Imprévision contractuelle : rejet de la demande de résiliation

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Imprévision contractuelle : rejet de la demande de résiliation
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Imprévision contractuelle : rejet de la demande de résiliation

Jonction des appels de la société GreenChem France

En liminaire, la cour ordonne la jonction des appels de la société GreenChem France enregistrés sous les numéros de registre 22-08794 et 22-00326.

Par ailleurs aux termes de leurs dernières conclusions, chacune des parties a renoncé à invoquer les causes d’irrecevabilité de l’appel et des premières conclusions qu’elle a transmises, en sorte qu’il n’y a pas lieu de les discuter.

Preuve de l’imprévision

Aux termes de l’article 1195 du code civil, dans sa version applicable depuis le 1er octobre 2016, il est disposé que :

Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.

Pour voir infirmer le jugement et entendre prononcer la résilation du contrat en application de l’article 1195 précité, la société GreenChem est fondée à soutenir, en réplique aux moyens de la société BlueRoad, que l’inflation du prix de l’urée, corrélée à l’envolée des prix sur les marchés du gaz, de plus de 300 % à compter du mois d’octobre 2021, et liée à la reprise économique en sortie de la première vague de la pandémie de Covid, puis de près de 600 % à compter de février 2022, en raison de la guerre russo-ukrainienne, constitue un changement de cir-constances imprévisibles affectant le prix de vente de l’Adblue convenu au moment de la souscription du contrat, alors qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que la société GreenChem se fournit directement sur les marchés des engrais qui entrent dans la production de l’Adblue qu’elle vend.

Pour le même motif, la société GreenChem est aussi bien fondée à contester qu’elle a tacitement accepté lors de la souscription du contrat le risque de ce changement de circonstances imprévisibles.

En revanche, l’onérosité excessive de l’exécution du contrat passé avec la société BlueRoad telle qu’elle est invoquée par la société GreenChem ne peut se déduire, ni de la seule variation du prix de l’urée fournie et facturée par les sociétés Duslo et GreenChem Holding, ni a fortiori être déduite des variations de cours enregistrées sur des marchés de gros du gaz, ni enfin, de l’affirmation selon laquelle la société GreenChem vend à perte à la société BlueRoad, de sorte qu’à défaut de produire des éléments comptables et financiers de nature à caractériser cette condition de la résiliation du contrat sur le fondement de l’imprévision, la cour confirmera le jugement qui a rejeté la demande.

Dépens et frais irrépétibles

La société GreenChem France succombant à l’action, le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. Statuant de ces chefs en cause d’appel, la cour condamnera la société GreenChem France aux dépens et il est équitable de la condamner à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00326 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYMN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021052508

APPELANTE

SAS GREENCHEM FRANCE

agissant poursuites et diligences de son Président, la société GreenChem Holding B.V. sté de droit néerlandais, ayant son siège [Adresse 4] (PAYS-BAS) y domicilié

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume BLUZET, de la SELARL BALDER, avocat au barreau de Paris

INTIMEE

SAS BLUEROAD

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Charles BENATAR, avocat au barreau de PARIS, toque B0812

Ayant pour avocat plaidant Me Emilie COBIGO, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En l’absence d’opposition des parties, l’audience s’est tenue en juge rapporteur le 13 octobre 2022, devant M.Denis ARDISSON, Président de chambre ,chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré de la Cour, composée de :

M.Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

La société GreenChem France (‘la société GreenChem’), dont l’activité est ‘l’achat et la vente de toute substances, y compris le carburant et le biocarburant, destinés à réduire l’émission de gaz à effet de serre’, commercialise une solution aqueuse ‘AdBlue’ destinée à la réduction des émissions de gaz d’échappement des moteurs diesels fournie par la société Duslo, établie en Tchéquie, et qu’elle acquiert de sa société mère, la société GreenChem Holding BV, établie au Pays-Bas.

Afin de réduire la consommation de carburant de sa flotte de 55 poids-lourds et de se conformer aux normes européennnes de réduction des émissions polluantes, la société de transport de marchandises Blueroad a signé avec la société GreenChem, le 9 novembre 2020, un contrat de fourniture d’AdBlue pour une durée de trois années au prix du litre d’AdBlue de 0,23 euros hors taxes assorti d’une clause d’indexation à la hausse et à la baisse de 1 centime d’euro par litre.

Par courriel du 14 octobre 2021, la société GreenChem France a dénoncé à la société Blueroad l’inflation du prix de l’urée nécessaire à la production de l’AdBlue en raison de l’envolée du prix du gaz et a déclaré son intention de résilier le contrat sur le fondement de l’imprévision en application de l’article 1195 du code civil sauf à convenir d’une modification tarifaire.

La société Blueroad ayant refusé l’offre de révision du prix le 20 octobre, la société GreenChem l’a assignée en résiliation du contrat le 25 novembre 2021 devant le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement réputé contradictoire du 11 mars 2022, a rejeté la demande et condamné la société la société GreenChem à acquitter les dépens.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES EN APPEL :

Vu l’appel du jugement du 11 mars 2022 interjeté le 19 mai 2022 par la société GreenChem France .

Vu la requête de la société GreenChem France du 20 mai 2022 en autorisation d’assigner à jour fixe ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre du 24 mai 2022 autorisant l’assignation à jour fixe pour l’audience du 29 septembre 2022 ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 octobre 2022 pour la société GreenChem France aux fins de voir, en application des articles 920 et 960 du code de procédure civile et 1195 du code civil :

– prononcer la jonction des procédures RG 22/00326 et 22/08794,

– rejeter l’exception d’irrecevabilité des conclusions récapitulatives formulée par la société BlueRoad,

– déclarer recevable et fondé l’appel,

au fond,

– infirmer dans toutes ses dispositions le jugement,

– dire que le changement de circonstances économiques dans le milieu du secteur du gaz industriel et plus particulièrement la forte augmentation du prix de l’urée était imprévisible lors de la conclusion du contrat le 9 novembre 2020,

– dire que le changement de circonstances économiques rend excessivement onéreux l’exécution du contrat,

– dire que la société GreenChem n’a pas entendu accepter d’assumer les risques de l’imprévision,

– prendre acte que la société GreenChem a d’une part continué de remplir ses société BlueRoad soit de réviser les tarifs au-delà du seuil d’indexation soit de prononcer la résiliation du contrat,

– prendre acte du refus de la société BlueRoad malgré les propositions de la société GreenChem,

– prononcer la résiliation du contrat conclu le 9 novembre 2020 entre la société GreenChem et la société Blueroad à la date du prononcé de la décision à intervenir,

– condamner la société Blueroad au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Blueroad aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la société d’avocats en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 octobre 2022 pour la société BlueRoad aux fins d’entendre, en application des articles 917 et 960 du code de procédure civile et 1103 et 1195 du code civil :

– juger que l’augmentation du prix de l’urée n’était pas imprévisible lors de la conclusion du contrat de livraison,

– juger qu’en l’absence de changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat de livraison, aucune exécution excessivement onéreuse dudit contrat de livraison n’a lieu d’être constaté,

– juger que rien ne prouve que la société GreenChem n’a pas entendu accepter d’assumer les risques de l’imprévision,

– juger qu’en tout état de cause, les trois conditions cumulatives permettant la mise en ouvre de l’imprévision ne sont pas réunies,

– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement,

– débouter la société GreenChem de l’intégralité de ses demandes,

– prononcer la jonction des procédures RG n°2022/08794 et RG n°22/00326,

– constater en tant que de besoin que la constitution de BlueRoad est régulière, et par conséquent, que ses écritures, conclusions et pièces sont recevables devant la cour d’appel,

– ordonner la poursuite du contrat de livraison conclu le 9 novembre 2020 entre GreenChem et BlueRoad jusqu’à sa date d’échéance, soit le 9 novembre 2023, dans les conditions contractuelles prévues au jour de la signature du contrat de livraison,

– condamner la société GreenChem au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société GreenChem à supporter les entiers dépens.

* *

Appelée à l’audience du 29 septembre 2022, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 13 octobre 2022 lors de laquelle le président a prononcé la clôture de l’affaire.

SUR CE, LA COUR,

En liminaire, la cour ordonne la jonction des appels de la société GreenChem France enregistrés sous les numéros de registre 22-08794 et 22-00326.

Par ailleurs aux termes de leurs dernières conclusions, chacune des parties a renoncé à invoquer les causes d’irrecevabilité de l’appel et des premières conclusions qu’elle a transmises, en sorte qu’il n’y a pas lieu de les discuter.

1. Sur la preuve de l’imprévision

Aux termes de l’article 1195 du code civil, dans sa version applicable depuis le 1er octobre 2016, il est disposé que :

Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.

Pour voir infirmer le jugement et entendre prononcer la résilation du contrat en application de l’article 1195 précité, la société GreenChem est fondée à soutenir, en réplique aux moyens de la société BlueRoad, que l’inflation du prix de l’urée, corrélée à l’envolée des prix sur les marchés du gaz, de plus de 300 % à compter du mois d’octobre 2021, et liée à la reprise économique en sortie de la première vague de la pandémie de Covid, puis de près de 600 % à compter de février 2022, en raison de la guerre russo-ukrainienne, constitue un changement de cir-constances imprévisibles affectant le prix de vente de l’Adblue convenu au moment de la souscription du contrat, alors qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que la société GreenChem se fournit directement sur les marchés des engrais qui entrent dans la production de l’Adblue qu’elle vend.

Pour le même motif, la société GreenChem est aussi bien fondée à contester qu’elle a tacitement accepté lors de la souscription du contrat le risque de ce changement de circonstances imprévisibles.

En revanche, l’onérosité excessive de l’exécution du contrat passé avec la société BlueRoad telle qu’elle est invoquée par la société GreenChem ne peut se déduire, ni de la seule variation du prix de l’urée fournie et facturée par les sociétés Duslo et GreenChem Holding, ni a fortiori être déduite des variations de cours enregistrées sur des marchés de gros du gaz, ni enfin, de l’affirmation selon laquelle la société GreenChem vend à perte à la société BlueRoad, de sorte qu’à défaut de produire des éléments comptables et financiers de nature à caractériser cette condition de la résiliation du contrat sur le fondement de l’imprévision, la cour confirmera le jugement qui a rejeté la demande.

2. Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société GreenChem France succombant à l’action, le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. Statuant de ces chefs en cause d’appel, la cour condamnera la société GreenChem France aux dépens et il est équitable de la condamner à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Ordonne la jonction des appels de la société GreenChem France enregistrés sous les numéros de registre 22-08794 et 22-00326 ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne la société GreenChem France aux dépens ;

Condamne la société GreenChem France à payer à la société BlueRoad la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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