S’il résulte de l’article 1231-5 du code civil que le juge peut, même d’office, modérer la pénalité convenue si elle est manifestement excessive, il ne peut toutefois le faire qu’après avoir invité les parties à présenter leurs observations à cet égard conformément au principe de la contradiction (cf notamment Com., 8 novembre 2017, pourvoi n° 16-21.477).
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Résumé de l’affaire : Le 15 juillet 2020, la SAS Locam a signé un contrat de location avec Mme [M] [T] [K] pour financer un équipement d’épilation, prévoyant 60 loyers mensuels. Après le paiement des six premiers loyers, plusieurs échéances sont restées impayées, entraînant une mise en demeure le 6 août 2021. La SAS Locam a ensuite assigné Mme [T] [K] devant le tribunal judiciaire de Perpignan, qui, par jugement du 7 avril 2022, a condamné Mme [T] [K] à payer des sommes pour loyers impayés, une indemnité de résiliation et des clauses pénales, tout en déboutant la société de demandes supplémentaires. La SAS Locam a interjeté appel de ce jugement le 27 avril 2022, demandant une annulation ou une réformation du jugement pour obtenir un montant total de 38 709,79 euros, ainsi qu’une nouvelle indemnité. Les conclusions de l’appel ont été signifiées en juin et août 2022.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/02294 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PMXV
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 07 avril 2022
Tribunal judiciaire de Perpignan – N° RG 22/00111
APPELANTE :
S.A.S Locam (Location Automobiles Matériels)
société par actions simplifiée au capital de 11 520 000 euros, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro B 310 880 315,agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié és qualité audit siége
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée sur l’audience par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [M] [T] [K]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
assignée le 29 juin 2022 – PV de recherches infructueuses
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Juin 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– par défaut ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
* *
FAITS ET PROCÉDURE
1- Le 15 juillet 2020, la SAS Locam a conclu un contrat de location avec Mme [M] [T] [K] exerçant une activité de soins esthétiques, moyennant le règlement de 60 loyers mensuels, destiné à financer un équipement d’épilation commandé à la SAS Cesam.
2- Après règlement des six premiers loyers, plusieurs échéances sont demeurées impayées, de sorte qu’une mise en demeure a été adressée à Mme [T] [K] le 6 août 2021, demeurée vaine.
3- Par acte en date du 02 janvier 2018, la SAS Locam a fait assigner Mme [T] [K] devant le tribunal judiciaire de Perpignan en paiement.
4- Par jugement réputé contradictoire rendu sous le bénéfice de l’exécution provisoire en date du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
– condamné Mme [T] [K] à payer à la société Locam les sommes suivantes au titre du contrat de location :
> 2 606,72 euros au titre des loyers impayés avant résiliation, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 août 2011,
> 5 000 euros au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation réduite d’office majorée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
> 760 euros au titre des clauses pénales de 10 % sur les loyers échus et sur l’indemnité de résiliation majorée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
– débouté la partie demanderesse de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
– condamné Mme [T] [K] à payer à la société Locam la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
– accordé à Me Nese, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
5- Le 27 avril 2022, la SAS Locam a relevé appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS
6- Par uniques conclusions remises par voie électronique le 12 juillet 2022, la SAS Locam demande en substance à la cour d’annuler le jugement, à tout le moins le réformer en ce qu’il a réduit le montant de la créance contractuelle et de :
– Condamner Mme [T] [K] à lui régler la somme totale de 38 709,79 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;
– Débouter Mme [T] [K] de toutes ses demandes ;
– La condamner à lui régler une nouvelle indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d’instance et d’appel.
7- Le 29 juin et 1er août 2022, la SAS Locam a fait signifier la déclaration d’appel puis ses conclusions par procès-verbal de l’article 659 du code de procédure civile.
8- Vu l’ordonnance du clôture du 21 mai 2024.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
9- aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée. Ce texte trouve à s’appliquer en appel.
Sur la demande d’annulation du jugement
10- selon l’article 16 du code de procédure civile, ‘le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.’
11- s’il résulte de l’article 1231-5 du code civil que le juge peut, même d’office, modérer la pénalité convenue si elle est manifestement excessive, il ne peut toutefois le faire qu’après avoir invité les parties à présenter leurs observations à cet égard conformément au principe de la contradiction (cf notamment Com., 8 novembre 2017, pourvoi n° 16-21.477).
12- en l’espèce, pour minorer d’office l’indemnité de résiliation contractuelle, le premier juge a relevé que celle-ci, cumulée avec les clauses pénales de 10% et alors que la résiliation est intervenue mi août 2021 avec obligation de restituer le matériel pour un terme initial fixé au 30 septembre 2025 apparaissait manifestement excessive et devait être modérée à la somme de 5000€.
13- en statuant ainsi, sans inviter la société Locam à présenter ses observations sur le caractère manifestement excessif de l’indemnité de résiliation contractuelle, le premier juge a violé le principe de la contradiction et le jugement sera en conséquence annulé.
Sur l’indemnité de résiliation réclamée et le montant de la créance
14- la société Locam produit aux débats :
– copie du contrat de location conclu avec Mme [T] [K] le 15 juillet 2020, portant sur un matériel ‘Epilaction Prestige’ fourni par la société Cesam, stipulant 620 loyers mensuels de 518,17€ HT soit 621,80€ TTC outre assurance tous dommages de 29,88€ par mois ;
– copie du procès-verbal de livraison et de conformité du matériel objet du contrat de location daté du 24 juillet 2020 attestant que le fournisseur a livré le bien et que le locataire en a pris possession et l’a déclaré conforme, en état de fonctionnement et l’a accepté sans réserve ;
– copie de la lettre recommandée avec avis de réception présentée le 6 août 2021 et non distribuée, portant mise en demeure de payer l’arriéré constitué des loyers impayés des 30 mars, 30 mai, 30 juin et 30 juillet 2021, soit une somme de 2914,31 euros à régler dans le délai de 8 jours sous peine de voir appliquer la déchéance du terme rendant les sommes exigibles à hauteur de 38756,71€.
15- au vu des stipulations contractuelles figurant aux conditions générales du contrat dont Mme [T] [K], par sa signature électronique du contrat, a déclaré avoir pris connaissance, reçues et acceptées, particulièrement de l’article 12 dénommé ‘résiliation contractuelle du contrat’, la société Locam qui a procédé à une résiliation régulière du contrat est en droit de d’obtenir la condamnation de Mme [T] [K] à lui payer :
-la somme de 2606,72€ au titre des loyers impayés avant résiliation, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 août 2021 ;
– celle de 32584€ au titre des 50 loyers à échoir du 30 août 2021 au 30 septembre 2025 après résiliation, au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation ;
– celle de 3519,07€ au titre des clauses pénales de 10€ sur les loyers échus et sur l’indemnité de résiliation.
16- s’agissant de la somme de 32584€, la cour n’entend pas user du pouvoir modérateur de réduction de cette indemnité qui constitue une clause pénale susceptible de modération en application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil ;
17- s’agissant de la somme de 3519,07€ à la réduction de laquelle la société Locam s’oppose, le cumul de deux clauses pénales rend celle-ci manifestement excessive et lui procure un avantage financier déraisonnable. Elle sera réduite à la somme de 100€, la cour ne doutant pas que les coûts administratifs et de gestion engendrés par la défaillance des locataires sont d’ores et déjà pris en compte par les actuaires dans la détermination des loyers et assurer la rentabilité financière du loueur.
18- la créance de la société Locam s’établit en conséquence à la somme de 3519,07€ + 32584€ + 100€, soit 36203,07€, laquelle porte intérêts au taux légal à compter du 6 août 2021.
19- partie perdante, Mme [T] [K] supportera les dépens de première instance et d’appel.
Statuant par arrêt de défaut,
Annule le jugement déféré
statuant à nouveau
Condamne Mme [M] [T] [K] à payer à la société Locam la somme de 36203,07€ avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2021.
Condamne Mme [T] [K] aux dépens de première instance et d’appel
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT