10 août 2022
Cour d’appel de Lyon
RG n°
22/00182
N° R.G. Cour : N° RG 22/00182 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OOOH
COUR D’APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DE REFERE
DU 10 Août 2022
DEMANDERESSE :
S.A.R.L. GARAGE FULCHIRON
[Adresse 3]
[Adresse 3]
avocat postulant : Me Caroline DENAMBRIDE, avocat au barreau de LYON (toque 182)
avocat plaidant : Me Jean-Christophe BASSON-LARBI, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE :
S.N.C. QUARANTAINE FULCHIRON ayant pour mandataire de gestion la Régie JURON & TRIPIER, [Adresse 2],
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me CATELAND substituant Me Olivier PIQUET-GAUTHIER de la SELARL DPG, avocat au barreau de LYON (toque 1037)
Audience de plaidoiries du 03 Août 2022
DEBATS : audience publique du 03 Août 2022 tenue par Anne WYON, Présidente de chambre à la cour d’appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 15 juillet 2022, assistée de Sylvie NICOT, Greffier.
ORDONNANCE : contradictoire
prononcée publiquement le 10 Août 2022 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
signée par Anne WYON, Présidente de chambre et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Suivant trois baux sous seing privé conclus le 1er août 1991, la SARL Garage Fulchiron est preneuse de deux locaux destinés à l’exploitation d’un commerce de garage situés à [Adresse 3] sous les immeubles des [Adresse 1] ainsi que d’un appartement situé [Adresse 1] et contractuellement destiné à l’habitation personnelle et bourgeoise de la preneuse, les trois baux comportant une clause d’indivisibilité des lieux loués avec les locaux voisins.
Par jugement du 18 février 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a essentiellement jugé valable le refus de renouvellement de bail signifié à la preneuse le 4 décembre 2015, dit que les baux étaient expirés depuis le 1er janvier 2016 et que la SARL Garage Fulchiron avait droit au versement de l’indemnité d’éviction et ordonné une expertise afin de l’évaluer. Cette décision a été frappée d’appel par la SARL Garage Fulchiron.
Par jugement du 24 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a essentiellement prononcé la résiliation des baux aux torts de la preneuse et a condamné celle-ci à libérer les locaux dans les six mois de la signification de la décision à peine d’expulsion.
La SARL Garage Fulchiron a relevé appel de cette décision par déclaration du 28 avril 2022.
Par acte d’huissier du 20 juillet 2022, elle a fait assigner en référé la société en nom collectif Quarantaine Fulchiron devant le premier président afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire, au visa de l’article 524 ancien du code de procédure civile.
Elle soutient que la résiliation du bail n’était pas encourue dans la mesure où M. [H] dont le nom figurait sur la boîte à lettres de l’appartement est un ami de son gérant et non un sous-locataire, que pendant la période indiquée sur le constat d’huissier il a été longuement hospitalisé et pour la partie restante de la période hébergé chez son fils et chez sa s’ur, qu’en raison de ses problèmes de santé son courrier est géré par l’épouse du gérant de la SARL Garage Fulchiron et qu’au demeurant la sous-location alléguée n’a pas de contrepartie financière. Elle ajoute que la clause exigeant l’habitation personnelle et bourgeoise de la preneuse dans l’appartement est abusive.
Elle indique que l’exécution de la décision aurait des conséquences manifestement excessives car elle entraînerait la perte du local commercial alors qu’elle est un des seuls garages automobiles du centre-ville et qu’elle jouit d’une solide clientèle qui se développe depuis la fin du confinement et la perte d’un concurrent, que son dépôt de bilan serait inévitable et qu’elle ne peut acquérir un autre fonds de commerce dans le 5ème arrondissement faute d’être indemnisée de la perte du bail. Elle précise avoir bénéficié d’un prêt de 60’000 euros garanti par l’état dont elle rembourse les échéances depuis le 4 juin 2022.
Par conclusions déposées au greffe le 3 août 2022, la bailleresse rappelle que l’article 524 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l’espèce, ne prévoit qu’un critère permettant d’arrêter l’exécution provisoire, à savoir ses conséquences manifestement excessives et que les développements de la demanderesse sur le fond sont inopérants.
Elle fait observer que celle-ci doit rapporter la preuve d’un préjudice irréparable et d’une situation irréversible en cas d’infirmation et que la mesure d’expulsion ne constitue pas en elle-même une conséquence manifestement excessive, que le préjudice éventuel causé à la SARL Garage Fulchiron du fait de l’expulsion pourra être compensé par l’indemnité d’éviction et par l’allocation de dommages et intérêts, que le risque constitué par l’obligation de cesser toute activité par suite de l’expulsion n’est pas établi, la demanderesse ne justifiant pas avoir recherché d’autres locaux alors que la procédure en résiliation de bail est engagée depuis six ans. Elle ajoute que l’activité exercée n’est pas un commerce de proximité.
Elle conclut au rejet de la demande et à la condamnation de la SARL Garage Fulchiron à supporter les dépens et à lui verser 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
L’exécution provisoire ordonnée dans le jugement querellé ne peut être arrêtée, conformément aux dispositions de l’article 524 alinéa 2 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au 1er janvier 2020 applicable en l’espèce, que si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Il en résulte que sera uniquement examiné le critère du risque de conséquences manifestement excessives liées à la poursuite de l’exécution provisoire, et non les développements de la demanderesse relatifs au fond du litige et aux moyens sérieux d’infirmation de la décision, critère inapplicable ici.
Comme le rappelle à juste titre la défenderesse, la seule mesure d’expulsion ne caractérise pas en elle-même une conséquence manifestement excessive, étant précisé qu’il appartient à la demanderesse à l’arrêt de l’exécution provisoire de justifier du fait que, compte tenu de sa situation financière et de ses démarches vaines de recherche de nouveaux locaux, il y aurait lieu d’arrêter l’exécution provisoire.
Or, il sera constaté sur ce point que la SARL Garage Fulchiron se limite à faire état de ce que le dépôt de bilan serait inévitable et que les conséquences en seraient irrémédiables, notamment en ce qui concerne l’emploi de trois salariés.
En effet, la société en demande ne verse aux débats ni bilan ni compte de résultat, mais uniquement une attestation de présentation de ses comptes annuels et une attestation de son expert-comptable selon laquelle, en l’absence d’indemnisation de l’éviction, la continuité d’exploitation de la structure ne pourrait être assurée. Elle justifie également du prêt garanti par l’Etat qu’elle a souscrit. Ces éléments sont insuffisants pour démontrer que sa situation financière serait irrémédiablement compromise en cas de poursuite de l’exécution provisoire, la circonstance qu’elle ait trois salariés ne suffisant pas à caractériser les conséquences manifestement excessives au sens de l’article 524 du code de procédure civile.
La décision de première instance a été rendue le 22 mars 2022, ce qui a laissé à la SARL Garage Fulchiron un délai suffisant pour effectuer les diligences utiles afin d’assurer la poursuite de son activité. Elle ne justifie pas de démarches entreprises afin de trouver de nouveaux locaux, se contentant de produire une capture d’écran de sites d’annonceurs.
La demande sera en conséquence rejetée.
La société en demande devra indemniser la défenderesse de ses frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens de la procédure.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande en arrêt de l’exécution provisoire formée par la SARL garage Fulchiron ;
Condamnons la SARL Garage Fulchiron à payer à la SNC Quarantaine Fulchiron la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamnons la SARL Garage Fulchiron aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT