Indemnisation des préjudices corporels et économiques : enjeux de responsabilité et évaluation des dommages dans un accident de la circulation.

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Indemnisation des préjudices corporels et économiques : enjeux de responsabilité et évaluation des dommages dans un accident de la circulation.

Accident et blessures

Le 24 novembre 2012, M. [O] [E], artisan joaillier, a été victime d’un accident de la route sur la départementale 27, lorsqu’il a percuté une Peugeot 205 conduite par [R] [B]. Suite à la collision, il a subi plusieurs blessures, dont un traumatisme à l’épaule droite, une luxation du pouce gauche et une plaie profonde à la jambe droite, nécessitant une intervention chirurgicale. Par la suite, il a également subi d’autres opérations en raison de complications liées à ses blessures.

Expertises médicales et actions en justice

À l’initiative de son assureur Allianz, des expertises médicales ont été réalisées entre 2013 et 2017, concluant à l’absence de consolidation des blessures de M. [E]. En mars 2018, M. [E] et sa société, la SARL [E] Joaillier, ont assigné la MAIF, la CPAM et le RSI pour obtenir une expertise médicale et comptable, ainsi qu’une provision pour indemnisation. La MAIF a contesté la demande de provision, arguant que M. [E] avait commis une faute de conduite.

Décisions du tribunal de grande instance

Le tribunal de grande instance de Niort a ordonné une expertise médicale et comptable, tout en rejetant la demande de provision de M. [E] mais en condamnant la MAIF à verser une provision de 500 euros. Les rapports d’expertise ont évalué les préjudices de M. [E] et de la SARL [E] Joaillier, établissant des montants significatifs en lien avec les pertes économiques et les souffrances endurées.

Jugement du tribunal judiciaire de Niort

Le 12 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Niort a reconnu le droit à indemnisation de M. [E] et a évalué ses préjudices à un total de 116.960,22 euros, tout en fixant les préjudices économiques de la SARL [E] Joaillier à 230.000 euros. La MAIF a été condamnée à verser ces montants, déduction faite des provisions déjà versées.

Appel de la MAIF

La MAIF a interjeté appel le 20 janvier 2023, demandant une révision du jugement en raison de la faute de conduite de M. [E], qui, selon elle, justifiait une réduction de 50% de son droit à indemnisation. Elle a contesté les évaluations des préjudices et a proposé des montants d’indemnisation inférieurs.

Arguments des parties en appel

M. [E] et la SARL [E] Joaillier ont soutenu que la MAIF ne pouvait pas contester leur droit à réparation, citant des reconnaissances antérieures de la part d’Allianz. Ils ont également réfuté toute faute de conduite de M. [E], affirmant qu’il avait agi conformément aux règles de circulation.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a infirmé le jugement initial, reconnaissant la faute de conduite de M. [E] et limitant de moitié son droit à indemnisation. Les préjudices ont été réévalués, et la MAIF a été condamnée à verser 61.292,48 euros à M. [E] et 115.000 euros à la SARL [E] Joaillier, déduction faite des provisions. Les parties ont conservé la charge de leurs dépens.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la responsabilité de M. [O] [E] dans l’accident survenu le 24 novembre 2012 ?

M. [O] [E] a été impliqué dans un accident de la route alors qu’il circulait en scooter. Selon l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985, la faute commise par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur peut limiter ou exclure son droit à indemnisation pour les dommages subis.

Dans ce cas, il a été établi que M. [E] a commis des fautes de conduite en dépassant un véhicule sans s’assurer qu’il n’y avait pas d’autres véhicules masqués par celui-ci. Les témoignages recueillis indiquent qu’il a continué à dépasser alors que la Peugeot 205, qu’il a percutée, signalait un changement de direction à gauche.

Les gendarmes ont également relevé une infraction à l’article R.414-6 du code de la route, qui concerne le dépassement par la gauche d’un véhicule tournant à gauche. En conséquence, la cour a décidé que la faute de M. [E] limitait de moitié son droit à indemnisation, ce qui affecte également le droit à réparation de la SARL [E] Joaillier, qu’il dirigeait.

Quels sont les préjudices subis par M. [O] [E] et comment ont-ils été évalués ?

Les préjudices subis par M. [O] [E] ont été évalués par un expert judiciaire, le docteur [X], qui a établi un rapport détaillant les différents types de préjudices, tant patrimoniaux qu’extra-patrimoniaux.

Les préjudices patrimoniaux temporaires incluent :

– Dépenses de santé actuelles : 1.597,37 euros
– Frais divers restés à charge : 4.450 euros
– Assistance temporaire tierce personne : 1.962,60 euros

Les préjudices patrimoniaux permanents comprennent :

– Incidence professionnelle : 35.000 euros

Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires sont évalués comme suit :

– Déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 12.975 euros
– Souffrances endurées : 22.000 euros
– Préjudice esthétique temporaire : 1.000 euros

Enfin, les préjudices extra-patrimoniaux permanents incluent :

– Déficit fonctionnel permanent (DFP) : 30.600 euros
– Préjudice esthétique permanent : 3.000 euros
– Préjudice d’agrément : 10.000 euros

La somme totale des préjudices a été fixée à 122.584,97 euros, mais en raison de la limitation de moitié du droit à réparation, M. [O] [E] a droit à 61.292,48 euros.

Comment la MAIF a-t-elle justifié sa demande de limitation de l’indemnisation ?

La MAIF a soutenu que M. [O] [E] avait commis une faute de conduite qui justifiait une limitation de son droit à indemnisation à hauteur de 50%. Elle a fait référence à l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985, qui stipule que la faute du conducteur peut limiter ou exclure son droit à réparation.

La compagnie a également mis en avant des éléments de preuve, notamment des témoignages et des constatations des gendarmes, qui indiquent que M. [E] a dépassé un véhicule sans s’assurer de la sécurité de sa manœuvre. En conséquence, la MAIF a demandé à la cour de réformer le jugement initial et de réduire les montants d’indemnisation en conséquence.

La cour a accepté cette argumentation, concluant que la faute de M. [E] était suffisamment grave pour justifier une réduction de son droit à indemnisation, ce qui a également eu un impact sur le droit à réparation de la SARL [E] Joaillier.

Quels sont les droits à indemnisation de la SARL [E] Joaillier en tant que victime par ricochet ?

La SARL [E] Joaillier, en tant que victime par ricochet, a également droit à une indemnisation pour les préjudices subis en raison de l’accident de M. [O] [E]. Les préjudices économiques subis par la société ont été évalués par un expert-comptable, M. [G], qui a chiffré les pertes comme suit :

– Augmentation de la masse salariale : 100.000 euros
– Perte de résultat : 36.000 euros
– Perte de marge sur revendeurs : 94.000 euros

Le tribunal a initialement alloué à la SARL [E] Joaillier une indemnité totale de 230.000 euros, en se basant sur les conclusions de l’expert. Cependant, en raison de la limitation de 50% du droit à réparation de M. [E], la SARL a vu son droit à indemnisation réduit à 115.000 euros.

La cour a confirmé que la SARL [E] Joaillier avait bien la qualité de victime par ricochet et que les préjudices économiques étaient en lien direct avec l’accident, justifiant ainsi l’indemnisation.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Cour d’appel de Poitiers
RG
23/00211
ARRET N°388

N° RG 23/00211 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GXBH

Société MAIF ASSURANCES

C/

[E]

Etablissement Public CPAM DU RHONE

S.A.R.L. [E] JOAILLIER

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 10 DECEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00211 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GXBH

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 décembre 2022 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIORT.

APPELANTE :

Société MAIF ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 8]

ayant pour avocat postulant Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Virginie PERE-VIGNAUD, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Monsieur [O] [E]

né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 14] (69)

[Adresse 10]

[Localité 4]

S.A.R.L. [E] JOAILLIER

[Adresse 6]

[Localité 5]

ayant tous les deux pour avocat postulant Me François-xavier MORISSET de la SCP MORISSET & MONTOIS-CLERGEAU, avocat au barreau de DEUX-SEVRES et pour avocat plaidant Me Jennifer LEBRUN, avocat au barreau de LYON, substitué par Me François-Xavier MORISSET, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

CPAM DU RHONE

[Adresse 3]

[Localité 7]

défaillante bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Octobre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapport

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

– Rendu par défaut

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

[O] [E], artisan joaillier né le [Date naissance 2] 1961, a été blessé le 24 novembre 2012 sur la route départementale 27 hors agglomération lorsque le scooter qu’il pilotait, assuré chez Allianz, est entré en collision avec un véhicule Peugeot 205 assuré auprès de la MAIF conduit par [R] [B].

Un traumatisme de l’épaule droite, une luxation du pouce gauche et une plaie profonde à la jambe droite ont été diagnostiqués dans la clinique où il a été rapidement transporté, et il a subi le lendemain une intervention chirurgicale pour suturer sa plaie, avant de regagner son domicile en fauteuil roulant.

Il a ensuite bénéficié le 13 mars 2013 d’une rhizarthrose de la main gauche à l’hôpital en raison d’une persistance de sa luxation, et le 15 janvier 2016 d’une ménisectomie du genou droit en raison de lésions du ménisque interne.

À l’initiative de son assureur Allianz, qui exerçait le mandat de gestion en vertu de la convention IRCA, des expertises médicales ont été mises en oeuvre en mai 2013, avril 2014 et juin 2017, qui ont conclu à l’absence de consolidation de ses blessures.

M. [E] et la SARL [E] Joaillier ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Niort par actes du 26 mars 2018 la MAIF, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône (CPAM 69) et le RSI, pour voir instituer une expertise médicale et une expertise comptable et pour obtenir chacun une provision à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice.

La MAIF a déclaré s’en remettre à justice sur l’organisation d’expertises mais s’est opposée à toute provision en arguant d’une contestation sur son obligation au motif que M. [E] aurait commis une faute de conduite.

Par ordonnance du 3 juillet 2018, rectifiée le 19 du même mois, le juge des référés du tribunal de grande instance de Niort a :

.fait droit à la demande d’expertise médicale en désignant pour y procéder aux frais avancés de M. [E] le docteur [X]

.rejeté la demande de provision de [O] [E] à valoir sur son préjudice

.condamné la MAIF à verser 500 euros de provision ad litem à M. [E]

.fait droit à la demande d’expertise comptable en désignant pour y procéder aux frais avancés de la SARL [E] Joaillier M. [D], qui a été ultérieurement remplacé par monsieur [G]

.rejeté la demande de provision de la SARL [E] Joaillier.

Le docteur [X] a déposé son rapport définitif le 6 mai 2019 concluant ainsi :

* déficit fonctionnel temporaire (DFT) :

.total : du 24 au 30.11.2012, du 13 au 14.03.2013, le 15.01.2016, et du 31.08 au 23.09.2017

.partiel :

.à 50% du 01.12.2012 au 01.01.2013

.à 25% du 02.01 au 12.03.2013, du 15.03 au 11.04.2013, du 16.01 au 16.02.2016

.à 20% du 13.04.2013 au 14.01.2016, du 17.02.2016 au 30.08.2017 et du 24.09.2017 au 19.03.2018

* consolidation au 20 mars 2018

*assistance tierce personne temporaire :

.1h/jour pendant le DFP à 50%

.3h/semaine pendant la période du DFP à 25%

* frais futurs : prise en charge chirurgicale ultérieure à prendre en compte en cas de dégradation de l’état articulaire

* déficit fonctionnel permanent (DFP) : 17%

* préjudice professionnel : il est allégué un déficit non constaté de la pince pollicidigitale ainsi que la diminution de la force d’impaction dans le travail de joaillerie du membre supérieur droit par luxation acromo-claviculaire droite invétérée

* souffrances endurées : 4,5/7

* préjudice esthétique définitif : 1,5/7

* préjudice esthétique temporaire à 2,5/7 du 01.12.212 au 01.01.2013

* préjudice d’agrément.

M. [G] a déposé un rapport définitif le 28 avril 2020 concluant à l’existence d’un préjudice financier en relation avec l’accident de 100.000 euros au titre de l’augmentation de la masse salariale rendue nécessaire par les absences et problèmes de mobilité de M. [E], de 36.000 euros au titre de la perte de résultat et de 94.000 euros au titre de la perte de marge revendeurs.

La MAIF a formulé le 2 juin 2020 une offre d’indemnisation appliquant une limitation de 50% du droit à indemnisation de la victime qui n’a pas été acceptée, et [O] [E] et la SARL [E] Joaillier ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Niort par actes du 6 juillet 2020 la MAIF et la CPAM du Rhône pour obtenir réparation de leurs préjudices,

¿ Monsieur [E] réclamant :

* préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

.dépenses de santé actuelles : 1.597 euros

.frais divers restés à charge de la victime :

-frais de déplacement : 2.000 euros

-frais d’assistance à l’expertise médicale :.2.250 euros

-frais d’assistance à l’expertise comptable : 11.520 euros

.assistance temporaire tierce personne : 2.124,79 euros

° permanents :

.incidence professionnelle : 70.000 euros

* préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

.déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 12.975 euros

.souffrances endurées : 30.000 euros

.préjudice esthétique temporaire : 4.000 euros

° permanents :

.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 30.600 euros

.préjudice esthétique permanent : 3.000 euros

.préjudice d’agrément : 15.000 euros

¿ et la société [E] Joaillier réclamant 729.057,80 euros,

La MAIF proposait des indemnisations moindres et sur la base d’une réduction de 50% du droit à réparation de la victime.

Par jugement du 12 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Niort a

* constaté le droit à indemnisation de M. [O] [E]

* fixé sa consolidation au 20 mars 2018

* évalué ainsi ses préjudices :

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

.dépenses de santé actuelles : 1.597 euros

.frais divers restés à charge de la victime : 3.650 euros

.assistance temporaire tierce personne : 8.650 euros

° permanents :

.incidence professionnelle : 35.000 euros

¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

.déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 1.962,85 euros

.souffrances endurées : 22.000 euros

.préjudice esthétique temporaire : 3.000 euros

° permanents :

.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 30.600 euros

.préjudice esthétique permanent : 3.000 euros

.préjudice d’agrément : 7.500 euros

* condamné la MAIF à payer 116.960,22 euros à M. [O] [E] en réparation de ses préjudices déduction à faire des provisions versées

* fixé et évalué à 230.000 euros les préjudices économiques subis par la SARL [E] Joaillier

* condamné la MAIF à payer 230.000 euros à la SARL [E] Joaillier

* rappelé que les indemnités allouées à ces divers titres de préjudice produiraient intérêts au taux légal à compter du jugement

* condamné la MAIF Assurances aux dépens, incluant les frais d’expertise judiciaire, ainsi qu’à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile

-2.000 euros à M. [O] [E]

-2.000 euros à la SARL [E] Joaillier

* déclaré la décision commune à la CPAM de [Localité 9] (sic)

* rappelé que l’exécution provisoire était de droit

* rejeté sa demande de limitation de l’exécution provisoire.

La MAIF Assurances a relevé appel le 20 janvier 2023.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 27 mai 2024 par la MAIF Assurances

* le 25 octobre 2023 par M. [O] [E] et par la SARL [E] Joaillier.

La MAIF Assurances demande à la cour de réformer le jugement et en conséquence :

* de juger que les fautes commises par M. [O] [E] sont de nature à limiter son droit à indemnisation à hauteur de 50%

* s’agissant des préjudices de M. [E] de les chiffrer ainsi avant application de la limitation à 50% du droit à indemnisation

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

.dépenses de santé actuelles : 1.597,37 euros

.frais divers restés à charge de la victime : 1.575 euros

.assistance temporaire tierce personne : 735,97 euros

° permanents :

.incidence professionnelle : 17.500 euros

¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

.déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 1.962,85 euros

.souffrances endurées : 11.000 euros

.préjudice esthétique temporaire : 400 euros

° permanents :

.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 15.300 euros

.préjudice esthétique permanent : 1.500 euros

.préjudice d’agrément :

.à titre principal : rejet

.à titre subsidiaire : 1.000 euros

* de dire que M. [E] ne forme aucune réclamation au titre des postes dépenses de santé futures et pertes de gains professionnels futurs

* de déclarer l’arrêt commun à la CPAM du Rhône

* s’agissant des demandes formées par la SARL [E] Joaillier

-de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que son préjudice était de 230.000 euros

-d’allouer à la société la moitié de cette somme soit 115.000 euros compte-tenu de la limitation de 50% du droit à indemnisation de la victime

* de débouter les intimés de toutes demandes contraires

* de les condamner aux dépens d’appel et à lui verser 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle observe que c’est l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985, et non 5 comme indiqué dans le jugement,qui régit l’indemnisation du conducteur victime d’une atteinte à sa personne.

Elle maintient que M. [E] a commis une faute de conduite qui justifie de réduire de moitié son droit à indemnisation, en faisant valoir qu’il a déclaré aux enquêteurs avoir entrepris de dépasser le conducteur qui le précédait alors que celui-ci avait signalé qu’il se disposait à changer de direction vers la gauche, et elle rappelle que les gendarmes ont relevé à l’encontre du motard l’infraction de l’article R.414-6 du code de la route de dépassement par la gauche d’un véhicule tournant à gauche

Elle conteste ne pouvoir invoquer de limitation du droit à indemnisation de la victime, en niant qu’Allianz ait reconnu son droit à réparation intégrale, objectant que les documents invoqués ne sont pas probants, et que rien n’établit que l’indemnité versée à M. [E] au titre du préjudice matériel l’ait été sous le bénéficie d’une responsabilité nulle.

Elle discute les préjudices corporels.

Elle approuve l’évaluation par le premier juge du préjudice de la société [E] Joaillier, en faisant valoir que l’expert judiciaire a réfuté les arguments que celle-ci reprend devant la cour.

M. [O] [E] et la SARL [E] Joaillier demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il constate leur droit à indemnisation, en ce qu’il fixe la consolidation au 20 mars 2018, en ce qu’il déclare la décision commune à la CPAM de [Localité 9] ainsi qu’en ses chefs de décision afférents aux intérêts et aux dépens, de le réformer pour le surplus et statuant à nouveau :

* de fixer et évaluer ainsi les préjudices du blessé :

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

.dépenses de santé actuelles : 1.597 euros

.frais divers restés à charge de la victime : 4.450 euros

.assistance temporaire tierce personne : 2.124,79 euros

° permanents :

.incidence professionnelle : 70.000 euros

¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

.déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 12.975 euros

.souffrances endurées : 30.000 euros

.préjudice esthétique temporaire : 4.000 euros

° permanents :

.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 30.600 euros

.préjudice esthétique permanent : 3.000

.préjudice d’agrément : 15.000 euros

* de condamner la MAIF à indemniser le préjudice financier de la SARL [E] Joaillier à hauteur de 729.057,80 euros

* de condamner la MAIF à indemniser les frais d’assistance à expertise comptable de la SARL [E] Joaillier à hauteur de 1.150 euros

En tout état de cause :

* de condamner la MAIF Assurances à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile

.4.000 euros à M. [O] [E]

.4.000 euros à la SARL [E] Joaillier.

Ils soutiennent que la MAIF ne peut aujourd’hui arguer d’une quelconque limitation de leur droit à réparation, puisque la compagnie Allianz, assureur mandaté en application de la convention IRCA, a reconnu à deux reprises que le droit à indemnisation de la victime était intégral, à savoir dans le tableau récapitulatif dont elle verse une capture d’écran probante et dont le courtier confirme l’authenticité par attestation où elle écrit ‘responsabilité 0%’ puis dans un courrier qu’elle a envoyé le 25 février 2013 où elle lui écrivait ‘il apparaît que votre responsabilité n’est pas engagée’, et parce qu’elle l’a indemnisé intégralement de son préjudice matériel sans application d’une franchise, la MAIF ne pouvant selon les intimés revenir sur cette reconnaissance faite par celle qui était sa mandataire.

Ils réfutent en tout état de cause toute faute de conduite de M. [E] le jour de l’accident, en affirmant qu’il avait le droit de dépasser la Peugeot 205 et que le conducteur de ce véhicule a entrepris de tourner à gauche alors que la moto avait déjà entrepris sa manoeuvre et sans vérifier qu’il pouvait le faire. Ils soutiennent subsidiairement que si les circonstances de l’accident sont regardées comme indéterminées, leur droit à indemnisation est tout aussi entier.

La CPAM du Rhône ne comparaît pas. Elle a été assignée par acte du 13 mars 2023 délivré par signification électronique.

L’ordonnance de clôture est en date du 6 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur le droit à réparation

¿ sur le moyen tiré par M. [E] et la SARL [E] Joaillier d’une reconnaissance par l’assureur de leur droit à obtenir une réparation intégrale

M. [O] [E] et la Sarl [E] Joaillier soutiennent que la compagnie Allianz, mandatée par la Maif dans le cadre de la convention IRCA, a reconnu le droit à indemnisation intégrale de la victime, et font valoir que cette reconnaissance est irréversible, l’article 2.1.5b de ladite convention IRCA énonçant que l’assureur substitué dans le mandat s’engage à ne pas revenir sur les mesures prises par le précédent assureur mandaté, et en particulier à ne pas contester les accords déjà passés avec la victime.

Il n’est pas justifié par les intimés d’une telle reconnaissance émanant de la Maif, dont le courrier du 2 juin 2020 qu’elle a adressé à M. [E] énonce, au contraire, qu’elle avait précédemment proposé de l’indemniser sur la base d’un droit à réparation de 30% de la victime et qu’elle acceptait ‘à titre transactionnel de porter à 50% le taux de votre droit à indemnisation’ (cf pièce n°7), et avec laquelle M. [E] avait signé le 7 novembre 2019 un accord sur indemnisation provisionnelle énonçant expressément qu’il intervenait ‘tous droits et moyens des parties réservés – En particulier, le taux de droit à indemnisation n’a pas fait ‘objet d’un accord entre les parties’ (cf pièce n°6 de l’appelante)

Les intimés fondent leur affirmation sur trois pièces consistant, l’une en une capture d’écran montrant un tableau récapitulatif sur lequel est portée la mention ‘responsabilité 0%’, la seconde en un courrier d’une société AMT Assurances à la SARL [E] Joaillier daté du 25 février 2013 énonçant qu’au reçu du procès-verbal, ‘il apparaît que votre responsabilité n’est pas engagée’, et la troisième en un document intitulé ‘attestation’ qui n’a pas la forme visée à l’article 202 du code de procédure civile dans lequel [I] [L], indiquant être ‘courtier de la compagnie AMT’, certifie avoir géré ‘le sinistre du 24 novembre 11 dossier N°12ASA832′ dans lequel Mr [O] [E] a été impliqué avec un taux de responsabilité de 0%’et indique qu »aucune franchise n’a été appliquée pour le remboursement de l’indemnité’.

Aucun de ces documents n’émane de la compagnie Maif ou de la compagnie Allianz qui gérait le sinistre pour son compte en qualité de mandataire dans le cadre de la Convention IRCA.

La qualité de la société AMT Assurances, dont ils émanent ou à laquelle ils renvoient, n’est pas établie dans le cadre de la présente instance.

S’il s’agissait d’un courtier, cette qualité ne faisait pas d’elle le mandataire d’Allianz ou de la Maif, un courtier, à la différence de l’agent général, n’étant pas le mandataire de l’assureur.

Au vu de ces considérations, et en l’absence d’autre élément, la preuve n’est pas rapportée d’une reconnaissance par l’assureur d’un droit entier à être indemnisé de [O] [E] comme de la victime par ricochet la société [E] Joaillier, et il est recevable à le contester.

¿ sur le droit à réparation de M. [E] et de la société [E] Joaillier.

L’accident est survenu le 24 novembre 2012 lorsque [O] [E], qui circulait en scooter sur la route départementale 27 hors agglomération, est entré en collision alors qu’il dépassait le véhicule monospace le précédant, avec une automobile Peugeot 205 assurée auprès de la MAIF conduite par [R] [B] qui roulait devant ce véhicule et tournait sur sa gauche pour emprunter une voie latérale.

L’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis.

Le principe même d’un droit à réparation n’est pas discuté en la cause, seule sa limitation étant invoquée par l’appelante.

[C] [Z], le conducteur du monospace Citroën ‘Picasso’ que dépassait [O] [E], a déclaré aux enquêteurs qu’il était lui-même en train de ralentir du fait de la manoeuvre entamée par la voiture qui le précédait, et précise que le clignotant de la Peugeot 205 fonctionnait lorsque lui-même a été doublé par le scooter ; il indique avoir ‘pensé que le conducteur du scooter allait se rabattre devant moi et se mettre derrière la Peugeot 205’, ce qui implique que ce rabattement était donc possible, et poursuit : ‘Au lieu de se rabattre, il a continué à doubler. La Peugeot 205 a commencé à tourner à gauche au moment où le conducteur du scooter commençait son dépassement. Le choc s’est produit à l’arrière gauche de la 205’.

[P] [V], qui était passager avant de la Peugeot 205 conduite par [R] [B], a déclaré aux enquêteurs : ‘[B] [R] devait emprunter la [Adresse 13] pour renter chez lui, rue qui se trouve sur la gauche par rapport à notre sens de circulation. Lorsque nous sommes arrivés à proximité du carrefour, [R] a ralenti bien avant le carrefour, mis son clignotant gauche. Je l’ai même vu appuyer plusieurs fois sur la pédale de frein pour annoncer son ralentissement. Au moment où [R] a tourné sur la gauche pour emprunter la [Adresse 13], un violent choc s’est produit, cela a dévié notre voiture..’. Il relate qu’étant sorti, il a découvert le pilote du scooter dans un parterre de fleurs à côté de la maison, qu’il est allé le voir, et que celui-ci, ‘tout à fait conscient, nous a dit qu’il s’excusait, qu’il avait bien vu le clignotant et qu’il n’y avait pas de soucis’.

Il résulte de ces éléments concordants, émanant de tiers à l’accident -sans donc considérer même les déclarations de M. [B], dont la sincérité peut toujours être regardée comme incertaine dès lors qu’impliqué dans l’accident, il peut avoir intérêt à réfuter son éventuelle responsabilité- que le motard a entrepris de dépasser le véhicule qui le précédait sans s’être assuré que celui-ci ne masquait pas par sa masse un autre véhicule dont la présence modifiait alors les données -et notamment la durée prévisible- de son dépassement, et que lorsqu’il a pu voir en cours de dépassement qu’un autre véhicule précédait le monospace et annonçait une manoeuvre de changement de direction sur sa gauche, il ne s’est pas rabattu devant le monospace comme il lui était possible de le faire mais a poursuivi sa manoeuvre, qui rendait alors inévitable le choc avec la voiture qui commençait à tourner sur la gauche.

Il s’agit là de fautes de conduite commises par M. [E].

Les gendarmes renseignent au demeurant leur procès-verbal de synthèse en indiquant que le motard a commencé à dépasser un monospace sans avoir vu un véhicule Peugeot 205 dont le conducteur a mis son clignotant pour tourner à gauche, et qui a commencé à tourner lorsque la moto était au niveau du monospace, et concluent que [O] [E] est susceptible de voir relever à son encontre l’infraction de dépassement par la gauche d’un véhicule tournant à gauche prévue par l’article R.414-6,II,1° du code de la route.

La faute de M. [E] limite de moitié son droit à indemnisation, cette limitation s’appliquant aussi au droit à réparation, non contesté en son principe même, de la société [E] Joaillier qu’il animait.

Le jugement, qui a retenu l’entier droit à réparation de la victime et de la victime par ricochet en considérant le comportement du conducteur de la Peugeot 205, sera donc réformé en ce sens.

* sur la liquidation des préjudices

Les préjudices de M. [E] consécutifs à l’accident du 24 novembre 2012 s’apprécient au vu des productions, des conclusions non contestées de l’expert judiciaire [X] de l’état des débours de la CPAM du Rhône produit par la MAIF et des explications des parties, dans les limites de l’appel principal de la MAIF et de l’appel incident de la victime, et au vu des prétentions formulées dans les conclusions.

¿ le préjudice de [O] [E]

À la date, non contestée, de la consolidation, fixée au 20 mars 2018, [O] [E], né le [Date naissance 2] 1961, était âgé de 56 ans, divorcé, père de trois enfants n’étant plus à charge, et exerçait l’activité de joaillier gérant d’une société employant neuf salariés.

1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

1.1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES (avant consolidation)

1.1.1. : dépenses de santé actuelles

Il n’existe pas de discussion sur ce point, chiffré par le premier juge à 1.597,37 €.

La créance de débours de la CPAM du Rhône est de 23.016,92 €.

1.1.2. : frais divers restés à charge de la victime

Le premier juge a alloué à M. [E] une somme totale de 3.650 € recouvrant 2.000€ de frais de déplacement et 1.650 € d’honoraires versés au médecin qui l’a assisté pendant l’expertise.

Cette somme n’est pas discutée en appel.

M. [E] forme appel incident et redemande en cause d’appel la somme de 800 € correspondant aux honoraires qu’il a réglés aux docteurs [A] et [Y], rejetée par le tribunal au motif que cette dépense était étrangère à l’expertise médicale judiciaire.

Il fait valoir que ces médecins l’ont examiné dans le cadre du contrat de prévoyance afin de vérifier la légitimité des arrêts de travail dont il a bénéficié.

La MAIF sollicite la confirmation du jugement en maintenant que ces dépenses ne sont pas en lien avéré de causalité avec l’accident, étant afférentes à la mise en oeuvre des contrats de prévoyance spécifiques souscrits par M. [E], et elle ajoute que la compagnie AFI ESCA qui avait missionné ces experts a dû ou devait elle-même les rémunérer.

M. [E] communique la facture d’honoraires établie à son nom par chacun de ces deux praticiens, respectivement pour 500 et 300 €, et leur libellé démontre qu’ils l’ont examiné dans le cadre des blessures qu’il avait subies consécutivement à l’accident du 24 novembre 2012, de sorte que quelle qu’ait pu être la finalité de cet examen, cette dépense est en lien de causalité avec l’accident litigieux et constitue pour M. [E] un poste de préjudice patrimonial qu’il incombe à la MAIF de réparer.

Ce poste sera ainsi, par infirmation du jugement de ce chef, liquidé à 4.450 €.

1.1.3 : frais d’assistance temporaire d’une tierce personne

Le docteur [X] a chiffré le besoin du blessé en aide humaine avant la consolidation à 1 heure par jour pendant la période où son déficit fonctionnel permanent était de 50% et à 3 heures par semaine pendant la période du DFP à 25%.

En première instance, M. [E] sollicitait à ce titre 2.124,79 € sur la base d’un taux horaire de 21,65€.

La MAIF proposait 1.471,95 € sur la base d’un taux horaire de 15 €.

Le tribunal a retenu comme base de calcul un taux horaire de 20 € et a chiffré ce poste à 8.650 €.

La MAIF fait valoir qu’il s’agit d’une erreur de calcul, puisqu’au vu de la période considérée, l’application du taux de 20 € retenue par le tribunal déterminait une indemnité de (840 + 1.122,60) = 1.962,60 €, ce qui est exact.

Elle réitère sa demande de fixation à 1.471,95 € sur la base d’un taux horaire de 15 € qu’elle affirme correspondre à la nature concrète de l’aide reçue, peu technique et dispensée dans un cadre familial et non pas en recourant à un service spécialisé.

M. [E] reprend sa demande et sollicite donc par voie d’appel incident 2.124,79 €.

Le taux de 20 € retenu par le tribunal est pertinent et adapté, et l’indemnité sera fixée sur cette base à la somme de (20 € x 98,13 heures) = 1.962,60 €, par réformation du jugement, entaché d’une erreur de calcul.

1.2. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS

1.2.1. : incidence professionnelle

L’incidence professionnelle correspond au préjudice que subit la victime en raison de la plus grande pénibilité de l’exercice d’une activité professionnelle du fait des séquelles de l’accident, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de la nécessité de subir un reclassement.

Elle peut recouvrir aussi la perte de chance d’obtenir un emploi ou une promotion ou de réaliser un projet professionnel.

En première instance, M. [E] demandait 70.000 € au titre de l’incidence professionnelle

La MAIF soutenait que ce poste devait être réparé par une somme n’excédant pas 15.000€.

Le tribunal a alloué à la victime 35.000 €.

M. [E] forme appel incident et reprend sa demande d’indemnisation à hauteur de 70.000 €.

Il réitère les doléances et explications formulées auprès de l’expert, au titre d’un déficit de la pince pollicidigitale et d’une diminution de la force d’impaction dans le travail, avec une moindre dextérité, une moindre qualité, une plus grande fatigabilité dans son travail délicat de joaillier sertisseur, des difficultés accrues à démarcher ses revendeurs, une moindre créativité dans ses productions.

La MAIF demande à la cour de confirmer ce chef de décision. Elle indique que la somme allouée indemnise pleinement la pénibilité accrue par l’accident, la moindre efficacité de son travail et la difficulté à démarcher ses revendeurs en raison de déplacements devenus plus pénibles. Elle fait valoir que l’impact des séquelles de l’accident sur les résultats de l’activité professionnelle de M. [E] sont pris en compte par l’expertise comptable et l’indemnité revenant à la société commerciale.

L’expert judiciaire consigne au titre du préjudice professionnel qu’il est allégué un déficit non constaté de la pince pollicidigitale, ainsi que la diminution de la force d’impaction dans le travail de joaillerie du membre supérieur droit par la luxation acromio-claviculaire droite invétérée.

En réponse à un dire du conseil de M. [E] objectant que cette appréciation était trop restrictive et rappelant que M. [E] avait fait état lors de l’examen d’un impact de ses douleurs et gêne au niveau des membres supérieurs sur son activité de joaillier sertisseur, avec un matériel qui lui échappait régulièrement des mains du fait de la perte de force et de préhension du pouce gauche, une perte de rapidité et de qualité de son travail et une moindre créativité du fait de ses douleurs et de son stress chronique, l’expert a indiqué maintenir ses conclusions.

La pénibilité accrue de son travail en raison de ses constantes douleurs à la nuque et au genou gauche équipé d’une prothèse, la moindre dextérité dans l’exercice de son art, qui requiert de la précision et de l’adresse des deux mains, justifient l’indemnisation du préjudice d’incidence professionnelle à hauteur de 35.000€ décidée par le tribunal, dont la décision sera confirmée.

2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

2.1. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

2.1.1. Déficit fonctionnel temporaire (DFT)

L’expert judiciaire a donc retenu un déficit temporaire :

.total : du 24 au 30.11.2012, du 13 au 14.03.2013, le 15.01.2016, et du 31.08 au 23.09.2017

.partiel :

.à 50% du 01.12.2012 au 01.01.2013

.à 25% du 02.01 au 12.03.2013, du 15.03 au 11.04.2013, du 16.01 au 16.02.2016

.à 20% du 13.04.2013 au 14.01.2016, du 17.02.2016 au 30.08.2017 et du 24.09.2017 au 19.03.2018.

Le tribunal a alloué à ce titre à M. [E] une indemnisation de 1.962,85 €.

M. [E] forme appel incident en indiquant que l’évaluation de ce poste par le premier juge n’est pas faite sur les bases du rapport d’expertise, qu’elle omet les périodes de déficit temporaire partiel retenues par l’expert, et qu’elle procède d’une erreur de calcul et d’une confusion manifeste avec le poste relatif à l’assistance temporaire d’une tierce personne.

Il fait valoir que la durée totale du déficit temporaire total est de 35 jours, que celle du DFT à 50% est de 32 jours, celle du DFT à 25% de 130 jours et celle du DFT à 20% de 1745jours, et il sollicite sur la base de 30€ par jour retenue par le tribunal une indemnité totale de 12.975€.

La MAIF convient que le tribunal a commis une erreur de calcul et que la base de 30€ par jour qu’il retenait, l’indemnité s’établirait en effet à 12.975€, mais elle demande à la cour de retenir une valeur de 25€ par jour sur la base de laquelle l’indemnité globale s’établit à 10.812,50€.

La base de 30€ est pertinente et adaptée, et détermine une indemnité de 12.975€ qui sera retenue, par réformation du jugement.

2.1.2. Souffrances endurées

Au vu de la quantification à 4,5/7 de ce préjudice par l’expert, le tribunal a alloué à la victime une indemnité de 22.000 euros.

M. [E] forme appel incident et réitère sa demande pour 30.000€.

La MAIF sollicite la confirmation de ce chef de décision.

Au vu des douleurs lors de l’accident, des interventions chirurgicales subies, du port d’une attelle de main gauche et de la cinquantaine de séances de rééducation endurées, ce poste a été pertinemment réparé par la somme allouée en première instance, qui sera confirmée.

2.1.3. : préjudice esthétique temporaire

L’expert judiciaire évalue ce préjudice à 2,5/7 du 1er décembre 2012 au 1er janvier 2013.

En première instance, où M. [E] sollicitait 4.000€ et où la MAIF offrait 800€, le tribunal a alloué 3.000€ en retenant que ce préjudice était de 2,5/7 du 1er décembre 2012 au 1er janvier 2013 puis de 1,5/7 jusqu’à la consolidation, ce qui ne correspond pas aux conclusions de l’expert et qui ne ressort d’aucun élément.

La MAIF demande à la cour de chiffrer ce poste à 800€.

M. [E] forme appel incident et réitère sa demande d’indemnisation de 4.000€.

Le docteur [X] retient que ce préjudice a duré un mois, du 1er décembre 2012 au 1er janvier 2013, au titre de l’appareillage du blessé en fauteuil roulant et avec des attelles multiples.

Une somme de 1.000 € réparera ce préjudice, et le jugement sera ainsi réformé.

2.2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS

2.2.1. : déficit fonctionnel permanent (DFP)

Il n’existe pas de discussion en cause d’appel sur ce poste, que l’expert a chiffré à 17% et qui est indemnisé à hauteur de 30.600€.

2.2.2. : préjudice esthétique permanent

Il n’existe pas de discussion au titre de ce poste, évalué par l’expert à 1,5/7 au titre d’une discrète asymétrie du port des épaules et de plusieurs cicatrices au niveau du poignet, de la main et du genou, et que le tribunal a liquidé à 3.000€.

2.2.3. : préjudice d’agrément

L’expert judiciaire a retenu que le préjudice d’agrément était imputable aux séquelles post-traumatiques.

En première instance, M. [E] réclamait 15.000€ au titre d’activités sportives antérieures devenues impraticables, et la MAIF contestait à titre principal la réalité même d’un préjudice d’agrément indemnisable en estimant les justificatifs produits insuffisants et non probants, proposant subsidiairement 2.000€.

Le tribunal a chiffré ce poste à 7.500€ en retenant que les clichés photographiques produits par M. [E] démontraient sa pratique d’une activité sportive indépendante de la cotation du déficit fonctionnel permanent.

La MAIF sollicite à titre principal devant la cour le rejet de la demande en estimant que les photographies produites ne prouvent pas la pratique de ces sports par le blessé, âgé de 51 ans ; elle propose subsidiairement d’indemniser le préjudice d’agrément à hauteur de 2.000€.

M. [E] forme appel incident et réitère sa demande à hauteur de 15.000€. Il soutient ne plus pouvoir poursuivre la pratique du karting, du VTT, du kite-surf, de l’enduro, du golf, de la pêche et du ski alpin, attestée selon lui par les photographies qu’il communique.

Les photographies que produit M. [E] démontrent de façon probante sa pratique effective de chacun de ces sports, que ses séquelles ne lui permettent plus de pratiquer.

Ce poste de préjudice sera réparé par l’allocation d’une indemnité de 10.000€, le jugement étant réformé.

Le préjudice indemnisable de M. [O] [E] s’établit ainsi à (1.597,37 + 4.450 + 1.962,60 + 35.000 + 12.975 + 22.000 + 1.000 + 30.600 + 3.000 + 10.000) = 122.584,97€.

En raison de la limitation de moitié du droit à réparation de la victime arrêtée par la cour, la somme que la MAIF doit verser à M. [O] [E] s’établit donc à 61.292,48€, somme dont sont à déduire les provisions versées par la MAIF ou pour son compte.

¿ le préjudice de la SARL [E] Joaillier

La recevabilité à agir et la qualité de victime par ricochet de la SARL [E] Joaillier n’est pas discutée. Les productions établissent au demeurant qu’il s’agit de la structure commerciale sous laquelle M. [E] exploite dans le cadre d’une location-gérance son activité d’achat, vente, fabrication et réparation de bijouterie, joaillerie, horlogerie et pierres précieuses.

Les résultats de l’entreprise n’ont pu qu’être péjorativement impactés par les conséquences de l’accident, M. [E], qui en est l’animateur, l’associé très majoritaire -son épouse ayant quelques parts avant leur divorce, depuis lequel il en est l’associé unique- , qui pratique lui-même la création et la confection de bijoux et qui démarche la centaine de points de vente de sa gamme de bijoux ‘Loupidou’ en France, ayant été en arrêts de travail imputables à l’accident selon l’expert du 24 novembre 2012 au 4 août 2013 soit plus de huit mois, puis trois semaines du 15 janvier au 7 février 2016 et du 3 juillet 2017 au 29 mars 2018 suite à l’opération de pose d’une prothèse du genou en lien avec l’accident, et conservant des séquelles quantifiées par un déficit fonctionnel permanent de 17%.

M. [G], expert-comptable désigné en référé le 3 juillet 2018 à la demande de M. [E] et de la SARL [E] Joaillerie, a déposé son rapport définitif en date du 28 avril 2020.

Il retient que le préjudice de la société en lien avéré de causalité avec l’accident de [O] [E] et ses séquelles recouvre :

.une augmentation de la masse salariale qu’il chiffre à 100.000€

.une perte de résultat qu’il a chiffre à 36.000€

.une perte de marge sur revendeurs sur les exercices 2015, 2017 et 2018 de 94.000€.

En première instance, la société [E] Joaillier réclamait à la MAIF une indemnité de 729.057,80€ en contestant les conclusions de l’expert.

La MAIF demandait que l’indemnisation de la société soit évaluée à 97.000€ outre 4.800€ de frais de conseils pour l’expertise.

Le tribunal a estimé convaincante l’évaluation expertale et a alloué à la SARL [E] Joaillerie la somme de (100.000 + 36.000 + 94.000) = 230.000€.

La SARL [E] Joaillier forme appel incident et redemande 729.057,80€.

Elle conteste les conclusions de l’expert judiciaire et soutient devant la cour que l’augmentation de la masse salariale doit être prise en compte comme une conséquence pérenne de l’accident, au-delà de l’exercice 2017, du fait du passage à plein-temps du chef d’atelier auparavant employé à mi-temps que requiert définitivement le déficit fonctionnel permanent de M. [E] ; que la perte de résultat ne peut être retenue seulement pour les années 2012 et 2013 alors que la consolidation de M. [E] n’est intervenue qu’en mars 2018 et doit ainsi être indemnisée jusqu’à cette date ; que la perte de marge subie en 2013 doit être indemnisée ; que les mauvais résultats du commerce qui avait été ouvert à [Localité 11] précisément pour compenser la rentabilité perdue par celui de [Localité 5] du fait de l’accident est assurément en lien de causalité avec les séquelles de l’accident, et que pour l’avenir il convient de retenir une perte de chance de 17% entre 2020 et 2026, ce taux étant calqué sur celui du déficit fonctionnel permanent et appliqué à la perte moyenne annuelle de 38.000€ observée.

La MAIF sollicite la confirmation du jugement de ce chef, répondant aux contestations de l’intimée que l’expert judiciaire les a réfutées.

L’expert judiciaire [H] [G] a étudié les comptes de 2006 à 2018, pris connaissance des conclusions du docteur [X], analysé l’incidence évoquée par l’une ou l’autre des parties de la séparation puis du divorce des époux, qui travaillaient tous deux dans l’affaire jusqu’en 2011 ; du déménagement du magasin dans un autre local de la même [Adresse 12] en 2012 avec 270.000€ environ de travaux et investissements amortissables sur dix ans; du recours structurel de l’entreprise à des contrats à durée déterminée impliquant un fort taux de rotation du personnel ; des tâches accomplies personnellement par M. [E] et de celles qu’il a dû déléguer ou partager; de l’achat d’un fonds de commerce à [Localité 11] avec implantation en 2016 dans cette ville d’un nouveau magasin dont les résultats n’ont jamais atteint ceux du prédécesseur ni les objectifs prévisionnels ; de la procédure contentieuse qui a opposé pendant des années la société [E] à quatre salariés qui ont obtenu sa condamnation définitive à leur verser des indemnités pour licenciement abusif en 2016 ; et de l’écho dans la presse de sa condamnation pénale pour harcèlement de salariés.

Il conclut qu’il est difficile de démontrer une corrélation entre l’accident et la baisse de chiffre d’affaires de la société, indiquant que l’activité du magasin de [Localité 5] avait baissé de façon importante avant l’accident sur les exercices 2010 à 2012 ; que le déménagement dans la même rue est intervenu dans ce contexte, et a engendré d’importants frais d’aménagement, de déspécialisation du fonds exploité dans les nouveaux locaux et de loyer ; que le litige prud’homal avec les quatre salariés licenciés a sans doute eu un impact négatif sur l’exploitation; que le chef d’atelier est passé d’un mi-temps à un plein-temps pour suppléer l’absence ou la moindre activité de M. [E] ; que le volume des heures de travail d’apprentis, catégorie la moins onéreuse, a augmenté de façon importante ; que le chiffre d’affaires revendeurs à baissé; que l’accroissement de la masse salariale de 27% constaté sur la période de 2013 à 2017 peut correspondre au besoin de compléter l’activité de M. [E] ; que le niveau inférieur aux prévisions du chiffre d’affaires réalisé dans la boutique de [Localité 11] ne peut être rattaché par un lien de causalité avéré à l’accident.

Il a retraité les comptes pour intégrer ces éléments.

Il a tenu compte de l’allégement financier que constituait, pour la société, la prise en charge par l’assureur personnel de M. [E] de sa rémunération et de la charge de remboursement de son emprunt professionnel.

Il maintenu ses conclusions en réponse à deux dires de contestation, auxquels il a répondu en indiquant que la baisse de chiffre d’affaires était sensible depuis les deux exercices précédant l’accident ; que le chiffre d’affaires n’a pas enregistré de diminution pendant l’absence pour maladie de [O] [E] du 24 novembre 2012 au 4 août 2013 ; que la production et le taux de résultat/chiffre d’affaires a augmenté en 2016 soit avant la consolidation ; que le chiffre d’affaires revendeur baisse sensiblement à compter de 2013 puis rebondit en 2016 avec ensuite à nouveau une baisse ; que le prévisionnel de vente des bijoux ‘Loupidou’ a été atteint dans la boutique de [Localité 5] alors qu’il ne l’a jamais été dans celle de [Localité 11].

Il estime difficile d’affirmer une corrélation entre l’accident et la baisse de chiffre d’affaires au vu des variations connues par celui-ci, de l’incidence des litiges prud’homaux ; il justifie sa position de ne pas retenir le surcoût salarial comme un préjudice pérenne par son retraitement de la variation de la masse salariale prenant en compte l’indice d’évolution des salaires ; il oppose que le niveau du prédécesseur à [Localité 11] n’ayant jamais été atteint à aucun moment, le lien de causalité avec l’accident n’est pas avéré.

Ces conclusions, argumentées, sont convaincantes ; elles ne sont pas réfutées ; elles ont été entérinées à bon droit par le premier juge, dont la décision sera ainsi confirmée en ce qu’elle chiffre à 230.000 euros le préjudice subi par la société [E] Joaillier.

* sur les sommes à payer

Compte-tenu de la limitation du droit à réparation de la victime retenue par la cour, la MAIF sera, par infirmation du jugement entrepris, condamnée à payer en deniers ou quittances

.à M. [O] [E] : (122.584,97€ x 50%) = 61.292,48€

.à la société [E] Joaillier : (230.000€ x 50%) = 115.000€.

Les provisions versées sont à déduire de ces sommes.

* sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens ne sont pas discutés, y compris en ce qu’ils y incluent les frais de conseil exposés pour les expertises par M. [E] et par la société [E] Joaillier.

En cause d’appel, au vu du sens du présent arrêt, chaque partie conservera la charge de ses dépens, sans indemnité de procédure.

La décision est commune et opposable à la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :

INFIRME le jugement entrepris sauf en ses chefs de décision afférents aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile

statuant à nouveau :

DIT la MAIF recevable à arguer d’une limitation du droit à réparation de la victime

DIT que M. [O] [E] a commis une faute de conduite qui limite de moitié son droit à réparation des conséquences dommageables de l’accident dans lequel il a été blessé le 24 novembre 2012, comme celui de la victime par ricochet la SARL [E] Joaillier

FIXE ainsi le préjudice de M. [O] [E]

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

.dépenses de santé actuelles : 1.597,37€

.frais divers restés à charge : 4.450€

.assistance temporaire tierce personne : 1.962,60€

° permanents :

.incidence professionnelle : 35.000€

.¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

.déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 12.975€

.souffrances endurées : 22.000€

.préjudice esthétique temporaire : 1.000€

° permanents :

.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 30.600€

.préjudice esthétique permanent : 3.000€

.préjudice d’agrément : 10.000€

CONDAMNE la société MAIF Assurances à payer à [O] [E] en deniers ou quittances la somme de 61.292,48€ dont sont à déduire les provisions versées

CONDAMNE la société MAIF Assurances à payer à la SARL [E] Joaillier en deniers ou quittances la somme de 115.000€

y ajoutant :

REJETTE toutes demandes autres ou contraires

DÉCLARE le présent arrêt commun à la CPAM du Rhône

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel

REJETTE les demande fondées sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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