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1 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/17943
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1 – CHAMBRE 10
ARRÊT DU 01 JUIN 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/17943 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSLR
Décision déférée à la cour :
Jugement du 6 octobre 2022-Juge de l’exécution de Créteil-RG n° 21/00164
APPELANTE
S.C.I. AMI
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Paulette AULIBE-ISTIN de la SCP SCP AULIBE-ISTIN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 23
INTIMÉE
S.A.R.L. ARJMUS
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 19 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 12 octobre 2021, et publié le 22 novembre 2021 au service de la publicité foncière de Créteil 2 sous le volume 2021 S n°156, la Sarl Arjmus a entrepris une saisie sur des biens immobiliers situés à Créteil (94), appartenant à la SCI AMI, sa bailleresse, et ce en vertu d’un jugement rendu le 6 mai 2021 par le tribunal judiciaire d’Evry.
Par acte d’huissier en date du 17 décembre 2021, la société Arjmus a fait assigner la SCI AMI à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil, aux fins de vente forcée.
Par assignation du 30 décembre 2021, la SCI AMI a saisi le même juge aux fins d’annulation du commandement de payer valant saisie immobilière et subsidiairement, d’obtention de délais de paiement. Elle s’est ensuite désistée de cette instance portant le numéro RG 21/00637.
Par jugement d’orientation du 6 octobre 2022 (n° RG 21/164), le juge de l’exécution a :
débouté la SCI AMI de sa demande de désistement de l’instance enrôlée sous le numéro 21/637,
débouté la SCI AMI de sa demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 12 octobre 2021,
débouté la SCI AMI de sa demande d’irrecevabilité des actes de la procédure,
débouté la SCI AMI de sa demande de délai,
débouté la SCI AMI de sa demande de vente amiable,
ordonné la vente forcée des biens visés au commandement et fixé la date et le lieu de l’audience d’adjudication,
fixé la créance de la société Arjmus à la somme de 518.962,09 euros, en principal, frais et intérêts arrêtés au 8 octobre 2021, outre les intérêts postérieurs jusqu’à complet paiement,
autorisé et organisé les visites des biens,
débouté la société Arjmus de sa demande d’aménagement de la publicité,
autorisé la société Arjmus à publier l’avis prévu à l’article R.322-32 du code des procédures civiles d’exécution sur un site internet de son choix, outre les mesures de publicité habituellement pratiquées conformément aux articles R.322-31 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dit que les dépens seront compris dans les frais soumis à la taxe, avec distraction au profit de Me Salamoni.
La SCI AMI a fait appel de cette décision par déclaration du 27 octobre 2022, puis a saisi le premier président d’une demande d’autorisation d’assigner à jour fixe par requête du 28 octobre 2022, autorisation qui lui a été accordée par ordonnance du président de chambre délégataire en date du 8 novembre 2022.
Par acte d’huissier du 14 décembre 2022, déposé au greffe par le RPVA le 22 décembre 2022, elle a fait assigner à jour fixe la société Arjmus devant la cour d’appel de Paris à l’audience du 19 avril 2023.
Par conclusions n°2 du 18 avril 2023, la SCI AMI demande à la cour d’appel de :
– infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
– juger nul et de nul effet le commandement de payer valant saisie qui lui a été délivré le 12 octobre 2021,
Vu le jugement du tribunal d’Evry du 25 janvier 2023, constater que la Sarl Arjmus n’a plus aucune créance contre son ancien bailleur,
– constater que la créance de la Sarl Arjmus est éteinte depuis le 24 septembre 2024 (sic) [2022],
– dire que la présente procédure est devenue sans objet avec toutes les conséquences sur la publicité foncière,
– juger irrecevables tous les actes de procédure de la Sarl Arjumus indiquant pour siège social l’adresse suivante : [Adresse 4] en vertu de l’article 114 du code de procédure civile, à savoir : le commandement à fin de saisie délivré le 12 octobre 2021, l’assignation à l’audience d’orientation délivrée le 17 décembre 2021, et l’intégralité des conclusions signifiées pour la société Arjmus dans le cadre de la procédure de première instance ayant donné lieu au jugement du 6 octobre 2022,
Subsidiairement,
– lui accorder un délai de carence de six mois pour apurer sa dette,
Plus subsidiairement,
– l’autoriser à vendre amiablement le bien objet du commandement litigieux,
– en tout état de cause, condamner la société Arjmus au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel.
Par conclusions du 18 avril 2023, la société Arjmus demande à la cour d’appel de :
confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Par conséquent,
débouter la SCI AMI de l’ensemble de ses demandes,
Statuant à nouveau,
condamner la SCI AMI au paiement d’une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,
En tout état de cause,
débouter la SCI AMI de l’ensemble de ses demandes,
condamner la SCI AMI au paiement d’une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel, dont distraction au profit de Me Negrevergne, avocat,
condamner la SCI AMI aux entiers dépens d’appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article R.322-15 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, « à l’audience d’orientation, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L.311-2, L.311-4 et L.311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes… ».
Sur la nullité du commandement
La SCI AMI invoque la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière sur le fondement de l’article R.311-4 du code des procédures civiles d’exécution qui impose aux parties de constituer avocat et de l’article 1er, III, alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971 prévoyant une exception à la multipostulation en matière de saisie immobilière. Elle fait valoir que la société Arjmus aurait dû constituer un avocat inscrit au barreau du Val de Marne, et que l’avocat postulant mentionné dans le commandement est Me Florence Fricaudet, avocat au barreau du Val de Marne, membre de la SCP Fricaudet Larroumet, société inscrite aux barreaux des Hauts de Seine et du Val de Marne, alors qu’à la date de délivrance du commandement, il n’existe plus de SCP Fricaudet Larroumet, il n’existe plus de siège social à [Localité 7] et Me Fricaudet était inscrite au barreau des Hauts de Seine. Elle reproche au juge de l’exécution d’avoir retenu que l’irrégularité était couverte par l’assignation, alors que l’irrégularité soulevée ne fait pas partie de celles, visées à l’article 117 du code de procédure civile, pouvant être couvertes, puisque c’est la SCP qui doit se constituer, de sorte qu’en l’espèce, le commandement a été délivré sans constitution d’avocat et est donc nul.
La société Arjmus conclut à la confirmation du jugement, faisant valoir que si l’avocat constitué dans le commandement doit être inscrit au barreau du tribunal dans lequel la vente est poursuivie, cette condition ne saurait toutefois entraîner la nullité de l’acte ; qu’en effet, selon la Cour de cassation, le défaut de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice, comme c’est le cas de la constitution d’avocat d’un barreau extérieur, est une nullité de fond, qui peut dès lors être couverte si sa cause a disparu au moment où le juge statue, notamment dans l’assignation à l’audience d’orientation (Cass. 2e civ., 18 octobre 2012, n°11-18.730 ; Cass. 2e civ., 10 janvier 2019, n°17-28.805) ; et qu’en l’espèce, la situation a été régularisée dans le cadre de l’assignation du 17 décembre 2021.
Le juge de l’exécution a retenu que la mention de la constitution d’un avocat n’ayant pas la capacité de représenter la partie devant le tribunal constituait une irrégularité de fond prévue par l’article 117 du code de procédure civile ; qu’en matière de saisie immobilière, lorsque le ministère d’avocat est obligatoire, il ne peut s’agir que d’un avocat inscrit au barreau du tribunal devant lequel se déroule la mesure d’exécution ; que selon l’article 121 du code de procédure civile, dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu’en l’espèce, si une irrégularité existait au sein du commandement de payer valant saisie immobilière, elle avait été couverte par l’assignation mentionnant que la société Arjmus était représentée par la Sarl Fricaudet Larroumet Salomoni, sociétés d’avocats inter-barreaux des Hauts de Seine et du Val de Varne, représentée par Me Laurine Salamoni, domiciliée à [Localité 8] et inscrite au barreau du Val de Marne, qui avait donc le pouvoir de représenter le créancier dans la présente procédure.
Aux termes de l’article R.311-4 du code des procédures civiles d’exécution, en matière de saisie immobilière « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat ».
Selon l’article R. 321-3, 1° du même code, la constitution d’avocat du créancier poursuivant doit être mentionnée dans le commandement de payer valant saisie immobilière, à peine de nullité.
L’exception à la multipostulation prévue à l’article 1er III, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 modifiée s’applique à tous les actes de la procédure de saisie immobilière soumis à la représentation obligatoire (Cass. 2e civ., 5 mai 2011, n°10-14.066), de sorte que l’avocat qui représente les parties à la procédure de saisie immobilière doit appartenir au barreau du tribunal qui connaît de la procédure.
Selon l’article 8 de la loi du 31 décembre 1971, la société d’avocats appartenant à des barreaux différents peut postuler auprès de chaque tribunal par le ministère d’un avocat inscrit au barreau établi près ce tribunal.
Il en résulte qu’en matière de saisie immobilière, une société d’avocats inter-barreaux qui comporte des avocats inscrits au barreau du tribunal compétent pour connaître de la procédure de saisie immobilière a le pouvoir de représenter en justice une partie à la procédure et doit postuler par le ministère d’un de ses avocats inscrits au barreau du tribunal territorialement compétent.
En l’espèce, le commandement délivré le 12 octobre 2021 à la SCI AMI mentionne que la Sarl Arjmus a pour avocat postulant Me Florence Fricaudet, avocat au barreau du Val de Marne, membre de la SCP Fricaudet & Larroumet, société d’avocats inter-barreaux inscrite aux barreaux des Hauts de Seine et du Val de Marne, dont le siège est situé à [Localité 7] (92).
La SCI AMI n’apporte pas la preuve que Me Fricaudet n’était pas inscrite au barreau du Val-de-Marne, mais la Sarl Arjmus l’admet et ne conteste pas l’irrégularité du commandement.
Il résulte de l’article 117 du code de procédure civile que constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte, le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice. Ce texte concerne le représentant ad litem, titulaire d’un mandat de représentation en justice.
Aux termes de l’article 121 du même code, dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité (pour vice de fond) ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
En outre, la Cour de cassation admet que l’irrégularité de fond affectant le commandement de payer valant saisie immobilière puisse être régularisée par une assignation régulière à l’audience d’orientation (Cass civ 2e, 18 octobre 2012, n°11-18.730 ; 2e Civ., 10 janvier 2019, n°17-28.805).
En l’espèce, il est constant que l’assignation à comparaître à l’audience d’orientation du juge de l’exécution de Créteil mentionne que la société Arjmus est représentée par la Sarl Fricaudet Larroumet Salomoni, sociétés d’avocats inter-barreaux des Hauts de Seine et du Val de Varne, représentée par Me Laurine Salamoni, domiciliée à [Localité 8] et inscrite au barreau du Val de Marne. Il n’est pas contesté que Me Salomini représente valablement le créancier poursuivant dans la procédure de saisie immobilière engagée devant le juge de l’exécution de Créteil en ce qu’elle est inscrite au barreau du Val de Marne.
Dès lors, c’est à bon droit, et par des motifs pertinents, que le premier juge a écarté l’exception de nullité, l’assignation délivrée à la SCI AMI ayant valablement régularisé l’irrégularité affectant le commandement. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur la recevabilité des actes de procédure
La SCI AMI invoque le caractère fictif du siège social indiqué sur l’ensemble des actes de procédure par la Sarl Arjmus, à savoir [Adresse 4], en ce qu’à l’occasion de l’appel qu’elle a interjeté à l’encontre de celle-ci dans le cadre d’une autre procédure de saisie immobilière engagée devant le juge de l’exécution d’Evry pour un bien situé à Montlhéry (91), l’huissier chargé de délivrer l’assignation à jour fixe a constaté que la société Arjmus n’avait plus de siège social et a établi un procès-verbal de recherches infructueuses selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile. Elle estime que l’irrecevabilité des conclusions d’appel d’une société qui mentionne un siège social fictif n’est pas subordonnée à la justification d’un grief (Cass. civ. 2e, 24 septembre 2015, n°14-23.169 ; Cass. Civ. 3e, 22 février 2006, n°04-16.057).
La Sarl Arjmus conclut à la confirmation du jugement, expliquant que ses locaux sont ceux qui lui ont été donnés à bail par la SCI AMI et qui sont l’objet de la saisie immobilière ; que son kbis fait bien mention de son siège social [Adresse 4] ; que le magasin Rapid’Market établi à cette adresse correspond bien à son activité de commerce d’alimentation générale ; que son siège social n’est donc pas fictif ; et que si l’huissier n’a pu la joindre au téléphone c’est en raison de la fermeture estivale du magasin du 15 juillet au 17 août 2022, comme il l’a lui-même mentionné, et que si celui-ci avait fait ses diligences après le 17 août, il aurait pu lui délivrer l’acte en personne. Elle ajoute qu’il n’est justifié d’aucun grief, tel qu’exigé par l’article 114 du code de procédure civile.
Le juge de l’exécution a retenu que la société AMI ne démontrait ni l’irrégularité des actes de procédure ni le grief causé.
L’huissier qui a délivré l’assignation à jour fixe, dans le cadre de l’autre procédure de saisie immobilière, indique dans son procès-verbal de signification du 9 août 2022 que :
« Lors de l’enquête effectuée sur place, le 01/08/2022 et le 08/08/2022, à l’adresse indiquée par le demandeur de l’acte, chez
SARL ARJMUS, immatriculé(e) au RCS N° 449 392 612, dont le siège est [Adresse 4], afin de signifier une ASSIGNATION COUR DAPPEL
Sur place, il s’agit de l’enseigne ‘RAPID MARKET” mais celle-ci est fermée du 15/07/2022 au 17/08/2022 inclus. Une convocation au nom de la requise a été laissée sur place mais demeure sans suite. Le voisinage n’a pu renseigner utilement. Aucune boîte aux lettres n’a été identifiée et le nom du gérant ne figure nulle part.
De retour à l’Etude, la recherche sur l’annuaire électronique à l’adresse de la procédure permet d’identifier la société requise mais celle-ci est injoignable au [XXXXXXXX01]. et au [XXXXXXXX02]. et des messages laissés sur les répondeurs demeurent sans suite. La recherche avec la dénomination sociale de la requise ne permet pas d’obtenir d’informations complémentaires. La recherche effectuée avec “RAPID MARKET indique le même numéro de téléphone. L’extrait kbis en date du 04/08/2022 ne fait état ni d’un changement d’adresse ni d’une procédure collective.
En conséquent, j’ai constaté que SARL ARJMUS n’a plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés et j’ai converti le présent acte en procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 C.P.C.).
J’ai adressé à la dernière adresse connue de l’intéressé, une copie du présent PV à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification, par lettre recommandée avec avis de réception, au plus tard le premier jour ouvrable suivant l’établissement du présent acte. La lettre simple l’avisant de l’accomplissement de cette formalité a été envoyée au plus tard le premier jour ouvrable suivant l’établissement du présent acte. »
Dans la présente instance, l’assignation à jour fixe a été délivrée à la société Arjmus le 14 décembre 2022, par acte d’huissier signifié à personne morale à l’adresse [Adresse 4].
De même, la société Arjmus produit l’assignation que lui avait délivrée la SCI AMI le 30 décembre 2021 aux fins de contestation du commandement de payer valant saisie immobilière. Cet acte lui avait également été signifié à personne morale à cette adresse. Elle justifie (recherches Google) avoir une activité de commerce en alimentation générale à cette adresse (supérette).
Il est donc établi que si dans l’autre procédure de saisie immobilière, l’huissier n’a pu la trouver à l’adresse du [Adresse 4]. c’est uniquement parce que l’acte a été délivré en période estivale alors que le magasin exploité par la société Arjmus sous l’enseigne « Rapd’Market » était fermé.
Il en résulte que le siège social du [Adresse 4] mentionné tant au kbis de la société Arjmus que dans tous les actes de procédure n’est nullement fictif.
La fin de non-recevoir invoquée par la société AMI est donc inopérante et le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
Sur l’extinction de la créance
La SCI AMI explique que pour la même créance, la société Arjmus a diligenté deux procédures de saisie immobilière, l’une à Créteil sur l’appartement, l’autre à Evry sur les murs du fonds de commerce ; que par jugement du 18 mai 2022, le juge de l’exécution d’Evry a ordonné la vente forcée, laquelle a eu lieu à l’audience d’adjudication du 14 septembre 2022 ; qu’en l’absence d’enchères, le créancier poursuivant a été déclaré adjudicataire pour le montant de la mise à prix ; que par jugement du 25 janvier 2023, signifié le 23 février 2023, le juge de l’exécution d’Evry a déclaré nulle la déclaration de surenchère de Mme [E] et a déclaré le jugement du 14 septembre 2022 comme étant définitif ; qu’ainsi, le locataire, la Sarl Arjmus, est devenu propriétaire du fonds, de sorte que l’indemnité d’éviction, d’un montant de 310.000 euros, n’est plus due, et qu’il lui doit le prix de vente des murs, soit 330.000 euros ; qu’après déduction de l’indemnité d’éviction de la créance de la société Arjmus, ainsi que les loyers impayés, la créance est éteinte. Elle conclut qu’elle n’est plus débitrice mais créancière de la société Arjmus pour le solde du prix de vente et les loyers impayés.
La Sarl Arjmus rappelle que l’indemnité d’éviction résulte du contrat de bail que la SCI AMI n’a pas voulu renouveler, peu important que le bien soit ensuite vendu ; qu’elle a initié la procédure de saisie immobilière en vertu d’un titre exécutoire définitif, à savoir le jugement rendu le 6 mai 2021 par le tribunal judiciaire d’Evry condamnant la SCI AMI a lui payer diverses sommes au titre notamment des travaux de réfection (103.516,72 euros), du préjudice de jouissance (78.232 euros), de l’éviction (310.000 euros) et du dépôt de garantie (3.945 euros), qui s’impose à la cour statuant avec les pouvoirs du juge de l’exécution ; que le moyen selon lequel la créance devrait être diminuée du montant de l’indemnité d’éviction à la suite de l’adjudication se heurte au caractère définitif du titre exécutoire ; qu’en outre, le montant de la créance n’a pas été contesté devant le juge de l’exécution ; que le prix de vente n’a pas été distribué, de sorte qu’elle n’a perçu aucune somme en sa qualité de créancier.
Aux termes de l’article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.
La présente procédure de saisie immobilière est fondée sur le jugement définitif rendu le 6 mai 2021 par le tribunal judiciaire d’Evry qui a condamné la SCI AMI à payer à la Sarl Arjmus les sommes suivantes :
travaux de réfection indexé BT 01 (octobre 2019/mai 2021) : 103.516,72 euros
préjudice de jouissance : 78.232 euros
éviction : 310.000 euros
dépôt de garantie : 3.945 euros
article 700 du code de procédure civile : 5.000 euros
outre les intérêts au taux légal à compter du jugement, arrêtés au 08/10/2021, majorés de 5 points dans les 2 mois de la signification : 6.354,56 euros
et les dépens : 11.913,81 euros,
soit un total arrêté au 08 octobre 2021 : 518.962,09 euros, montant de la créance d’ailleurs mentionné dans le jugement d’orientation dont appel.
Il résulte de l’article R.121-1 précité que la cour, statuant avec les pouvoirs du juge de l’exécution, ne peut déduire de cette créance le montant de l’indemnité d’éviction qui avait été allouée par le tribunal au prétexte que la société Arjmus serait désormais propriétaire du local qui lui était loué. La SCI AMI oublie manifestement qu’il ne s’agit pas d’une vente volontaire, résultant d’un accord entre elles, mais d’une vente forcée dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière engagée en vertu du même titre exécutoire. Déduire le montant de l’indemnité d’éviction allouée reviendrait, en outre, à remettre en cause l’exécution forcée du titre exécutoire.
Par ailleurs, il est prématuré à ce stade de faire les comptes entre les parties, dans la mesure où la distribution du prix de vente n’a pas encore eu lieu. Mais en tout état de cause, au vu du montant de la créance et du prix d’adjudication dont la société Arjmus serait redevable, il n’apparaît nullement que la créance de cette dernière soit éteinte.
La procédure de saisie immobilière conserve donc en l’état son objet et les demandes tendant à constater l’extinction de la créance seront rejetées.
Sur la demande de délai
La SCI AMI explique qu’elle a effectué une demande de crédit pour désintéresser la société Arjmus et doit disposer de disponibilités qui lui permettront de régler l’intégralité de la dette dans un délai de six mois.
La société Arjmus s’oppose à cette demande, invoquant la mauvaise foi de la SCI AMI qui a déjà bénéficié de longs délais et n’a fait aucun effort pour payer ou proposer un plan de règlement. Elle souligne que la SCI AMI sollicite ce délai de six mois depuis 14 mois et n’a toujours pas procédé au moindre règlement, et qu’elle ne produit toujours aucune pièce justificative.
Le juge de l’exécution a débouté la SCI AMI de sa demande de délai aux motifs qu’elle ne justifiait pas de sa situation économique et ne démontrait pas avoir effectué le moindre paiement en vue de s’acquitter de sa dette, et qu’elle ne justifiait pas de ses facultés de paiement futures.
Il résulte des articles 510 du code de procédure civile et R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution qu’après signification d’un commandement, le juge de l’exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.
Le juge peut, en vertu de l’article 1343-5 nouveau du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années.
La société AMI produit seulement une lettre de la banque BNP Paribas en date du 17 novembre 2021 indiquant que sa demande de prêt d’un montant de 500.000 euros est en cours de traitement. Aucun élément n’est produit concernant sa situation financière ni la suite donnée à cette demande de prêt.
Ainsi, comme l’a retenu le premier juge, la société AMI ne justifie pas de ses capacités de paiement. En outre, le jugement datant de mai 2021, la société AMI a déjà bénéficié d’un délai de fait de deux ans qu’elle n’a pas mis à profit.
Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI AMI de sa demande de délai.
Sur la demande d’autorisation de vente amiable
Aux termes de l’article R.322-15 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, lorsqu’il autorise la vente amiable, le juge s’assure qu’elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.
En outre, il résulte de l’article R.322-21 du même code que le juge qui autorise la vente amiable fixe la date de l’audience à laquelle l’affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois.
Le juge de l’exécution a rejeté la demande de vente amiable aux motifs que la promesse de vente produite était expirée et que la débitrice ne démontrait pas avoir effectué d’autres diligences en vue de la vente dans un délai et à des conditions satisfaisantes pour le créancier poursuivant qui s’oppose fermement à la vente amiable.
La SCI AMI indique justifier de nouvelles diligences, mais la société Arjmus fait valoir qu’en l’absence de nouvelles pièces en appel, il n’est démontré aucune diligence. Cette dernière souligne que la production de la prorogation de la promesse de vente conclue il y a un an n’est pas sérieuse.
La SCI AMI produit en effet une « prorogation de la promesse de vente » du 4 avril 2022 qui expirait le 30 juin 2022. Il ressort de cet acte que la promesse est prorogée jusqu’au 23 décembre 2023. Il s’agit d’une promesse unilatérale de vente (seule la SCI AMI s’est engagée à vendre). Il est pour le moins curieux qu’elle n’ait toujours pas réussi à vendre son bien depuis le 4 avril 2022, et la durée excessivement longue de la promesse prorogée fait douter du sérieux de ce projet et de la volonté réelle de la débitrice de vendre son bien.
La cour n’est dès lors pas en mesure de s’assurer que la vente amiable sera conclue dans des conditions satisfaisantes, ni même qu’elle aura lieu.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de vente amiable et a ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi.
Sur les demandes accessoires
Au vu de l’issue du litige, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que les dépens seraient compris dans les frais soumis à la taxe et de condamner la SCI AMI aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de l’avocat de la société Arjmus, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité justifie de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, mais de condamner la SCI AMI à payer à la Sarl Arjmus la somme de 3.000 euros sur ce fondement pour ses frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement d’orientation rendu le 6 octobre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil,
Y ajoutant,
DEBOUTE la SCI AMI de ses demandes tendant à voir constater l’extinction de la dette et le caractère sans objet de la procédure de saisie immobilière,
CONDAMNE la SCI AMI à payer à la Sarl Arjmus la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI AMI aux dépens de la procédure d’appel, avec distraction au profit de Me Jean-Charles Negrevergne, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,