Indemnité d’éviction : 1 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02870

·

·

Indemnité d’éviction : 1 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02870
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

1 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/02870

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/02870 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFJEU

Décision déféré : sur recours en révision contre un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris en date du 7 octobre 2021.

DEMANDEUR AU RECOURS EN RÉVISION

S.A.S. MDSA

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Mme [J] [B], responsable des ressources humaines en vertu d’un pouvoir spécial et par Me Cécile RENEVEY avocat au barreau de DIJON, toque : 2 substituée par Me Pierrick BECHE, avocat au barreau de DIJON, toque : 43,

DÉFENDEUR AU RECOURS EN RÉVISION

M. [H] [V]

[Adresse 1]

[Localité 6]

assisté de Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1024

MINISTERE PUBLIC 

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Antoine PIETRI, substitut général, qui a fait connaître son avis.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Nicollette GUILLAUME, présidente

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Nolwenn CADIOU, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [H] [V] a été engagé en qualité d’attaché commercial par la société Tangara dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 29 décembre 1997.

Il a été désigné en qualité de délégué syndical.

En 2002, la société Tangara a été placée en liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 25 novembre 2002, le tribunal de commerce de Paris a autorisé la reprise du fonds de commerce par la société Extan, aux droits de laquelle se présente aujourd’hui la société MDSA, 21 contrats de travail ayant été transférés à la société Extan, laquelle a, le 18 décembre 2002, confirmé à M. [V] le transfert de son contrat de travail.

Le 8 janvier 2003, M. [V] a informé la société Extan qu’il refusait les modalités de ce transfert, dès lors qu’il constituait une modification substantielle de son contrat de travail et le 16 janvier suivant, l’inspection du travail notifiait à la société son refus du transfert envisagé.

Le 21 février 2003, la société Extan a procédé au licenciement économique de M. [V].

Contestant son licenciement, M. [V] par acte du 29 mars 2004, saisissait le conseil de prud’hommes de Paris.

Par jugement du 7 mai 2009, notifié aux parties par lettre du 26 août 2009, le conseil de prud’hommes de Paris a :

-condamné la société Extan à verser à M. [V] :

-3 100 euros à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

-100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté du surplus des demandes,

-reçu le défendeur en ses demandes reconventionnelles, mais l’en a débouté,

-condamné la société Extan aux dépens.

Par déclaration parvenue au greffe le 20 octobre 2009, M. [V] a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 24 octobre 2012, le pôle 6, chambre 6 de la cour d’appel de Paris a :

– déclaré l’appel recevable,

-infirmé le jugement déféré, et statuant à nouveau,

– dit que le licenciement de Monsieur [H] [V] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Extan à payer à Monsieur [V] la somme de :

– 31 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Monsieur [V] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Extan de ses demandes reconventionnelles,

– condamné la société Extan aux entiers dépens.

M. [V] a formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris et le 2 juillet 2014, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 24 octobre 2012 et a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée. (n°1244 F-D, pourvoi n° V12-29.529).

Par déclaration de saisine du 2 octobre 2014, M. [V] a saisi la cour d’appel de renvoi.

Par arrêt du 30 janvier 2018, le pôle 6, chambre 4 de la cour d’appel de Paris a :

– infirmé le jugement rendu le 7 mai 2009 par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a condamné la société Extan à payer à M. [V] la somme de 3 100 euros à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement et en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau et y ajoutant,

– prononcé la nullité du licenciement notifié le 21 février 2003 par la société Extan à M. [V], titulaire d’un mandat de délégué syndical,

– condamné en conséquence la société MDSA venant aux droits de la société Extan à payer à M. [V] les sommes suivantes, nettes de tous prélèvements sociaux :

– 37 200 euros au titre de la violation du statut protecteur,

– 31 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dit que ces condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,

– ordonné la capitalisation des intérêts, sous réserve qu’ils soient dûs pour une année entière,

– dit que les condamnations prononcées et les sommes déjà versées en exécution des décisions précédemment rendues entre les parties pourront faire l’objet d’une compensation,

– rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire,

– condamné la société Extan aux dépens d’appel et à payer à M. [V] la somme de :

-2 500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des faits irrépétibles exposés en cause d’appel.

M. [V] a formé un pourvoi et le 10 juillet 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 30 janvier 2018 renvoyant les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

Par déclaration de saisine du 17 septembre 2019, M. [V] a saisi la cour d’appel de renvoi, laquelle, par arrêt de la chambre 6-8 du 7 octobre 2021, a :

– infirmé le jugement entrepris,

– rejeté la demande de mise hors de cause de la société MDSA,

– ordonné la réintégration de M. [V] à son poste ou à un poste équivalent dans l’entreprise, devenue la société MDSA, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, un mois à compter de la notification de la présente décision,

– condamné la société MDSA à payer à M. [V] la somme de :

– 696 734.58 euros à titre de provision fixée au 31 mai 2021, indemnité à parfaire à la date de la réintégration effective, au titre de l’indemnité d’éviction,

– condamné la société MDSA à payer à M. [V] la somme de :

-6 200 euros à titre d’indemnité au titre de la priorité de réembauchage,

– ordonné à la société MDSA la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif pour l’indemnité d’éviction,

– fixé le point de départ des intérêts légaux sur ces indemnités à compter du présent arrêt,

– ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

– déclaré la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse irrecevable,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la société MDSA à payer à M. [V] la somme de :

– 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamnée aux entiers dépens.

Un pourvoi a été interjeté contre cette décision.

Estimant que M. [V] n’avait pas répondu à la mise en demeure qui lui avait été adressée dans le but d’organiser sa réintégration, la société MDSA a, le 15 février 2022, saisi la cour d’appel d’un recours en révision de l’arrêt du 7 octobre 2021.

Le 29 juin 2022, le ministère public a communiqué ses observations aux termes desquelles il est d’avis que le recours en révision sollicité par la société MDSA ne remplit pas les conditions d’ouverture exigées par l’article 595 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 12 octobre 2022, la société MDSA demande à la cour :

– de dire et juger recevable le recours en révision dirigé contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 7 octobre 2021 (RG 19/09300), qui a été dénoncé au ministère public conformément à l’article 600 du code de procédure civile,

– de réviser l’arrêt en ce qu’il a :

– ordonné la réintégration de M. [V] à son poste ou à un poste équivalent dans l’entreprise sous astreinte de 10 euros par jours de retard,

– condamné la société MDSA à payer à M. [V] la somme de 696 734,58 euros à titre de provision fixée au 31 mai 2021, indemnité à parfaire à la date de la réintégration effective, au titre de l’indemnité d’éviction,

– condamné la société MDSA à payer à M. [V] la somme de 6 200 euros à titre d’indemnité au titre de la priorité de réembauchage,

– ordonné à la société MDSA la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif pour l’indemnité d’éviction,

-fixé le point de départ des intérêts légaux sur ces indemnités à compter du présent arrêt,

-ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

-condamné la société MDSA à payer à M. [V] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-l’a condamné aux entiers dépens,

et statuant à nouveau,

– de constater la fraude de M. [V],

– de juger la réintégration impossible du fait du comportement de M. [V],

– de juger que la condamnation de la société MDSA ne saurait excéder la somme de 18 929,70 euros bruts au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur,

à titre subsidiaire,

– de limiter la condamnation de la société MDSA à la somme de 70 700 euros nets au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur,

– de débouter M. [V] de l’intégralité de ses demandes,

– de condamner M. [V] à payer à la société MDSA la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-de le condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 12 octobre 2022, M. [V] demande à la cour :

– de débouter MDSA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions aux fins de recours en révision de l’arrêt précité,

subsidiairement,

– de surseoir à statuer dans l’attente de la décision pendante de la cour d’appel de céans sur la requête en rectification d’erreur matérielle et omission de statuer (RG 22-04692),

– de condamner la SA MDSA à payer à M. [V] la somme de quinze mille (15 000) euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la SA MDSA aux entiers dépens.

L’affaire a été appelée à l’audience du 13 octobre 2022 à laquelle, le ministère public, la société MDSA et M. [V] ont respectivement soutenu oralement leurs observations et conclusions.

A la proposition de médiation qui leur a été faite à l’issue des débats lors de l’audience du 16 mars 2023, les parties ont informé la cour de ce qu’elles acceptaient d’entrer en pourparlers.

Par arrêt du 10 novembre 2022, la chambre 8 Pôle 6 de la cour d’appel de Paris a :

– avancé son délibéré

-ordonné une médiation dans la présente affaire opposant la société MDSA à M. [V],

-désigné M. [X] [S] (domicilié [Adresse 2] – [Localité 5] / [Courriel 7]), en qualité de médiateur avec la mission suivante :

-réunir et entendre les parties ainsi que leurs conseils,

-après avoir pris connaissance de tous éléments utiles, par la confrontation et le rapprocheent de leurs points de vue respectifs suivant un processus à déterminer ensemble, permettre aux parties de trouver par elles-mêmes une solution au conflit qui les oppose en les aidant dans l’élaboration d’un accord,

-dit que, sauf prorogation dans les conditions de l’article 131-3 du code de procédure civile, la mission du médiateur est d’une durée de 3 mois suivant la première réunion de médiation,

-fixé à 1 200 euros HT (mille deux cent euros hors taxe) la provision à valoir sur la rémunération du médiateur,

-dit que cette provision est mise à la charge de la société MDSA,

somme qui devra être versée directement entre les mains du médiateur au plus tard dans le mois de la présente décision,

-rappelé qu’à défaut de versement de la somme provisionnelle dans les conditions fixées et le délai imparti, la désignation du médiateur sera caduque et l’instance se poursuivra,

-rappelé au médiateur désigné son obligation d’informer la cour sans délai de toute(s) difficulté(s) qu’il pourrait rencontrer dans l’accomplissement de sa mission, et qu’à l’expiration de celle-ci il devra indiquer à la cour par écrit si les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au conflit qui les oppose,

-dit que le rapport de fin de mission établi par le médiateur, qui ne fera pas état des propositions transactionnelles ayant pu éventuellement émaner de l’une ou l’autre des parties, sera remis à la cour sans délai,

-invité les parties à informer la cour des suites réservées au processus de médiation par la voie électronique,

-invité les parties à communiquer leurs conclusions au plus tard 48 heures ouvrables avant l’audience lorsqu’un désistement est demandé et accepté,

-dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du jeudi 16 mars 2023 à 09h00 en salle d’audience Louise Hanon 2-H-01, à laquelle les débats seront rouverts,

– dit qu’en cas de demande d’homologation, les parties devront soumettre à la cour leur protocole d’accord dans un délai maximum de 15 jours avant l’audience du jeudi 16 mars 2023 afin d’une transmission au Ministère Public pour avis en application des articles 131-12, 798 et 953 du code de procédure civile.

Conformément aux termes de l’arrêt précité, l’affaire a été rappelée à l’audience du 16 mars 2023 à laquelle le ministère public a comparu et soutenu les termes de ses observations du 29 juin 2022.

Les parties ont informé la cour de l’échec de la tentative de médiation.

A l’audience du 16 mars 2023, M. [V], assisté de Maître Ravez a présenté et soutenu ses conclusions déposées à l’audience, aux termes desquelles il demande à la cour :

– de se déclarer matériellement incompétente au profit du juge de l’exécution près du tribunal judiciaire de Dijon,

– de débouter MDSA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions aux fins de recours en révision de l’arrêt précité,

subsidiairement,

– de surseoir à statuer dans l’attente de la décision pendante de la cour d’appel de céans sur la requête en rectification d’erreur matérielle et omission de statuer (RG 22-04692),

– de condamner la SA MDSA à payer à M. [V] la somme de quinze mille (15 000) euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la SA MDSA aux entiers dépens.

et les parties ont comparu, Au constat de l’échec des pourparlers engagés et en vue de l’audience prévue le 16 mars 2023, M.[V] a transmis de nouvelles conclusions aux termes desquelles il demande:

a société MDSA et M. [V] ont respectivement soutenu oralement à l’audience du 16 mars 2023, leurs observations et conclusions aux termes desquelles:

La société MDSA, représentée par Maître Beche lors de l’audience, a présenté et soutenu ses conclusions déposées à l’audience du 16 mars 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour :

– in limine litis, de déclarer irrecevable les exceptions de procédure soulevées par M. [V],

– de dire et juger recevable le recours en révision dirigé contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 7 octobre 2021 (RG 19/09300), qui a été dénoncé au ministère public conformément à l’article 600 du code de procédure civile,

– de réviser l’arrêt en ce qu’il a :

– ordonné la réintégration de M. [V] à son poste ou à un poste équivalent dans l’entreprise sous astreinte de 10 euros par jours de retard,

– condamné la société MDSA à payer à M. [V] la somme de 696 734,58 euros à titre de provision fixée au 31 mai 2021, indemnité à parfaire à la date de la réintégration effective, au titre de l’indemnité d’éviction,

– condamné la société MDSA à payer à M. [V] la somme de 6 200 euros à titre d’indemnité au titre de la priorité de réembauchage,

– ordonné à la société MDSA la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif pour l’indemnité d’éviction,

– fixé le point de départ des intérêts légaux sur ces indemnités à compter du présent arrêt,

– ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

– condamné la société MDSA à payer à M. [V] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamné aux entiers dépens,

et statuant à nouveau,

– de constater la fraude de M. [V],

– de juger la réintégration impossible du fait du comportement de M. [V],

– de juger que la condamnation de la société MDSA ne saurait excéder la somme de 18 929,70 euros bruts au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur,

à titre subsidiaire,

– de limiter la condamnation de la société MDSA à la somme de 70 700 euros nets au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur,

– de débouter M. [V] de l’intégralité de ses demandes,

– de condamner M. [V] à payer à la société MDSA la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-de le condamner aux entiers dépens.

Par note en délibéré parvenue sur demande de la cour, la société MDSA a formulé des observations sur les effets du caractère d’ordre public de l’exception d’incompétence de la cour au profit du juge de l’exécution soulevée par M. [V] dans le cadre de conclusions adressées à son adversaire le 14 mars 2023.

M. [V] auquel la cour avait laissé pour répondre un délai expirant au 30 avril 2023, n’a fait parvenir pour cette date, aucune note en délibéré.

MOTIFS

I- sur la recevabilité du recours en révision.

L’article 593 du code de procédure civile définit le recours en révision comme tendant à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

L’article 506 du code de procédure civile dispose que ‘le délai de recours en révision est de deux mois. Il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu’elle invoque’ et l’article 598 précise que le recours en révision est en principe formé par voie de citation, l’article 600 prévoyant que dans ce cas, la citation doit être dénoncée au ministère public.

M. [V] reproche à la société MDSA de n’avoir pas procédé par citation mais par assignation.

Cependant, alors que l’article 55 du code de procédure civile définit l’assignation comme étant ‘l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge’ et que M. [V] ne méconnaît pas avoir reçu un tel acte dont il n’est pas contesté au surplus qu’il ait été dénoncé au ministère public, il convient de constater que la société MDSA a respecté les termes de l’article précité, la demande tendant à ce que le recours en révision soit déclaré irrecevable de ce chef devant être rejetée.

Quant au délai dans lequel la société MDSA a introduit son recours, lequel court à compter du jour ou la cause de révision a été connue de la partie qui l’introduit, il ne peut être considéré qu’il a été supérieur à deux mois.

En effet si la société relève qu’après le courrier de M. [V] du 30 novembre 2021, il apparaissait que ce dernier recherchait un accord financier et non une réintégration, il n’en résulte pas qu’elle avait connaissance de manière certaine à ce stade de l’absence de volonté de M. [V] à une réintégration effective fait sur lequel elle se fonde pour former son recours en révision, dès lors qu’au constat d’une indisponibilité du salarié pour une venue à l’entreprise le 9 décembre 2021, elle l’a mis en demeure par courrier recommandé du 6 décembre 2021 de se présenter le 16 décembre suivant à 11 heures, injonction à laquelle il n’a pas déféré.

Le délai de deux mois courant à l’issue de cette échéance non honorée, le recours introduit le 15 février 2022 est recevable.

II- sur l’exception d’incompétence,

Il est admis que le recours en révision est une voie de rétractation et qu’en cette qualité il relève de la compétence du juge qui a rendu la décision attaquée.

Quand bien même l’arrêt du 7 octobre 2021 donne-t-il lieu à un contentieux relatif à son exécution, lequel relève de la compétence du juge de l’exécution, le recours en révision formé contre cet arrêt et qui tend à sa rétractation, relève en tant que tel de la seule juridiction l’ayant rendu et donc de la cour de céans.

La demande tendant à ce qu’elle se déclare matériellement incompétente doit être rejetée.

III- sur la demande de révision,

Selon l’article 595 du code de procédure civile, ‘Le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes:

1° s’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue,

2° si depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie,

3° s’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis me jugement,

4° s’il a été jugé sur des attestations témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement’.

La fraude est juridiquement définie comme l’acte qui a été réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu ou réalisé avec l’intention d’échapper à l’exécution des lois.

Pour fonder la demande en révision de l’arrêt, la société MDSA relève que M. [V] s’est rendu coupable de fraude en sollicitant plus de onze années après son licenciement, une réintégration à laquelle il met en réalité obstacle, en ne déférant pas à l’injonction qui lui a été faite par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 décembre 2021, de se présenter à l’entreprise le 16 décembre suivant, le tout dans le but d’accroître le montant des indemnités qui sont dues en application de l’arrêt du 7 octobre 2021, lesquelles s’accroissent à raison de son inexécution.

Cependant, le droit à la réintégration dans les suites d’un licenciement nul à raison de la violation du statut protecteur, est expressément prévu par les articles  L. 2143-10, L. 2411-1 et L. 2411-3 du code du travail dans leur rédaction applicable sans qu’aucun délai ne soit imparti au salarié protégé pour la demander.

Par ailleurs, en application des textes précités, ce n’est qu’au cas où l’entreprise a disparu ou en cas d’impossibilité absolue de réintégration que l’employeur est libéré de son obligation.

Le moyen tenant à l’impossibilité absolue de réintégration n’a pas été soulevé par la société MDSA devant la cour d’appel saisie dans le cadre du renvoi après cassation partielle du 10 juillet 2019.

Quant au fait que la décision du 7 octobre 2021 ait été surprise par la fraude de M. [V], il ne peut être considéré comme prouvé par la société MDSA alors que cette dernière s’attache à démontrer que c’est dans le cadre de l’exécution de l’arrêt, et donc postérieurement à lui, que le salarié a fait obstacle de mauvaise foi à des demandes successives de rencontres destinées à déterminer ‘les possibilités de réintégration’.

Il ne peut être considéré qu’à travers les difficultés d’exécution de l’arrêt telles que décrites par la société MDSA et tenant au comportement de M. [V], la preuve est rapportée de ce qu’antérieurement à l’arrêt dont la révision est sollicitée, la demande de réintégration constituait un moyen déloyal destiné à surprendre la décision.

La demande de révision doit en conséquence être rejetée.

IV- sur les autres demandes,

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M. [V] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DÉCLARE RECEVABLE le recours en révision formé par la société MDSA sur l’arrêt rendu le 7 octobre 2021,

REJETTE la demande tendant à ce que la cour se déclare matériellement incompétente,

AU FOND,

REJETTE la demande en révision,

CONDAMNE la société MDSA à verser à M [V] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles afférents à la présente instance,

CONDAMNE la société MDSA aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x