La Sas Chocolaterie A. [N] a souhaité construire un bâtiment pour l’entreposage et la fabrication de confiseries, engageant la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels en avril 2016 pour un montant total de 1.054.829,28 euros. Les travaux ont commencé en juillet 2016, mais des retards et des désaccords sur les factures ont conduit la Chocolaterie à demander des pénalités de retard. En avril 2018, un constat d’huissier a été dressé avant la réception des travaux, et la Chocolaterie a assigné la société de construction en justice pour obtenir des réparations et la reprise des travaux. Le tribunal de commerce a rendu un jugement en janvier 2023, déboutant la Chocolaterie de ses demandes et résiliant le contrat, tout en condamnant la Chocolaterie à payer des sommes à la société de construction. La Chocolaterie a interjeté appel, demandant la reconnaissance de la réception des travaux avec réserves et la responsabilité décennale de la société de construction pour des désordres constatés. La société de construction a contesté ces demandes, invoquant des défauts de paiement de la Chocolaterie. La société d’assurance L’Auxiliaire a également été impliquée, contestant la compétence du tribunal. En appel, la cour a constaté la réception des travaux avec réserves, reconnu certains désordres comme relevant de la garantie décennale, et a condamné la société de construction et l’assureur à indemniser la Chocolaterie pour des désordres et des pénalités de retard, tout en ordonnant une expertise pour évaluer d’autres préjudices.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C8
Minute N°
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY
la SELARL CABINET EZINGEARD MAGNAN
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024
Appel d’un jugement (N° RG 2020J00165)
rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 25 janvier 2023
suivant déclaration d’appel du 13 mars 2023
APPELANTE :
Société CHOCOLATERIE A. [N] inscrite au RCS du Tribunal de Commerce de ROMANS-SUR-ISERE sous le numéro : 500 777 446, prise en la personne de son dirigeant en exercice, Mme [C] [N]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me GIRAUDON, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
S.A.S. BONHOMME BATIMENTS INDUSTRIELS au capital de 773 537,80 euros, immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le n°421 881 566, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée et plaidant par Me Valérie EZINGEARD de la SELARL CABINET EZINGEARD MAGNAN, avocat au barreau de VALENCE
L’AUXILIAIRE inscrite au RCS de [Localité 8], prise en la personne de ses représentants légaux en exercices domiciliés en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée et plaidant par Me KUDELKO, avocat au barreau de VALENCE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière,
A l’audience publique du 30 mai 2024, Mme FIGUET, Présidente, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure
Souhaitant construire un bâtiment alimentaire pour l’entreposage de matières premières et la fabrication de confiseries et de chocolats à [Localité 7] (26), la Sas Chocolaterie A. [N] a rédigé le 15 février 2015 un cahier des charges définissant ses besoins et ses attentes.
Le 12 avril 2016, la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels s’est engagée en tant que contractant général à réaliser les travaux moyennant un prix global et forfaitaire de 852.069,12 euros Ttc au titre de l’immobilier et de 202.760,16 euros Ttc au titre des équipements. Le délai d’exécution était fixé à 6 mois dont 2 semaines de préparation, la date de départ du délai contractuel étant fixée à la date de signature du marché. Les modalités de paiement étaient fixées à 30% d’avance de démarrage à la signature du marché et le solde sur situations mensuelles d’avancement.
Les parties ont signé le 12 avril 2016 le cahier des clauses administratives particulières.
Les travaux ont débuté en juillet 2016.
Par courrier des 27 février et 3 avril 2018, la Sas Chocolaterie A. [N] indiquait à la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels que les factures adressées ne correspondaient pas à l’état d’avancement des travaux et demandait en outre la déduction des pénalités de retard compte tenu du retard pris dans la réalisation du chantier.
Le 6 avril 2018, la Sas Chocolaterie A. [N] a fait dresser un procès-verbal de constat par la SCP Hernandez – Saint Macary – [O], huissiers de justice, en vue de procéder aux opérations préalables à la réception du bâtiment.
Après une première mise en demeure de payer deux factures d’un montant respectif de 37.903,92 euros Ttc et de 91.937,22 euros TTC adressée le 27 mars 2018, la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels s’est prévalue par courrier du 30 avril 2018 de l’exception d’inexécution et a indiqué suspendre toute intervention sur le chantier.
Sur l’assignation délivrée par la Sas Chocolaterie A. [N], le juge des référés du tribunal de commerce de Romans sur Isère a ordonné le 12 juin 2018 une mesure d’expertise.
L’expert a remis son rapport le 11 mai 2019.
Par acte d’huissier du 25 août 2020, la Sas Chocolaterie A. [N] a assigné la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels et la société L’Auxiliaire devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère en indemnisation et reprise des travaux.
Par jugement du 25 janvier 2023, le tribunal de commerce de Romans sur Isère:
– s’est dit compétent pour traiter des demandes dirigées contre la société d’assurances mutuelles l’Auxiliaire,
– a débouté la Sas Chocolaterie A. [N] de l’ensemble de ses demandes,
– a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de construction liant la Sas Chocolaterie A. [N] et la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
– a condamné la Sas Chocolaterie A. [N] à verser à la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels la somme de 164.020,41 euros Ttc tenant compte des travaux réalisés, des travaux de reprise et de finition ainsi que des pénalités de retard,
– a dit n’y avoir lieu à versement de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– a condamné la Sas Chocolaterie A. [N] aux entiers dépens.
Par déclaration du 13 mars 2023, la Sas Chocolaterie A. [N] a interjeté appel de ce jugement en l’ensemble de ses dispositions sauf en ce qu’il s’est dit compétent pour traiter des demandes dirigées contre la société d’assurances mutuelles l’Auxiliaire.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 16 mai 2024.
Prétentions et moyens de la Sas Chocolaterie A. [N]
Dans ses conclusions remises le 30 avril 2024, elle demande à la cour de:
In limine litis:
– rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’Auxiliaire tirée de l’incompétence du tribunal de commerce au visa de l’article 90 du code de procédure civile,
Sur le fond:
– débouter la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels et la société L’Auxiliaire de leur appel incident et de toutes leurs prétentions,
– réformer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau:
A titre principal,
– juger que les parties ont entendu prononcer la réception des travaux avec réserves au 6 avril 2018,
– juger que les travaux sont affectés de désordres de nature décennale qui engagent la responsabilité de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
– juger que c’est à bon droit que la Sas Chocolaterie A. [N] a opposé l’exception d’inexécution pour refuser les paiements sollicités par la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
– condamner en conséquence la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels à payer à la Sas Chocolaterie A. [N] les sommes ci-après sauf à parfaire et compléter:
* 168.311,04 euros au titre du trop versé suite à surfacturation de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
* 162.300, 00 euros au titre des pénalités de retard,
* 543.679 euros ht au titre des travaux de reprise,
* 64.700 euros ht au titre de la mission de maîtrise d’oeuvre,
* 2.119.328 euros au titre des préjudices immatériels,
– condamner la société L’Auxiliaire, assureur décennal, solidairement avec son assuré au paiement des mêmes sommes,
A titre subsidiaire, si la cour juge qu’il n’y a pas eu réception, ou que les désordres réservés à la réception ne relèvent pas de la responsabilité décennale:
– juger que la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels est responsable des désordres constatés par l’expert dans son rapport du 11 mai 2019,
– prononcer la résiliation du marché aux torts exclusifs de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
– juger que c’est à bon droit que la Sas Chocolaterie A. [N] a opposé l’exception d’inexécution pour refuser les paiements sollicités par la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
– condamner en conséquence la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels à payer à la Sas Chocolaterie A. [N] les sommes ci-après sauf à parfaire ou compléter:
* 168.311,04 euros au titre du trop versé suite à surfacturation de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
* 300 euros par jour à compter du 12 octobre 2016 jusqu’à la date de résolution du contrat,
* 543.679 euros ht au titre des travaux de reprise,
* 64.700 euros ht au titre de la mission de maîtrise d’oeuvre,
* 2.119.328 euros au titre des préjudices immatériels,
– condamner la société L’Auxiliaire solidairement avec son assuré au paiement des mêmes sommes,
En toutes hypothèses,
– condamner la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels solidairement avec son assureur, la société L’Auxiliaire, à payer à la Sas Chocolaterie A. [N] une somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel qui comprendront ceux de l’expertise et du référé.
Sur l’exception d’incompétence, elle observe que la cour d’appel étant juridiction d’appel à la fois du tribunal de commerce et du tribunal judiciaire, elle demeure saisie du fond du litige en application de l’article 90 du code de procédure civile, que l’exception de compétence doit donc être rejetée.
Elle fait valoir que:
– le marché à forfait interdit tous travaux supplémentaires qui n’ont pas donné lieu à un avenant et en conséquence le tribunal ne pouvait condamner le maître de l’ouvrage au paiement d’une somme intégrant des travaux supplémentaires sans preuve que ceux-ci ont été préalablement et expressément acceptés,
– il résulte du devis descriptif des travaux immobiliers qu’a été facturée une prestation de maîtrise d’oeuvre incluant la coordination, le pilotage et le suivi technique ou administratif et en conséquence la coordination était indéniablement à la charge de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels, contractant général, le contrat incluant bien des prestations relevant de la maîtrise d’oeuvre,
– le cahier des charges du maître de l’ouvrage prime sur les termes généraux de la norme AFNOR, tant le cahier des charges que le CCAP établi par la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels ne plafonnent pas le montant des pénalités de retard, il s’en déduit donc une volonté claire et non équivoque de s’affranchir de la norme sur ce point, les pénalités de retard ont donc couru jusqu’à la réception constatée par huissier le 6 avril 2018 ou subsidiairement jusqu’à la résolution judiciaire du contrat, le jugement doit donc être réformé puisqu’il a retenu un montant de pénalités plafonné.
Sur l’exception d’inexécution, elle relève que:
– il a été admis que des désordres ou malfaçons affectant des travaux non réceptionnés légitiment parfaitement un refus du maître d’ouvrage de régler les situations de travaux,
– en raison des retards considérables, des surfacturations mises en évidence par l’expertise des désordres très importants affectant les travaux et du fait que les factures ne tenaient pas compte des acomptes versés, elle était fondée à opposer une exception d’inexécution pour s’opposer aux réglements des situations n°4,
– le retard de chantier est totalement imputable à la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels et contrairement à ce qu’affirme le contractant général, il n’a jamais été convenu de différer certains travaux et les conditions météorologiques n’empéchaient pas la réalisation des travaux,
– les désordres étaient avérés à la date du 6 avril 2018 et ont été confirmés par l’expertise qui en a confirmé la gravité,
– la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels ne peut arguer du prétendu non paiement du maître de l’ouvrage pour justifier de travaux mal exécutés,
– l’expert a établi une surfacturation de 196.199,61 euros au regard de l’état d’avancement du chantier, la somme de 302.946,61 euros proposée par l’expert intègre des plus-value qui ne sont pas dues au regard du caractère forfaitaire du marché et correspond à ce qui aurait été dû si les travaux avaient
été achevés et les désordres repris,
– tant la surfacturation que la mauvaise exécution des travaux justifiaient l’exception d’inexécution du maître d’ouvrage,
– en outre, les travaux réalisés ne respectent pas le permis obtenu, ni dans l’implantation du bâtiment par rapport aux limites de propriété, ni dans son altimétrie.
Sur la responsabilité décennale, elle fait observer que:
– elle n’a nullement refusé la réception mais en a sollicité le report au 6 avril 2018,
– elle s’opposait simplement à une réception sans réserve et si dans ses écritures maladroites, elle a évoqué une réception refusée, il fallait entendre que le bâtiment ne pouvait être réceptionné en l’état sans réserves,
– le constat d’huissier du 6 avril 2018 listant les désordres et malfaçons en présence des deux parties doit être considéré comme un procès-verbal de réception avec réserves, la remise des DOE ayant été attestée en annexe du constat, les parties ont ainsi entendu constater la réception des travaux,
– les désordres 2, 3, 5 et 7 sont clairement de nature décennale au vu de l’expertise,
– les désordres 4, 6, 8, 9 et 10 rendent l’ouvrage impropre à sa destination convenue,
– les réserves qu’elle a fait consigner dans le constat d’huissier qui étaient pour elle des défauts d’aspect révélaient en réalité des défauts de structure ou de solidité dont elle ignorait l’ampleur et qui ont été mis en évidence par l’expert,
– la responsabilité décennale de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels est donc engagée.
Subsidiairement, sur la responsabilité contractuelle, elle souligne que:
– il est constant que les ouvrages réalisés ne sont conformes ni au cahier des charges, ni aux règles de l’art, les défauts d’exécution étant importants et l’entreprise ayant défailli dans le pilotage et la coordination des travaux,
– il appartenait à la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels avant de s’engager de solliciter un complément d’information ou de demander l’intervention d’un maître d’oeuvre si elle estimait ne pas être en mesure de déterminer le contenu exact des travaux à réaliser,
– en outre, en l’absence de maître d’oeuvre, l’entrepreneur à une obligation de conseil renforcée.
Dans le cas où il est considéré que les travaux n’ont pas fait l’objet d’une réception, elle rappelle que l’entreprise est tenue à une obligation de résultat et doit reprendre les désordres qui affectent ces travaux ou les indemniser.
Sur la résolution du marché dans l’hypothèse où il n’est pas constaté la réception des travaux, elle fait valoir que cette résolution doit être prononcée aux torts de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels en raison du retard dans l’exécution des travaux, de l’absence totale de reprise des désordres, de la gravité des désordres, de l’inertie de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels et des surfacturations.
Sur les préjudices, elle fait remarquer que:
– l’estimation de l’expert s’agissant de la reprise des désordres (115.772 euros ht) est très insuffisante, que la nouvelle consultation qu’elle a fait réaliser fait ressortir un montant de travaux de 543.679 euros ht outre des honoraires d’architecte pour 64.700 euros ht et la somme de 2.860 euros pour régulariser un nouveau permis,
– elle a subi un préjudice commercial comprenant une perte de commande, une perte d’opportunités et une perte de productivité, un préjudice de jouissance, des frais d’huissier, un impact fiscal et des pertes de subventions,
– la société L’Auxiliaire ne peut lui reprocher de ne pas l’avoir appelée en la cause au stade du référé dès lors que l’assureur a eu la possibilité de discuter les conclusions du rapport d’expertise dont le but est d’établir la réalité et l’étendue de la responsabilité de son assuré,
– si la cour estime que malgré l’exhaustivité de sa pièce n° 23, celle-ci n’est pas suffisante, il y a alors lieu d’ordonner une expertise financière.
Sur le compte entre les parties, elle relève que selon qu’il existe une réception ou pas, la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels doit être condamnée à lui payer la somme de 330.611 euros ou 168.311,04 euros.
Enfin, elle fait observer que la garantie de la société L’Auxiliaire est due soit au titre de la garantie décennale dans l’hypothèse d’une réception, soit au titre de la garantie de la responsabilité civile contractuelle pour erreur d’implantation et dans le cadre d’une mission de coordination.
Prétentions et moyens de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels
Dans ses conclusions remises le 30 avril 2024, elle demande à la cour de:
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Romans sur Isère le 25 janvier 2023 en ce qu’il a :
* dit et jugé que la Sas Chocolaterie A. [N] était mal fondée dans sa demande de mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
* débouté la Sas Chocolaterie A. [N] de l’ensemble de ses demandes,
* prononcé la résiliation judiciaire du contrat de construction liant la Sas Chocolaterie A. [N] et la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
Pour le surplus,
– condamner la Sas Chocolaterie A. [N] à régler la somme de 358.193,92 euros au titre du solde du chantier,
Subsidiairement,
-limiter le montant des condamnations pouvant être prononcées à l’encontre de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels à la somme de 115.772 euros ht (138 926,40 euros ttc) au titre des travaux de reprise des désordres et 55.247,31 euros au titre des pénalités de retard,
-ordonner la compensation entre les sommes dues par la Sas Chocolaterie A. [N] à la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels au titre du solde du chantier et le montant pouvant être dû au titre du coût des travaux de reprise et des pénalités de retard,
– condamner la Sas Chocolaterie A. [N] à régler la somme de 164.020,41 euros à la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
En toute hypothèse,
– statuer ce que de droit sur la demande formée par la Sas Chocolaterie A. [N] en condamnation solidaire de la société L’Auxiliaire,
– rejeter le surplus des demandes formées par la Sas Chocolaterie A. [N],
– rejeter la demande d’article 700 formée par la société L’Auxiliaire,
– condamner la Sas Chocolaterie A. [N] à régler la somme de 10.000 euros à la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens.
Elle expose que:
– elle a soulevé l’exception d’inexécution au regard du défaut de paiement de la Sas Chocolaterie A. [N] et a suspendu toute intervention sur le chantier,
– si la Sas Chocolaterie A. [N] invoque aussi l’exception d’inexécution pour s’opposer à son obligation de paiement, elle n’a cependant notifié aucune exception d’inexécution et dans son courrier du 27 février 2018, elle n’a nullement évoqué les délais d’exécution du chantier, les désordres et non conformités, la surfacturation et les erreurs d’implantation du bâtiment pour s’opposer au paiement,
– les faits invoqués dans le courrier du 27 février 2018, à savoir le fait que les situations ne correspondent pas aux travaux réalisés et ne tiennent pas compte des acomptes versés à hauteur de 30% et la nécessité de déduire les pénalités de retard ne pouvaient justifier un défaut de paiement,
– elle n’avait pas à déduire le montant de l’acompte de 30%, l’acte d’engagement prévoyant que cet acompte devait être déduit des situations mensuelles entre 70 et 80% alors qu’en l’espèce, les situations faisaient état d’un état d’avancement de 45% et 55%,
– aucune plus-value n’étaient incluse dans ses factures d’avancement des travaux en date du mois de janvier 2018, la facturation d’un avancement à 45% et 55% était bien moindre que l’avancement réel du chantier ainsi que cela ressort de l’expertise,
– les pénalités de retard sont traitées en fin de chantier et n’avaient pas à être déduites des situations de travaux,
– le défaut de paiement étant avéré et grave, il justifie la résiliation du contrat à la date du 30 avril 2018,
– en raison de l’exception d’inexécution et de la résiliation du contrat, la Sas Chocolaterie A. [N] est mal fondée à solliciter la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels en raison des travaux non réalisés et des désordres non repris.
Sur les demandes de la Sas Chocolaterie A. [N], elle relève que:
– le maître d’ouvrage reconnaît dorénavant qu’une telle réception est effectivement intervenue le 6 avril 2018 avec réserves dénoncées à l’entreprise le 24 avril 2018,
– toutefois, les désordres réservés ne peuvent relever de la responsabilité décennale,
– en outre, l’expert n’a retenu l’impropriété à la destination ou l’atteinte à la solidité de l’ouvrage que pour certains désordres,
– en conséquence, aucune responsabilité décennale ne peut être retenue pour les désordres réservés ou considérés comme n’affectant ni la solidité de l’ouvrage, ni ne rendant l’immeuble impropre à sa destination,
– sur la responsabilité contractuelle, le contractant général n’est pas nécessairement chargé d’une mission complète de maîtrise d’oeuvre, sa mission était limitée à l’ordonnancement, au pilotage et à la coordination et n’incluait pas une mission de direction des travaux, aucun manquement à une obligation de conseil ne peut lui être reproché,
– les retards dans l’exécution du chantier sont liés en grande partie aux incertitudes de la Sas Chocolaterie A. [N] qui entendait valider chaque phase et chaque matériel en prenant un temps très long pour ce faire,
– les plus-values afférentes au marché correspondent à des prestations supplémentaires sollicitées par la Sas Chocolaterie A. [N] ou à des matériaux différents de ceux devisés, elles ne sont pas liées à une erreur d’évaluation ou d’erreur de prise en compte de prestation à réaliser,
– il ne peut lui être reproché des non finitions dès lors que le contrat est résolu.
Sur la résolution du marché sollicitée par la Sas Chocolaterie A. [N], la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels souligne que:
– une telle demande ne peut aboutir lorsque l’inexécution reprochée est la conséquence de la propre faute du demandeur à la résiliation,
– dès lors qu’elle a soulevé une exception d’inexécution pour défaut de paiement et suspendu toute intervention, l’appelante ne peut à l’appui de sa demande de résolution invoquer des éléments ressortant de la suspension de toute intervention,
– le retard dans le chantier est largement imputable au maître d’ouvrage et se traite par des pénalités de retard et aucune demande de résolution ne peut être formée à ce titre,
– l’ensemble des autres éléments invoqués sont postérieurs à la réception du chantier et en toute hypothèse à l’invocation de l’exception d’inexécution,
– en outre, à l’exception d’une infiltration, les autres désordres sont mineurs.
Sur les préjudices invoqués par la Sas Chocolaterie A. [N], elle relève que:
– il lui appartenait de souscrire une assurance dommage ouvrage pour financer les travaux de reprise,
– elle n’a nullement pris possession des locaux pour faire réaliser les travaux de reprise,
– dès lors, l’ensemble des préjudices commerciaux et troubles de jouissance ne peuvent lui être imputés,
– en outre, ces préjudices ne sont pas justifiés
– sur les travaux de reprise, la Sas Chocolaterie A. [N] n’a pas contesté l’estimation effectuée par l’expert, ni proposer ses propres devis, elle est donc mal fondée à prétendre que les travaux de reprise et d’achèvement sont d’un montant six fois supérieur à celui retenu par l’expert,
– l’expert judiciaire a déjà retenu des frais de maîtrise d’oeuvre dans son montant de reprise,
– la somme de 302.946,61 euros a été calculée par l’expert au regard de l’état d’avancement du chantier et après prise en compte des travaux non réalisés,
– la Sas Chocolaterie A. [N] est mal fondée à lui réclamer des travaux non réalisés alors qu’ils n’ont pas été facturés,
– s’agissant des pénalités de retard , le cahier des clauses administratives particulières prévoit qu’il est soumis à la norme AFNOR P 03-001 qui limite le montant des pénalités à 5% du montant du marché,
– le cahier des charges rédigé par le maître d’ouvrage ne constitue pas le marché conclu entre les parties,
– l’acte d’engagement qui prévaut sur les autres actes mentionne qu’il est conclu suivant la forme AFNOR P 03-001, le 2ème acte par ordre de priorité est constitué du CCAP également soumis à la norme AFNOR,
– aucune dérogation n’a été prévue par les parties concernant le plafonnement du montant des pénalités,
– le décompte de l’expert prend en compte les pénalités de retard à hauteur de la somme plafonnée, soit 55.247,11 euros,
– en outre, la Sas Chocolaterie A. [N] ayant suspendu son paiement, elle est mal fondée à invoquer des pénalités de retard depuis la notification de l’exception d’inexécution
Prétentions et moyens de la société L’Auxiliaire
Dans ses conclusions remises le 26 avril 2024, elle demande à la cour de:
A titre principal,
– réformer le jugement rendu le 25 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Romans sur Isère en ce qu’il a retenu la compétence de la juridiction consulaire,
– réformer le jugement rendu en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure,
Statuant de nouveau,
– constater que la compagnie l’Auxiliaire est une société mutuelle
– se déclarer incompétente au profit du tribunal judiciaire de Valence pour ce qui concerne l’action dirigée contre la société L’Auxiliaire,
– condamner la Sas Chocolaterie A. [N] à payer à la société L’Auxiliaire la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de 1ère instance et d’appel,
– confirmer pour le reste le jugement rendu en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire,
– juger l’appel de la Sas Chocolaterie A. [N] recevable mais non fondé,
– juger que la Sas Chocolaterie A. [N] n’a pas respecté le principe du contradictoire en n’appelant pas en cause la société L’Auxiliaire à l’expertise judiciaire de M. [G],
– juger que les demandes de
* juger que les parties ont entendu prononcer la réception des travaux avec réserves au 6 avril 2018,
* juger que les travaux sont affectés de désordres de nature décennale qui engagent la responsabilité de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels,
sont des demandes nouvelles irrecevables,
– juger qu’en l’absence de réception, la garantie décennale du contrat de la société L’Auxiliaire ne saurait être mobilisée ;
– juger que si la réception devait être prononcée, les désordres dénoncés devront être considérés comme apparents et réservés, de telle sorte que la garantie décennale de la société L’Auxiliaire n’est pas due,
– juger les demandes de la Sas Chocolaterie A. [N] sur l’article 1147 du code civil prescrites contre la société L’Auxiliaire,
– juger que les désordres allégués ne sont susceptibles de mobiliser aucune garantie de la société L’Auxiliaire au regard des conditions générales et spéciales,
– débouter la Sas Chocolaterie A. [N] de toutes demandes qui seraient formulées à l’encontre de la société L’Auxiliaire,
– juger opposable à la Sas Chocolaterie A. [N] et à la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels les franchises et les plafonds mentionnés au contrat de la société L’Auxiliaire: 1.400.000 € au titre des dommages immatériels et 160.000 euros au titre de l’erreur d’implantation,
A titre infiniment subsidiaire,
– limiter la garantie de la société L’Auxiliaire à la reprise des désordres qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination, soit les désordres 2, 3, 5 et 7 tels que chiffrés par l’expert judiciaire, à indexer à l’indice du BT 01 à la date de l’arrêt,
– débouter la Sas Chocolaterie A. [N] de toutes demandes plus amples ou contraire formulées à l’encontre de la société L’Auxiliaire,
Dans tous les cas,
– condamner tout succombant à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner tout succombant à supporter les entiers dépens de 1ère instance et d’appel sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur l’incompétence, elle fait valoir qu’étant une société d’assurances mutuelles, elle a un objet non-commercial et ne peut donc être attraite devant la juridiction commerciale, que le litige doit donc être renvoyé devant le tribunal judiciaire de Valence.
Par ailleurs, elle fait observer que la Sas Chocolaterie A. [N] a méconnu le principe du respect des droits de la défense en n’appelant pas en temps utile la société L’Auxiliaire pour participer à l’expertise judiciaire sur laquelle elle fonde en partie ses demandes, qu’en conséquence ce rapport lui est inopposable.
En outre, elle expose que les demandes présentées par la Sas Chocolaterie A. [N] en cause d’appel, à savoir ‘Juger que les parties ont entendu prononcer la réception des travaux avec réserves au 6 avril 2018 – Juger que les travaux sont affectés de désordres de nature décennale qui engage la responsabilité de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels’ sont nouvelles et en contradiction avec les demandes formées en première instance à savoir ‘Dire et juger que ledît bâtiment n’est pas achevé et ne saurait être réceptionné en l’état – Dire et juger que la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels n’a pas réalisé l’intégralité du marché conclu le 12 avril 2016 entre les parties Dire et juger que les travaux de reprise et d’achèvement des travaux nécessaires à son exploitation s’élèvent à la somme de 615.557,51 euros ht’, qu’en effet, elles ne tendent pas aux mêmes fins, les premières tendant à faire juger l’absence de réception du
chantier pour obtenir la résolution du contrat aux torts de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels alors que les demandes formées en appel tendent à faire constater la réception avec réserves et la mise en jeu de la garantie décennale.
Sur la réception, elle fait remarquer que:
– aucun procès-verbal de réception n’a été formalisé à la suite des opérations de pré-réception diligentées entre les parties en la présence d’un huissier le 6 avril 2018, cette réunion n’étant pas à l’initiative du maitre de l’ouvrage,
– aucune partie ne rapporte la preuve que les DOE ont été remis le 6 avril 2018,
– aucune réception expresse n’est caractérisée,
– le maître de l’ouvrage a manifesté son refus de réceptionner l’ouvrage par le refus de payer le solde du marché,
– il n’y a pas eu de prise de possession de l’ouvrage hormis pour le stockage,
– la déclaration d’achèvement des travaux est inexistante,
– l’expert a indiqué qu’il ne semble pas envisageable de prononcer la réception des travaux au vu des désordres constatés,
– dans ses conclusions de première instance, la Sas Chocolaterie A. [N] a indiqué que les travaux sont inachevés et que le bâtiment ne saurait être réceptionné en l’état, n’étant pas fonctionnel, ce qui constitue un aveu judiciaire,
– les conditions d’une réception tacite ne sont nullement réunies en l’espèce et dès lors, la garantie décennale ne peut être mise en jeu.
Elle ajoute que la garantie décennale ne peut jouer en présence de désordres constatés avant la réception ou réservés lors de la réception, les désordres étant bien présents dans toute leur ampleur avant la réception.
Sur la garantie ‘responsabilité civile’ souscrite, elle fait remarquer que celle-ci ne peut servir à payer des travaux non exécutés par l’entreprise. Elle ajoute que la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels a déclaré le sinistre le 18 juin 2020, soit plus de deux ans après avoir eu connaissance du litige, que la Sas Chocolaterie A. [N] a assigné l’assureur le 21 août 2020, soit plus de deux ans après l’assignation en référé de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels, que les demandes sont donc prescrites.
Elle relève que les garanties nécessitent pour pouvoir être mise en jeu que les ouvrages soient réceptionnés, que les dommages incombant à l’assuré en vertu de la garantie de parfait achèvement sont exclues ainsi que les conséquences pécuniaires résultant d’un retard, qu’il en est de même des dommages matériels subis par l’ouvrage, des dépenses nécessaires à l’exécution ou à la finition du marché, qu’en conséquence elle ne doit pas sa garantie.
Sur les sommes réclamées, elle indique que le chiffrage non contradictoire des préjudices matériels proposé par la Sas Chocolaterie A. [N] ne peut être retenu, que sa carence dans la reprise des désordres ne peut être mise à la charge des parties intimées, que la demande de préjudice de jouissance fait double emploi avec le préjudice d’exploitation, que la marge calculée ne tient pas compte des frais de personnel et d’énergie, que certains préjudices invoqués (perte de commande et d’opportunités) ne sont pas certains, que le seul préjudice indemnisable est la perte de chance pour la Sas Chocolaterie A. [N] d’avoir pu augmenter son chiffre d’affaire grâce à ses nouveaux locaux.
Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.
I/ Sur l’incompétence de la juridiction consulaire à l’égard de la société L’Auxiliaire
En application de l’article L. 721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent:
– des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux,
– de celles relatives aux sociétés commerciales,
– de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Aux termes de l’article L. 322-26-1 du code des assurances, les sociétés d’assurance mutuelles sont des personnes morales de droit privé ayant un objet non commercial. Elles fonctionnent sans capital social, dans des conditions fixées, pour l’ensemble des catégories mentionnées à l’article L. 322-26-4, par décret en Conseil d’Etat.
La société l’Auxiliaire est une société d’assurance mutuelle à cotisations variables. Elle n’est donc pas une société commerciale et ne fait pas d’actes de commerce.
Elle ne relève donc pas de la compétence du tribunal de commerce et soutient à bon droit que le litige la concernant aurait dû être renvoyé devant le tribunal judiciaire de Valence.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré le tribunal de commerce de Romans sur Isère compétent pour traiter des demandes dirigées contre la société d’assurance mutuelle l’Auxiliaire.
Toutefois, en application de l’article 90 du code de procédure civile, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente.
En l’espèce, la cour est juridiction d’appel du tribunal judiciaire de Valence. En conséquence, la cour doit statuer sur le fond du litige et il n’y a pas lieu à renvoi devant le tribunal judiciaire de Valence.
II/ Sur la recevabilité des demandes
La société L’Auxiliaire sollicite que les demandes de ‘juger que les parties ont entendu prononcer la réception des travaux avec réserves au 6 avril 2018 et de juger que les travaux sont affectés de désordres de nature décennale qui engagent la responsabilité de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels’ sont des demandes nouvelles irrecevables.
En première instance, la Sas Chocolaterie A. [N] avait demandé que:
– il soit dit et jugé que le bâtiment ne saurait être réceptionné en l’état,
– il soit dit et jugé que la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels est responsable des désordres constatés par l’expert,
– elle soit notamment condamnée à lui payer diverses sommes au titre de la reprise et de l’achèvement des travaux et des pénalités de retard.
Aux termes de l’article 565 du code de procédure civile,les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Dans l’instance d’appel, la Sas Chocolaterie A. [N] demande toujours que soit reconnue la responsabilité de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels et qu’elle soit condamnée à lui payer diverses sommes au titre de la reprise des désordres et des pénalités de retard mais sur le fondement de la responsabilité décennale en retenant l’existence d’une réception.
Dès lors, seul le fondement juridique des demandes diffère et en application de l’article 565 du code de procédure civile, les demandes citées précédemment ne peuvent être considérées comme des demandes nouvelles.
III/ Sur le fond
1/ Sur la responsabilité décennale
A) Sur l’existence d’une réception
Aux termes de l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit judiciairement. Elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement.
Par courrier du 15 mars 2018, la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels a informé la Sas Chocolaterie A. [N] qu’elle souhaitait effectuer la réception des travaux le vendredi 30 mars 2018 à 10h. Elle lui a demandé dans l’hypothèse d’un empêchement, de l’avertir rapidement et de lui communiquer une date début avril.
Par courrier du 16 mars 2018, la Sas Chocolaterie A. [N] informait la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels qu’elle n’était pas disponible le 30 mars 2018 et proposait de réaliser la réception le 6 avril à 9h.
Par courrier du 3 avril 2018 adressé au conseil de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels, le conseil de la Sas Chocolaterie A. [N] lui indiquait que celle-ci fera constater lors de la réception du 6 avril les nombreux désordres, malfaçons et non-façons affectant l’ouvrage.
Ainsi qu’il en résulte du constat dressé par Me [O], huissier de justice, M. [U] [M], représentant la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels, M. [J] [N], M. [W] [N] et leur conseil, représentant la Sas Chocolaterie A. [N], et M. [P] [L], représentant le BEC [L], se sont réunis le 6 avril 2018 pour procéder aux opérations préalables à la réception concernant le bâtiment et à diverses constatations.
M. [U] [M] était muni d’un pouvoir pour procéder à la réception des travaux et signer le procès-verbal de réception ainsi que pour négocier des délais de reprise ou d’achèvement. Il a remis le 6 avril 2018 les dossiers des ouvrages exécutés ainsi que deux CD ainsi que constaté par l’huissier de justice.
L’huissier de justice a listé différents désordres et reprises à effectuer ainsi que l’absence de certaines prestations.
Le conseil de la Sas Chocolaterie A. [N] a adressé ce procès-verbal au conseil de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels le 24 avril 2018 en lui demandant de lui confirmer son accord pour effectuer les reprises et de lui communiquer un calendrier ne devant pas excéder 2 mois.
Dès lors que le procès-verbal établi par Me [O] l’a été de manière contradictoire alors que le représentant de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels était bien mandaté pour procéder à la réception, que les dossiers des ouvrages exécutés ont été remis à cette occasion, que l’huissier a procédé au relevé des réserves, le seul fait pour la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels de ne pas avoir apposé sa signature sur le procès-verbal de constat n’empêche pas l’existence d’une réception à la date du 6 avril 2018, l’article 1792-6 n’imposant pas un formalisme particulier.
Ainsi que soutenu par la Sas Chocolaterie A. [N], les parties ont bien entendu réceptionné les travaux le 6 avril 2018, cette réception étant effectuée avec les réserves mentionnées dans le procès-verbal.
Les développements de la société L’Auxiliaire sur la réception tacite faisant état de l’absence de règlement de l’intégralité du prix et de l’absence de prise de possession hormis pour du stockage sont inopérants dès lors que le procès-verbal du 6 avril 2018 constitue cette réception.
Le fait que dans ses conclusions devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère, la Sas Chocolaterie A. [N] ait évoqué l’inachèvement des travaux et l’impossibilité de réception en l’état constitue une rédaction maladroite impliquant que le bâtiment ne pouvait être réceptionné sans réserves. Cela n’exclut pas une réception d’autant qu’elle évoquait dans ses conclusions des désordres de nature décennale et l’impropriété à la destination du bâtiment.
En présence d’une réception, la responsabilité décennale de l’entrepreneur est engagée lorsque les dommages, même résultant d’un vice du sol, compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le rendent impropres à sa destination.
B) Sur les désordres
La garantie décennale ne s’applique pas aux vices faisant l’objet de réserves lors de la réception sauf si les défauts signalés à la réception ne se sont révélés qu’ensuite dans leur ampleur et leurs conséquences.
a) les infiltrations et écoulement d’eau en partie haute du bardage
L’expert a constaté des infiltrations et écoulements d’eau à l’intérieur du bâtiment provenant de la partie supérieure du bardage du long pan situé au droit de la terrassse à l’emplacement du caniveau collectant les eaux pluviales. Selon l’expert, l’origine du désordre est dû à un défaut d’étanchéité entre le caniveau d’eaux pluviales, la partie supérieure du bardage et la sous-face des bacs de couverture. Ces infiltrations dans un local industriel destiné à la fabrication de chocolats le rendent impropre à sa destination. Les réserves portées sur le procès-verbal du 6 avril 2018 ne portent pas sur ces infiltrations. Il s’agit donc d’un désordre de nature décennale.
b) les impacts multiples sur le bardage en panneau sandwiches tôle/ laine de roche
L’expert a constaté de nombreux impacts et dégradations en partie courante sur les panneaux de bardage en panneau sandwiches tôle/ laine de roche et des découpes du bardage mal réalisées au droit de plusieurs châssis. Il a relevé que les châssis ont été posés sans ossature secondaire ce qui n’est pas conforme à l’avis technique en vigueur lors du marché de travaux et compromet la solidité
de l’ouvrage. Il a également indiqué que les infiltrations d’eaux constatées à l’intérieur du bâtiment sont en relation avec la déformation des panneaux de bardage en l’absence d’ossature secondaire d’où l’existence d’une impropriété à la destination.
Si les impacts, enfoncements et rayures du bardage étaient apparents à la réception et ont été réservés, en revanche les déformations des panneaux de bardage entraînant une atteinte à la destination de l’ouvrage et une impropriété à sa destination n’ont été constatées dans toute leur ampleur et leurs conséquences que postérieurement à cette réception. Ces désordres relèvent dès lors de la garantie décennale.
c) l’absence d’étanchéité des menuiseries extérieures en aluminium
L’expert a constaté des infiltrations et écoulements d’eau à l’intérieur des locaux au niveau des menuiseries extérieures. Il a conclu que la pose des menuiseries extérieures sans ossature secondaire et l’étanchéité des chassis incomplétement réalisée sont à l’origine de ces infiltrations.
Il a aussi constaté la déformation des blocs-portes extérieurs à l’origine de la rupture de vitrages dont l’origine est un défaut de rigidité du composant et de son ossature support.
S’il est noté à la réception qu’une fenêtre présente des défauts d’habillage compromettant l’étanchéité et que deux ouvertures ne sont pas étanches en l’absence de seuil, la déformation de la structure à l’origine des infiltrations n’est apparue que postérieurement dans toute son ampleur et ses conséquences.
Ces désordres qui portent atteinte à la solidité de l’ouvrage et le rendent impropre à sa destination relèvent donc de la garantie décennale.
d) les désordres affectant l’escalier
L’expert a constaté des découpes du caillebotis métallique porteur du palier sans renfort et la discontinuité de la lisse haute du garde corps dans un angle de la terrasse ainsi que de nombreuses zones de corrosion.
Si les points de rouille et l’absence de continuité de la lisse ont été relevés à la réception et dès lors réservés, en revanche le procès-verbal ne mentionne pas l’existence d’une découpe du caillebotis sans renfort. Ce désordre n’a pu être constaté que par une analyse technique de l’expert.
Ce désordre que l’expert a pu analyser en indiquant qu’il s’agissait d’une malfaçon d’exécution affectant la solidité de l’ouvrage relève donc de la responsabilité décennale.
e) l’absence de traitement des calfeutrements au droit des pénétrations des profils ou bracons de la charpente métallique
L’expert a constaté une absence de traitement des calfeutrements et d’étanchéité à l’air. Dans son avis technique (page 12 de son rapport), il a indiqué qu’en l’état, la solidité de l’ouvrage n’est pas affecté mais que l’absence de calfeutrement et d’étanchéité à l’air s’agissant de ces points singuliers (unité de
production destinée à la fabrication de chocolats) le rend en l’état impropre à sa destination.
Comme le relève la Sas Chocolaterie A. [N], elle avait indiqué dans son cahier des charges:
‘Il est exigé qu’il ne puisse pas y avoir d’introduction de rongeur, d’oiseaux, d’insectes ou d’autres animaux dans l’épaisseur des murs cloisons et plafonds. (…)
Toutes les menuiseries, passages de gaines, cables, charpentes ainsi que leurs éléments de fixations devront être conçues pour qu’elle ne permette pas l’échange d’air, le passage ou le développement de nuisible, de moisissures, de microorganismes, d’insectes ou de rongeurs entre chacun des côtés du mur, de la cloison, du plafond, ni avec l’intérieur de celui-ci. Il sera aussi porté une attention particulière pour que tous ces éléments retiennent le moins possible la poussière.’
Ces spécifications s’expliquent par le fait qu’il s’agit d’un bâtiment de qualité alimentaire pour notamment l’entreposage de matières premières et la fabrication de chocolats et confiseries.
Dès lors, il convient de retenir une impropriété à la destination, étant précisé que cette absence de traitement des calfeutrements et d’étanchéité à l’air n’a pas été décelée à la réception dans toute son ampleur.
Ce désordre relève donc de la garantie décennale.
f) la présence de parties saillantes sur l’encadrement des menuiseries extérieures
L’expert a constaté l’existence de ces parties saillantes. Il indique que cela constitue une non conformité au cahier des charges.
Il était stipulé dans le cahier des charges qu’il devra être accordé une attention particulière au choix des matériaux et des solutions pour avoir un bâtiment de qualité qui permettra d’avoir un bon vieillissement, des conditions de travail optimales qui nécessitera un entretien minimal.
Au regard des termes du cahier des charges qui n’édictent pas une prescription particulière sur l’encadrement des menuiseries extérieures, l’atteinte à la destination n’est pas caractérisée. En tout état de cause, ce désordre était apparent à la réception. Il ne relève donc pas de la garantie décennale.
g) la fissure de la dalle de compression
L’expert a constaté une fissure d’une faible amplitude sur la dalle de compression du plancher collaborant de l’étage. Ce désordre est apparu en raison du mauvais positionnement de l’armature supérieure dans la dalle de compression. Toutefois, l’expert a indiqué que cette fissure n’est pas préjudiciable à la solidité de l’ouvrage.
Il n’est justifié d’aucune atteinte à la destination, la Sas Chocolaterie A. [N] ne démontrant pas que cette partie de la dalle située à l’étage est destinée à rester brute.
Dès lors, aucune garantie décennale n’est due au titre de ce désordre.
h) les rayures sur les vitrages des occuli et des portes de l’unité de production
L’expert a constaté ces rayures et a considéré qu’elle résultait du nettoyage de ces vitrages avec un abrasif. Il n’a évoqué ni une atteinte à la solidité de l’ouvrage, ni une impropriété à la destination. En outre, lors de la réception, il a été signalé l’existence de rayures sur les fenêtres et les vitres des hublots. Ces désordres apparents ont été réservés.
Ils ne relèvent donc pas de la garantie décennale.
i) les malfaçons d’exécution et finitions diverses
Les impacts divers, la corrosion, l’implantation de la canalisation de gaz et différentes traces ou coulures constatés par l’expert ont été réservés à la réception. Ils ne relèvent donc pas de la responsabilité décennale.
C) Sur le préjudice
a) sur la réparation des désordres
L’expert a évalué la réparation des désordres à la somme de 115.772 euros Ht de laquelle il faut déduire la somme de 2.500 euros au titre du remplacement des vitrages rayés qui ne relève pas de la garantie décennale. Cette estimation qui intègre à juste titre des frais de maîtrise d’oeuvre a été effectuée par l’expert en l’absence de tout chiffrage proposé par les parties. Elle n’a pas été contestée par les parties lors des opérations d’expertise.
Dans le cadre de l’instance, pour obtenir une indemnisation supérieure à celle évaluée à l’expert, la Sas Chocolaterie A. [N] produit plusieurs devis. Ceux-ci n’ont pas été soumis à l’expert qui seul était en mesure d’en apprécier le contenu et le coût et leur bien fondé au regard des désordres qu’il avait constatés.
En conséquence, seule sera retenue la somme de 113.272 euros telle que proposée par l’expert.
Par ailleurs, la Sas Chocolaterie A. [N] ne peut obtenir une réparation au titre des travaux non réalisés alors qu’elle ne les a pas réglés.
b) sur le préjudice immatériel
La Sas Chocolaterie A. [N] invoque un préjudice commercial, un préjudice de jouissance, les contraintes liées aux anciens locaux, des frais d’huissier, un impact fiscal et une perte de subventions pour un montant total de 2.119.328 euros.
Contrairement à ce que soutiennent les intimées, la Sas Chocolaterie A. [N] n’est pas tenue de diminuer son préjudice. Il ne peut donc lui être reprochée de ne pas avoir procédé aux travaux de reprise pour limiter son préjudice immatériel.
Toutefois, le préjudice invoqué par le maître de l’ouvrage nécessite une analyse technique portant notamment sur des pertes sur marge brute, des pertes d’opportunités, des pertes de productivité, des frais de personnel, un impact fiscal.
Les documents produits aux débats sans analyse par un expert sont insuffisants à chiffrer ce préjudice.
En conséquence, avant dire droit sur ce préjudice, il convient d’ordonner une mesure d’expertise aux frais avancés de la Sas Chocolaterie A. [N] qui y a intérêt.
2/ Sur la responsabilité contractuelle
Les désordres apparents non réservés sont couverts par la réception. Dès lors, la Sas Chocolaterie A. [N] ne peut obtenir la reprise des désordres consistant en l’existence de parties saillantes des menuiseries.
S’agissant des désordres réservés, la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur persiste jusqu’à la levée des réserves, son obligation étant de résultat.
A ce titre, il devra donc la somme de 2 500 euros ht telle qu’évaluée par l’expert.
3/ Sur la garantie de la société L’Auxiliaire
L’assureur, qui, en connaissance des résultats de l’expertise dont le but est d’établir la réalité et l’étendue de la responsabilité de son assuré qu’il garantit, a eu la possibilité d’en discuter les conclusions, ne peut, sauf s’il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu’elle lui est inopposable (3e Civ., 29 septembre 2016, pourvoi n° 15-16.342).
En l’espèce, il n’est pas justifié d’une fraude à l’encontre de la société L’Auxiliaire. Le rapport d’expertise judiciaire déposé le 11 mai 2019 lui est donc parfaitement opposable.
Par ailleurs, il ne peut être reproché à la Sas Chocolaterie A. [N] de ne pas avoir mis en oeuvre la garantie dommage ouvrage dès lors que la victime peut parfaitement agir contre l’entrepreneur et son assureur.
Enfin, la victime n’est pas tenue de diminuer son préjudice. Il ne peut donc lui être reprochée de ne pas avoir procédé aux travaux de reprise.
Assureur décennal, la société L’Auxiliaire sera condamnée in solidum avec son assuré à régler le montant des reprises des désordres décennaux.
Elle n’est pas tenue en revanche au paiement des pénalités de retard.
Dans le cadre du contrat Pyramide entreprise, la société L’Auxiliaire garantit aussi les frais nécessaires à la réparation des dommages matériels affectant après réception, les travaux et prestations exécutés par l’assuré lorsque sa responsabilité est engagée sur quelque fondement juridique que ce soit.
La société L’Auxiliaire ne peut se prévaloir utilement de la clause excluant les dépenses nécessaires à l’exécution ou à la finition du marché dès lors que les sommes dont la Sas Chocolaterie A. [N] demande le règlement correspondent à des reprises de désordres sur le fondement de la responsabilité contractuelle et non à la finition du marché.
Enfin, la société L’Auxiliaire ne peut se prévaloir de la prescription biennale à l’encontre de la Sas Chocolaterie A. [N] qui n’est pas son assuré.
La société L’Auxiliaire sera donc condamnée in solidum avec son assuré à régler le montant des reprises des désordres dans le cadre de la responsabilité contractuelle.
4/ Sur la résiliation judiciaire du contrat de construction
Dès lors que l’ouvrage a fait l’objet d’une réception, il ne peut plus être procédé à la résiliation du contrat qui s’est achevé par le constat de la réception.
En conséquence, il convient de réformer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de construction liant la Sas Chocolaterie A. [N] et la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels.
5/ Sur le paiement du prix
Il appartient au maître de l’ouvrage après réception des travaux, de payer le prix.
A) sur les travaux supplémentaires
Aux termes de l’article 1793 du code civil, lorsqu’un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main d’oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire.
En l’espèce, le marché de travaux conclu entre les parties a stipulé que les travaux seront rémunérés par application d’un prix global forfaitaire ferme actualisable suivant l’article 3.4 du CCAP.
Il s’agit donc d’un marché à forfait. Toute augmentation ou changement doit dès lors être autorisé par écrit et le prix convenu avec le maitre de l’ouvrage.
Le fait que les plus-values réclamées par la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels ne soient nullement liées à des erreurs d’évaluation ou à une erreur de prise en compte de prestation à réaliser mais résultent des améliorations liées à des travaux supplémentaires est inopérant dès lors que toute augmentation ou changement doit être autorisé et le prix convenu avec le propriétaire.
De même, le fait que le maitre de l’ouvrage se soit abstenu de former une contestation à l’envoi d’un mail faisant état de plus values n’établit pas que celui-ci a autorisé les augmentations ou changements.
En l’espèce, le seul changement autorisé par la Sas Chocolaterie A. [N] est l’acceptation de goulottes en plastique au lieu de goulottes en galva, ce changement ne pouvant entraîner qu’une moins value et non pas une plus value.
Les allégations selon lesquelles l’exécution du chantier a été très compliqué sur le plan humain ne sont assorties d’aucune offre de preuve.
Par ailleurs, le fait que la Sas Chocolaterie A. [N] ne se soit pas fait assister par un maître d’oeuvre est sans effet, l’entrepreneur étant dans ce cas tenu d’une obligation de conseil renforcée ou devant attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur la nécessité de se faire assister d’un maître d’oeuvre.
Dès lors, contrairement aux conclusions de l’expert, il ne sera pas retenu un montant de travaux supplémentaires.
B) Sur le solde dû
Le prix global forfaitaire s’élevait à 1.054.829,30 euros Ttc. L’expert a constaté qu’au regard de l’avancement des travaux, il convenait de déduire la somme de 196.199,61 euros.
La Sas Chocolaterie A. [N] a effectué des règlements pour un montant total de 746.748,34 euros Ttc.
Il reste dû par le maître de l’ouvrage la somme de 111.881,35 euros Ttc.
6/ Sur les pénalités de retard
Le marché de travaux signé par les parties a été conclu suivant la norme AFNOR P 03-001 relative aux clauses administratives générales applicables aux travaux de bâtiment faisant l’objet de marchés privés.
Le cahier des clauses administrative particulières rappelle que le marché est conclu suivant la norme AFNOR P 03-001. Il stipule au titre des pénalités de retard: ‘Lorsque le délai d’exécution des travaux est dépassé par le fait du titulaire du marché, ce dernier encourt par jour de calendaire de retard une pénalité égale à 300 euros.’
La norme AFNOR P 03-001 en son article 9.5 intitulé Primes pour avance et pénalités de retard indique:
‘Le cahier des clauses administratives particulières peut prévoir des primes pour avance d’achèvement des travaux, des pénalités de retard, ou les deux. L’avance et le retard sont déterminés en considération des délais définis à l’article 10.
Sauf stipulation différente, il est appliqué, après une mise en demeure, une pénalité journalière de 1/1000 du montant du marché.
Le montant des pénalités est plafonné à 5% du montant du marché.’
En l’espèce, le cahier des clauses administrative particulières a prévu une pénalité journalière de 300 euros, différente de celle de la norme AFNOR P 03-001 laquelle ne s’applique s’agissant du montant de la pénalité qu’à défaut de stipulation particulière. En revanche, ce cahier n’a pas dérogé au montant du plafond des pénalités.
Au demeurant, en se référant à la norme AFNOR P 03-001, le marché de travaux des parties valide nécessairement ce plafond, la norme ne prévoyant pas de stipulation différente sur ce point.
Les développements de la Sas Chocolaterie A. [N] sur la hiérachie des normes sont inopérantes en l’espèce, le marché ayant été conclu suivant la norme AFNOR P 03-001.
En conséquence, le montant des pénalités doit être plafonné à 5% du montant du marché.
Le chantier aurait dû être livré en décembre 2016. La réception est intervenue le 6 avril 2018 et les réserves n’ont pas été levées.
Le calcul des pénalités dépassant le montant du plafond, le montant des pénalités sera limité à la somme de 55.247,11 euros correspondant à 5% du montant du marché.
La Sas Bonhomme Bâtiments Industriels est donc redevable de cette somme à l’égard de la Sas Chocolaterie A. [N].
7/ Sur les mesures accessoires
Les dépens de première instance et d’appel engagés jusqu’à ce jour seront supportées in solidum par la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels et la société L’Auxiliaire.
Les intimés seront condamnées in solidum à payer la somme de 5.000 euros à la Sas Chocolaterie A. [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 25 janvier par le tribunal de commerce de Romans sur Isère en toutes ses dispositions soumises à la cour.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le tribunal de commerce de Romans sur Isère n’était pas compétent pour statuer sur les demandes dirigées contre la société d’assurance mutuelle l’Auxiliaire.
Mais dit n’y avoir lieu à renvoi devant le tribunal judiciaire de Valence, la cour d’appel de Grenoble pouvant statuer sur le fond.
Déclare recevable les demandes de ‘juger que les parties ont entendu prononcer la réception des travaux avec réserves au 6 avril 2018 et de juger que les travaux sont affectés de désordres de nature décennale qui engagent la responsabilité de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels’.
Constate que la réception des travaux avec réserves a été prononcée par les parties le 6 avril 2018.
Dit que les désordres relatifs aux infiltrations et écoulement d’eau en partie haute du bardage, aux déformation des panneaux de bardage en l’absence d’ossature secondaire, à l’absence d’étanchéité des menuiseries extérieures en aluminium, au défaut de solidité de l’escalier, à l’absence de traitement des calfeutrements au droit des pénétrations des profils ou bracons de la charpente métallique relèvent de la garantie décennale.
Dit que que les autres désordres, à l’exception du désordre apparent non réservé lié à la présence de parties saillantes sur l’encadrement des menuiseries extérieures, engage la responsabilité contractuelle de la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels.
Déclare non prescrite les demandes formées par la Sas Chocolaterie A. [N] contre la société L’Auxiliaire.
Dit que la société L’Auxiliaire doit sa garantie au titre des désordres retenus.
En conséquence,
Condamne in solidum la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels et la société L’Auxiliaire à payer à la Sas Chocolaterie A. [N] la somme de 115.772 euros au titre de la réparation des désordres.
Condamne la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels à payer à la Sas Chocolaterie A. [N] la somme de 55.247,11 euros au titre des pénalités de retard.
Déboute la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels de sa demande de résiliation du contrat de construction.
Condamne la Sas Chocolaterie A. [N] à payer à la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels la somme de 111.881,35 euros Ttc au titre du solde de marché de travaux.
Avant dire droit sur le préjudice immatériel de la Sas Chocolaterie A. [N], ordonne une expertise et désigne Madame [Z] [I] pour y procéder avec mission de:
1) convoquer contradictoirement les parties, recueillir leurs explications, prendre connaissance des éléments et des documents de la cause, les inventorier,
2) donner tous éléments pour déterminer le montant du préjudice immatériel de la Sas Chocolaterie A. [N] portant sur le préjudice commercial, le préjudice de jouissance,les contraintes liées aux anciens locaux, l’impact fiscal et les pertes de subventions,
3) faire toutes observations utiles à la soclution du litige,
Désigne le conseiller de la mise en état pour contrôler le déroulement de la mesure.
Dit que l’expert rédigera un pré-rapport, répondra aux dires des parties et dressera rapport de ses opérations pour être déposé au service des expertises avant le 15 avril 2025 en un original après en avoir adressé un exemplaire à chacune des parties en cause.
Fixe l’avance des frais d’expertise à valoir sur le montant des honoraires de l’expert à la somme de 5.000 euros qui sera consignée auprès du Régisseur d’avances et de recettes par la Sas Chocolaterie A. [N] avant le 21 octobre 2024.
Dit qu’à défaut de consignation de la provision dans le délai imparti la désignation de l’expert sera caduque.
Dit que lors de la première réunion l’expert dressera un programme de ses investigations, fixera un calendrier précis de ses opérations et évaluera d’une manière aussi détaillée que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours.
Dit que l’expert tiendra le conseiller chargé du contrôle de l’expertise informé de l’avancement de ses opérations et le saisira de toute difficulté y afférente, notamment sur les raisons d’un éventuel retard dans le dépôt du rapport.
Dit qu’à l’issue de ses opérations, l’expert adressera aux parties un projet de sa demande de recouvrement d’honoraires et débours, en même temps qu’il l’adressera au magistrat taxateur.
Dit que les parties disposeront, à réception de ce projet, d’un délai de 15 jours pour faire valoir leurs observations sur cet état de frais, que ces observations seront adressées au magistrat taxateur afin de débat contradictoire préalablement à l’ordonnance de taxe.
Dit que la présente affaire sera rappelée à l’audience de mise en état du 15 mai 2025.
Condamne in solidum la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels et la société L’Auxiliaire aux dépens de première instance et d’appel engagés jusqu’à ce jour.
Condamne in solidum la Sas Bonhomme Bâtiments Industriels et la société L’Auxiliaire à payer la somme de 5.000 euros à la Sas Chocolaterie A. [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente