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Demande de réparationMonsieur [G] [O] demande réparation pour sa détention provisoire du 7 mai 2021 au 3 mai 2022 à la maison d’arrêt de [Localité 8], puis du 17 octobre 2022 au 13 janvier 2023 au centre pénitentiaire de [Localité 5]. Il réclame également une indemnisation pour son placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique du 3 mai 2022 au 17 octobre 2022. Les montants demandés s’élèvent à 154 000 euros pour préjudice moral et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Conclusions de l’agent judiciaire de l’ÉtatDans ses conclusions, l’agent judiciaire de l’État propose une réparation du préjudice moral de 33 000 euros, soulignant que l’absence d’incarcération antérieure et la minorité du requérant au moment de la détention aggravent son préjudice. Il note que le requérant était bien intégré en détention et que les conditions de détention n’étaient pas indignes, tout en mentionnant des incidents survenus durant son incarcération. L’agent judiciaire souligne que le comportement du requérant a contribué à sa seconde incarcération, ce qui réduit son droit à indemnisation. Conclusions du procureur généralLe procureur général conclut à la recevabilité de la requête et s’en remet à l’appréciation du premier président concernant le montant de l’indemnisation. Il reconnaît le choc carcéral comme un facteur d’indemnisation, tout en notant que le requérant n’a pas prouvé son engagement dans la boxe à haut niveau. Il observe également que le comportement du requérant a conduit à des violations de ses obligations d’assignation à résidence, justifiant ainsi sa seconde incarcération. Recevabilité de la requêteLa requête est jugée recevable pour une période de 616 jours, conformément aux articles du code de procédure pénale. La période d’assignation à résidence sous surveillance électronique est également indemnisable, au même titre que la détention provisoire. Préjudice moralLe requérant, incarcéré à 17 ans, a subi un choc carcéral aggravé par la nature des infractions pour lesquelles il a été détenu. Les violences et menaces subies en détention, ainsi que la séparation d’avec son enfant né pendant sa détention, sont des facteurs qui aggravent son préjudice moral. Le requérant sera indemnisé pour ces éléments, tandis que sa demande concernant la perte de chance de pratiquer la boxe en compétition est rejetée faute de preuves. Indemnisation et frais irrépétiblesIl est décidé d’allouer au requérant la somme de 72 000 euros en réparation de son préjudice moral et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, considérant qu’il serait inéquitable de le laisser supporter les frais engagés dans cette procédure. Les dépens sont laissés à la charge de l’agent judiciaire de l’État. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE VERSAILLES
Chambre civile 1-7
Code nac : 96E
N°
N° RG 23/04949 – N° Portalis DBV3-V-B7H-V77V
(Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l’indemnisation à raison d’une détention provisoire)
Copies délivrées le :
à :
M. [O]
Me GUILLUY
Agent Judiciaire de l’Etat
Me DANCKAERT
Min. Public
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
a été rendue, par mise à disposition au greffe, l’ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l’audience en chambre du conseil du 25 Septembre 2024 où nous étions assistés par Rosanna VALETTE, Greffière, le prononcé de la décision a été renvoyée à ce jour ;
ENTRE :
Monsieur [G] [O]
né le [Date naissance 1] 2004 à [Localité 7]
Élisant domicile chez son avocat
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant par visioconférence avec l’établissement pénitentiaire de BOIS D’ARCY, assisté de Me Victoire GUILLUY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 446
DEMANDEUR
ET :
AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représenté par Me Marie-Hélène DANCKAERT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 520
DEFENDEUR
Le ministère public pris en la personne de M. Guillaume LESCAUX, avocat général
Nous, Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d’appel de Versailles, assisté de Charlotte PETIT, Greffière stagiaire en préaffectation,
Vu l’arrêt de la cour d’assises en date du 13 janvier 2023 acquittant monsieur [G] [O], devenu définitif par un certificat de non-appel du 24 janvier 2023 ;
Vu la requête de monsieur [G] [O] né le [Date naissance 1] 2004 reçue au greffe de la cour d’appel de Versailles le 13 juillet 2023 ;
Vu les pièces jointes à cette requête, le dossier de la procédure ;
Vu les conclusions de l’agent judiciaire de l’Etat, reçues au greffe de la cour d’appel de Versailles le 22 mars 2024 ;
Vu les conclusions du procureur général, reçues au greffe de la cour d’appel de Versailles le 17 mai 2024 ;
Vu les lettres recommandées en date du 17 juin 2024 notifiant aux parties la date de l’audience du 25 septembre 2024 ;
Vu les articles 149 et suivants et R26 du code de procédure pénale ;
Monsieur [G] [O] sollicite la réparation de sa détention provisoire du 7 mai 2021 au 3 mai 2022à la maison d’arrêt de [Localité 8] puis du 17 octobre 2022 au 13 janvier 2023 au centre pénitentiaire de [Localité 5]. Il sollicite également la réparation de son placement sous assignation à résidence sous surveillance électronique du 3 mai 2022 au 17 octobre 2022.
Il sollicite dans sa requête les sommes suivantes :
154 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions reçues le 22 mars 2024 l’agent judiciaire de l’Etat sollicite une réparation du préjudice moral à hauteur de 33 000 euros. Il fait valoir que l’absence d’incarcération antérieure est un facteur de base de la réparation du préjudice moral et que le jeune âge du requérant, encore mineur au moment de son placement en détention provisoire est de nature à aggraver le préjudice. Le choc carcéral est donc incontestable. S’agissant des conditions de détention, l’agent judiciaire de l’Etat retient dans le rapport de détention que le requérant était bien intégré et affecté avec un groupe de mineurs non accompagné afin de prendre en compte le caractère particulier des infractions qui lui étaient reprochées. Concernant la maison d’arrêt de [Localité 8], il relève que le rapport fournit ne fait pas état de conditions indignes de détention mais encourage les autorités à prendre des mesures pour accroitre les activités. Il souligne également divers incidents lors de son incarcération. il retient que son deuxième placement en détention est la cause des manquements du requérant au respect de l’assignation à résidence sous surveillance et ainsi le comportement de celui-ci vient minorer son droit à indemnisation de sa deuxième incarcération. Il constate que le requérant n’était ni engagé dans une vie maritale ni dans une situation familiale stable et donc que la détention n’est pas la cause exclusive de l’impossibilité pour le requérant de voir son enfant né lors de sa détention. Il rejette également l’aggravation du préjudice moral au titre de la perte de chance d’exercer la boxe en compétition professionnelle au moyen que le requérant n’apporte aucun élément probant. Enfin, il sollicite la somme demandée au titre de l’article 700 du code de procédure civile soit réduite à de plus justes proportions.
Dans ses conclusions en date du 17 mai 2024, le procureur général conclut à la recevabilité de la requête et s’en rapporte à l’appréciation du premier président s’agissant du montant de la réparation du préjudice moral subi. Il précise que le choc carcéral subi est incontestable et constitue une base d’indemnisation en raison de la première incarcération et de la minorité du requérant. Il prend en compte la volonté du requérant de reconnaitre son enfant né pendant sa détention et assumer son rôle de père dans l’appréciation du préjudice moral. Il relève que le requérant ne produit aucun élément permettant d’attester qu’il pratiquait de la boxe à haut niveau et qu’il était inscrit dans un club et donc rejette l’indemnisation de la perte de chance d’exercer une activité sportive en compétition. S’agissant des conditions de détention, il constate que le requérant a eu un comportement négatif lord de sa première incarcération et que le rapport de détention ne mentionne aucune difficulté particulière concernant la seconde incarcération. Il retient que l’administration pénitentiaire a pris les mesures nécessaires au bon déroulé de la détention du requérant et éviter que la nature des faits ne la rende plus difficile. Et il souligne que sa seconde incarcération est la conséquence directe des violations répétées de ses obligation résultant de l’assignation à résidence sous surveillance électronique. Enfin, il sollicite la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de la requête :
Aux termes des articles 149, 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
La requête en indemnisation doit contenir l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée, et toutes indications utiles prévues à l’article R26. Elle doit être présentée au premier président de la cour d’appel dans un délai de six mois à compter du jour où la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement acquiert un caractère définitif.
En l’espèce, il ressort de la fiche pénale du requérant que sa détention provisoire a démarré le 7 mai 2021 puis qu’il a été remis en liberté avec une assignation à résidence sous surveillance électronique le 3 mai 2022 mais a été à nouveau placé sous détention provisoire le 17 octobre 2022, celle-ci s’est achevée le 13 janvier 2023, jour de sa relaxe par la cour d’appel des mineurs des Yvelines.
L’article 149 du code de procédure pénale et la jurisprudence retiennent un principe de réparation intégrale du préjudice sous certaines exceptions limitativement énumérées parmi lesquelles en figure pas la violation des obligations d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique. Ainsi il s’en déduit que la période d’assignation à résidence sous surveillance électronique doit être indemnisée au même titre que la détention provisoire.
Ainsi, la requête est recevable pour une période de 616 jours.
Sur le préjudice moral :
Monsieur [G] [O] a été incarcéré 616 jours, alors qu’il était âgé de 17 ans.
Le choc carcéral subi par le requérant sera retenu comme critère d’aggravation du préjudice moral, du fait de sa première incarcération et de son très âge, il était mineur au moment de son placement en détention provisoire.
Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.
La qualification des faits à l’origine de la détention et l’angoisse du quantum de la peine encourue peuvent aggraver le préjudice moral à condition qu’il soit démontré que la détention ait été plus difficile en raison, notamment de l’hostilité des autres détenus.
En l’espèce, le requérant était incarcéré pour des chefs de viol sur mineur de moins de 15 ans. Lors de sa détention le requérant a subi des violences répétées, des insultes et des menaces de la part de ses codétenus en raison de la nature sexuelle de l’infraction pour laquelle il était détenu ce qui a eu pour effet d’aggraver son préjudice moral.
Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.
La séparation avec les proches étant inhérente à la détention, elle ne peut faire l’objet d’un facteur d’aggravation du choc carcéral et donc du préjudice moral subi. Cependant, la réparation du préjudice moral peut tenir compte de certains facteurs personnels et familiaux.
En l’espèce, la compagne du requérant était enceinte puis a accouché alors que celui-ci se trouvait encore en détention provisoire. Le requérant n’a par ailleurs pas eu de permis de visite pour voir son enfant.
Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.
S’agissant des conditions de détention, il appartient au requérant de justifier des conditions difficiles qu’il allègue.
En l’espèce, le requérant fournit deux rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté et il était détenu pendant la période de crise sanitaire. Il a été isolé en raison des violences de ses codétenus et a été affecté dans un quartier pour mineur sécurisé. Le requérant fournit également une attestation médicale constatant un stress post-traumatique et une dépression.
Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.
L’indemnisation de la perte de chance doit être réelle et sérieuse.
En l’espèce, le requérant invoque une perte de chance de pratique la boxe en compétition professionnelle mais ne fournit aucune pièce pouvant caractériser le caractère sérieux de cette perte de chance.
Le requérant sera donc débouté sur ce chef.
La somme de 70 000 euros paraît proportionnée eu égard à la période de détention injustifiée et de la prise en compte de trois facteurs d’aggravation du préjudice moral subi. Il convient donc d’allouer à monsieur [G] [O] la somme de 70 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Sur les frais irrépétibles :
Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu’il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient donc de lui allouer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant par ordonnance contradictoire,
DÉCLARONS recevable la requête de monsieur [G] [O] ;
ALLOUONS à monsieur [G] [O] :
La somme de SOIXANTE DOUZE MILLE EUROS (72 000 euros) en réparation de son préjudice moral ;
La somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
LAISSONS les dépens de la présente procédure à la charge de l’agent judiciaire de l’Etat.
Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
ET ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE ORDONNANCE
Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d’appel de Versailles
Charlotte PETIT, Greffière stagiaire en préaffectation
LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT