Indemnité d’éviction : 1 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/08961

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Indemnité d’éviction : 1 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/08961
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1 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/08961

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT DE RENVOI APRES CASSATION

DU 01 JUIN 2023

N°2023/108

Rôle N° RG 22/08961 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJTR7

[W] [E]

S.E.L.U.R.L. [Z] [K]

C/

[F] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Audrey FERRERO

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 01 Juin 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 475F-D qui a cassé partiellement l’arrêt de la chambre 1-8 de la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE du 04 février 2021

DEMANDEUR A LA SAISINE

Monsieur [W] [E] exploitant sous l’enseigne ‘BLUES BEACH’

né le 09 Octobre 1968 à [Localité 4] (08), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

S.E.L.A.R.L. RM Mandataires représentée par Me [Z] [K] es qualité de mandataire judiciaire de M. [E] [W] et de commissaire à l’exécution du plan, dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

DEFENDERESSE A LA SAISINE

Madame [F] [C]

née le 01 Janvier 1958 à [Localité 6] (VIETNAM), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Audrey FERRERO, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,

et Madame Françoise FILLIOUX, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, magistrat rédacteur

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

Le 23 février 1998, Madame [F] [C] a acquis la propriété de deux lots de copropriété situés [Adresse 2] à [Localité 5] qui ont été réunis pour former une salle de restaurant avec une cuisine, un hall d’entrée, un WC et un débarras

Le 9 mars 1999, Madame [F] [C] a donné à bail commercial à Monsieur [Y] ce local à usage de restaurant.

Par acte du 12 juin 2004, Madame [C] a acquis l’usage exclusif de la parcelle de terrain à usage de terrasse située devant le restaurant.

Par acte du 7 janvier 2005, Monsieur [Y] a cédé son droit au bail à l’EURL Hanaly et par acte du 29 mars 2006, la SARL Christo a acquis le fonds de commerce comprenant le bail commercial.

Par avenant au bail du 18 janvier 2005, les parties ont convenu d’étendre le bail à la parcelle de terrain à usage de terrasse située devant le local, à effet le 1er janvier 2005.

Par acte du 7 mars 2008, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 9 mars 2008 pour se terminer le 8 mars 2017.

Le 10 juin 2008, Monsieur [E] a acquis le fond de commerce comprenant le bail commercial.

Le 25 novembre 2015, Monsieur [E] a assigné en référé devant le tribunal de grande instance de Toulon, sa bailleresse afin de voir désigner un expert au motif de désordres récurrents affectant le local. Par ordonnance du 6 février 2015, Monsieur [O] a été désigné à cette fin et a déposé son rapport le 14 mars 2016.

Le 5 juin 2015, Madame [C] a fait délivrer un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire pour une somme de 6 720,16euros concernant les loyers de janvier à mai 2015.

Par acte du 25 juin 2015, Monsieur [E] a fait citer devant le tribunal de grande instance de Toulon, Madame [C] afin de voir ordonner la compensation entre les sommes dues au titre des loyers et les dommages et intérêts qui doivent lui être octroyés en raison des désordres affectant les lieux loués.

Le 12 septembre 2016, Monsieur [E] a sollicité un renouvellement de son bail au 8 mars 2016, qui a été refusé par acte du 3 octobre 2016 de Madame [C], sans offrir le paiement d’une indemnité d’éviction en raison des manquements du locataire à son obligation de payer les loyers et charges.

Par jugement du 16 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Toulon a dit que le commandement de payer du 5 juin 2015 visant la clause résolutoire est valable, a constaté que le bail était résilié depuis le 5 juillet 2015, a ordonné l’expulsion du locataire, dit que l’indice de révision applicable au 1er avril 2014 est 1612, fixé l’indemnité d’occupation au loyer révisé sur la base de l’indice 1612, constaté qu’est dû à la bailleresse la somme de 21 008,20euros au titre de l’arriéré de loyer au 1er novembre 2016 et a condamné Monsieur [E] à lui payer cette somme, a condamné Madame [C]

à payer à monsieur [E] la somme de 8 673,36euros à titre de trop perçu de provision pour charges et à payer la somme de 11 251,71euros au titre du coût des réparations, dit qu’il pourra y avoir compensation entre les deux sommes, a débouté les parties du surplus de leur demande.

Le 28 décembre 2017, Monsieur [W] [E] a interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du tribunal de commerce de Toulon du 12 mars 2019, Monsieur [E] a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire et Maître [K], désignée comme mandataire judiciaire, a été appelée en intervention forcée le 18 juin 2019.

Par arrêt du 4 février 2021, la cour d’appel d’Aix en Provence a confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Toulon, a actualisé la créance et dit que Monsieur [E] était redevable de la somme de 69 911,04euros au titre de l’indemnité d’occupation au 1er mars 2019, dit que Madame [C] était redevable de la somme de 9 600euros au titre des charges indûment payées et 4355,18euros HT au titre des travaux avancés par Monsieur [E] ainsi que la somme de 5 628euros au titre des frais d’expertise et a fixé la créance de Madame [C] au passif du redressement judiciaire de Monsieur [E] à la somme de 21 871,22euros après compensation et 2 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Par jugement du 20 mai 2020, le tribunal de commerce de Toulon a arrêté un plan de redressement sur 10 ans et a désigné Maître [K] en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Monsieur [E] et Maître [K] ont formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt du 4 février 2021.

Par arrêt du 1er juin 2022, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d’appel d’Aix en Provence, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [E] de sa demande d’indemnisation de son préjudice commercial, dit que Madame [C] doit à Monsieur [E] les sommes de :

9 600euros au titre des charges indûment perçues,

4 355,18euros HT au titre des travaux avancés par Monsieur [E]

5 628euros au titre des frais d’expertise judiciaire

et a donné acte à Madame [C] de ce qu’elle reconnaît avoir perçu de Monsieur [E] entre le mois de mars 2015 et celui d’avril 2018, la somme de 28 456,64euros.

La Cour a retenu que l’action introduite par le bailleur avant le jugement d’ouverture de la procédure collective contre le preneur en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges afférents à une occupation antérieure à la dite procédure ne peut plus être poursuivie après ce jugement dès lors qu’elle n’a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée et que pour constater l’acquisition de la clause résolutoire, l’arrêt retient que les causes du commandement du 5 juin 2015 n’ont pas été réglées dans le délai d’un mois, qu’en statuant ainsi, après avoir constaté l’ouverture du redressement judiciaire de Monsieur [E] le 12 mars 2019, la cour a violé l’article L622-21 du code de Commerce.

Par conclusions déposées et notifiées le 31 octobre 2022, Monsieur [E] et la Selarl RM Mandataire représentée par Maître [K] demandent à la cour de :

Déclarer recevable l’appel de Monsieur [E],

Infirmer le jugement rendu le 16 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Toulon en ce qu’il a dit que ‘ le commandement du 5 juin 2015 visant la clause résolutoire est valable et constater que le bail était résilié au 5 juillet 2015, a ordonné l’expulsion du locataire, fixé l’indemnité d’occupation au loyer révisé sur la base de l’indice 1612, constaté qu’est dû à la bailleresse la somme de 21 008,20euros au titre de l’arriéré de loyer au 1er novembre 2016 et a condamné Monsieur [E] à lui payer cette somme, a débouté les parties du surplus de leur demande et mis les dépens à la charge des parties’.

Dire que Madame [C] doit à Monsieur [E] la somme de 9 600euros au titre des charges indûment perçues sous déduction de la somme de 926,74euros soit un montant de 8 673,86euros et la condamner au paiement de cette somme avec intérêt au taux légal à compter du 25 juin 2015,

Dire que Madame [C] doit 4 355euros au titre du remboursement des coûts des travaux et 5 628euros au titre des frais d’expertise judiciaire augmentés des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2017,

Condamner Madame [C] au paiement de la somme de 10 000euros au titre du préjudice moral,

Dire que le montant mensuel du loyer révisé conformément aux dispositions d’ordre public de l’article L145-38 dans sa version en vigueur avant la loi du n°2014-626 s’élève à 1303,14euros à compter du 15 janvier 2015,

Donner acte à Madame [C] qu’elle reconnaît avoir perçu de Monsieur [E] entre le mois de mars 2015 et le mois d’avril 2018 la somme de 28 456,64euros,

Constater que Monsieur [E] a été placé en redressement judiciaire par jugement du 12 mars 2019,

Dire qu’en application de l’article L622-7 du code de commerce Monsieur [E] avait interdiction de régler les loyers dus antérieurement au jugement d’ouverture,

Prononcer la compensation judiciaire entre les créances réciproques à la date de la décision de la Cour,

Donner acte à Monsieur [E] qu’il a procédé au paiement des loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure par versements mensuels de 1 340,54euros,

Condamner Madame [C] à lui rembourser les sommes indûment perçues depuis le 1er avril 2019 pour un montant de 37,40euros,

Dire que le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré à Monsieur [E] le 5 juin 2015 est nul et dépourvu d’effet pour avoir été délivré à un locataire qui ne devait aucune somme à Madame [C],

Dire qu’aucune décision de justice constatant la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers n’était passée en force de chose jugée avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de Monsieur [E] le 12 mars 2019,

Dire qu’en application de l’article L622-21 du code de commerce l’action de Madame [C] en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et en résiliation du bail ne pouvait plus être poursuivie après le 12 mars 2019 et en conséquence la débouter de sa demande,

Déclarer sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, irrecevable la prétention nouvelle de Madame [C] présentée pour la première fois en cause d’appel et visant à valider son refus de renouvellement du bail pour défaut de règlement des loyers antérieurs à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de Monsieur [E],

Dit que l’action visant à faire entériner un refus de renouvellement du bail motivé par un défaut de règlement de loyers dus avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne pouvait plus être poursuivie après le 12 mars 2019,

Après avoir constaté que Madame [C] n’a pas fait précéder son refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes d’une mise en demeure conforme à l’article L 145-17 du code de commerce, dire que la bailleresse est dans la situation d’avoir offert une indemnité d’éviction à Monsieur [E] dont le montant reste à fixer,

Désigner un expert judiciaire qui aura pour mission d’évaluer l’indemnité d’éviction en fonction de la valeur marchande du fonds de commerce, des frais de déménagement et de frais de réinstallation de Monsieur [E],

Dire que Monsieur [E] a droit au maintien dans les lieux jusqu’au versement de l’indemnité d’éviction et fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 1 303,14euros mensuels,

Condamner Madame [C] au paiement de la somme de 5 000euros à Monsieur [E] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, 1 000euros à la SELU [Z] [K] et aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 5 décembre 2022, Madame [F] [C] demande à la cour de :

Juger que Monsieur [E] n’a pas contesté dans le délai requis le refus de renouvellement du bail commercial dans le délai requis,

Ordonner que le bail commercial a pris fin le 8 mars 2017,

Déclarer que Monsieur [E] n’a plus ni qualité ni intérêt à agir sur le fondement du bail dont il n’a pas contesté le refus de renouvellement,

Déclarer que les demandes de Monsieur [E] se heurtent à une fin de non recevoir,

Déclarer que la fin de non recevoir née de l’absence de contestation du refus de renouvellement du bail n’est pas soumise à la règle de la suspension des poursuites individuelles de l’article L622-21 du code de commerce,

Déclarer la fin de non recevoir opposée recevable et fondée avec toutes ses conséquences de droit,

Confirmer le jugement rendu le 16 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Toulon, Débouter Monsieur [E] de ses demandes en appel,

Ordonner l’expulsion de Monsieur [E] et tout occupant de son chef avec si besoin le concours de la force publique

Ordonner que la créance de Madame [C] soit actualisée et fixée,

Ordonner que Monsieur [E] doit à Madame [C] la somme de 69 911,04euros au titre de l’arriéré de loyer, indemnité d’occupation et charges impayées au 1er mars 2019,

Donner acte à Madame [C] de ce qu’elle ne conteste pas devoir la somme de 9 600euros au titre de la régularisation de charges indue,

Donner acte à Madame [C] de ce qu’elle reconnaît les règlements effectués par monsieur [E] entre mars 2015 et avril 2018 à la somme de 28 456,64euros,

Donner acte à Madame [C] de ce qu’elle ne conteste pas devoir la somme de 4 355,18euros HT au titre des travaux et la somme de 5 628euros au titre des frais d’expertise,

Ordonner la compensation entre les sommes,

Ordonner n’y avoir lieu à intérêts entre les créances compensées,

Fixer la créance de Madame [C] au passif de Monsieur [C] à la somme de 21 871,22euros

Débouter Monsieur [E] du surplus de ses demandes, et le condamner à payer à Madame [C] la somme de 5 000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Ferrero Audrey avocate.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2023.

MOTIFS

Conformément aux dispositions des articles 624 et suivants du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce et s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Sur les points qu’elle atteint, la cassation remplace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

En l’espèce, la cour de cassation a annulé l’arrêt du 4 février 2021 sauf en qu’il avait débouté Monsieur [E] de son préjudice et dit que Madame [C] devait les sommes de 9 600euros au titre des charges trop perçus, 4 355,18euros et 5 628 euros à Monsieur [E] dont elle avait reçu la somme de 28 456,64euros. La juridiction de renvoi n’est donc pas investie de la connaissance de l’entier litige mais uniquement des chefs de l’arrêt qui ont été soumis à la cassation. Or les dispositions de l’arrêt du 4 février 2021 relatives aux sommes dues avant compensation par Madame [C] et à celles perçues du locataire ne sont pas remises en cause par l’arrêt de cassation. De sorte que la présente juridiction n’est pas saisie de ces prétentions.

Sur la résiliation du bail :

Les parties sont en l’état d’un commandement de payer délivré le 5 juin 2015 portant sur la somme de 6 720,16euros correspondant aux loyers impayés de janvier à mai 2015 et visant la clause résolutoire mentionnée au bail 9 mars 1999.

Toutefois, Monsieur [E] a été placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulon du 12 mars 2019 et par jugement du 20 mai 2020, le tribunal de commerce de Toulon a arrêté un plan de redressement sur 10 ans et a désigné Maître [K] en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Dés lors en application des dispositions de l’article L622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture d’une procédure collective interdit toute action en justice de la part du bailleur tendant à la condamnation du locataire au paiement de loyers ou mise en jeu de la clause résolutoire pour une occupation antérieure à la dite procédure. À moins que la résiliation du bail ait été actée par une décision passée en force de chose jugée, toutes les actions du bailleur tendant à voir le bail résilié pour défaut de paiement sur des sommes dues antérieurement au jugement d’ouverture sont suspendues.

En l’espèce, la bailleresse sollicite la résiliation du bail sur le fondement d’un commandement de payer délivré le 5 juin 2015 et visant des loyers échus de janvier à mai 2015. Or Monsieur [E] a fait l’objet d’un jugement d’ouverture d’une procédure collective le 12 mars 2019 et la décision arrêtant un plan de redressement ne met pas fin à l’arrêt des poursuites individuelles. De sorte que cette demande ne peut prospérer et qu’il convient d’infirmer la décision de première instance à ce titre.

Sur le refus de renouvellement :

Par acte du 12 septembre 2016, Monsieur [E] a sollicité le renouvellement du bail à son terme fixé au 8 mars 2017 et par acte du 3 octobre 2016, Madame [C] a opposé un refus à cette demande de renouvellement, sans offrir d’indemnité d’éviction en invoquant des manquements du locataire à l’obligation de payer les échéances locatives dues.

Madame [C] demande à la juridiction de prendre acte de la fin du bail, arrivé à son terme convenu, en l’absence d’offre de renouvellement.

Monsieur [E] s’oppose à cette demande au motif qu’elle est nouvelle en cause d’appel.

Toutefois, si les parties ne peuvent soumettre en cause d’appel des prétentions nouvelles en application des dispositions d l’article 564 du code de procédure civile, ne sont pas considérées comme telles les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement est différent.

En l’espèce, Madame [C], qui a sollicité devant le juge de première instance, la constatation de la résiliation du bail en application de la clause résolutoire prévue au bail, demande à la Cour de constater qu’en raison de son refus de renouvellement, le bail est arrivé à son terme. Ne sont pas nouvelles les demandes en constatation de la résiliation du bail et les demandes en constatation de l’arrivée du terme du bail, toutes deux poursuivant le même but, à savoir mettre fin à la relation contractuelle et obtenir le départ des lieux de Monsieur [E].

L’article L 145-17 du code de commerce exige pour valider le refus de renouvellement du bailleur sans offre d’indemnité d’éviction, fondé sur un mot grave qu’il soit précédé d’une mise en demeure précisant le motif invoqué, reproduisant partiellement l’article L 145-17 du code de commerce et faisant injonction au locataire d’y mettre un terme dans un délai d’un mois.

En l’espèce, aucune mise en demeure conforme aux exigences formelles de l’article L145-17 du code de commerce n’a été adressée à Monsieur [E] dans le délai imparti, le commandement délivré le 5 juin 2015, faute de mentionner l’injonction faite au preneur de mettre un terme à l’infraction reprochée ne constitue pas une mise en demeure valable.

L’absence de mise en demeure laisse subsister le congé et ouvre le droit pour le preneur à une indemnité d’éviction.

Madame [C] fait valoir que Monsieur [E] n’a plus qualité ni intérêt à agir sur le fondement d’un bail qui est arrivé à son terme.

L’existence d’un intérêt à agir s’apprécie au jour de l’introduction de la demande en justice. Monsieur [E], au jour de l’assignation, avait intérêt à voir reconnaître à son profit une créance contre sa bailleresse et à voir régulariser le décompte locatif dont cette dernière réclame le paiement. De même qu’eu égard au refus de renouvellement du bail par la bailleresse, il avait intérêt à voir reconnaître son droit à indemnisation, nonobstant le fait qu’il avait perdu sa qualité de preneur.

Lorsque le bail a été résilié avant le jugement d’ouverture, l’administrateur ou le liquidateur ne peut pas s’opposer à une expulsion en cours de procédure. La suspension des poursuites prévues à l’article L622-21 du code de commerce ne reçoit pas application dans le cadre d’une action en déclaration de validité de congé avec refus de renouvellement pour retard dans les paiements.

Madame [C] demande à la cour, au visa de l’article L 145-10 du code de commerce, de déclarer que les demandes de Monsieur [E] se heurtent à une fin de non recevoir.

Selon les dispositions de l’article L145-10 du code de commerce ‘… L’acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement.’

En l’espèce, le refus de la demande de renouvellement ayant été notifié le 3 octobre 2016 au locataire, ce dernier disposait d’un délai expirant le 4 octobre 2018 pour demander le paiement d’une indemnité d’éviction. Sa demande formulée pour la première fois par conclusions notifiées le 30 octobre 2022 est prescrite.

Il convient de retenir la fin de non recevoir fondée sur les dispositions de l’article L 145-10 du code de commerce, soulevée par Madame [C] et de déclarer prescrite la demande paiement d’une indemnité d’éviction.

Sur le solde locatif :

Madame [C] sollicite la condamnation de Monsieur [E] à lui verser la somme de 68 367,54euros représentant le loyer mensuel de 1 340,54euros pendant 51 mois soit du 1er janvier 2015 au 31 mars 2019 inclus, l’indemnité d’occupation devant selon elle être fixée à la même somme que le loyer en cours, une somme de 616,86 euros au titre du solde dû pour l’année 2014 et 926,64euros au titre des charges récupérables.

Elle soutient qu’en procédant à l’indexation du loyer sur la base de l’indice 1612, le loyer s’élève à compter du mois de janvier 2015 à la somme de 1 340,54euros ce que Monsieur [E] n’a jamais contesté, cette exécution volontaire valant, selon elle, acceptation du bien fondé du montant calculé.

Monsieur [E] conteste ce calcul en faisant valoir que le bail contient en son article 7, non pas une clause d’indexation, mais une clause de révision triennale reprenant les dispositions de l’article L 145-38 du code de commerce, de sorte que l’acceptation du preneur ou à défaut la fixation judiciaire, sont nécessaires pour rendre exigible le loyer ainsi calculé.

Le bail initial souscrit le 9 mars 1999 prévoit en son article 11 intitulé ‘ indexation du loyer’que le loyer sera révisable à l’expiration de chaque période triennale conformément aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 en fonction de la variation de l’indice national du coût de la construction publiée trimestriellement par l’INSEE, l’indice de référence étant le dernier paru au jour de la prise d’effet du bail soit celui du 3ième trimestre 1998.

Le renouvellement du bail commercial daté du 7 mars 2008 reprend en son article 4 intitulé ‘indexation’ que le loyer sera révisable à l’expiration de chaque période triennale conformément aux dispositions de l’article L145-1 et suivants du code de commerce, en fonction de la variation de l’indice national du coût de la construction publiée trimestriellement par l’INSEE, l’indice de référence étant le dernier paru au jour de la prise d’effet des présentes soit celui du 3ième trimestre 2007 égal à 1443points.

La clause d’indexation consiste à faire varier automatiquement le loyer en fonction d’un indice économique. A la différence de la révision triennale légale, l’indexation prend effet sans qu’il soit nécessaire que le bailleur soumette le nouveau loyer au préalable à l’accord du preneur ou qu’il en demande l’application au juge.

Afin de qualifier la clause sus visée, il convient de rechercher la commune intention des parties. Or en l’espèce, les parties ont intitulé la clause, tant dans le bail d’origine que dans le renouvellement ‘ Clause d’indexation ‘ et non pas de révision. De surcroît, l’emploi du futur ‘ le loyer sera ‘ démontre le caractère certain de l’évolution du loyer envisagée, sans qu’aucune formalité ne soit exigée pour sa mise en oeuvre lui conférant ainsi un caractère incontestable incompatible avec la révision triennale. Enfin, les parties ont également opté pour l’indice publié par l’INSEE et indiquent également que ‘ en cas de non-paiement de l’indexation, le bail pourra être résilié de plein droit’ démontrant le caractère immédiatement exigible du loyer indexé.

Dés lors, au vu de ces éléments, nonobstant l’emploi du terme impropre de ‘ révisable ‘ plutôt qu’indexé dans les clauses examinées, il est acquis qu’elles doivent être qualifiées de clause d’indexation et non pas de révision.

La clause d’indexation s’applique de plein droit et sans formalisme, en tenant compte de la périodicité contractuellement convenue entre les parties. Toutefois dans le silence du contrat sur son caractère automatique, l’indexation doit être demandée par une partie afin de prendre effet si bien qu’elle ne peut avoir d’effet rétroactif en l’absence de manifestation des parties. L’indice de base à retenir étant celui publié au jour de la demande.

Par courrier du 15 janvier 2015, la bailleresse a sollicité l’indexation du loyer fixé depuis le 1er avril 2011 à la somme de 1 272euros, à effet à compter du mois d’avril 2014. Elle retient dans ses conclusions en cause d’appel l’indice de 1612 correspondant à l’indice du 3ième trimestre 2013 publié le 10 janvier 2014 et donc un nouveau loyer fixé à la somme de 1340,54euros.

L’ancien indice de base à retenir est celui publié au 1er avril 2011 soit 1520 et l’indice de comparaison est celui publié au jour de la demande soit 1612. Le loyer fixé à compter du 14 janvier 2015 est de 1 348,98euros et qu’il convient de retenir le loyer de 1 340,54euros sollicitée par la bailleresse.

La bailleresse sollicite la somme de 616,88euros au titre d’un solde locatif pour l’exercice 2014 dont la réalité n’est pas établie et qui est contesté par Monsieur [E]. Faute d’élément probant, cette créance ne sera pas retenue.

Pour la période du 1er au 14 janvier 2015, Monsieur [E] est redevable de la somme de 636euros. Pour la période du 15 janvier 2015 au 8 mars 2017, Monsieur [E] est redevable de 636 euros +32 127, 96euros + 357,47euros =33 120,47euros au titre des loyers.

Pour la période du 8 mars 2017 au 11 mars 2019 inclus au titre de l’indemnité d’occupation d’un montant égale au montant des loyers la somme de 32 172,96 euros +134,05euros =32 307,01 euros soit un montant total de 65 427,49 euros auquel il convient d’ajouter la somme de 926,64euros au titre des charges pour l’année 2010 soit une somme totale de 66 354,13euros .

Madame [C] a perçu entre mars 2015 et avril 2018 la somme de 28 456,64euros qui vient en déduction de cette dette. Reste due la somme de 37 897,49euros .

Madame [C] est également redevable de la somme de 9600euros au titre du trop perçu de charges et du coût des travaux et frais d’expertise avancés soit la somme totale de 19 583,18euros

Monsieur [E] est redevable de la somme de 18 314, 31euros du titre de son solde locatif au 11 mars 2019.

La compensation entraîne l’extinction simultanée des obligations réciproques entre deux parties et elle intervient entre les dettes fongibles, certaines, liquides et exigibles et elle s’opère, à due concurrence, à la date où ces conditions sont réunies.

L’extinction de ses dettes par la mise en jeu du mécanisme de la compensation a été invoquée par Monsieur [E] dès le 25 juin 2015 dans son assignation, puis le 4 mars 2017 dans ses conclusions déposées et notifiées en première instance. De sorte qu’il ne peut valablement soutenir que les sommes certaines, liquides et exigibles dues par Madame [C] ont produit intérêts durant la procédure alors qu’elles ont permis d’apurer le solde locatif de Monsieur [E] par compensation.

Sur le préjudice moral :

Monsieur [E] sollicite une somme de 10 000euros en indemnisation du préjudice moral qu’il estime avoir subi en raison de la délivrance du commandement de payer du 5 juin 2015.

Le 5 juin 2015, madame [C] a fait délivrer un commandement de payer mentionnant la somme de 6 720,16euros au titre des loyers dus de janvier à mai 2015 et un solde de loyer dû en décembre 2014.

Monsieur [E], qui ne conteste ni l’absence de paiement des échéances dues ni même le montant du loyer, estime qu’en raison d’un trop perçu de charges locatives, il détenait une créance sur la bailleresse qui aurait dû d’elle-même opérer une compensation entre les deux sommes et que dès lors la délivrance du commandement de payer résulterait d’une volonté de lui nuire.

Toutefois, la délivrance d’un commandement de payer fut-elle pour une somme excédant la dette locative réelle ne peut constituer une faute, Madame [C], eu égard à l’absence de paiement intervenu pendant une période de 5 mois, a pu légitimement juger utile et opportun d’en aviser son locataire par un commandement de payer. La preuve de sa mauvaise foi dans la délivrance de cet acte n’est pas rapportée.

Monsieur [E] ne justifie nullement d’un préjudice particulier autre que celui indemnisé par l’octroi d’intérêt au taux légal.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’une quelconque des parties pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire dans les limites de sa saisine :

Infirme le jugement déféré rendu le 16 novembre 2017 en ce qu’il a constaté la résiliation du bail au 5 juillet 2015, ordonné l’expulsion de Monsieur [E] ou tout occupant de son chef et si besoin le concours de la force publique dans le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision et dit n’y avoir lieu à séquestre,

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant :

– Déboute Madame [C] de sa demande de constatation de la résiliation du bail en acquisition de la clause résolutoire,

-Déclare recevable en cause d’appel la demande de validation du refus de renouvellement du bail,

– Constate que le bail du 9 mars 1999 est arrivé à son terme le 8 mars 2017 et a fait l’objet d’un congé sans offre de renouvellement ou de paiement d’une indemnité d’éviction,

– Ordonne l’expulsion de Monsieur [E] des lieux loués et de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique si besoin est,

– Déclare irrecevable la demande en paiement d’une indemnité d’éviction comme étant prescrite,

– Fixe la créance de Madame [C] au passif du redressement judiciaire de Monsieur [E] à la somme de 18 314, 31euros, après compensation entre les créances respectives des parties,

– Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Fixe au passif de la procédure collective concernant Monsieur [E] les dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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