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Exposé du LitigeMonsieur [O] [I] a assigné la S.A. ALLIANZ IARD le 4 mai 2023, demandant une indemnisation de 410.319,50 euros pour son préjudice corporel, ainsi que 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Il a été victime d’un accident le 19 juin 2008, où il a été renversé par un véhicule conduit par madame [L], assurée par la compagnie. Après avoir reçu une première indemnisation de 149.990,67 euros en 2012, son état s’est aggravé, ce qui l’a conduit à demander un complément d’indemnisation basé sur un rapport d’expertise de 2019. Demande de la S.A. ALLIANZ IARDDans ses conclusions du 12 décembre 2023, la S.A. ALLIANZ IARD a proposé de limiter l’indemnisation de monsieur [I] à certains postes de préjudice, tout en contestant sa demande d’indemnisation pour l’incidence professionnelle. L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2024, avec une audience fixée au 3 septembre 2024. Absence de Constitution de la CPAMLa CPAM du VAR, bien que régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat. Selon l’article 472 du Code de procédure civile, le juge peut statuer sur le fond même en l’absence de comparution du défendeur, ce qui a été le cas ici. Droit à Indemnisation de la VictimeLa loi du 5 juillet 1985 stipule que tout conducteur impliqué dans un accident a droit à une indemnisation, sauf en cas de faute de sa part. La S.A. ALLIANZ IARD ne conteste pas le droit à indemnisation de monsieur [I] pour l’aggravation de son état, mais s’oppose à l’indemnisation pour l’incidence professionnelle. Indemnisation du Préjudice CorporelLe rapport du Docteur [U] [F] a diagnostiqué une pathologie bipolaire chez monsieur [I], tout en notant que le stress post-traumatique et la dépression étaient des facteurs favorisant cette condition. L’expert a fixé la date de consolidation au 1er septembre 2014 et a évalué le déficit fonctionnel permanent entre 5 et 7 %. Les demandes d’indemnisation ont été examinées en fonction de la jurisprudence et des barèmes en vigueur. Évaluation des PréjudicesLes montants demandés par la victime et ceux proposés par l’assurance ont été comparés. Pour le déficit fonctionnel temporaire, la demande a été acceptée, tandis que l’indemnisation pour l’incidence professionnelle a été rejetée. Le total de l’indemnisation pour le préjudice corporel a été fixé à 40.382,50 euros. Demandes AccessoiresLa S.A. ALLIANZ IARD a été condamnée aux dépens et à verser 1.500 euros à monsieur [I] en application de l’article 700 du Code de procédure civile. La décision a été déclarée exécutoire de plein droit. Conclusion du TribunalLe Tribunal a condamné la S.A. ALLIANZ IARD à verser 40.382,50 euros à monsieur [O] [I] pour son préjudice corporel aggravé, tout en déboutant sa demande d’indemnisation pour l’incidence professionnelle. La décision a été rendue le 22 octobre 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1
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DU 22 Octobre 2024
Dossier N° RG 23/03413 – N° Portalis DB3D-W-B7H-JX67
Minute n° : 2024/ 502
AFFAIRE :
[O] [I] C/ S.A. ALLIANZ IARD, représentée par son directeur général délégué en exercice, CPAM DU VAR
JUGEMENT DU 22 Octobre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Amandine ANCELIN, Vice-Présidente, statuant à juge unique
GREFFIER : Madame Nasima BOUKROUH
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 Septembre 2024 mis en délibéré au 17 Octobre 2024 prorogé au 22 Octobre 2024
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort.
Copie exécutoire à la SCP BRUNET-DEBAINES
Me Anne DE CASTELLO MARIANI
Délivrées le
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDEUR :
Monsieur [O] [I],
[Adresse 6]
[Localité 5]
représenté par Me Anne DE CASTELLO MARIANI, avocat au barreau de MARSEILLE
D’UNE PART ;
DEFENDERESSES :
S.A. ALLIANZ IARD, représentée par son directeur général délégué en exercice
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Colette BRUNET-DEBAINES, de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
CPAM DU VAR
[Adresse 2]
[Localité 3]
non comparante ni représentée
D’AUTRE PART ;
EXPOSE DU LITIGE
Par acte d’huissier du 4 mai 2023, monsieur [O] [I] a fait délivrer assignation à la S.A. ALLIANZ IARD au visa de la loi du 5 juillet 1985 aux fins de la voir condamner à lui régler la somme de 410.319,50 euros en réparation de son préjudice corporel, outre 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens.
Il expose qu’ayant été renversé par un véhicule terrestre à moteur conduit par madame [L] (assurée auprès de la compagnie ALLIANZ IARD) le 19 juin 2008 à [Localité 5] tandis qu’il était piéton et que la conductrice effectuait une marche arrière, il a pu être indemnisé pour un montant de 149.990,67 euros à l’issue d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 24 mai 2012.
Cependant, son état s’étant aggravé, il a saisi le juge des référés de cette même juridiction qui, par ordonnance en date du 8 juillet 2015 a désigné le Docteur [F] pour l’examiner. Ce médecin a rendu son rapport en date du 28 janvier 2019. Il sollicite donc un complément d’indemnisation à hauteur du montant sollicité dans l’assignation, en s’appuyant sur les dispositions de la loi de 1985 ainsi que sur le rapport d’expertise de 2019.
Monsieur [I] sollicite notamment une indemnisation de «l’incidence professionnelle » consécutive à l’accident d’un montant de 367.837 euros.
Par conclusions adressées électroniquement en date du 12 décembre 2023, la S.A. ALLIANZ IARD a sollicité de voir fixer l’indemnisation des préjudices de monsieur [I] en les limitant à des sommes visées concernant les « frais divers », le « déficit fonctionnel temporaire », les « souffrances endurées » ainsi que le « déficit fonctionnel permanent ». En revanche, la S.A. ALLIANZ IARD conclut au débouté de monsieur [I] relativement à sa demande au titre de « l’incidence professionnelle ».
L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue en date du 11 avril 2024, fixant l’audience au 3 septembre suivant.
À cette audience, à l’issue des débats, la décision été mise en délibéré au 17 octobre suivant prorogé au 22 Octobre 2024.
Observation à titre liminaire sur l’absence de constitution aux intérêts de la CPAM
Bien que régulièrement assignée par acte séparé, la CPAM du VAR n’a pas constitué avocat.
Aux termes de l’article 472 du Code de procédure civile « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il estime régulière, recevable et bien fondée ».
Aucune demande n’est formulée à l’encontre de la CPAM non comparante ; en tout état de cause, la convocation apparaît régulière en la forme et l’affaire est en état d’être jugée sur le fond.
SUR LE DROIT A INDEMNISATION DE LA VICTIME
Est impliqué dans un accident, au sens de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule intervenu à quelque titre que ce soit dans la survenance de cet accident.
La loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dispose notamment, que lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subis, directement ou par ricochet, sauf s’il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, une telle faute ayant pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages.
En l’espèce, la compagnie ALLIANZ IARD ne conteste pas le principe du droit à indemnisation de monsieur [I] suite à l’aggravation de son état ; elle conteste cependant son droit à indemnisation concernant le poste de l’incidence professionnelle.
Le droit à indemnisation de monsieur [I] a déjà été retenu -sans qu’il y ait lieu d’appliquer une réduction du fait d’une circonstance imputable à la victime. Il ne sera pas revenu sur cette discussion.
La question du lien de causalité entre l’aggravation et le préjudice tel qu’évalué directement après l’accident (en 2015 ; expertise de 2012), faisant l’objet d’une discussion entre les parties relativement au poste de « l’incidence professionnelle » exclusivement, cette question sera reprise dans le paragraphe relatif à ce poste d’indemnisation.
SUR L’INDEMNISATION DU PREJUDICE CORPOREL
Le Docteur [U] [F], expert psychiatre, conclut notamment en les termes suivants, relativement à une pathologie « bipolaire » diagnostiquée chez la victime : « Il [monsieur [I]] a souffert d’un état de stress post-traumatique jusqu’en juin 2012, date de son hospitalisation le 15 juin 2012. Il a souffert d’une dépression apparue avant cette hospitalisation sans pouvoir préciser la date exacte de début qui a rétrocédé rapidement mais incomplètement au décours de l’hospitalisation. Il semble légitime de considérer la date de fin du vécu dépressif à la date d’arrêt du traitement antidépresseur du 31 mai 2013. Par la suite, l’état thymique a été fluctuant, avec parfois des signes de logorrhée et de tachypsychie comme en attestent les ordonnances et les certificats du Dr [X]. Ces signes renvoient à la révélation d’une symptomatologie du registre bipolaire de type II atténué. Cette pathologie ne peut pas être en relation directe et certaine avec l’accident de juin 2008 et ce type de condition médicale au long cours renvoie à une vulnérabilité préexistante même si celle-ci ne s’est pas révélée auparavant. L’accident est survenu à 20 ans.
La pathologie bipolaire se révèle à 25 ans, ce qui correspond classiquement aux âges de début de ce type de pathologie qui débute chez l’adulte jeune. Cependant, le stress post-traumatique et la dépression sont des facteurs favorisant le déclenchement de ce type de pathologie mais sans une relation directe et certaine. La rémission complète n’est pas acquise et il ne semble pas possible qu’elle soit acquise définitivement par la suite, compte tenu de la nature de ce trouble.»
Dans les conclusions de son rapport, le médecin expert retient une date de consolidation « arbitrairement fixée » au 1er septembre 2014 ; en outre, il fixe le déficit fonctionnel permanent sur le plan psychiatrique entre 5 et 7 % pour « traces mnésiques du stress post-traumatique, dépression réactionnelle ayant compliqué, et impactée par anticipation sur le trouble bipolaire»
Le médecin expert a donc considéré qu’il y a bien eu aggravation telle que décrite par rapport aux observations relevées dans le certificat initialement rendu (en 2012 décrivant une consolidation comme intervenue au 19 juin 2010) et ayant donné lieu au jugement du 24 mai 2012 liquidant le préjudice corporel subi par monsieur [I].
Seront utilisés, pour arbitrer les demandes des parties sur le chiffrage du préjudice, à titre de référentiels : la jurisprudence applicable, le “référent inter-Cours” publié en septembre 2022 et le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais du 11 octobre 2022.
Il sera précisé qu’il sera statué en considérant ces “barèmes” à titre indicatif, en les considérant par rapport aux circonstances de l’espèce au vu des éléments médicaux relevés dans l’expertise.
Il sera statué ainsi que suit sur les demandes formulées par la victime et les propositions formulées par l’assurance:
PREJUDICES
MONTANT
DEMANDE
PAR LA VICTIME
MONTANT PROPOSE PAR L’ASSURANCE
MONTANT REVENANT A LA VICTIME AUX TERMES DU JUGEMENT
Frais divers
honoraire de médecin conseil
720
720
720
déficit fonctionnel temporaire
12 862,50
13 605
12 862,50
souffrances endurées (4/7)
15 000
10 000
13 000
Déficit fonctionnel permanent
14 400
11 500
13 800
incidence professionnelle
367 837
débouté
Débouté
TOTAL
–
–
Observations sur les sommes allouées
Pour l’évaluation du poste du déficit fonctionnel temporaire, il a été fait droit à la demande indemnitaire de la victime, sur la base indemnitaire de 27 € par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total.
Le déficit fonctionnel permanent a été évalué en tenant compte de l’âge de la victime à la date de consolidation suite à aggravation, soit 26 ans. Le taux ayant été évalué entre cinq et 7 % par l’expert, le taux médian de 6 % a tenu lieu de référence, en retenant un point indemnitaire à 2.300 € ainsi que proposé par l’assurance.
Sur l’incidence professionnelle
Si monsieur [I] a dû interrompre une formation de carriste engagée au moment de l’accident (du fait de cet accident), il a par la suite pu mener à terme une formation d’agent de sécurité en 2014, qui lui a permis d’occuper un emploi de 2018 à 2020, année à laquelle il a été déclaré “inapte” à l’exercice de cette activité professionnelle.
Il invoque une perte de chance de 50% d’exercer une activité professionnelle en raison de son trouble bipolaire.
Or, l’expert expose que la pathologie bipolaire dont souffre monsieur [I] était préexistante et, à cet égard, l’aggravation est envisagée seulement en tant que facteur ayant justifié une anticipation du déclenchement de la pathologie.
Aucun élément ne permet d’établir que la dimension invalidante de la pathologie aurait été amplifiée du fait du déclenchement anticipé découlant de l’accident.
En outre, il n’est pas établi que monsieur [I] est dans l’incapacité d’exercer toute profession, ni qu’il ne sera pas ultérieurement en capacité de travailler de nouveau -s’agissant d’une pathologie psychique évolutive et dont les effets sont susceptibles d’être atténués par des traitements médicaux.
Dès lors, en l’absence de lien direct et certain établi par l’expert judiciaire entre l’aggravation et les conséquences qui pourraient être rattachées au poste de “l’incidence professionnelle”, monsieur [I] devra être débouté de sa demande.
Au total
L’indemnisation du préjudice corporel en aggravation subie par monsieur [I] s’élèvera à un total de 40.382,50 euros.
Il sera rappelé dans le dispositif que la demande relative au poste de l’incidence professionnelle a été rejetée.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La compagnie ALLIANZ IARD sera condamnée aux dépens.
En outre, elle sera condamnée à payer à monsieur [I] la somme de 1.500 euros en application des dispositions l’article 700 du Code de procédure civile.
Le principe de l’exécution provisoire de la présente décision, de droit en application des dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile en vigueur au jour de la saisine de la présente juridiction, sera rappelé en fin de dispositif de celle-ci.
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement rendu en premier ressort et par mise à dispositions au greffe,
CONDAMNE la S.A. ALLIANZ IARD à payer à monsieur [O] [I] la somme de 40.382,50 euros en réparation de l’ensemble des conséquence en aggravation sur le préjudice corporel subi du fait de l’accident de la circulation survenu au préjudice de monsieur [I] en date du 19 juin 2008 à [Localité 5] ;
DEBOUTE monsieur [I] de sa demande d’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle ;
CONDAMNE la S.A. ALLIANZ IARD à payer à monsieur [O] [I] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE la S.A. ALLIANZ IARD aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit en toutes ses dispositions à titre provisionnel.
AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUIGNAN LE 22 OCTOBRE 2024.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT.