1 février 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
23/02626
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 1er FEVRIER 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/02626 – N° Portalis DBVK-V-B7H-P2QE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du 11 MAI 2023
JUGE DE LA MISE EN ETAT DE RODEZ
N° RG 22/01250
APPELANTS :
Monsieur [J] [O]
né le 25 Mars 1966 à [Localité 6] 92
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me JULIE
Madame [Y] [D] épouse [O]
née le 17 Janvier 1971 à [Localité 5] 28
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me JULIE
INTIMES :
Maître [M] [G] [L], Notaire, domiciliée SCP [F] – [G] [L]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me CHOL
SCP [A] [F], [W] [T] et [M] [G] [L], SCP titulaire d’un Office notarial, dont le siège est sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me CHOL
Ordonnance de clôture du 04 Décembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 DECEMBRE 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre et Madame Nelly CARLIER, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte en date du 11 juillet 1996 reçu par Maître [X] [G], notaire à [Localité 7] (Aveyron), la commune de [Localité 8] a donné à bail emphytéotique à la SARL Vacances Loisirs en Aveyron un ensemble immobilier à usage de camping situé sur cette commune, pour une durée de 20 ans à compter du 1er juin 1996 pour s’achever le 31 mai 2016, la SARL Vacances loisirs en Aveyron ayant créé parallèlement un fonds de commerce pour développer cette activité.
Avec l’accord de la commune, ce bail et ce fonds de commerce ont été cédés par acte du 26 février 2002 reçu par Me [W] [T], notaire associé de la SCP ‘[X] [G]- [A] [F]- [W] [T]’ à M. [P] [E] et Mme [S] [N] épouse [E].
Aux termes d’un avenant reçu par Me [W] [T] le 12 février 2008, la durée du bail emhytéotique a été allongé de cinq années supplémentaires avec un terme prévu au 31 mai 2021.
Aux termes de deux actes distincts reçus le 16 avril 2013 par Maître [M] [G] [L], notaire associé de la SCP ‘[X] [G]- [A] [F]- [W] [T] et [M] [G] [L]’ , le fonds de commerce a été cédé à M. [J] [O] et à Mme [Y] [D] épouse [O] pour un prix de 314’700 € et le bail emphytéotique leur a également été cédé avec l’agrément de la commune de [Localité 8].
Par acte du huissier du 2 juin 2021, la commune de [Localité 8] a fait signifier aux époux [O] une sommation d’avoir à libérer les lieux sous huit jours, compte tenu de l’expiration du bail emphytéotique, puis les a fait assigner aux fins d’expulsion devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rodez, qui par ordonnance du 6 janvier 2022, a considéré que le bail emphytéotique présentait un caractère administratif et a accueilli l’exception d’incompétence soulevée par les époux [O] au profit du tribunal administratif de Toulouse.
Invoquant n’avoir eu connaissance de ce qu’il ne disposait d’aucun droit à renouvellement du bail, ni octroi d’une indemnité d’éviction que dans le cadre de l’instance administrative et estimant avoir réalisé un investissement en pure perte, les époux [O] ont fait assigner le 26 octobre 2022 Maître [M] [G]-[L] et la SCP [A] [F]- [W] [T] et [M] [G]- [L] devant le tribunal judiciaire de Rodez aux fins de voir engager, sur le fondement de l’article 1241 du code civil, leur responsabilité pour manquement à l’obligation d’information et de conseil lors des cessions du fonds de commerce et du bail emphytéotique, et obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.
Saisi par Maître [M] [G]-[L] et la SCP [A] [F]- [W] [T] et [M] [G]- [L] d’un incident, le juge de la mise en état a, par ordonnance dont appel :
– accueilli la fin de non-recevoir soulevée par Maître [M] [G]-[L] et la SCP [F]- [T] et [M] [G]- [L] sous forme d’une exception de prescription ;
– déclaré l’action exercée par M. [J] [O] et Mme [Y] [O] à l’encontre dc Maître [M] [G]-[L] et la SCP [F]- [T] et [M] [G]- [L], irrecevable comme étant prescrite ;
– dit que l’accueil de cette fin de non-recevoir rend irrecevable M. [J] [O] et Mme [Y] [O] en toutes leurs demandes principales, subsidiaires, additionnelles et accessoires ;
– constaté que l’accueil de cette fin de non-recevoir met ainsi fin à1’instance numérotée RG 22/001250 ;
– condamné in solidum M. [J] [O] et Mme [Y] [O] à verser à Maître [M] [G]-[L] et la SCP [F]- [T] et [M] [G]- [L] la somme de 1.500 euros au titre de1’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté toutes autres pretentions ou surplus de prétentions ;
– condamné in solidum M. [J] [O] et Mme [Y] [O] aux entiers dépens de l’instance et de1’incident.
Par déclaration au greffe 17 mai 2023, M. [J] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] ont relevé appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 juillet 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [J] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] demandent à la Cour de :
* déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par les époux [O] ;
* infirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Rodez en ce qu’il a :
– accueilli la fin de non recevoir soulevée par Maitre [M] [G]-[L] et la SCP [F], [T] et [G]-[L] sous forme d’une exception de prescription;
– déclaré l’action exercée par M. [J] [O] et Mme [Y] [O] à l’encontre de Maitre [M] [G]-[L] et la SCP [F], [T] et [G]-[L] irrecevable comme étant prescrite ;
– dit que l’accueil de cette fin de non recevoir rend irrecevable M. [J] [O] et Mme [Y] [O] en toutes leurs demandes principales, subsidiaires, additionnelles et accessoires ;
– constaté que l’accueil de cette fin de non recevoir met ainsi fin à l’instance numérotée RG 22/001250 ;
– condamné in solidum M. [J] [O] et Mme [Y] [O] à verser à Maitre [M] [G]-[L] et la SCP [F], [T] et [G]-[L] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum M. [J] [O] et Mme [Y] [O] aux entiers dépens de l’instance et de l’incident.
* confirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Rodez en ce qu’il a debouté Maitre [M] [G]-[L] et la SCP [F], [T] et [G]-[L] de la fin de non recevoir tirée du défaut et de l’intérêt à agir des époux [O] ;
* débouter Maitre [M] [G]-[L] et la SCP [F], [T] et [G] [L] de leur appel incident.
* Statuant à nouveau :
– déclarer l’action en responsabilité initiée par M. [J] [O] et Mme [Y] [O] non prescrite et recevable ;
– débouter Maitre [M] [G]-[L] et la SCP [F], [T] et [G]-[L] de leurs demandes ;
– ordonner le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rodez ;
– condamner in solidum Me [G] [L] et la SCP [A] [F], [W] [T] et [M] [G] [L] à verser aux époux [O] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
Au dispositif de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 29 juin 2023 et auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, Maître [M] [G]-[L] et la SCP [A] [F]- [W] [T] et [M] [G]- [L] demandent à la Cour de :
* A titre principal,
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le Juge de la mise en état près le Tribunal judiciaire de Rodez le 11 mai 2023.
Ce faisant,
– juger que les consorts [O] ont, depuis la signature du compromis de cession et à tout le moins à la date de l’acte de cession du 16 avril 2013, une parfaite connaissance de la durée restant à courir du bail, de l’absence de droit au renouvellement et à indemnisation, du refus de la mairie de s’engager au-delà du 31 mai 2021, de l’absence de toute garantie de prorogation de la durée du bail, ainsi que de la teneur de leurs obligations en qualité de preneur.
– juger que les consorts [O] ont, depuis 2013, connaissance des faits permettant d’exercer l’action en responsabilité contre le notaire au sens des dispositions de l’article 2224 du code civil
– juger irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité initiée par les consorts [O] à l’égard de Maître [G] [L] et de la SCP [F] – [T] – [G] [L] par exploit du 26 octobre 2022.
* A titre subsidiaire, infirmer l’ordonnance rendue par le Juge de la mise en état près le Tribunal judiciaire de Rodez le 11 mai 2023 en ce qu’elle a rejeté le surplus des prétentions de Maître [G] [L] et de la SCP [F] – [T] – [G] [L] tendant à voir juger que les consorts [O] sont irrecevables à invoquer, pour défaut d’intérêt, de qualité à agir et prescription, des « anomalies » du bail emphytéotique conclu depuis 1996 ainsi que l’illicéité de l’existence d’un fonds de commerce constitué depuis 1996.
* Statuant à nouveau, juger que les consorts [O] sont irrecevables à invoquer, pour défaut d’intérêt, de qualité à agir et prescription, des « anomalies » du bail emphytéotique conclu depuis 1996 ainsi que l’illicéité de l’existence d’un fonds de commerce constitué depuis 1996.
* En tout état de cause, y ajoutant,
– débouter les consorts [O] de l’ensemble de leurs demandes.
– condamner solidairement les consorts [O] à payer à Maître [G] [L] et la SCP [F] – [T] – [G] la somme de 3.700 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
– les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens.
MOTIFS :
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en responsabilité à l’encontre des notaires
Les appelants sollicitent l’infirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré prescrite l’action en responsabilité délictuelle qu’ils ont intenté à l’encontre des notaires, parties intimées sur le fondement de l’article 2224 du code civil, alors que le point de départ du délai de prescription se situe le 2 juin 2021, date à laquelle la Commune de [Localité 8] leur a délivré sommation de quitter les lieux à la suite de l’expiration du bail intervenue le 3 mai 2021 et date à laquelle s’est manifesté à leurs yeux le dommage résultant non de cette échéance du bail mais de l’illicéité de la création du fonds de commerce sur le domaine public les empêchant de céder ce fonds à un tiers ou de percevoir une indemnisation au titre de la perte de ce fonds. Ils font valoir que ce n’est qu’ à la date de cette sommation que la Commune a manifesté une volonté claire et non équivoque de ne pas prolonger la durée du bail et que la seule connaissance aux termes des actes notariés de cession du bail et du fonds de commerce de la date d’expiration du bail est insuffisante à caractériser à cette date la connaissance du dommage qu’ils subissent du fait du non-renouvellement de ce bail, alors d’une part que les éléments portés à leur connaissance jusqu’alors laissaient présumer, au contraire, que la Commune avait la volonté de prolonger la durée du bail et d’autre part que les informations données par le notaire instrumentaire au jour des actes étaient incomplètes sur les régles spécifiques applicables tant au bail emphithéotique en ce qui concerne l’absence de droit à renouvellement par tacite reconduction qu’au fonds de commerce en ce qui concerne l’impossibilité de céder un fonds de commerce appartenant au domaine public.
Les intimés concluent à titre principal à la confimation de la décision entreprise en soutenant que le point de départ de la prescription se situe à la date de cession du bail et du fonds de commerce, soit le 16 avril 2013, date à laquelle les cessionnaires se sont engagés en toute connaisssance de cause tant de la date d’expiration du bail, de l’absence de garantie de la Commune de prolonger la durée de ce bail que de l’absence de droit à indemnisation aux termes de celui-ci.
Il ressort de l’exploit introductif d’instance du 26 octobre 2022 et il n’est pas contesté que les époux [O] recherchent la responsabilité délictuelle des notaires sur le fondement de l’article 1240 du code civil, action soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil qui prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l’exercer.
Il est exact, ainsi que le rappellent les appelants, qu’en ce qui concerne les actions en responsabilité délictuelle, le point de départ de la prescription court plus précisément à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Le dommage allégué par les appelants, tel qu’il résulte des termes de l’acte introductif d’instance du 26 octobre 2022 qui saisit le tribunal judiciaire de Rodez, est le préjudice économique qu’ils estiment avoir subi du fait de la découverte au cours de l’instance en référé-expulsion les ayant opposé à la Commune de [Localité 8] et ayant donné lieu à une ordonnance de référé du 6 janvier 2022 de ce qu’ils ne disposaient d’aucun droit à renouvellement du bail emphytéotique cédé et d’aucune indemnité en cas d’éviction et ce, bien que propriétaires du fonds de commerce de sorte qu’ils ont réalisé un investissement en pure perte.
Or, il résulte des pièces versées aux débats que les époux [O] disposaient de tous les éléments d’information nécessaires dés le jour de la signature des actes de cession tant du bail emphythéotique que du fonds de commerce du 16 avril 2013 leur permettant d’avoir connaissance de la réalisation de leur dommage du fait tant de la non prolongation de la durée du bail et de ses répercussions sur le fonds de commerce que de l’interdiction de cession de ce fonds résultant de son appartenance au domaine public.
En effet, il résulte du compromis de cession du fonds de commerce du 8 janvier 2013 que :
– page 3- 2), le fonds de commerce fait l’objet d’une cession par le cédant au profit du cessionnaire de tous ses droits résuttant du bail emphytéotique aux termes d’un acte à recevoir en même temps que la réitération de la cession du fonds, étant précisé que la cession du fonds de commerce et la cession du bail emphytéotique sont liés
– page 5, il est rappelé que l’ensemble immobilier dans lequel le fonds est exploité fait l’objet d’un bail emphytéotique par la Commune de [Localité 8], les cédants s’obligeant à céder aux cessionnaires tous leurs droits résultant de ce bail, dont il est mentionné que la copie figure en annexe du présent acte.
Il est justifié de ce que la copie du bail emphytéotique initial du 11 juillet 1996 est bien annexé à ce compromis (2 a) et paraphé par les époux [O] (FD pour [J] [O] et IP pour [Y] [D], ce bail portant mention non seulement de sa date d’expiration au 31 mai 2016 mais aussi de ce qu’il ne peut se renouveler par tacite reconduction et de ce que le preneur n’aura droit ni au renouvellement ni à indemnisation en fin de bail, et ce, pour quelques raisons que ce soit et notamment en raison des améliorations et aménagements qu’il aurait pu apportés aux biens loués.
Il est démontré également que ce compromis comporte :
– en annexe 2b, l’acte de cession en date du 26 février 2002 de ce droit au bail emphytéotique aux consorts [E] (les cédants avant la cession aux époux [O]), cet acte reprenant la mention de la durée du bail initial et sa poursuite aux mêmes conditions
– en annexe 2c, l’avenant au bail emphytéotique en date du 12 février 2008, par lequel les parties conviennent d’allonger de 5 ans la durée du bail, soit jusqu’au 31 mai 2021.
Ces annexes ont été paraphées également par les époux [O], qui en ont donc pris connaissance.
Il résulte, par ailleurs, des mentions figurant aux actes de cession litigieux en date des 16 avril 2013 :
– pour la cession du bail que les conditions du bail initial, de la cession du droit au bail du 26 février 2002 et de l’avenant précité sont rappelées tant en ce qui concerne la durée du bail, dont les droits sont cédés ‘ pour le temps qui en reste à courir à compter rétroactivement du 1er avril 2013″, avec la précision expresse que ‘le bail emphytéotique continue sans aucune autre modification…’ qu’en ce qui concerne le lien nécessaire entre la cession de ce bail et celle du fonds de commerce
– pour la cession du fonds, que l’existence et les conditions du bail sont rappelées.
Les intimés justifient, par ailleurs, que par courrier en date du 8 janvier 2013, Me [G] [L] écrit aux époux [O] :
‘ Il a été attiré votre attention sur la durée restant à courir jusqu’à l’expiration du bail. Vous m’avez indiqué ne pas soumettre votre acquisition du fonds à la condition suspensive du renouvellement ou d’un avenant de prolongation du bail emphytéotique malgré la durée restant à courir jusqu’à l’expiration du bail.
Vous avez reconnu avoir compris que le bail se terminait en mai 2021 ainsi qu’il résulte des termes du bail de 1996 visé et annexé au compromis de cession du fonds et que vous n’avez donc aucune assurance que la commune régularise un nouveau bail ou un renouvellement ou une prorogation par avenant.
Les parties ont tout de même persisté dans leur volonté de passer l’acte à leurs seuls risques et périls.
Je vous informe tenter tout de même d’obtenir l’accord de la commune de prolonger ledit bail, ce qui vous procurerait une sécurité au delà de mai 2021.
J’ai bien noté qu’en cas de refus de celle-ci vous achetiez quand même souhaitant acquérir en l’état. ‘
S’il resulte des échanges de courriers ultérieurs que le notaire a effectivement fait parvenir à la Commune la demande des époux [O] de prolongation du bail, il informe ces derniers par courrier en date du 13 mars 2013, soit avant même la signature des actes de cession, que la Commune refuse de leur donner son accord à cette fin. Si le notaire a fait part, entre temps, aux époux [O] par courrier du 2 mars 2013 de la délibération du Conseil municipal autorisant la Commune à donner une autorisation de principe à leur demande de prolongation du bail, il convient de relever que les membres du conseil ont néanmoins émis une réserve puisqu’ils ont précisé vouloir attendre la fin du bail actuel pour prendre position sur cette demande et que cet avis favorable du conseil n’est pas de nature pour autant à préjuger de la décision future de la Commune, ni à donner des garanties aux futurs cessionnaires à cette fin.
Il importe peu également qu’une délibération du conseil municipal postérieure aux cessions ait autorisé la Commune à prolonger la durée du bail de 4 années (délibértion du 16 juin 2017), alors même qu’elle n’a pas davantage été suivie d’effet, les appelants ne démontrant pas que la Commune ait donné son accord à cette fin, ce qui confirme, sur cette question, sa volonté constante depuis la date de signature du compromis et pour le moins depuis le 13 mars 2013, date de sa décision définitive portée à la connaissance des époux [O].
Enfin, les appelants affirment qu’il n’est pas démontré que les courriers du notaire des 8 janvier et 13 mars 2013 aient été portées à leur connaissance à défaut de leur avoir été adressés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cependant, alors qu’il convient de relever que la procédure de première instance ne fait pas apparaître qu’ils ont soulevé cet argument devant le premier juge et en supposant même qu’il n’ait pas eu connaissance de ces courriers, il n’en demeure pas moins qu’ils ne justifient pour leur part de l’existence d’aucune assurance ou garantie donnée par la Commune de son intention de remettre en cause la durée du bail et la disposition contractuelle insérée au compromis relative au défaut de renouvellement de celui-ci, ni même d’aucune discussion sérieuse entre les parties à ce sujet les ayant incités à signer les actes de cessions avec la certitude que la Commune serait susceptible de changer d’avis à ce titre.
Il n’est pas démontré, en conséquence, contrairement aux affirmations des appelants, que la Commune, avant la signature des actes de cession, ait tergiversé sur sa volonté de ne pas prolonger la durée du bail et leur ait fait espérer un accord futur sur ce point, alors même que les époux [O] ont été informés de manière ferme et définitive par le notaire de l’intention de la Commune de ne pas prolonger cette durée, de sorte qu’ils ont accepté de s’engager contractuellement en signant les actes de cession en toute connaissance de cause sans aucune assurance d’une éventuelle future prolongation du bail.
Les appelants ne sauraient donc soutenir que ce n’est qu’à la date de la sommation de quitter les lieux, le 2 juin 2021 qu’ils ont pu connaître la réalisation de leur dommage résultant du non-renouvellement de leur bail, dont le terme et le caractère non revouvelable leur avait été clairement précisé avant même la signature des actes de cessions, le dommage invoqué étant apparu aux yeux des époux [O] à tous le moins dés la signature de ces actes portant information de ce que le bail expirerait quoiqu’il arrive au 31 mai 2021. A cet égard, la question de la nature juridique du bail, qu’elle résulte du droit commun ou du droit aministratif, importe peu, alors qu’il n’ait pas établi que les dispositions prévues aux actes de cession aient pu les induire en erreur sur la fin du bail et l’absence de droit à renouvellement.
De même, s’agissant du dommage qui serait résulté de la découverte de l’absence de tout droit à indemnité d’éviction, cette information a été portée à la connaissance des époux [O] dés la signature du compromis de vente, ainsi qu’il résulte des termes de cet acte et des pièces remises en annexe, tel que rappelé précédemment. A cet égard, l’absence de droit à indemnisation étant acquise dés la survenance de la fin du bail, les époux [O] étant informés que la cession du bail et celle du fonds de commerce étant liées, il importe peu, que le fonds de commerce ait été constitué de manière illicite ou non sur le domaine de la commune, les cessionnaires n’ayant en tout état de cause aucun droit à renouvellement et ne pouvant plus exploiter le fonds de sorte qu’ils n’apportent pas la preuve de l’apparition d’un dommage résultant de cette illicéité.
En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a déclaré irrecevable comme étante prescrite l’action en responsabilité exercée par les époux [O] à l’encontre des notaires sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, l’assignation ayant été délivrée le 26 octobre 2022 alors que le délai de prescription avait expiré à tous le moins depuis le 16 avril 2018.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il est inéquitable de laisser à la charge des intimés les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens. Les appelants seront condamnés solidairement à leur payer la somme globale de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
La demande formée sur le même fondement par les appelants qui succombent en leur appel sera rejetée.
Pour les mêmes motifs, ils seront condamnés solidairement aux dépens de l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
– confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
et y ajoutant,
– condamne solidairement M. [J] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] à payer à Maître [M] [G]-[L] et la SCP [A] [F]- [W] [T] et [M] [G]- [L] la somme globale de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– déboute M. [J] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne solidairement M. [J] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] aux dépens d’appel.
Le greffier La présidente