites ; de voir renvoyer les parties devant la cour pour que celle-ci statue sur ses demandes reconventionnelles et de voir condamner la société Eden Wash à payer une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens.
Suivant ordonnance du 30 août 2023, le magistrat chargé de la mise en état s’est déclaré compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Noirzo. La fin de non-recevoir soulevée par la société Noirzo sur le fondement de la prescription a été écartée et cette dernière a été condamnée à verser à la société Eden Wash la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l’incident.
Suivant conclusions notifiées le 26 septembre 2023, la société EdenWash demande à la cour :
-d’infirmer, réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise,
Statuant à nouveau
-de condamner la société Noirzo à lui verser une indemnité d’éviction de 75 000 euros du fait de la résiliation du bail notifiée par lettre recommandée AR du 31 octobre 2014,
-de dire et juger que jusqu’à complet paiement de l’indemnité d’éviction elle aura droit au maintien dans les lieux,
-de fixer l’indemnité d’occupation due pour son occupation des lieux depuis le 1er janvier 2017, à 10% du montant du loyer contractuel et de condamner la société NOIRZO à restituer 90% des sommes reçues au titre de l’indemnité d’occupation depuis le 1er janvier 2017,
– de débouter la société NOIRZO de toutes ses demandes, fins moyens, conclusions,
Subsidiairement, considérant que les motifs de résiliation invoqués par la société Noirzo dans sa mise en demeure du 19 juillet 2017 et son congé du 27 septembre 2017 sont infondés :
-de condamner la société Noirzo à lui verser la somme de 75 000 euros à titre d’indemnité d’éviction ;
-de débouter la société Noirzo de toute demande incidente et de tout appel incident
-de dire et juger que jusqu’à complet paiement de l’indemnité par la société Noirzo, elle aura droit au maintien dans les lieux ;
-de fixer l’indemnité d’occupation due pour son occupation des lieux depuis le 1er janvier 2017, à 10% du montant du loyer contractuel et de condamner la société Noirzo à restituer 90% des sommes au titre de l’indemnité d’occupation depuis le 1er janvier 2017,
Subsidiairement et avant dire droit,
Si la cour ne s’estimait pas assez éclairée,
-d’ordonner une expertise comptable destinée à évaluer l’indemnité d’éviction correspondante à la valeur du fonds de commerce
-de condamner la société Noirzo au paiement d’une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.
Au soutien de ses demandes, la société Eden Wash rappelle qu’au cours des discussions qui se sont engagées après que la société Noirzo lui a écrit le 31 octobre 2014 pour lui signifier la résiliation du bail à expiration de celui-ci, les parties sont restées en désaccord sur le montant de l’indemnité d’éviction, les parties s’opposant sur un différentiel de 15 000 euros.
Elle assure qu’à compter de cette date, la société Noirzo n’a eu de cesse de compromettre ses conditions d’exploitation en procédant à des coupures d’eau, pour faire ensuite constater par huissier qu’elle n’exploitait pas la station de lavage et lui faire délivrer congé avec refus de renouvellement de bail.
A titre subsidiaire, elle conteste le congé donné considérant que celui-ci est dépourvu de motif grave et légitime.
Elle revendique l’application du statut des baux commerciaux et prétend que la résiliation du bail qui lui a été notifiée le 31 octobre 2014 entraîne l’octroi d’une indemnité d’éviction au bénéfice du preneur. Ce courrier s’analyse selon elle comme un congé. Elle en veut pour preuve le fait que postérieurement à son envoi, les parties ont entamé des négociations sur le montant de l’indemnité d’éviction.
Elle répond à la société Noirzo qu’il importe peu que le congé n’ait pas été adressé par lettre recommandée avec avis de réception puisqu’elle seule peut invoquer cette nullité relative ; qu’il n’existe aucune prescription puisqu’elle a agi dans le délai de deux à compter de la date pour laquelle le congé a été donné. Elle souligne enfin que le bailleur ne lui a jamais proposé de locaux de remplacement dans les conditions de l’article L145-18 du code de commerce.
Suivant conclusions notifiées le 21 septembre 2023, la société Noirzo demande à la cour de :
-Réformer et infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 10 mars 2022 en ce qu’il a « Rejeté les autres demandes de la SAS Noirzo »
Et statuant à nouveau :
-Constater que le bail de sous-location ne porte pas sur un local,
-Constater que la soumission volontaire au statut des baux commerciaux n’est pas acquise en l’absence de volonté expresse et non équivoque.
Et en conséquence de quoi,
-Rejeter les demandes de la société Eden Wash en ce qu’elle ne peut solliciter le bénéfice du statut des baux commerciaux,
-Confirmer pour le surplus le jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en date du 10 mars 2022 en ce qu’il a :
-Débouté la société Eden Wash de l’ensemble de ses demandes ;
-Constaté que depuis le 1er avril 2018 la SAS Eden Wash est occupant sans droit ni titre de la partie de terrain viabilisé situé sur le parking du supermarché situé [Adresse 4] pour une surface de 40 m2 ainsi que l’accès à cette surface initialement donné à bail commercial par acte sous seing privé du 24 juin 2004 ;
-Ordonné l’expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef, de la société Eden Wash avec, si besoin est, le concours de la force publique à défaut de libération volontaire des lieux ;
-Condamné la SAS Eden Wash à lui payer une indemnité d’occupation dont le montant est fixé au montrant du dernier loyer exigible augmenté des charges depuis le 1er avril 2018 et majoré de 1% jusqu’à la libération effective des lieux, comprenant le démontage et l’enlèvement complet de la station de lavage ;
Condamner la SAS Eden Wash à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SAS Eden Wash aux dépens
En toute hypothèse,
-Débouter la société Eden Wash de ses demandes de réformation,
Au surplus, si par impossible, la cour devait retenir une résiliation du bail au 31 décembre 2016 par l’effet d’une lettre recommandée AR du 31 octobre 2014,
-Constater que depuis le 1er janvier 2017, la SAS Eden Wash est occupant sans droit ni titre de la partie de terrain viabilisé situé sur le parking du supermarché situé [Adresse 4] pour une surface de 40 m2 ainsi de l’accès à cette surface initialement donné à bail commercial par acte sous seing privé du 24 juin 2004 ;
-Ordonner l’expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef, de la société Eden Wash avec, si besoin est, le concours de la force publique à défaut de libération volontaire des lieux ;
-Condamner la SAS Eden Wash à lui payer une indemnité d’occupation dont le montant est fixé au montrant du dernier loyer exigible augmenté des charges depuis le 1er janvier 2017 et majoré de 1% jusqu’à la libération effective des lieux, comprenant le démontage et l’enlèvement complet de la station de lavage ;
En tout état de cause et quelle que soit la date du congé à retenir,
-Débouter la société Eden Wash de l’ensemble de ses demandes en ce que :
*le défaut d’exploitation et d’entretien de la station de lavage constituent des motifs graves et légitimes justifiant un congé avec refus de renouvellement sans paiement d’une indemnité d’éviction
*le défaut d’exploitation et d’entretien de la station de lavage postérieurement au congé, pendant le maintien du preneur dans les lieux, justifie la perte du droit à indemnité d’éviction
*la société Eden Wash peut parfaitement s’installer à proximité du terrain évincé,
*la société Eden Wash ne justifie d’aucun préjudice résultant du refus de renouvellement
-Déclarer irrecevable comme étant nouvelle en cause d’appel, subsidiairement comme étant prescrite et en toute hypothèse infondée la demande de la société Eden Wash de restitution de 90% des sommes reçues au titre de l’indemnité d’occupation du 1er janvier 2017 et en conséquence la rejeter,
Ordonner l’expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef, de la société Eden Wash avec, si besoin est, le concours de la force publique à défaut de libération volontaire des lieux ;
Condamner la SAS Eden Wash à lui payer une indemnité d’occupation dont le montant est fixé au montant du dernier loyer exigible augmenté des charges depuis le 1er janvier 2017 ou le 1er avril 2018 selon la date du congé retenue par la Cour et majoré de 1% jusqu’à la libération effective des lieux, comprenant le démontage et l’enlèvement complet de la station de lavage ;
Rejeter toutes demandes contraires ou plus amples de la société Eden Wash ;
Y ajoutant
-Condamner la société Eden Wash au paiement d’une somme complémentaire de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
La société Noirzo s’interroge sur le droit de la société Eden Wash à pouvoir revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux et l’allocation d’une éventuelle indemnité.
Elle considère qu’une station de lavage ne constitue pas une construction dont la location relèverait du statut des baux commerciaux dès lors que les constructions doivent présenter cumulativement un caractère de fixité et un caractère de solidité suffisants (Cass 3e civ, 17/010/1968, n°66-13.711, Bull Civ III n°382). La station de lavage ne peut, selon elle, être assimilée à un local au sens de l’article L 145-1 du Code de Commerce.
Elle ajoute que les mentions contenues dans les différents actes ne peuvent présupposer une volonté expresse et univoque des parties.
S’agissant du prétendu congé de 2014, la société Noirzo souligne que la société Eden Wash n’avait jamais conclu, jusqu’à ce jour, à l’existence d’un congé délivré en 2014 pour le 31 décembre 2016.
Elle affirme que le courrier de 2014 est une simple lettre d’intention qui ne peut s’analyser comme un congé.
Elle ajoute que si la demande de paiement d’une indemnité d’éviction fondée sur un congé prétendument délivré en 2014 a été déclarée recevable par le conseiller de la mise en état, elle n’en demeure pas moins infondée.
Si la cour devait analyser le courrier recommandé du 31 octobre 2014 comme un acte de congé, elle s’oppose aux demandes qui lui sont présentées.
Elle rappelle:
– que le locataire évincé ne bénéficie pas d’un droit acquis à l’indemnité d’éviction s’il décide de se maintenir dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité et reste, dans ce cas, tenu d’exécuter les charges et conditions du bail à peine de s’exposer à la perte du droit à l’indemnité d’éviction et du droit au maintien dans les lieux.
-que la société Eden Wash a manqué à son obligation d’entretenir et de réparer l’installation implantée sur le terrain donné à bail commercial. Les constatations faites par l’huissier témoignent de l’état d’abandon de la station, et les coupures alléguées depuis le mois de janvier 2018 ne peuvent justifier le défaut d’entretien de l’installation par la société Eden Wash qui paraît manifestement plus ancien.
Dans l’hypothèse où la cour retiendrait le congé de 2017 comme seul congé, elle soutient qu’il n’est dû aucune indemnité d’éviction au regard des manquements susvisés du preneur à ses obligations d’exploitation et d’entretien.
La société Eden Wash avait non seulement l’obligation statutaire d’exploiter son fonds de manière effective pendant les 3 années précédant la date d’expiration du bail, mais également l’obligation contractuelle de maintenir les lieux loués en état permanent d’exploitation effective et normale ainsi que l’obligation d’entretenir son installation.
Les manquements dans l’entretien de la station constituent selon elle des motifs graves et légitimes justifiant la délivrance d’un congé avec refus de renouvellement du bail sans indemnité.
Elle ajoute que la société Eden Wash a parfaitement la possibilité de se réinstaller sur un parking d’un supermarché à proximité immédiate sans perte de clientèle.
Enfin elle observe que devant la cour, la société Eden Wash sollicite pour la première fois le remboursement de 90% des loyers réglés depuis la date d’effet du congé (sur laquelle les parties sont également en désaccord), estimant que l’indemnité d’occupation devrait être fixée à 10% du montant du loyer.
Il convient de se rapporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.
Motivation :
I-Sur l’application du statut des baux commerciaux :
La Société Noirzo conteste l’application du statut des baux commerciaux et se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation du 3 novembre 2016 pour affirmer qu’elle peut, à tout moment de la procédure de renouvellement et au cours de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction, dénier l’application de ce statut.
Il convient donc de s’interroger sur l’application, de droit ou conventionnelle, du statut des baux commerciaux au contrat de sous-location passé entre la société Noirzo d’une part et la société Eden Wash d’autre part.
Suivant les dispositions de l’article L 145-1 du code de commerce, l’application du statut des baux commerciaux s’applique de plein droit aux baux d’immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce.
Il s’applique aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées, soit avant soit après le bail, des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire.
En l’espèce, la société Noirzo a sous-loué à la société Eden Wash, immatriculée au RCS de Cusset sous le N° 477 923 767 un terrain nu. Le contrat de sous-location précise que ce terrain est « donné à bail commercial » pour être affecté à l’usage de » portique, brosse et/ou d’une station de lavage de véhicule terrestres à moteur, ainsi qu’aspirateur, lave-sièges, distributeur de produits… » ; , la SCI La Fontaine a consenti à la sous-location pour l’installation d’un « portique-brosse » le 13 avril 2004 ; la clientèle de la station lavage est indépendante et la société Eden Wash gère son fonds de commerce de façon autonome.
En revanche, la société Eden Wash ne produit ni ne précise en quoi la station de lavage qui se résume à un portique fixé sur une dalle béton répond aux critères de stabilité et de permanence permettant d’affirmer que les conditions cumulatives de l’article 145-1 sont remplies et que le bail litigieux est de plein droit soumis au statut des baux commerciaux.
Il convient dès lors d’examiner la commune intention des parties. En l’espèce, la volonté non équivoque des parties d’appliquer le statut des baux commerciaux procède, ainsi que l’a retenu le tribunal, des termes du contrat de sous-location et des termes de l’avenant à ce contrat. Par ailleurs, le bailleur s’est expressément prévalu dans la mise en demeure préalable délivrée au preneur des dispositions de l’article L 145-17 du code de commerce et des sanctions encourues en cas d’inexécution de ses obligations d’entretien et de réparation de l’installation implantée sur le terrain « donné à bail commercial » (sic).
Cependant, le bailleur a la faculté de dénier à tout moment le bénéfice du statut des baux commerciaux, sous réserve d’établir que l’une des conditions d’application du statut (et par voie de conséquence du renouvellement) n’est pas remplie. Il appartient donc à la société Noirzo de rapporter la preuve de ce manquement.
La société Noirzo fait valoir que la station de lavage ne répond pas aux conditions de fixité, de solidité et de pérennité des constructions édifiées sur un terrain nu. Elle verse aux débats de nombreux constats d’huissier mais aucune description technique permettant de vérifier ses affirmations.
Ce moyen sera donc écarté.
La société Noirzo fait également valoir que la société Eden Wash a cessé d’exploiter son fonds ce qui est une cause d’inapplicabilité du statut des baux commerciaux.
Le droit à la propriété commerciale suppose une exploitation du fonds de commerce actuelle et effective.
La société Noirzo verse aux débats plusieurs constats d’huissier :
-un constat du 13 mars 2017 indiquant que la station de lavage affiche l’information « en panne »
-un constat du 22 mars 2017 qui montre que la station de lavage est hors service et que les rouleaux de lavage obstruent le passage des véhicules
-un constat du 27 mars 2017 faisant les mêmes constatations que le 22 mars 2017
-un constat du 9 mai 2017 et un constat du 18 juillet 2017 identiques aux précédents.
Le 19 juillet 2017, la société Noirzo a fait délivrer par huissier une mise en demeure préalable de mettre fin aux manquements contractuels constatés dans le délai d’un mois. Par acte d’huissier du 21 août 2017, elle a fait constater que la station de lavage était toujours dans le même état. Le constat dressé le 3 avril 2018 montre qu’à cette date la station ne fonctionnait toujours pas et que l’abri à caddy installé à l’Est de la station ne gênait pas l’accès des véhicules.
Préalablement à ces constats et le 17 février 2017, la société Eden Wash a fait constater par huissier que la station était en panne, qu’elle n’était plus alimentée en eau. Il convient toutefois de souligner que l’huissier n’a fait que reprendre les affirmations de la société Eden Wash quant à l’origine de la panne et la date de la coupure d’eau.
Par ailleurs la société Noirzo a fait dresser de nouveaux constats les 7, 11 et 17 janvier 2019 ainsi que le 17 mars 2020 et le 2 avril 2020, le 30 août 2022, le 7 septembre, le 9 septembre et le 15 septembre 2022. Ceux-ci attestent de la continuité du non fonctionnement de la station ainsi que de l’aggravation de l’état de délabrement de celle-ci.
C’est donc à juste titre que le tribunal a considéré que la société Eden Wash ne démontrait pas que le bailleur avait coupé l’alimentation d’eau et que l’origine de la panne restait indéterminée ; qu’il était démontré que les lieux loués étaient dans un mauvais état d’entretien et qu’il était justifié de manquements graves et légitimes s’étant poursuivis ou renouvelés plus d’un mois après la mise en demeure du bailleur d’avoir à les faire cesser.
Le moyen de défense suivant lequel la société Noirzo se serait pré constitué des preuves en coupant l’alimentation d’eau juste avant le passage de son huissier ne repose sur aucune pièce et ne tient pas compte du fait que le non fonctionnement de la station était également démontré par le positionnement des rouleaux et l’état de dégradation du matériel.
Devant la cour d’appel et pour la première fois, la société Eden Wash prétend que le congé a été donné antérieurement au 27 septembre 2017 soit le 31 octobre 2014.
Cependant la cour observe :
-que le courrier recommandé adressé le 31 octobre 2014 indique « nous vous informons que nous résilions le bail (..) qui vient à échéance le 31 décembre 2016 » tout en précisant qu’en 2015 les travaux de mise en conformité réalisés sur la station feront obstacle à l’exploitation de la station de lavage pendant leur réalisation ;
-que ce courrier ne mentionne aucune date de résiliation ; qu’en réponse au courrier de la société Eden Wash qui émettait un doute sur la délivrance du congé « si ce courrier s’analyse en une résiliation du bail commercial », la société Noirzo a répondu le 22 avril 2015 qu’elle n’entendait pas résilier le bail à date mais qu’elle ne souhaitait pas procéder à son renouvellement ;
-que le fait que les parties ont engagé des discussions sur le montant de l’indemnité d’éviction appelée à être versée à l’expiration du bail ne permet pas de considérer que le congé a été donné avant le 27 septembre 2017 ;
-que le débat sur la date du congé est en tout état de cause sans incidence sur l’indemnité d’éviction dès lors que le preneur doit respecter les clauses et conditions du bail expiré pendant son maintien dans les lieux, le bailleur étant bien fondé à se prévaloir d’un motif grave et légitime postérieur au congé pour priver le preneur de son droit à l’indemnité d’éviction ;
– que la dénégation du statut peut être invoquée par le bailleur à tous moments, même après la délivrance du congé ou la proposition d’une indemnité d’éviction dès lors que le preneur prend connaissance du défaut d’exploitation postérieurement à la délivrance de ce congé.
L’exploitation du fonds doit être réelle et effective même si elle n’est pas continue. Les différents constats témoignent de l’inexploitation de la station en dépit de la mise en demeure délivrée le 19 juillet 2017.
Le jugement sera donc confirmé par substitution de motifs, en ce que la société Noirzo a valablement refusé le versement d’une indemnité d’éviction.
Il résulte de ce qui précède que la société Eden Wash se maintient sans droit ni titre dans les lieux à compter du 1er avril 2018. Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
La société Eden Wash succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à sa charge de la société Noirzo les frais exposés pour sa défense. La société Eden Wash sera condamnée à lui verser la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour ;
Confirme par substitution partielle de motifs le jugement en toutes ses dispositions ;
Condamne la société Eden Wash à verser à la société Noirzo la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Eden Wash aux dépens.
Le Greffier La Présidente