L’indemnité de licenciement prévue par l’article L. 7112-3 du code du travail est applicable aux journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit (Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.885).
L’action du Syndicat national des journalistes tendant à obtenir l’application aux journalistes professionnels employés par les agences de presse des dispositions de l’article L. 7112-3 du code du travail est redevable.
Aux termes de l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1 PRUD’HOMMES
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2021
MINUTE N° : – 21
N° RG 19/00438 –��N° Portalis DBVN-V-B7D-F3OT
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 19 Décembre 2018 – Section : ENCADREMENT
APPELANTES :
Madame X Y
née le […] à […]
[…]
[…]
représentée par Me Christian QUINET, avocat au barreau de BLOIS
ayant pour avocat plaidant Me Zoran ILIC de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, avocat au barreau de PARIS,
SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES (SNJ) pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège
[…]
[…]
représenté par Me Christian QUINET, avocat au barreau de BLOIS
ayant pour avocat plaidant Me Zoran ILIC de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, avocat au barreau de PARIS,
ET
INTIMÉS :
SELARL B-FLOREK ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL TGA NEWS
[…]
[…]
représentée par Me Sophie RISSE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) intervenant par l’UNEDIC – CGEA de RENNES, agissant poursuites et diligences de son président, en qualité de gestionnaire de l’AGS,
[…]
[…]
représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture :7 septembre 2021
A l’audience publique du 21 Septembre 2021 tenue par M. E F, Président de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. E F, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur E F, président de chambre
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller
Puis le 23 Novembre 2021, Monsieur E F, président de Chambre, assisté de Mme C D, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 12 janvier 2015, à effet du 1er janvier 2015, la SARL TGA News a engagé Mme X Y en qualité de journaliste grand reporter caméraman. Le contrat de travail a prévu une reprise d’ancienneté au 15 novembre 2005.
Par jugement du 3 janvier 2017, le tribunal de commerce de Tours a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL TGA News.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 mai 2017, Mme X Y
a été licenciée pour motif économique.
Le 27 novembre 2017, Mme X Y, trois autres salariés et le Syndicat national des journalistes ont saisi le conseil de prud’hommes de Tours afin notamment d’obtenir le bénéfice de l’indemnité de licenciement prévue par l’article L. 7112-3 du code du travail. Ils ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.
Le Syndicat national des journalistes a sollicité le paiement de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l’article L. 2132-3 du code du travail.
Par jugement du 12 décembre 2017, le tribunal de commerce de Tours a converti la procédure de redressement judiciaire de la SARL TGA News en liquidation judiciaire, Maître A B aux droits duquel vient la SELARL B Florek étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement du 19 décembre 2018 auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Tours a :
— ordonné la jonction des instances ;
— dit que l’administrateur judiciaire au redressement judiciaire Me Pierrat était mis hors de cause ;
— dit mal fondé le syndicat national des journalistes et les salariés dans leur demande de sursis à statuer au titre d’une question prioritaire de constitutionnalité que le conseil a décidé de ne pas transmettre à la Cour de cassation ;
— les a déboutés de leur demande de révision de l’indemnité de licenciement qui résulterait de l’application aux salariés en cause de l’article L.7112-3 du code du travail ainsi que de la demande du syndicat au titre de l’article L.2132-3 du code du travail et en a déduit la mise hors de cause de ce chef du CGEA de Rennes ;
— les a déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
— dit que les dépens seraient passés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société TGA News.
Par déclaration électronique du 18 janvier 2019, Mme X Y, les trois autres salariés et le Syndicat national des journalistes ont relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 12 avril 2019, le conseiller de la mise en état a :
— ordonné la disjonction de l’instance enregistrée au répertoire général sous le numéro 19/00438 en trois instances distinctes, à savoir :
— une instance opposant Mme X Y à la SELARL B – Florek agissant en qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société TGA News et à l’AGS intervenant par l’UNEDIC- CGEA Centre Ouest Rennes laquelle instance se poursuivra sous le numéro 19/00438 ;
— deux autres instances distinctes opposant les deux autres salariés à la SELARL B – Florek agissant en qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société TGA News et à l’AGS intervenant par l’UNEDIC- CGEA Centre Ouest Rennes.
La salariée et le Syndicat national des journalistes ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’interprétation jurisprudentielle de l’article L.7112-3 du code du travail.
Par arrêt du 20 août 2020, la cour d’appel d’Orléans a :
— déclaré recevable la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme X Y et par le syndicat national des journalistes portant sur l’article L.7112-3 du code du travail ;
— refusé de la transmettre à la Cour de cassation ;
— invité le greffe à aviser les parties et le ministère public de l’arrêt par tout moyen et sans délai ;
— rappelé qu’en application de l’article 126-7 du dernier alinéa du code de procédure civile l’arrêt ne pouvait être contesté qu’à l’occasion d’un recours formé contre une décision tranchant tout ou partie du litige ;
— condamné Mme X Y et le Syndicat national des journalistes aux dépens.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 25 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme X Y et le Syndicat national des journalistes demandent à la cour de :
DIRE ET JUGER Madame X Y et le Syndicat National des Journalistes (SNJ) recevables et bien fondés en leur appel et leurs demandes, fins et conclusions ;
INFIRMER le jugement déféré du 19 décembre 2018 rendu par le Conseil des Prud’hommes de TOURS en toutes ses dispositions :
STATUANT A NOUVEAU
DIRE ET JUGER que l’indemnité légale de licenciement de Madame X Y doit être calculée en application des dispositions de l’article L 7112-3 du Code du travail ;
EN CONSÉQUENCE
FIXER AU PASSIF de la société SARL TGA NEWS le paiement des sommes suivantes :
— au profit de Madame X Y : 47 094 € à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement ;
— la somme de 1 000 € au profit du Syndicat National des Journalistes à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions L. 2132-3 du Code du Travail ;
ASSORTIR l’ensemble des condamnations des intérêts à taux légaux à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes en application des articles 1231 et 1231-6 du Code Civil ;
PRONONCER sur le fondement des dispositions de l’article 1154 du Code civil la capitalisation des intérêts ;
DIRE ET JUGER que ces créances sont opposables à l’AGS-CGEA de Rennes ;
CONDAMNER solidairement la SELARL B et les AGS-CGEA de Rennes à verser à Madame X Y la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER solidairement la SELARL B et l’AGS-CGEA de Rennes à verser au Syndicat National des Journalistes (SNJ) la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNER solidairement la SELARL B et l’AGS-CGEA de Rennes aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 26 août 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SELARL B Florek en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL TGA News demande à la cour de :
— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme X Y et le Syndicat National des Journalistes de l’intégralité de leurs demandes ;
— Y ajoutant, condamner Mme X Y et le Syndicat National des Journalistes au paiement de la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 3 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes demande à la cour de :
— confirmer en tout point la décision entreprise ;
— débouter Mme X Y de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, notamment en ce qu’elle sollicite la condamnation de l’AGS au paiement d’une indemnité de procédure ;
— débouter le Syndicat national des journalistes de ses réclamations ;
— dire qu’en toute hypothèses les éventuelles indemnités qui pourraient être allouées au Syndicat national des journalistes n’entrent pas dans le cadre de la garantie de l’AGS ;
En toute hypothèse, déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
La garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte des salariés, à un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du code du travail.
En l’espèce, le plafond applicable est le plafond 6.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2021.
MOTIFS
Sur la demande au titre de l’indemnité de licenciement prévue par l’article L. 7112-3 du code du travail
Les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit ( Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.885, P + B + R + I).
Mme X Y a été engagée le 12 janvier 2015, avec reprise d’ancienneté au 15 novembre 2005, en qualité de journaliste grand reporter caméraman par la SARL TGA News, agence de presse. Compte tenu des fonctions qu’elle exerçait, la salariée avait le statut de journaliste professionnel, peu important que le contenu de ses reportages soit validé par la rédaction de TF1 avant diffusion.
L’article 23 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 prévoit que l’ancienneté dans l’entreprise en qualité de journaliste professionnel ouvre droit à une prime d’ancienneté de 2 % pour 5 années de présence et de 4 % pour 10 années de présence.
L’article 3 du contrat de travail de Mme X Y mentionne que la salariée a droit à la prime d’ancienneté de 2 % prévue par la convention collective. Les bulletins de paie établis à compter de 2016 font état de la perception d’une prime d’ancienneté professionnelle de 4 %. Il y a lieu d’en déduire que l’intéressée avait le statut de journaliste professionnel depuis le 15 novembre 2005.
L’employeur a pris l’initiative de la rupture du contrat de travail en prononçant un licenciement pour motif économique le 9 mai 2017.
Mme X Y peut donc prétendre au bénéfice de l’indemnité de licenciement prévue par l’article L. 7112-3 du code du travail. Aux termes de ce texte, cette indemnité ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements.
Au regard de son ancienneté au moment de la rupture, Mme X Y a droit à une indemnité représentant douze mois de ses derniers appointements.
Au regard des bulletins de paie versés aux débats, il y a lieu de retenir que le montant des derniers appointements, base de calcul de l’indemnité de licenciement, est de 4 204 euros.
Mme X Y a donc droit à une indemnité de licenciement de 50 448 euros.
Compte tenu de l’indemnité de licenciement de 3 354 euros qui lui a été versée, il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement entrepris, de fixer à 47 094 euros sa créance de complément d’indemnité de licenciement au passif de la procédure collective de la SARL TGA News.
Sur les intérêts moratoires et la demande de capitalisation des intérêts
Compte tenu de la procédure collective ouverte à l’égard de la SARL TGA News, il y a lieu de débouter Mme X Y de ses demandes tendant à ce que les condamnations prononcées soient assorties des intérêts à taux légaux à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et à ce que soit ordonnée la capitalisation des intérêts.
Sur l’intervention de l’AGS
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à Mme X Y que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail. Le plafond applicable en l’espèce est le plafond 6.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par le Syndicat national des journalistes
Aux termes de l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le
droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
L’action du Syndicat national des journalistes tend à obtenir l’application aux journalistes professionnels employés par les agences de presse des dispositions de l’article L. 7112-3 du code du travail. Cette action a pour objet la défense de l’intérêt collectif de la profession. Elle est recevable.
Il y a lieu d’évaluer à 500 euros le préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession.
Il y a lieu de fixer cette créance de dommages-intérêts au passif de la procédure collective de la SARL TGA News.
L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes n’est pas tenue de garantir cette créance.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de fixer au passif de la procédure collective de la SARL TGA News les dépens de première instance et d’appel. Les dépens n’incluent pas ceux afférents à la procédure de question prioritaire de constitutionnalité.
L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions relatives à Mme X Y ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Fixe au passif de la procédure collective de la SARL TGA News la créance de Mme X Y à titre de complément d’indemnité de licenciement à la somme de 47 094 euros ;
Déboute Mme X Y du surplus de ses prétentions ;
Fixe au passif de la procédure collective de la SARL TGA News la créance du Syndicat national des journalistes à titre de dommages-intérêts pour atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession à la somme de 500 euros ;
Déclare le présent arrêt opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Rennes, laquelle ne sera tenue à garantir que les sommes allouées à Mme X Y, dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, soit le plafond 6 ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fixe au passif de la procédure collective de la SARL TGA News les dépens de première instance et d’appel, étant précisé que les dépens n’incluent pas ceux afférents à la procédure de question prioritaire de constitutionnalité.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier