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1 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/18821
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 01 JUIN 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/18821 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVAQ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Septembre 2022 -Président du TJ de Paris – RG n° 22/50344
APPELANTE
S.A.R.L. CDC, RCS de Paris sous le n°509 691 143, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053
INTIMES
M. [L] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Mme [Z] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentés par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistés à l’audience par Me Laetitia FAYON, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Avril 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de bail commercial en date du 23 janvier 2009, Monsieur [L] [P], Mme [Z] [S], épouse [P] et Madame [W] [J] ‘ décédée le 8 décembre 2020 ‘ ont donné en location à la société CDC une boutique à gauche de la porte d’entrée d’un immeuble sis à [Adresse 2], ce, pour une période de neuf années entières et consécutives à compter du 23 janvier 2009 et jusqu’au 22 janvier 2018, et pour un loyer annuel en principal hors taxes et hors charges de seize mille quatre cents euros (16.400 euros), payable d’avance par trimestre.
Il s’agit d’une boutique à gauche de la porte d’entrée de l’immeuble composée :
« d’une boutique au rez-de-chaussée
d’une mezzanine
d’un sous-sol communiquant avec le Rez-de-chaussée et comprenant réserve et WC ».
La destination des lieux est celle de « boutique pour l’activité de salon de thé, épicerie fine, vente de glaces et crêpes et petite restauration sur place et à emporter ne nécessitant pas de local fermé dédié à la cuisine”.
Le bail venant à expiration le 22 janvier 2018, la société CDC a adressé, le 20 juin 2017, à son bailleur une demande de renouvellement.
Par exploit en date du 31 janvier 2018, la société CDC a saisi le Tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir reconnaitre son droit à indemnité d’éviction et en conséquence voir désigner un expert judiciaire afin de chiffrer le montant de cette indemnité.
Aux termes d’un jugement rendu le 2 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– dit que le refus de renouvellement sans offre de paiement de l’indemnité d’éviction délivrée le 18 juillet 2017 par M. [L] [P], Mme [Z] [S] épouse [P] et Mme [W] [J] veuve [P] à la société CDC a mis fin, à compter du 22 janvier 2018 minuit, au bail du 23 janvier 2009 portant sur un local sis [Adresse 2] à [Localité 3], sans offrir au preneur au droit au paiement d’une indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux,
– rejeté la demande de la société CDC en paiement d’une indemnité d’éviction,
– rejeté la demande de la société CDC en désignation d’un expert,
– condamné la société CDC aux dépens et dit qu’ils pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile
– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.
Par exploit du 1er septembre 2021, M. [P] et Mme [S], épouse [P] ont fait délivrer à la société CDC, enseigne « Le Mal Barré », un commandement de payer visant la clause résolutoire pour paiement de la somme de 17.517,52 euros.
Par exploit du 8 novembre 2021, M. [P] et Madame [Z] [I] [S], épouse [P], ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris afin de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et prononcer l’expulsion de la société CDC et tous occupants de son chef des lieux sis [Adresse 2].
Par ordonnance de référé du 28 septembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
– renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu’elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés,
– rejeté l’exception de procédure,
– constaté l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail,
– dit que la société CDC devra libérer les locaux situés [Adresse 2] et, faute de l’avoir fait, ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec le cas échéant, le concours de la force publique,
– rappelé que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L.433- 1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
– condamné la société CDC à payer à Monsieur [L] [P] et Mme [Z] [S], épouse [P] :
* à compter du 2 octobre 2021, une indemnité d’occupation mensuelle provisionnelle équivalente au montant du loyer majoré des charges et taxes et ce, jusqu’à la libération effective des lieux,
* en conséquence et d’ores et déjà, la somme de 30.757,62 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d’occupation échus au 26 juillet 2022 inclus avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2021 sur la somme de 17.517,22 euros et à compter de la présente décision pour le surplus ;
– rejeté la demande de délais de paiement ;
– condamné la société CDC au paiement des dépens dont le coût du commandement de payer,
– rappelé que l’ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
Par déclaration d’appel en date du 4 novembre 2022 enregistrée le 18 novembre 2022, la société CDC a interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions remises et notifiées le 20 février 2023, la société CDC demande à la cour de :
– Infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
rejeté l’ordonnance de procédure,
constaté de plein droit l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail,
dit que la société CDC devra libérer les lieux des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 3] et faute de l’avoir fait, ordonner son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec le cas échéant le concours de la force publique,
rappelé que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution,
condamné la société CDC à payer à M. [P] et à Mme [Z] [S], épouse [P] à compter du 2 octobre 2021, une indemnité d’occupation mensuelle équivalente au montant du loyer majorée des charges et jusqu’à la libération effective des lieux, en conséquence d’ores et déjà, la somme de 30.757,62 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d’occupation échus au 26 juillet 2022 inclus avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2021 sur la somme de 17.517,22 euros et à compter de la présente décision pour le surplus,
rejeté toute demande de délai de paiement,
condamné la société CDC au paiement des dépens dont le coût du commandement de payer.
Statuant à nouveau :
– déclarer incompétente la présente juridiction pour statuer sur la demande de provision et d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail au profit du conseiller de la mise en état du pôle 5 chambre 3 de la cour d’appel de Paris,
– constater que le commandement n’a pas été délivré de bonne foi,
– dire n’y avoir lieu à acquisition de la clause résolutoire,
– débouter les consorts [P] de l’ensemble de ses demandes,
– dire n’y avoir lieu à référé,
– débouter les consorts [P] de leur appel incident,
Infiniment subsidiairement,
– accorder vingt-quatre mois de délais à la société CDC pour s’acquitter de la dette et suspendre les effets de la clause résolutoire de façon rétroactive,
– condamner in solidum M.et Mme [P] en tous les dépens que Maître Jean-Philippe Autier, Avocat, pourra recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Elle expose notamment que :
– la demande de provision présente un lien avec la demande d’indemnité d’éviction, de sorte que le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 3) est compétent pour allouer une provision et ordonner toute mesure provisoire,
– le commandement de payer n’a pas été délivré de bonne foi, aucune démarche amiable n’ayant été entreprise, l’activité “hamburgers” ayant cessé et le bailleur s’étant opposé aux travaux de mise en conformité,
– la clause résolutoire n’est pas acquise puisque compte tenu des confinements successifs, le fonds de commerce a dû être fermé plusieurs fois, alors que seuls deux mois de loyer n’ont pas été réglés,
– l’activité n’a pas pu être reprise compte tenu des termes du jugement rendu le 2 juillet 2020, et l’indivision [P] ne s’est pas acquittée de son obligation de délivrance,
– elle n’a jamais pu exploiter convenablement le local commercial, étant systématiquement entravée dans sa gestion par le bailleur, de sorte qu’il convient lui accorder 24 mois à titre de délais de paiement.
Par conclusions remises et notifiées le 19 janvier 2023, M [P] et Mme [S], épouse [P] demandent à la cour de :
– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu’elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés,
rejeté l’exception de procédure.
constaté l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail.
dit que la société CDC devra libérer les locaux situés [Adresse 2] et, faute de l’avoir fait, ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec le cas échéant, le concours de la force publique,
rappelé que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L.433- 1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
condamné la société CDC à payer à M. [L] [P] et Mme [Z] [S], épouse [P] :
* à compter du 2 octobre 2021, une indemnité d’occupation mensuelle provisionnelle équivalente au montant du loyer majoré des charges et taxes et ce, jusqu’à la libération effective des lieux,
(‘)
rejeté la demande de délais de paiement :
condamné la société CDC au paiement des dépens dont le coût du commandement de payer ;
rappelé que l’ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire,
Pour le surplus,
– infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau,
– condamner par provision la société CDC à payer à M. [P] et Mme [Z] [S], épouse [P], la somme de 42.719,14 au titre des indemnités d’occupation au 20 janvier 2023 avec tous intérêts de droit sur la somme de 17.517,22 euros à compter du 1er septembre 2021 et sur la différence à compter de l’ordonnance à venir ;
– condamner la société CDC au paiement d’une somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, lesquels incluront le coût du commandement de payer.
Ils exposent notamment que :
-la procédure, plaidée le 9 janvier 2023, relative au congé qui a été délivré, est sans incidence sur cette action, le juge des référés est donc compétent pour statuer sur l’acquisition de la clause résolutoire et la demande de provision,
– le commandement de payer délivré est valable, aucune mauvaise foi ne pouvant lui être reprochée,
– ce commandement a été délivré postérieurement au 23 juin 2020, et la locataire ne peut se prévaloir des dispositions de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020,
– la clause résolutoire est acquise, et l’arriéré totalise bien plus que deux mois,
– la demande de délais de paiement sera rejetée, la société CDC n’établissant pas sa capacité à rembourser.
SUR CE,
– sur l’exception d’incompétence
La société CDC soulève l’incompétence du juge des référés au profit du conseiller de la mise en état, faisant valoir que seul ce dernier est compétent pour allouer une provision et toute mesure provisoire.
C’est toutefois à bon droit que le premier juge a rejeté cette exception d’incompétence au motif que la demande de provision formée par les consorts [P] est sans lien avec la demande d’indemnité d’éviction formée par la société CDC devant la cour d’appel de Paris.
De surcroît, au jour où la cour statue, l’affaire ayant été plaidée le 9 janvier 2023 et mise en délibéré par le pôle 5 chambre 3 dans le litige portant sur l’indemnité d’éviction, le conseiller de la mise en état, qui a été dessaisi à l’ouverture des débats, ne peut être compétent pour accorder une provision et constater l’acquisition de la clause résolutoire qui relèvent strictement de la compétence du juge des référés (Civ.3, 22 juin 2005, n° 04-12.364).
Le juge des référés est donc bien compétent pour statuer sur ce litige.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire
L’expulsion d’un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d’une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu’à tout le moins l’obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.
L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l’espèce, s’agissant de l’acquisition de la clause résolutoire, il y a lieu d’indiquer qu’un commandement de payer a été délivré par acte d’huissier de justice le 2 août 2021 visant la clause résolutoire insérée au contrat, et réclamant la somme de 18.417, 15 euros au titre de l’arriéré arrêté à cette date. Il est constant que cette somme n’a pas été réglée dans le délai d’un mois à compter de la signification, ce qui n’est pas contesté in fine par la société appelante.
En premier lieu, la société CDC oppose au bailleur l’application de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-36 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Cependant, le commandement a été délivré le 2 août 2021, de sorte que les dispositions alléguées de cette ordonnance, qui sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, ne peuvent en toute hypothèse recevoir application.
En second lieu, s’agissant de l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020, ce dernier dispose que :
I. – Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ou du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu’elle est prise par le représentant de l’Etat dans le département en application du second alinéa du I de l’article L. 3131-17 du même code. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.
II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférentes aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.
Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en ‘uvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.
Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
III. – Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l’article 1347 du code civil.
IV. – Le II s’applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.
Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu’à compter de l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.
En outre, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu’à la date mentionnée au même premier alinéa. […]
VII. – Le présent article s’applique à compter du 17 octobre 2020 ;
Pour être éligible aux mesures prévues par ce texte, une personne physique ou morale doit avoir fait l’objet d’une mesure de police administrative en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ou du 5° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique et remplir des critères qui ont été précisés par le décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 ;
Le décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 relatif aux bénéficiaires des dispositions de l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020, prévoit, en son article 1er, que :
I.- Pour l’application de l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 susvisée, les personnes physiques et morales de droit privé mentionnées au I du même article sont celles remplissant les critères d’éligibilité suivants :
1° Leur effectif salarié est inférieur à 250 salariés ;
2° Le montant de leur chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d’euros ou, pour les activités n’ayant pas d’exercice clos, le montant de leur chiffre d’affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d’euros ;
3° Leur perte de chiffre d’affaires est d’au moins 50 % appréciés selon les modalités fixées au II.
II.- Pour les mesures de police administrative prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 17 octobre 2020, le critère de perte de chiffre d’affaires mentionné au 3° du I du présent article correspond à une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2020, laquelle est définie comme la différence entre, d’une part, le chiffre d’affaires au cours du mois de novembre 2020 et, d’autre part :
– le chiffre d’affaires durant la même période de l’année précédente ;
– ou, si l’entreprise le souhaite, le chiffre d’affaires mensuel moyen de l’année 2019 ; […]
III.- Pour les entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public, le chiffre d’affaires du mois de novembre 2020 mentionné au II n’intègre pas le chiffre d’affaires réalisé sur les activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison. […]
V.- Les conditions fixées aux 1° et 2° du I sont considérées au premier jour où la mesure de police administrative mentionnée au I de l’article 14 de la loi susvisée s’applique. Le seuil d’effectif est calculé selon les modalités prévues par le I de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale et il est tenu compte de l’ensemble des salariés des entités liées lorsque l’entreprise locataire contrôle ou est contrôlée par une autre personne morale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;
Or, l’appelante ne produit aucun justificatif de nature à démontrer son éligibilité à ce dispositif, de sorte qu’elle invoque en vain l’application des dispositions de l’article 14 précité.
S’agissant enfin de la mauvaise foi du bailleur, dans la mise en oeuvre de cette clause résolutoire, l’appelante soutient qu’elle serait caractérisée dans la mesure où aucune solution amiable n’aurait été proposée, le bailleur s’étant opposé à la réalisation de travaux de mise en conformité.
Or, il apparaît qu’il ressort du décompte établi par le bailleur que les loyers ne sont plus réglés depuis le mois de novembre 2020, tandis que le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 1er septembre 2021, soit un temps relativement long, que l’existence d’un litige autre, voire ancien comme l’a estimé le premier juge est insuffisant à caractériser la mauvaise foi du bailleur, étant précisé que la société CDC n’apporte aucun élément sur l’opposition du bailleur aux travaux de mise en conformité et qu’elle n’a recherché aucune solution amiable pour sa part.
Il y a donc lieu de confirmer la décision du premier juge en ce qu’il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire avec toutes conséquences de droit, notamment s’agissant de l’indemnité d’occupation provisionnelle au montant équivalent du dernier loyer contractuel augmenté des charges.
Sur la demande provisionnelle
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
La société CDC indique qu’elle n’a jamais pu exploiter convenablement le local loué mais ne présente aucune observation ni demande sur le quantum demandé à titre provisionnel.
Le décompte produit par le bailleur établit que la société CDC est débitrice de la somme de 42.918, 07 euros au titre des charges et indemnités d’occupation, arrêtés au 16 janvier 2023 janvier 2023.
Dans ces conditions, l’appelante sera condamnée à titre provisionnel à verser la somme de 42.918, 07 euros à l’intimée, le montant de la provision allouée par le premier juge étant actualisé.
Sur les délais de grâce
L’article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Aux termes des dispositions de l’article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Or, il convient de relever que :
– au soutien de sa demande, la société CDC fonde sa demande de délais de paiement sur ses difficultés à “exploiter convenablement” le local,
– mais toutefois, outre qu’elle ne produit aucune pièce susceptible de démontrer que le bailleur aurait entravé l’exploitation des lieux, elle ne verse aux débats aucune pièce financière ou comptable, de sorte que ses capacités de remboursement ne sont pas établies, sa dette a augmenté depuis la première instance, et elle a cessé tout règlement depuis novembre 2021.
Dans ces circonstances, il y a lieu de confirmer l’ordonnance rendue en ce qu’elle a rejeté la demande de suspension des effets de la clause résolutoire et de délais de paiement.
Sur les autres demandes
Le sort des dépens et des frais irrépétibles en première instance a été exactement tranché par le premier juge.
Ce qui est jugé en cause d’appel commande de condamner l’appelante à indemniser les consorts [P] de leurs frais non répétibles à hauteur d’appel, la société CDC étant également condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf à actualiser le montant de la provision allouée à la société CDC,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne par provision la société CDC à payer à M. [P] et Mme [S] épouse [P] la somme de 42.918, 07 euros au titre des charges et indemnités d’occupation, arrêtés au 16 janvier 2023 janvier 2023,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne la société CDC à payer à M. [P] et Mme [S] épouse [P] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
Condamne la société CDC aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE