Indemnisation des préjudices liés à un accident médical non fautif : enjeux et perspectives pour les ayants droit.

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Indemnisation des préjudices liés à un accident médical non fautif : enjeux et perspectives pour les ayants droit.

Exposé du litige

Monsieur [I] [A], né en 1950, a subi une intervention chirurgicale pour cataracte le 23 mai 2013, au cours de laquelle une rupture capsulaire postérieure a empêché l’implantation d’un dispositif. Suite à cette complication, il a été transféré au CHU de BRABOIS pour la pose d’un implant secondaire le 28 mai 2013. Malgré cette intervention, il a perdu totalement la vue de son œil droit.

Procédure judiciaire

Monsieur [I] [A] a saisi le tribunal judiciaire de NANCY, demandant une expertise qui a été confiée au Professeur [N]. Le rapport d’expertise a été déposé le 28 mai 2015. En mars 2017, il a sollicité une indemnisation amiable auprès de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux (CCI), qui a rendu un avis. L’ONIAM a proposé une indemnisation partielle, que Monsieur [I] [A] a contestée en assignant l’ONIAM en mars 2019. Il est décédé en 2019, laissant des héritiers qui ont poursuivi la procédure.

Demandes des héritiers

Les héritiers de Monsieur [I] [A] ont assigné l’ONIAM pour obtenir une indemnisation des préjudices subis par leur père ainsi que des préjudices propres. Ils ont demandé la reconnaissance de l’accident médical non fautif et l’indemnisation de divers préjudices, y compris des sommes spécifiques pour l’assistance par une tierce personne, le déficit fonctionnel, les souffrances endurées, et le préjudice esthétique.

Réponses de l’ONIAM

L’ONIAM a contesté les demandes des héritiers, proposant des montants d’indemnisation inférieurs et rejetant certaines demandes, notamment celles relatives aux préjudices d’affection. Il a soutenu que les préjudices subis par Monsieur [I] [A] ne justifiaient pas les montants demandés et a insisté sur le fait que le décès de Monsieur [I] [A] n’était pas lié à l’accident médical.

Motivation du tribunal

Le tribunal a reconnu que l’accident médical était non fautif et a ordonné l’indemnisation des préjudices subis par Monsieur [I] [A] au titre de la solidarité nationale. Il a fixé les montants d’indemnisation pour les préjudices temporaires et permanents, y compris l’assistance par une tierce personne, le déficit fonctionnel, les souffrances, et les préjudices esthétiques.

Indemnisation et frais

Le tribunal a condamné l’ONIAM à verser un total de 126 534,75 euros aux héritiers, répartis selon les parts définies. Il a également ordonné la capitalisation des intérêts et a condamné l’ONIAM aux dépens, ainsi qu’à verser une somme pour les frais irrépétibles. La décision est exécutoire de plein droit par provision.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conditions pour qu’un accident médical soit indemnisable par l’ONIAM ?

L’article L. 1142-1 II du Code de la santé publique stipule que lorsque la responsabilité d’un professionnel de santé n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à réparation des préjudices du patient, ainsi qu’à ses ayants droit en cas de décès.

Pour qu’un accident médical soit indemnisable, il doit être directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, et avoir des conséquences anormales au regard de l’état de santé du patient.

Les conséquences doivent présenter un caractère de gravité, apprécié selon le taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, ainsi que la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles.

Un taux d’atteinte permanente supérieur à 25 % est requis pour l’indemnisation.

En l’espèce, l’ONIAM a reconnu que Monsieur [I] [A] a été victime d’un accident médical non fautif, ce qui ouvre droit à indemnisation.

Quels sont les préjudices pouvant être indemnisés au titre de la solidarité nationale ?

Les préjudices indemnisables au titre de la solidarité nationale incluent les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

Les préjudices patrimoniaux comprennent les pertes économiques, le manque à gagner et les frais liés à l’accident.

Les préjudices extrapatrimoniaux incluent les souffrances physiques et psychiques, le déficit fonctionnel temporaire et permanent, ainsi que le préjudice esthétique.

L’article L. 1142-1 II du Code de la santé publique précise que les préjudices doivent être directement liés à l’accident médical et avoir des conséquences graves sur la vie du patient.

Dans le cas de Monsieur [I] [A], les préjudices reconnus incluent l’assistance par une tierce personne, le déficit fonctionnel, les souffrances endurées et le préjudice esthétique.

Comment est déterminée l’indemnisation des préjudices temporaires et permanents ?

L’indemnisation des préjudices temporaires et permanents est déterminée en fonction de plusieurs critères, notamment la gravité du préjudice, la durée de l’incapacité et le taux d’atteinte à l’intégrité physique.

Pour les préjudices temporaires, comme le déficit fonctionnel temporaire, l’indemnisation est calculée sur la base d’une valeur forfaitaire par jour d’incapacité, selon le référentiel Mornet.

Pour les préjudices permanents, comme le déficit fonctionnel permanent, l’indemnisation est calculée en tenant compte du pourcentage de déficit et de l’âge de la victime au moment de la consolidation.

Dans le cas de Monsieur [I] [A], le tribunal a retenu un déficit fonctionnel permanent de 25 %, ce qui a conduit à une indemnisation de 41 250 euros.

Quelles sont les implications du décès de la victime sur l’indemnisation des ayants droit ?

Le décès de la victime a des implications significatives sur l’indemnisation des ayants droit. Selon l’article L. 1142-1 II du Code de la santé publique, en cas de décès de la victime, les ayants droit peuvent prétendre à une indemnisation de leurs préjudices propres, mais uniquement si le décès est directement lié à l’accident médical non fautif.

Dans le cas présent, l’ONIAM a soutenu que le décès de Monsieur [I] [A] n’était pas en lien avec l’accident médical, ce qui a conduit à un rejet des demandes d’indemnisation formulées par ses ayants droit pour leurs préjudices propres.

Ainsi, les ayants droit ne peuvent obtenir réparation que pour les préjudices subis par la victime de son vivant, et non pour des préjudices liés à son décès si celui-ci n’est pas imputable à l’accident médical.

Quels sont les critères d’évaluation des souffrances endurées par la victime ?

L’évaluation des souffrances endurées par la victime prend en compte à la fois les souffrances physiques et psychiques.

L’expert doit considérer les douleurs subies en raison de l’accident, des hospitalisations, des interventions chirurgicales et des soins.

L’article 1231-7 du Code civil stipule que les souffrances doivent être évaluées en tenant compte de leur intensité et de leur durée.

Dans le cas de Monsieur [I] [A], l’expert a évalué les souffrances à 2/7, mais le tribunal a également pris en compte les souffrances psychiques liées à la perte de vision, ce qui a justifié une indemnisation de 4 000 euros.

Ainsi, l’évaluation des souffrances doit être globale et inclure tous les aspects de la douleur subie par la victime.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Nancy
RG
23/01296
MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 10 Décembre 2024
DOSSIER N° : N° RG 23/01296 – N° Portalis DBZE-W-B7H-ITDV
AFFAIRE : Madame [J] [A], Madame [K], [B] [F], Monsieur [V] [G] [F] C/ Etablissement public ONIAM caux

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANCY

POLE CIVIL section 1

JUGEMENT

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRESIDENT : Monsieur Hervé HUMBERT,

Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.

GREFFIER : Madame Nathalie LEONARD,
PARTIES :
DEMANDEURS
Madame [J] [A] en son nom propre et en sa qualité d’héritière de Monsieur [I], [W] [A] son père né le [Date naissance 5] 1950, décédé le [Date décès 6] 2019
née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 14], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Olivier BAUER de la SELEURL CABINET DE MAITRE OLIVIER BAUER, avocats au barreau de NANCY, avocats plaidant, vestiaire : 190

Madame [K], [B] [F] en son nom propre et en sa qualité d’héritière de Monsieur [O], [Z] [A] son père né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 13] et décédé le [Date décès 9] 2021 à [Localité 11] lui même héritier de son propre père Monsieur [I] [W] [A] né le [Date naissance 5] 1950 décédé le [Date décès 6] 2019
née le [Date naissance 8] 1994 à [Localité 12], demeurant [Adresse 3]
représentée par Maître Olivier BAUER de la SELEURL CABINET DE MAITRE OLIVIER BAUER, avocats au barreau de NANCY, avocats plaidant, vestiaire : 190

Monsieur [V] [G] [F] en son nom propre et en sa qualité d’héritier de Monsieur [O], [Z] [A] son père né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 13] et décédé le [Date décès 9] 2021 à [Localité 11] lui même héritier de son propre père Monsieur [I] [W] [A] né le [Date naissance 5] 1950 décédé le [Date décès 6] 2019
né le [Date naissance 7] 1998 à [Localité 12], demeurant [Adresse 10]
représenté par Maître Olivier BAUER de la SELEURL CABINET DE MAITRE OLIVIER BAUER, avocats au barreau de NANCY, avocats plaidant, vestiaire : 190

DEFENDERESSE
Etablissement public ONIAM agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 16]
représentée par Maître Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocats au barreau de NANCY, avocats postulant, vestiaire : 165 et Me Céline ROQUELLE-MEYER de la SELARLU RRM AVOCAT avocat au barreau de Paris

Clôture prononcée le : 11 juin 2024
Débats tenus à l’audience du : 17 Septembre 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 03 décembre 2024
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 10 Décembre 2024, nouvelle date indiquée par le Président.

le
Copie+grosse+retour dossier :
Copie+retour dossier :

EXPOSE DU LITIGE
 
            EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
 Monsieur [I] [A], né le [Date naissance 5] 1950, présentait une opacification du cristallin de son œil droit, associée à une baisse progressive de sa vue.
 Il a fait l’objet d’une intervention chirurgicale de la cataracte le 23 mai 2013 à la Clinique [15] à [Localité 17], réalisée par le Docteur [S], ophtalmologue.
Lors de cette intervention, une rupture capsulaire postérieure est survenue, ce qui a empêché l’implantation.
Monsieur [I] [A] a été adressé au Docteur [R] du CHU de BRABOIS pour la suite de sa prise en charge.
Ce dernier a procédé, le 28 mai 2013 à la pose d’un implant secondaire.
Monsieur [I] [A] a par la suite présenté une perte totale de l’acuité visuelle de l’œil droit, sans aucune perception lumineuse.
Il a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de NANCY qui, par une ordonnance du 22 avril 2014, a ordonné une mesure d’expertise qu’il a confié au Professeur [N].
L’expert a déposé son rapport le 28 mai 2015.
Monsieur [I] [A] a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux (CCI) d’une demande d’indemnisation amiable, qui a rendu un avis le 7 mars 2017.
L’ Office National d’Indemnisation des Accidents médicaux (ONIAM) a adressé à Monsieur [I] [A] une proposition d’indemnisation transactionnelle partielle d’un montant de 11 830 euros correspondant aux postes de préjudice de déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire, préjudice d’agrément et du préjudice esthétique permanent.
Contestant cette offre, Monsieur [I] [A] a assigné, par acte en date du 26 mars 2019, l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) aux fins d’indemnisation de l’ensemble de ses préjudices.
 Monsieur [I] [A] est décédé le [Date décès 6] 2019.
 Il a laissé pour lui succéder :
–        Madame [J] [A], sa fille ;
–        et Monsieur [O] [A], lui-même décédé et laissant pour lui succéder ses deux enfants, Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F].
Par ordonnance du 15 octobre 2019, le tribunal judiciaire de NANCY a constaté l’interruption de l’instance.
 
Par ordonnance du 28 janvier 2020, l’instance a été radiée, en l’absence de reprise d’instance au nom des héritiers de Monsieur [I] [A].
Par acte en date du 25 avril 2024, Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F] ont assigné, en leurs noms propres et en leurs qualités d’héritiers de Monsieur [I] [A], l’ONIAM devant le tribunal judiciaire de NANCY aux fins d’indemnisation, à titre successoral, des préjudices subis par Monsieur [I] [A] de son vivant, ainsi que l’indemnisation de leurs préjudices propres.  
La clôture est intervenue le 11 juin 2024 par ordonnance du même jour.
 Appelée à l’audience du 17 septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 3 décembre 202, délibéré prorogé au 10 décembre 2024.
 
            PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
 Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2024, Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F] demandent au tribunal de :
–        Juger que Monsieur [I] [A] a été victime d’un accident médical non fautif le 23 mai 2013 ;
–        Juger qu’il appartient à l’ONIAM d’indemniser ses préjudices ;
–        Juger que Madame [J] [A], Monsieur [V] [F] et Madame [K] [F] sont bien fondés à introduire la présente procédure en leur qualité d’héritiers de Monsieur [I] [A] ;
Au titre des préjudices propres subis par Monsieur [I] [A],
–        Condamner l’ONIAM à verser à Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F] les sommes suivantes :
o   La somme de 23 940 euros au titre de l’assistance par une tierce personne temporaire ;
o   La somme de 54 000 euros au titre de l’assistance par une tierce personne permanente ;
o   La somme de 5 077,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
o   La somme de 4 000 euros au titre des souffrances endurées ;
o   La somme de 8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
o   La somme de 41 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
o   La somme de 8 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif ;
o   La somme de 10 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;
–        Juger que ces sommes seront versées à hauteur de 50% à l’égard de Madame [J] [A], à hauteur de 25% à l’égard de Madame [K] [F] et à hauteur de 25% à l’égard de Monsieur [V] [F] ;

Au titre des préjudices subis en qualité de victimes par ricochet de Monsieur [I] [A],
–        Condamner l’ONIAM à verser à Madame [J] [A], au titre de son préjudice d’affection, la somme de 2 000 euros ;
–        Condamner l’ONIAM à verser à Madame [K] [F], au titre de son préjudice d’affection, la somme de 1 000 euros ;
–        Condamner l’ONIAM à verser à Monsieur [V] [F], au titre de son préjudice d’affection, la somme de 1 000 euros ;
–        Juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle le jugement sera rendu ;
–        Capitaliser ces intérêts à chaque date anniversaire ;
–        Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
–        Condamner l’ONIAM a la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
 
Au soutien de leurs demandes, Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F] se fondent sur l’article L. 1 142-1 II du Code de la santé publique pour relever que les conditions sont réunies pour que l’ONIAM indemnise les préjudices subis par Monsieur [I] [A]. Ils font valoir que le préférentiel de l’ONIAM doit être écarté car il viole le principe d’individualisation et d’indemnisation intégrale des préjudices. Au contraire, ils sollicitent l’application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais. Ils affirment encore qu’aucun organisme n’a versé à Monsieur [I] [A] d’indemnité ou de rente quelconque dans les suites de l’accident médical subi.
S’agissant des préjudices propres de Monsieur [I] [A], les demandeurs font valoir que si l’expert n’a pas retenu de besoin en aide humaine temporaire, il a tout de même constaté la perte d’acuité visuelle de son œil droit, ainsi que l’apparition de vertiges et de pertes d’équilibre. Ils en concluent que Monsieur [I] [A] n’était plus autonome, notamment s’agissant de la conduite de véhicule et qu’il était contraint de faire appel à un tiers pour l’emmener à ses rendez-vous médicaux et faire ses courses. Ils indiquent que, Monsieur [I] [A] ayant perdu en qualité de vie depuis cet accident, il avait un besoin en aide humaine qui pouvait a minima être évalué à 2 heures par jour. Ils précisent que ce raisonnement continue à s’appliquer à titre permanent, d’autant que la vue de l’œil gauche de Monsieur [I] [A] s’est largement dégradée postérieurement à l’expertise et à sa date de consolidation.
S’agissant des préjudices extrapatrimoniaux, les ayants droit de Monsieur [I] [A] relèvent que l’expert a évalué le déficit fonctionnel temporaire imputable à l’accident de 100 % les 23 et 28 mai 2013 et qu’il semble avoir oublié de détailler les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel. Ils proposent l’évaluation suivante : 75% du 24 au 27 mai 2013 correspondant à la période entre les deux interventions chirurgicales et 25% du 29 mai 2013 au 17 mars 2015, veille de la consolidation (657 jours). Ils proposent l’application du référentiel « Mornet » qui propose une valeur forfaitaire au jour d’incapacité entre 25 et 33 euros. S’agissant des souffrances endurées, les demandeurs relèvent que l’expert a évalué ce poste de préjudice à 2/7 et font encore état de douleur psychique due à la perte brutale de sa vision binoculaire et toutes les limitations qui en découlent. Concernant le préjudice esthétique temporaire, il est relevé que l’expert a évalué ce préjudice à 1/7 en ne retenant qu’un œdème de la cornée. Les demandeurs relèvent cependant que le préjudice esthétique permanent a été évalué à 3/7 et se constitue d’une taie cornéenne et d’exotropie. Ils font cependant valoir que le préjudice esthétique temporaire ne peut être inférieur au préjudice esthétique permanent et qu’il ressort du rapport d’expertise que l’opacification de la cornée est apparue dans les suites de l’intervention chirurgicale et bien avant la date de la consolidation. Dès lors, ils retiennent un préjudice esthétique temporaire et permanent similaire évalué à 3/7. Les demandeurs relèvent encore que le déficit fonctionnel permanent a été évalué à 25% par l’expert et proposent l’application du référentiel Benoît MORNET de 2023. S’agissant du préjudice d’agrément, les ayants droit de Monsieur [I] [A] relèvent que celui-ci subissait une gêne pour réaliser ses activités de loisirs antérieures habituelles, à savoir la pétanque, la course à pied, la danse, la lecture et la pâtisserie.
Enfin, s’agissant de leurs préjudices propres, les demandeurs expliquent avoir beaucoup souffert de voir leur père et grand-père subir un vieillissement prématuré, réduit dans ses dernières années de vie à s’isoler et souffrir quotidiennement, physiquement et psychiquement de son état.
 
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2024 l’ONIAM demande au tribunal de :
–        Fixer, à titre successoral, la réparation des préjudices subis par Monsieur [I] [A] comme suit :
o   Déficit fonctionnel temporaire : 2 516,25 euros ;
o   Souffrances endurées : 2 000 euros ;
o   Préjudice esthétique temporaire : 500 euros ;
o   Déficit fonctionnel permanent : 33 592,50 euros ;
o   Préjudice esthétique permanent : 4 800 euros ;
o   Préjudice d’agrément : 4 500 euros ;
–        Rejeter les demandes d’indemnisation formulées à titre successoral par les ayants droit de Monsieur [I] [A] au titre des frais divers temporaires et de l’assistance par tierce personne permanente ;
–        Rejeter les demandes formulées par Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F] au titre de leurs préjudices d’affection respectifs ;
–        Rejeter les demandes formulées par Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F] au titre des frais irrépétibles ;
–        Débouter Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F] de leurs demandes, fins et conclusions ;
–        Statuer ce que de droit sur les dépens.
 
Au soutien de ses demandes, l’ONIAM explique qu’il ne s’oppose pas à l’indemnisation des préjudices subis par Monsieur [I] [A] au titre de la solidarité nationale, conformément à l’avis de la CCI. S’appuyant sur son référentiel adopté par le Conseil d’orientation et le Conseil d’administration de l’Office et entré en vigueur le 22 mai 2023, l’ONIAM précise qu’il ne doit verser d’indemnités, au titre de la solidarité nationale, que déduction faite des indemnités de toutes natures versées par d’autres débiteurs du chef du même préjudice en vertu du principe de subsidiarité du dispositif d’indemnisation de la solidarité nationale. Il en conclut que, sur le fondement de l’article L. 1 1142-17 du Code de la santé publique, les ayants droit de Monsieur [I] [A] doivent fournir les justificatifs de toutes les autres aides éventuellement perçues à un quelconque titre, fournie par les tiers payeurs, les complémentaires santés et de tout autre organisme, dont il aurait bénéficié.
 
S’agissant des préjudices patrimoniaux, le défendeur explique que l’expert n’a pas retenu de besoin d’assistance par tierce personne temporaire, sans que cela résulte d’une erreur matérielle. Il relève également que l’acuité visuelle au niveau de l’œil gauche de Monsieur [I] [A] lui permettait tout à fait de conduire et que les diverses attestations produites par les demandeurs semblent démontrer un état dépressif qui n’a pas été rattaché par l’expert à la perte d’acuité visuelle de son œil droit. L’ONIAM ajoute qu’il n’est pas démontré que la perte d’acuité visuelle de l’œil droit de Monsieur [I] [A] justifiait un besoin d’assistance par tierce personne permanent à hauteur de 2 heures par jour. Il explique encore que la baisse d’acuité visuelle soulevée par les demandeurs était postérieure à l’expertise et à la consolidation qui avait été fixée au 18 mars 2015 et que Monsieur [I] [A] aurait pu engager une procédure d’expertise en aggravation. L’ONIAM précise qu’aucun élément ne permet de déterminer précisément quand l’acuité visuelle de l’œil gauche a commencé à baisser, et pendant combien de temps et qu’il est également impossible de statuer sur le point de savoir si la dégradation de sa vision est due à l’accident médical non fautif objet de la présente instance.
Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires, l’ONIAM relève que l’expert a estimé que, pendant toute la période de déficit fonctionnel temporaire (DFT), le taux de DFT devait être évalué à 25% et que les périodes de DFT retenues par l’expert sont en réalité de 2 jours de DFT total et de 663 jours de DFT à 25%. Le DFT de 25% subi par Monsieur [I] [A] étant resté stable et sans évolution pendant deux ans, le défendeur estime injustifié d’indemniser ce déficit à hauteur de 30 euros par jour, précisant que le référentiel de l’ONIAM prévoit une indemnisation du DFT entre 300 et 500 euros par mois, soit entre 10 et 16 euros par jour. S’agissant des souffrances endurées, l’ONIAM relève que ces souffrances ont été cotées à 2/7 par l’expert, tandis que l’expert a évalué le préjudice esthétique temporaire à 1/7.
Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents, l’ONIAM explique que Monsieur [I] [A] était âgé de 64 ans à la date de consolidation de son état de santé et que, d’après le tableau indicatif de son référentiel, la valeur du point de DFP pour un taux de déficit fonctionnement permanent de 25%, pour une personne de sexe masculin âgée de 64 ans au jour de la date de consolidation de son état de santé est de 1 343,70. S’agissant du préjudice esthétique permanent, le défendeur relève que l’expert a évalué ce préjudice à 3/7, tandis qu’il a été retenu par l’expert une gêne dans les activités d’agrément.
Sur les préjudices subis par les ayants droit de Monsieur [I] [A], l’ONIAM, se fondant sur les articles L. 1 142-11 II et L. 1 142-1-1 du Code de la santé publique, retient que ce n’est qu’en cas de décès de la victime directe en lien avec un accident médical non fautif que les victimes indirectes peuvent prétendre à une indemnisation de leurs préjudices propres au titre de la solidarité nationale. Il relève que le décès de Monsieur [I] [A] n’est pas en lien avec l’accident médical non fautif subi à la suite de l’intervention du 23 mai 2013.

MOTIVATION
 
Sur l’indemnisation des préjudices propres de Monsieur [I] [A]

L’article L. 1 142-1 du Code de la santé publique prévoit à son II que lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.
 Au titre du critère de gravité du dommage, l’ONIAM n’a vocation à intervenir que si le dommage subi par la victime atteint, a minima, l’un des seuils de gravité suivants :
–        un déficit fonctionnel permanent supérieur à 24% ;
–        un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire total ou partielle supérieur ou égal à un taux de 50% pendant six mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de 12 mois.
A titre exceptionnel, l’ONIAM a vocation à intervenir :
–        lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue du dommage ;
–        lorsque le dommage occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.
En l’espèce, il n’est pas contesté par l’ONIAM que Monsieur [I] [A] a été victime d’un accident médical non fautif résultant d’une rupture capsulaire postérieure survenue au cours d’une chirurgie de cataracte. Aucune faute ne peut être retenue à l’égard d’un professionnel de santé dans la prise en charge de M. [I] [A] qui a été victime d’un aléa thérapeutique. Les préjudices présentent un caractère de gravité puisque le taux de déficit fonctionnel permanent est de 25 %.
L’ONIAM ne s’oppose pas à l’indemnisation des préjudices subis par Monsieur [I] [A] au titre de la solidarité nationale. Il sera donc tenu d’indemniser les préjudices subis par Monsieur [I] [A] à hauteur de 100%.
Il convient de relever que les différents référentiels existants n’ont aucune force obligatoire pour les juges et ne constituent que des points de repère, le juge devant s’attacher à la réparation intégrale du préjudice existant.
Par ailleurs, l’application du dernier barème édité par la Gazette du Palais (2022) n’est pas moins susceptible d’assurer une égalité de traitement entre les demandeurs que l’application des barèmes de l’ONIAM, au demeurant plus restrictifs pour les victimes, alors que les barèmes publiés par la Gazette du Palais en octobre 2022 tiennent mieux compte de la situation des victimes, étant établis sur la base des tables de mortalité plus récentes éditées par l’INSEE pour 2017/2019, et assurent une indemnisation au plus proche du contexte économique. S’agissant des deux barèmes proposés, l’un au taux de 0 et l’autre au taux de -1, le choix dépend, ainsi que le préconise la Gazette du Palais, du rapport entre le taux d’inflation et le taux d’intérêts des placements, un taux d’actualisation négatif étant préconisé lorsque le taux d’inflation est supérieur aux taux de rendement des placements.
En l’espèce, il convient de faire application du barème négatif publié par la Gazette du Palais 2022 sur la base d’un taux de -1%.
Par ailleurs, il convient de relever qu’il n’est pas apporté la preuve que Monsieur [I] [A] a bénéficié d’aides à un quelconque titre, fournie par les tiers payeurs, les complémentaires santé ou de tout autre organisme. Dès lors, l’ONIAM devra indemniser l’intégralité des préjudices subis par Monsieur [I] [A].
L’expert désigné par le juge des référés a, dans son rapport du 28 mai 2015, fixé au 18 mars 2015 la date de la consolidation de l’état de santé de Monsieur [I] [A], date qui n’est pas contestée par les parties.
 
Sur l’indemnisation des préjudices patrimoniaux

 Les préjudices patrimoniaux sont constitués par les pertes économiques, manque à gagner et frais de toute nature en relation directe avec l’accident en cause.
 
Sur les préjudices patrimoniaux temporaires
 
–        L’assistance par tierce personne

L’indemnisation de la tierce personne est liée à l’assistance nécessaire du blessé par une aide humaine dans les actes de la vie quotidienne ou afin de préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie. Ces dépenses trouvent leur cause dans l’accident et procèdent d’un besoin, de sorte que, quelles que soient les modalités choisies par la victime, l’enveloppe allouée ne peut ni être réduite au regard du recours à l’aide familiale, ni être conditionnée par la production des justificatifs des dépenses effectuées.
Si l’expert n’a pas retenu de besoin en aide humaine temporaire, il est versé aux débats diverses attestations faisant état d’une répercussion certaine des conséquences de l’opération sur la vie quotidienne de Monsieur [I] [A] et d’une perte d’autonomie, notamment dans les tâches ménagères quotidiennes de la maison et la conduite de son véhicule. Sa fille Mme [J] [A] atteste ainsi que c’est elle, ou sa tante Mme [D], qui emmenait son père en voiture aux rendez-vous médicaux, et qu’elle lui préparait également ses repas.
Compte tenu du handicap important de monophtalmie que l’aide est destinée à compenser, et de ses répercussions, tant physiques que psychologiques sur la capacité d’autonomie de Monsieur [A] , le tribunal estime disposer d’éléments d’appréciation suffisants pour retenir un besoin en aide humaine évalué à 2 heures par jour.
Eu égard à la nature de l’aide requise, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 15 euros.
L’indemnité de tierce personne s’établit pour la période du 23 mai 2013, jour de l’accident, au 17 mars 2015, veille de la consolidation de son état de santé, soit 664 jours.
Les dépenses liées à l’assistance par tierce personne temporaire s’élèvent donc à la somme de 19 920 euros.
 
Sur les préjudices patrimoniaux permanents
 
–        L’assistance par une tierce personne permanente
 
Le poste assistance par une tierce personne permanente comprend les dépenses liées à la réduction d’autonomie de la victime, laquelle rend nécessaire, de manière définitive, l’assistance d’une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches et les actes de la vie quotidienne.
Il a déjà été relevé que Monsieur [I] [A] a subi une répercussion certaine des conséquences de l’opération sur sa vie quotidienne, ainsi qu’une perte d’autonomie qui ont persisté après la consolidation de son état de santé. Il est d’ailleurs établi qu’il a bénéficié d’une opération de cataracte de l’oeil gauche, son acuité visuelle étant limitée à 3/10ème avant l’opération de l’oeil gauche et à une vague perception lumineuse au niveau de l’oeil droit, selon
 Il convient dès lors de retenir un besoin en aide humaine, également évalué à 2 heures par jour.
Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 15 euros.
L’indemnité de tierce personne s’établit pour la période du 18 mars 2015, date de la consolidation, au [Date décès 6] 2019, date du décès de Monsieur [I] [A], soit 1 500 jours.
 Les dépenses liées à l’assistance par tierce personne permanente s’élèvent donc à la somme de
45 000 euros.

Sur l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux
 
            Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires
 
–        Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste vise à indemniser les troubles dans les conditions d’existence de toutes natures et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence, ainsi que le préjudice d’agrément.
L’évaluation des troubles dans les conditions d’existence tient compte de la durée de l’incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité (ex: victime qui a subi de nombreuses interventions et est restée hospitalisée et immobilisée pendant plusieurs mois par opposition à celle qui a pu rester chez elle).
Le rapport d’expertise fait état d’un déficit fonctionnel temporaire qui correspond à la perte fonctionnelle de l’œil droit. L’expert retient un déficit fonctionnel temporaire de 100% les 23 et 28 mai 2013, soit 2 jours, ainsi qu’un déficit fonctionnel temporaire de 25% de la date de l’opération chirurgicale litigieuse à la date de consolidation de son état de santé, sans les périodes de déficit fonctionnel temporaire total, soit 663 jours.
Conformément au référentiel Mornet, il convient de retenir une valeur forfaitaire au jour d’incapacité à hauteur de 29 euros.
L’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total subi par Monsieur [I] [A] sera donc de 58 euros, tandis que celle de son déficit fonctionnel temporaire de 25% sera de 4 806,75 euros, soit un total de 4 864,75 euros.

  –        Souffrances endurées
 
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des hospitalisations, des interventions chirurgicales, des examens et soins, du jour de l’accident à celui de la consolidation. Cela suppose que l’expert ait effectivement tenu compte des souffrances morales dans l’appréciation du quantum.
À défaut, il convient de préciser que l’indemnité allouée au titre des souffrances comprend non seulement les souffrances physiques retenues par l’expert mais également les souffrances morales .endurées par la victime et d’en tenir compte pour déterminer le montant de l’indemnité.
L’expert a évalué ce poste à 2/7 (léger) au regard de la douleur correspondant aux deux interventions chirurgicales. Il convient cependant de considérer que l’expert n’a pas pris en compte dans sa cotation les souffrances psychiques de Monsieur [A], ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 4. 000 euros.
 
–        Préjudice esthétique temporaire

 Ce poste de dommage chercher à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique, dont les conséquences personnelles sont préjudiciables : le préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers.
Qualifié de très léger (1/7) par l’expert au titre d’un œdème de cornée, ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 1.500 euros.
           

Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents
 
–        Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique médicalement constatable à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales). Il s’agit donc concrètement d’une indemnisation destinée à compenser le handicap fonctionnel que la victime va rencontrer dans sa vie future en raison de son déficit. Le montant de l’indemnisation versée tient donc compte, d’une part du pourcentage du déficit fonctionnel permanent, et d’autre part de l’âge (au moment de la consolidation), afin de prendre en compte l’espérance de vie moyenne à un âge donné.
 
Il est caractérisé par une cécité de l’œil droit de Monsieur [I] [A], ce qui conduit à un taux de 25% justifiant une indemnité de 41 250 euros (1.650 euros x 25 ) pour un homme âgé de 64 ans à la consolidation, la valeur du point s’élevant à 1 650 en application du barème Mornet.  
 
–        Préjudice esthétique permanent
 
Ce poste de dommage cherche à réparer une altération permanente de l’apparence physique.
Qualifié de 3/7 (modéré ) au titre d’une taie cornéenne et d’une exotropie, il doit être indemnisé à hauteur de 6 000 euros.  
 
–        Préjudice d’agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’elle exerçait avant l’accident.
Il est justifié que Monsieur [I] [A] subissait une gêne dans la pratique de certaines activités auxquelles il s’adonnait régulièrement avant l’accident, notamment la pétanque et la danse, suivant attestations concordantes versées aux débats, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 4. 000 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts

En application de l’article 1231-7 du Code civil, ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement. En vertu de l’article 1 343-2 du même Code, la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année entière est de droit si elle est demandée par le créancier, ce qui est le cas en l’espèce. Dès lors, il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts précités.
 
Sur l’indemnité des préjudices des victimes indirectes

L’article L.1 142-1 II du Code de la santé publique dispose que, lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale.
En application de ce texte, un accident médical non fautif, ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit, au titre de la solidarité nationale. Dans cette hypothèse, l’indemnisation des victimes indirectes est donc exclue en cas de survie du patient.

Force est de constater, comme le soutient l’ONIAM, que les conditions ainsi fixées ne sont pas remplies dans le cadre de la présente affaire dans laquelle l’ONIAM est tenue au titre d’un accident médical n’ayant pas entraîné le décès du patient.

Par conséquent, les demandes présentées par les proches de Monsieur [I] [A] à son encontre ne pourront qu’être rejetées.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
 
            Sur les dépens

 Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’ONIAM, qui succombe à l’instance, sera condamné aux dépens.
 
            Sur les demandes au titre des frais irrépétibles

 Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer (1°) à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

L’ONIAM, condamné aux dépens, devra payer à Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F], au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, une somme qu’il est équitable de fixer à 3. 000 euros.
 

            Sur l’exécution provisoire
 
Aux termes de l’article 514 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à l’espèce, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

 En l’espèce, compte tenu de l’absence de motif dérogatoire, il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

PAR CES MOTIFS
 
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
 
DIT que les dommages subis par Monsieur [I] [A] résultant de l’intervention du 23 mai 2013 sont la conséquence d’un accident médical non fautif, indemnisables au titre de la solidarité nationale ;
 
DIT que l’accident médical non fautif subi par Monsieur [I] [A] à la suite de l’intervention du 23 mai 2013 n’engage pas la responsabilité des professionnels de santé, et que son indemnisation relève en totalité de la solidarité nationale ;
 
CONDAMNE l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à indemniser les préjudices subis par Monsieur [I] [A] ;
 
ALLOUE à Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F], en leur qualité d’ayants droit, à titre de réparation du préjudice corporel de Monsieur [I] [A], en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes :
–        La somme de 19 920 euros au titre de l’assistance par une tierce personne temporaire ;
–        La somme de 45 000 euros au titre de l’assistance par une tierce personne permanente ;
–        La somme de 4. 864,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
–        La somme de 41 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
–        La somme de 4. 000 euros au titre des souffrances endurées ;
–        La somme de 1.500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
–        La somme de 6. 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
–        La somme de 4. 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;
Soit au total la somme de 126.534, 75 euros ;
 
DIT que ces sommes seront versées à hauteur de 50% à Madame [J] [A], à hauteur de 25% à Monsieur [V] [F] et à hauteur de 25% à Madame [K] [F] ;
 
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus par année entière dans les conditions de l’article
1 343-2 du Code civil ;
 
DEBOUTE Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F], agissant en leur nom personnel, de leurs demandes formulées à l’encontre de l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de leurs préjudices propres ;
 
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
 
CONDAMNE l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;
 
CONDAMNE l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à Madame [J] [A], Madame [K] [F] et Monsieur [V] [F] ensemble la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
 
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.
 
Le présent jugement a été signé par le Greffier et le Président

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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