Inadéquation des mentions dans une procédure d’appel : conséquences sur la validité des actes et sur les frais engagés.

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Inadéquation des mentions dans une procédure d’appel : conséquences sur la validité des actes et sur les frais engagés.

La SNC [Adresse 1] a entrepris la construction d’un ensemble immobilier à [Localité 9] et a confié la maîtrise d’œuvre à un cabinet d’architectes, avec la S.A.S. Entreprise Leroux chargée des travaux de charpente/couverture pour un montant de 230 000 euros HT. Après achèvement et réception des travaux, un litige a surgi concernant les paiements dus à l’Entreprise Leroux. Le tribunal de commerce de Paris a condamné la SNC [Adresse 1] à verser 53 926,67 euros à l’Entreprise Leroux. En mars 2021, la SNC a été placée en liquidation judiciaire, clôturée en février 2023. M. [V], associé et gérant de la société [Adresse 2], a été assigné en référé par l’Entreprise Leroux pour le paiement des dettes de la SNC. Le juge des référés a condamné M. [V] à payer diverses sommes à l’Entreprise Leroux. M. [V] a interjeté appel de cette ordonnance, demandant la nullité de l’assignation et la constatation de contestations sérieuses. L’Entreprise Leroux a contesté la déclaration d’appel et demandé la confirmation de l’ordonnance. L’ordonnance de clôture a été rendue, prononçant la nullité de la déclaration d’appel de M. [V] et le condamnant aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
23/08554
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 SEPTEMBRE 2024

N° RG 23/08554 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WIHD

AFFAIRE :

[T] [V]

C/

S.A.S. ENTREPRISE LEROUX

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 Novembre 2023 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° RG : 2023/R0022

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12.09.2024

à :

Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Maïlys GAUFFRIAU, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [T] [V]

né le 12 Décembre 1962 à [Localité 8] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2232159

APPELANT

****************

S.A.S. ENTREPRISE LEROUX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 315 105 429

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentant : Me Maïlys GAUFFRIAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 465 – N° du dossier 1918

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre SEGUIN, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La SNC [Adresse 1], maître de l’ouvrage, avait entrepris l’édification d’un ensemble immobilier situé à [Localité 9] (Val-de-Marne).

Elle a confié une mission de maîtrise d »uvre au cabinet d’architectes Elleboode, assisté par la société Concept Architecture Project, chargée de la vérification de la facturation de l’avancement des travaux.

Les travaux du lot « charpente / couverture » ont été confiés à la S.A.S. Entreprise Leroux selon un marché forfaitaire de 230 000 euros HT.

Les travaux ont été achevés et réceptionnés.

Un litige est né entre la SNC [Adresse 1] et la société Entreprise Leroux sur les droits à paiement.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 octobre 2013, la SNC [Adresse 1] a été condamnée à verser à la société Entreprise Leroux la somme en principal de 53 926, 67 euros.

Par jugement du 26 mars 2021, la SNC [Adresse 1] a été placée en liquidation judiciaire. Par jugement du 2 février 2023, la procédure de liquidation a été clôturée pour extinction du passif.

M. [T] [V] a été associé de la société [Adresse 2] depuis sa création en 2006 jusqu’au 30 octobre 2015, date à laquelle il a cédé l’intégralité de ses parts sociales à la société Eve Promotion dont il était également le gérant. Il a été également gérant de la société [Adresse 2] depuis sa création jusqu’à sa liquidation.

Par acte d’huissier de justice délivré le 5 octobre 2023, la société Entreprise Leroux a fait assigner en référé M. [V] aux fins d’obtenir principalement sa condamnation au paiement des dettes de la snc du [Adresse 1] :

en exécution du jugement du 11 octobre 2013

– 53 926,67 euros en principal majorés des intérêts de retard au taux légal à compter du 21 mai 2012,

– 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– 251,46 euros au titre des dépens de première instance,

– intérêts de retard au taux légal entre professionnel à compter du 23 octobre 2013, date de signification du jugement et majoré de 5 points à compter du 24 décembre 2013 et jusqu’à parfait paiement

en exécution de l’ordonnance du 9 novembre 2021,

– 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– 223,01 euros au titre des dépens en appel,

– intérêts de retard au taux légal entre professionnel à compter du 28 décembre 2021, date de signification de l’ordonnance et majoré de 5 points à compter du 1er mars 2023 et jusqu’à parfait paiement,

– 767,59 euros au titre des frais d’exécution,

– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 22 novembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a :

– constaté l’absence de M. [V],

– condamné M. [V] à payer à la société Entreprise Leroux, les dettes de la société SNC [Adresse 1]

* en exécution du jugement du 11 octobre 2013 :

– 53 926,67 euros en principal majorés des intérêts de retard au taux légal à compter du 21 mai 2012,

– 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– 251,46 euros au titre des dépens de première instance,

– intérêts de retard au taux légal entre professionnel à compter du 23 octobre 2013, date de signification du jugement et majoré de 5 points à compter du 24 décembre 2013 et jusqu’à parfait paiement

* en exécution de l’ordonnance du 9 novembre 2021,

– 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– 223,01 euros au titre des dépens en appel,

– intérêts de retard au taux légal entre professionnel à compter du 28 décembre 2021, date de signification de l’ordonnance et majoré de 5 points à compter du 1er mars 2022 et jusqu’à parfait paiement,

– 767,59 euros au titre des frais d’exécution,

– condamné M. [V] à payer à la société Entreprise Leroux la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de 40,66 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 22 décembre 2023, M. [V] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 février 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [V] demande à la cour, au visa des articles 873 alinéa 1 et 659 du code de procédure civile, de :

‘- prononcer la nullité de l’assignation du 5 octobre 2023 et des actes subséquents,

à titre subsidiaire,

– constater l’existence de contestations sérieuses,

– infirmer l’ordonnance du 22 novembre 2023 du tribunal de commerce de Versailles

– renvoyer la société Entreprise Leroux à mieux se pourvoir

– condamner la société Entreprise Leroux à payer à M. [T] [V] une indemnité de 2 000 euros sur le visa de l’article 700 du code de procédure civile et ainsi qu’aux entiers dépens. ‘

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Entreprise Leroux demande à la cour, au visa des articles 54, 74, 112, 114, 678, 700, 901, 905-2 et 700 du code de procédure civile et L. 622-22 et suivants du code de commerce, de :

‘à titre principal,

– constater la nullité de la déclaration d’appel

à titre subsidiaire,

– confirmer l’ordonnance des référés rendu le 22 novembre 2023 en toutes ses dispositions.

en tout état de cause,

– condamner M. [T] [V] à payer à l’Entreprise Leroux la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [T] [V] à supporter les entiers dépens.’

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de la déclaration d’appel

Se fondant sur les dispositions des articles 54 et 901 du code de procédure civile, la société Entreprise Leroux expose que la mention d’une adresse erronée de M. [V] dans sa déclaration d’appel, qui lui cause un grief puisqu’elle participe à l’organisation frauduleuse de son insolvabilité, doit entraîner la nullité de la déclaration d’appel.

M. [V] n’a pas conclu sur ce point.

Sur ce,

La nullité des actes de procédure est régie par les articles 112 et suivants du même code.

Ces dispositions distinguent les vices de forme des irrégularités de fond, qui obéissent à des régimes différents notamment qu’à l’exigence d’un grief pour celui qui l’invoque.

Selon l’article 114, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

L’article 54 du code de procédure civile dispose que ‘la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties. A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement (…).’

L’article 901 du même code prévoit quant à lui que ‘la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.(…)’

Dans sa déclaration d’appel du 22 décembre 2023 comme d’ailleurs dans ses conclusions du 13 février 2024, M. [V] mentionne comme adresse le [Adresse 5].

La société Entreprise Leroux verse aux débats la signification de l’assignation en référé de M. [V] devant le premier juge du 5 octobre 2023, dans laquelle le commissaire de justice indique ‘Je me suis rendu au [Adresse 5]. Là étant, je constate que l’intéressé n’habite plus à l’adresse indiquée. Il m’est en effet indiqué par les personnes rencontrées que le destinataire de l’acte a quitté les lieux en août 2023à la suite de la vente aux enchères de la propriété.’

L’ordonnance de référé querellée a été signifiée à M. [V] à personne le 29 janvier 2024 à l’adresse [Adresse 3] à [Localité 7].

Il apparaît donc établi que, à la date de sa déclaration d’appel, M. [V] ne résidait pas à l’adresse qu’il a indiquée, étant souligné qu’il s’explique pas sur ces points et n’a pas modifié cette adresse dans de nouvelles conclusions.

La société Entreprise Leroux démontre que M. [V] a fait preuve d’une forte résistance au paiement :

– postérieurement à la condamnation de la SNC [Adresse 1] à verser à la société Entreprise Leroux la somme en principal de 53 926, 67 euros par jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 octobre 2013 et alors qu’il était seul associé de cette société et en tant que tel responsable sur son patrimoine des dettes de la société, il a créé une société Eve Promotion afin de lui céder le 30 octobre 2015 les parts sociales de la SNC [Adresse 1] ;

– alors qu’il avait interjeté appel du jugement du 11 octobre 2013, il a été particulièrement peu diligent dans la procédure, la péremption d’instance ayant finalement été constatée le 9 novembre 2021 ;

– il n’a pas répondu à la mise en demeure du 9 février 2022 et pas davantage à la sommation de payer du 16 mai 2022.

La circonstance que M. [V] persiste à donner une adresse erronée dans ses conclusions du 13 février 2024 et ne reconnaisse pas que l’adresse à laquelle a été signifiée l’ordonnance attaquée constitue son domicile constitue un grief pour la société Entreprise Leroux dès lors que celle-ci n’a aucune certitude de pouvoir retrouver son débiteur pour exécuter l’arrêt le cas échéant.

En conséquence, il convient de prononcer la nullité de la déclaration d’appel de M. [V].

Sur les demandes accessoires

Partie essentiellement perdante, M. [V] ne saurait en outre prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d’appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Entreprise Leroux la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelant sera en conséquence condamné à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Prononce la nullité de la déclaration d’appel de M. [T] [V] ;

Condamne M. [T] [V] aux dépens d’appel ;

Condamne M. [T] [V] à verser à la société Entreprise Leroux la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


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