1 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/01464
Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 01 JUIN 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01464 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG7IB
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Septembre 2022 du TJ d’EVRY – RG n° 22/00329
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Thomas RONDEAU, Conseiller, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
S.A.R.L. EURO PHONE CENTER
[Adresse 5]
Centre commercial de [4]
[Localité 3]
Représentée par Me Alix QUIGNAUX substituant Me Joël ROUACH de la SELEURL JR AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0577
à
DEFENDEUR
E.P.I.C. ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D’ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Paul BRISSET substituant Me Laurence DEFONTAINE de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0370
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 20 Avril 2023 :
Par ordonnance de référé du 2 septembre 2022, le président du tribunal judiciaire d’Evry a :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail au 26 novembre 2021 ;
– ordonné l’expulsion de la SARL Euro Phone Center et de tous occupants de son chef des locaux commerciaux situés au local 28 du centre commercial Barbusse sis [Adresse 5] à [Localité 3] ;
– fixé l’indemnité mensuelle d’occupation due par la SARL Euro Phone Center à compter du 26 novembre 2021, jusqu’à libération effective des lieux, au montant mensuel du loyer augmenté des charges et taxes afférentes, que l’EPFIF aurait perçue si le bail ne s’était pas retrouvé résilié ;
– condamné la SARL Euro Phone Center à payer à l’EPFIF la somme provisionnelle de 10.973,54 euros au titre des loyers, charges, taxes et indemnité d’occupation impayés arrêtés au 1er trimestre 2022 inclus ;
– condamné la SARL Euro Phone Center à payer à l’EPFIF l’indemnité mensuelle d’occupation à compter du 1er avril 2022 et ce, jusqu’à libération effective des lieux ;
– dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes au titre de la conservation du dépôt de garantie de majoration de l’indemnité d’occupation et de majoration des intérêts ;
– rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
– condamné la SARL Euro Phone Center à payer à l’EPFIF la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SARL Euro Phone Center aux entiers dépens et ce comprenant le coût du commandement de payer.
Par déclaration du 2 janvier 2023, la SARL Euro Phone Center a relevé appel de la décision.
Par assignation en référé délivrée le 3 février 2023, la SARL Euro Phone Center a saisi le premier président aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire.
L’affaire, initialement fixée à l’audience du 14 mars 2023, a été renvoyée à l’audience du 20 avril 2023.
Dans ses conclusions déposées à l’audience du 20 avril 2023, la SARL Euro Phone Center demande, au visa des articles 514-3 et suivants du code de procédure civile, de l’article L. 145-41 du code de commerce, des articles 1104 et suivants et 1343-5 du code civil, de :
– la déclarer recevable et bien fondée en sa demande ;
y faisant droit,
– ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire attachée à l’ordonnance ;
– déclarer l’EPFIF irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– l’en débouter purement et simplement ;
– le condamner à lui verser la somme 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.
Elle fait valoir que la nullité du commandement de payer est une source de contestation sérieuse, que le bailleur est de mauvaise foi, qu’elle est susceptible de bénéficier de délais de paiement à hauteur d’appel, que la poursuite de l’exécution, notamment l’expulsion, entraînerait des conséquences manifestement excessives.
Dans ses conclusions déposées à l’audience du 20 avril 2023, l’EPFIF demande, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, de l’article 524 du code de procédure civile et de l’article 700 du code de procédure civile, de :
– débouter la société Euro Phone Center de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée à l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire d’Evry du 2 septembre 2022 et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– radier l’affaire RG n°23/01198 du rôle de la cour d’appel, en application de l’article 524 du code de procédure civile ;
– condamner la société Euro Phone Center une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Euro Phone Center aux entiers frais et dépens de la présente instance.
Il fait valoir que les moyens sérieux de réformation ne sont pas établies, qu’il s’agisse de la mauvaise foi du bailleur, des conditions de délivrance du commandement de payer et de la supposée imprécision du décompte, que les conséquences manifestement excessives ne sont pas non plus établies, que l’absence d’exécution commande la radiation.
A l’audience du 20 avril 2023, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations au soutien de leurs écritures, le délégataire du premier président ayant mis aux débats la question de la recevabilité de la demande de radiation au regard des délais prévus.
SUR CE,
Sur la recevabilité de la demande de radiation
L’article 524 du code de procédure civile dispose que, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
La demande de l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.
En l’espèce, s’agissant de la recevabilité de la demande, s’il relève bien de la compétence du premier président, en l’absence de conseiller de la mise en état pour une décision relevant du circuit court, il faut aussi relever :
– que, devant la chambre 8 pôle 1 saisie du fond du référé, l’appelante a remis au greffe ses écritures le 2 mars 2023 ;
– qu’en application de l’article 905-2 du code de procédure civile, le délai pour conclure de l’intimé s’achevait le 2 avril 2023 ;
– que l’EPFIF aurait donc dû demander la radiation de l’affaire sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile dans ce délai ;
– que, la demande ayant été formulée dans les conclusions visées et déposées à l’audience du 20 avril 2023, seules conclusions ayant saisi le premier président de la radiation sollicitée, celle-ci sera déclarée irrecevable.
Sur la demande en arrêt de l’exécution provisoire
Il résulte de l’article 514-3 du code de procédure civile qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Un moyen sérieux d’annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d’appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.
Les conséquences manifestement excessives s’apprécient en ce qui concerne les condamnations pécuniaires par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire.
Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.
En l’espèce, il sera relevé :
– que les conséquences manifestement excessives liées à la poursuite de l’exécution provisoire ne sont pas établies, la seule procédure d’expulsion d’un locataire commercial ne caractérisant pas en elle-même de telles conséquences ;
– que la société Euro Phone Center n’établit qu’elle ou que les personnes physiques qu’elle estime être les véritables titulaires du bail commercial seraient dans l’impossibilité de transférer l’activité dans d’autres locaux ;
– qu’au surplus, eu égard aux moyens qu’elle développe, la société Euro Phone Center ne serait pas en capacité de solliciter une indemnité d’éviction, comme elle le prétend, en cas d’infirmation de la décision entreprise ;
– que la société Euro Phone Center ne verse aucun élément relatif à sa situation financière actuelle, notamment des documents comptables, de nature à établir que les sommes mises à sa charge par le premier juge créerait à son égard un préjudice irréparable et une situation irréversible.
Sans examen des autres moyens, notamment ceux relatifs aux moyens sérieux de réformation ou d’annulation de la décision entreprise, la demande en arrêt de l’exécution provisoire sera donc rejetée.
Les circonstances de l’espèce et la situation des parties justifient de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Euro Phone Center sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Déclarons l’EPFIF irrecevable en sa demande de radiation ;
Rejetons la demande de la SARL Euro Phone Center en arrêt de l’exécution provisoire ;
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la SARL Euro Phone Center aux dépens ;
ORDONNANCE rendue par M. Thomas RONDEAU, Conseiller, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Conseiller