Impartialité et Validité des Expertises : Enjeux et Conséquences

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Impartialité et Validité des Expertises : Enjeux et Conséquences

Madame [G] [B] [U] a engagé la société ARCHITECTES TONIQUES pour la conception d’une maison sur son terrain. Les travaux d’électricité ont été confiés à la société ELECTRIC’ALL pour un montant de 33.598,60 € TTC, tandis que la société BETON PROJETE OCEAN INDIEN (BPOI) a été chargée de la conception d’une piscine pour un coût de 50.000 € TTC. Un expert judiciaire a été désigné en 2016, et son rapport a été déposé en 2018. En 2019, Madame [U] a assigné BPOI et ELECTRIC’ALL pour obtenir réparation des préjudices. Elle a ensuite assigné leurs assureurs, SMABTP et ALLIANZ IARD, en 2020 et 2021. Le tribunal a ordonné la jonction des procédures et a constaté la liquidation judiciaire d’ELECTRIC’ALL en 2023. Madame [U] a demandé des indemnités pour divers préjudices, tandis que BPOI et SMABTP ont contesté la validité du rapport d’expertise et ont demandé la nullité de celui-ci. ALLIANZ a également demandé le rejet des demandes de Madame [U]. Les parties ont été autorisées à déposer leurs dossiers, et le jugement est attendu pour août 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

27 août 2024
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
RG
19/02206
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 19/02206 – N° Portalis DB3Z-W-B7D-FI6X

NAC : 54G

JUGEMENT CIVIL
DU 27 AOUT 2024

DEMANDERESSE

Mme [U] [G] [B]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Agnès GAILLARD, de la SCP GAILLARD-SAUBERT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Dominique CARTRON, Membre de la société d’avocats CARTRON, avocat au barreau de RENNES

DEFENDERESSES

S.A.R.L. BETON PROJETE OCEAN INDIEN
Immatriculée au RCS de SAINT DENIS sous le numéro 390 384 717, prise en la personne de son gérant en exercicé
[Adresse 2]
[Localité 8]
Rep/assistant : Me Dominique LAW WAI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

LA COMPAGNIE S.A. ALLIANZ IARD
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 542 110 291, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux, prise en sa qualité d’assureur de la société BETON PROJETE OCEAN IINDIEN (BPOI)
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Sanaze MOUSSA-CARPENTIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP)
Immatriculée au RCS PARIS sous le numéro 775 684 764, représentée par son représentant légal en exercice,
Ès qualités d’assureur de la société ELECTRIC ALL.
[Adresse 5]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Guillaume jean hyppo DE GERY, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Copie exécutoire délivrée le : 27.08.2024
CCC délivrée le :
à Me Dominique CARTRON, Me Guillaume jean hyppo DE GERY, Me Agnès GAILLARD, Me Chendra KICHENIN, Me Dominique LAW WAI, Me Sanaze MOUSSA-CARPENTIER

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Sophie PARAT, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 27 Juin 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 27 Août 2024.

JUGEMENT : Contradictoire , du 27 Août 2024 , en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Sophie PARAT, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [G] [B] [U] a confié à la société ARCHITECTES TONIQUES la conception d’une maison individuelle neuve sur un terrain lui appartenant situé lotissement [Adresse 1].

Les travaux relevant du lot électricité ont été confiés à la société ELECTRIC’ALL selon un devis en date du 30 octobre 2013 pour un montant global accepté de 33.598,60 € TTC. La société ELECTRIC’ALL était assurée auprès de la Société Mutuelle d’Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics (ci-après, SMABTP).

Préalablement à la construction de sa maison, Madame [U] avait fait appel à la société BETON PROJETE OCEAN INDIEN (ci-après BPOI) pour la conception et la réalisation d’une piscine aménagée pour recevoir une personne à mobilité réduite. L’acte d’engagement, en date du 12 mars 2010, prévoyait un montant de travaux de 46.082,50 € HT, soit 50.000 € TTC.

A la demande de madame [U], par ordonnance en date du 16 juin 2016, le président du tribunal de grande instance a désigné M. [T] pour réaliser une expertise judiciaire.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 1er octobre 2018.

Par actes d’huissier de justice en date des 20 et 21 juin 2019, madame [G] [B] [U] a assigné la SARL BPOI et la SARL ELECTRIC’ALL devant le tribunal judiciaire afin de voir engager leur responsabilité au titre des inexécutions contractuelles et de voir indemniser les préjudices subis.

Par acte d’huissier de justice en date du 5 novembre 2020, elle a assigné la SA ALLIANZ IARD en intervention forcée, en sa qualité d’assureur responsabilité civile décennale et responsabilité civile professionnelle de la société BPOI.

Le juge de la mise en état a ordonné le 6 avril 2021 la jonction des deux procédures.

Puis, par acte d’huissier en date du 22 juin 2021, elle a assigné la SMABTP en intervention forcée, en sa qualité d’assureur responsabilité civile décennale et responsabilité civile professionnelle de la société ELECTRIC’ALL.

Le juge de la mise en état a ordonné le 13 décembre 2021 la jonction avec la première procédure.

Par jugement du 14 novembre 2023, le tribunal a ordonné d’office la révocation de l’ordonnance de clôture du 11 septembre 2023, constaté l’interruption de l’instance consécutive au jugement rendu le 4 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Saint-Pierre de La Réunion ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société ELECTRIC’ALL, et renvoyé la cause et les parties à l’audience de mise en état du 12 février 2024 pour que madame [G] [B] [U] justifie de la régularisation de la procédure et que les parties indiquent plus généralement les suites qu’elles entendent donner à la présente affaire.

Par ordonnance d’incident en date du 9 avril 2024, le juge de la mise en état a déclaré le désistement de madame [G] [B] [U] parfait et constaté que l’instance était éteinte par rapport à la société ELECTRIC’ALL, dit que l’instance se poursuivait entre madame [G] [B] [U] d’une part et la SARL BPOI, la SA ALLIANZ IARD et la SMABTP d’autre part et renvoyé à l’audience de mise en état électronique du 13 mai 2024 pour conclusions au fond des défendeurs.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 7 février 2024, madame [G] [B] [U] demande au tribunal de:
– lui DECERNER acte de son désistement d’instance à l’encontre de la société ELECTRIC’ALL ;
– JUGER irrecevable la demande reconventionnelle de la société ELECTRIC’ALL à voir condamner Madame [U] à lui payer la somme de 8.632,60 euros ;
– DEBOUTER la SMABTP et tout autre défendeur de leur demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire ;
– DECLARER les sociétés ELECTRIC’ALL et BPOI responsables des préjudices subis par Madame [U];
– CONDAMNER la société SMABTP à verser à Madame [U] la somme de 15.000€ au titre des travaux de reprise avec indexation sur l’indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d’expertise et la date de complet paiement ;
– CONDAMNER la société SMABTP à verser à Madame [U] la somme de 82.500€, outre la somme de 1.650,00 € mensuelle à compter du 1er novembre 2018 et jusqu’à complet paiement, avec intérêt au taux légal entre la date du dépôt du rapport d’expertise et jusqu’à complet paiement, au titre du préjudice de jouissance ;
– CONDAMNER in solidum la société ALLIANZ IARD et la société BETON PROJETE OCEAN INDIEN à verser à Madame [U] la somme de 19.262,05 € au titre des travaux de reprise, augmenté de la TVA en vigueur au moment du jugement à intervenir, outre indexation sur l’indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d’expertise et la date de complet paiement des condamnations ;
– CONDAMNER in solidum la société ALLIANZ et la société BETON PROJETE OCEAN INDIEN à verser à Madame [U] la somme de 3.655,50 € TTC au titre du dévidage de la piscine consécutif aux désordres ;
– CONDAMNER in solidum la société BETON PROJETE OCEAN INDIEN et la société ALLIANZ IARD à verser à Madame [U] la somme de 60.000,00 € avec intérêt au taux légal entre la date du dépôt du rapport d’expertise et jusqu’à complet paiement des condamnations au titre du préjudice de jouissance, outre capitalisation ;
– CONDAMNER in solidum les sociétés, SMABTP, BETON PROJETE OCEAN INDIEN et ALLIANZ IARD à verser à Madame [U] la somme de 2.004,79 € au titre des honoraires de l’expert technique ;
– DEBOUTER la société ELETRIC’ALL de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées contre Madame [U] ;
– DEBOUTER la société SMABTP de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées contre Madame [U] ;
– DEBOUTER la société BETON PROJETE OCEAN INDIEN et la société ALLIANZ IARD de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées contre Madame [U] ;
– CONDAMNER in solidum les sociétés SMABTP, BETON PROJETE OCEAN INDIEN et ALLIANZ IARD à verser à Madame [U] la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNER in solidum les sociétés SMABTP, BETON PROJETE OCEAN INDIEN et ALLIANZ IARD aux entiers dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire, et autoriser Maître Dominique CARTRON, avocat au Barreau de Rennes, à recouvrer ceux dont il a fait l’avance conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC, comprenant l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article 32 de la Loi 91-650 du 9 juillet 1990 portant réforme des procédures civiles d’exécution, conformément aux dispositions de l’article L 146-1 du code de la consommation.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que les désordres sur la piscine engagent à titre principal la responsabilité décennale de la société BPOI, et à titre subsidiaire sa responsabilité contractuelle. Elle fait également valoir que les désordres sur le bâtiment A engagent à titre principal la responsabilité décennale de la société ELECTRIC’ALL, et à titre subsidiaire sa responsabilité contractuelle. Elle fait enfin valoir que les désordres sur le bâtiment B engagent la responsabilité contractuelle de la société ELECTRIC’ALL.
En réponse au moyen tiré de la nullité du rapport d’expertise, elle soutient que ce moyen est dilatoire, puisqu’il a été soulevé par la SMABTP après avoir conclu à trois reprises, et elle considère qu’il doit être rejeté car l’expert judiciaire est certes déjà intervenu pour elle, mais dans un dossier distinct, qui concerne non sa maison – concernée par le présent litige – mais le restaurant qu’elle exploite. Elle soutient que rien dans le rapport d’expertise ne permet de remettre en cause l’impartialité de M. [T].

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 7 septembre 2023, la SARL BETON PROJETE OCEAN INDIEN demande au tribunal de:
A TITRE PRINCIPAL :
– PRONONCER la nullité du rapport d’expertise judiciaire de monsieur [T] du 1.10.2018 ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
– JUGER que les désordres relevés ne sont pas imputables à la société BETON PROJETE OCEAN INDIEN ;
– JUGER que la SARL BETON PROJETE OCEAN INDIEN n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;
– débouter en conséquence Madame [U] [G] [B] de toutes ses demandes, fins et prétentions;
A TITRE RECONVENTIONNEL :
– Condamner Madame [U] [G] [B] à verser à la SARL BETON PROJETE OCEAN INDIEN la somme de 2.500 € au titre de sa facture de mars 2015 exigible à la mise en route de la piscine;
– Condamner Madame [U] [G] [B] à verser à la SARL BETON PROJETE OCEAN INDIEN la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure -en ce compris les frais d’expertise- dont distraction au profit de Maître D. LAW-WAI qui pourra les recouvrer conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir à titre principal que l’expert, qui était déjà intervenu au soutien des intérêts de la demanderesse dans un autre litige, aurait dû se déporter.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 31 mars 2023, la SMABTP demande au tribunal de:
A TITRE PRINCIPAL
– PRONONCER la nullite du rapport d’expertise judiciaire définitif de M. [T] du 01.10.2018,
A TITRE SUBSIDIAIRE
– CONSTATER l’absence de toute réception des travaux,
– DEBOUTER la Madame [U] [G] [B] de l’integralite de ses demandes fins et pretentions a l’encontre de la SMABTP.
– CONDAMNER Madame [U] [G] [B] ou toute partie succombante a regler a la compagnie SMABTP, la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procedure, outre les entiers depens.

Au soutien de ses prétentions, la SMABTP expose que l’expert judiciaire avait précédemment dressé un rapport de constat, à la demande de madame [U], et était intervenu comme expert technique dans les intérêts de madame [U] au cours de précédentes opérations d’expertise judiciaire. Elle considère qu’il existait alors entre l’expert et la demanderesse un lien de subordination contraire à l’exigence d’impartialité prévue par l’article 237 du code de procédure civile, qui est une cause de nullité du rapport. Elle soutient que les demandes de condamnation de madame [U], qui sont toutes exclusivement fondées sur le rapport d’expertise judiciaire annulé, doivent être rejetées, le rapport n’étant corroboré par aucun autre élément de preuve.

Enfin, aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 11 octobre 2021, la compagnie SA ALLIANZ demande au tribunal de:
– DEBOUTER Madame [B] [U] [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la compagnie ALLIANZ.
– La CONDAMNER à payer à la SA ALLIANZ la somme de 3.500, 00 EUR en application de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que sa garantie n’est pas due pour les dommages relevant de la responsabilité décennale, alors que c’est le fondement principal de madame [U]. Elle fait également valoir, s’agissant des trois désordres susceptibles de mobiliser la responsabilité civile de droit commun de son assurée, que les conditions pour engager la responsabilité de la société BPOI ne sont pas réunies.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2024. Les parties ont été autorisées à déposer leur dossier au greffe le 27 juin 2024.

Les conseils des parties ont été informés que le jugement serait mis à disposition au greffe à la date du 27 août 2024, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera précisé que le tribunal n’a plus à statuer sur le désistement d’instance de madame [U] à l’encontre de la société ELECTRIC’ALL, le juge de la mise en état ayant déjà statué par une ordonnance d’incident.

Sur la demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire déposé par Monsieur [T]:

Aux termes de l’article 175 du code de procédure civile: “La nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.”

Le code de procédure civile distingue le régime des nullités pour vices de forme et pour irrégularités de fond.

Aux termes de l’article 117 de ce code: “Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :
Le défaut de capacité d’ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.”

Aux termes de l’article 119 du même code: “Les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief.”

Aux termes de l’article 237 du code de procédure civile: “Le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.”

Aux termes combinés de l’article 234 du même code et de l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire: “ les techniciens peuvent être récusés” (…) s’ils ont “conseillé l’une des parties”.

En outre, l’obligation d’impartialité mise à la charge de l’expert par l’article 237 du code de procédure civile constitue une formalité substantielle dont l’inobservation est susceptible d’entraîner la nullité de l’expertise (2e Civ., 13 janvier 2012, pourvoi n° 10-26.366).

En l’espèce, il ressort des pièces versées par la SMAPTB que monsieur [T], qui a été désigné comme expert judiciaire par la juridiction des référés dans son ordonnance du 16 juin 2016, rendue à la demande de madame [G] [B] [U], avait précédemment été mandatée par celle-ci, dans le cadre d’une expertise privée (un constat ayant été dressé le 6 mai 2015, pièce 3 de la SMABTP), puis pour l’assister au cours d’une d’expertise judiciaire (monsieur [T] ayant assisté madame [U] au cours d’une réunion d’expertise le 5 juin 2015, page 18 de la pièce 4 de la SMABTP). Le rapport d’expertise privée dressé par monsieur [T] pour madame [U] a même été produit par celle-ci dans le cadre d’une assignation en intervention volontaire à des opérations d’expertise judiciaire, monsieur [T] étant désigné dans cette assignation comme “l’expert de madame [U]” (page 5 de la pièce 5 de la SMABTP).

Monsieur [T], qui avait conseillé madame [U] à peine plus d’un an avant d’être désigné comme expert judiciaire dans un autre litige où elle était demanderesse, aurait dû se récuser.

Du seul fait de ces liens d’affaires préexistants entre eux et du rôle de conseil technique qu’il avait joué auprès de madame [U], l’inobservation de l’obligation d’impartialité par monsieur [T] dans l’exercice de sa mission judiciaire est avérée.

Ce manquement à l’obligation de l’expert d’accomplir sa mission avec impartialité doit s’analyser en une nullité de fond, le défaut d’impartialité pouvant être assimilé à un défaut de capacité ou de pouvoir de l’expert pour remplir sa mission, et la jurisprudence ayant déjà retenu comme nullité de fond le fait pour l’expert de ne pas accomplir personnellement sa mission (3e Civ., 26 novembre 2008, pourvoi n°07-20.071).

Par conséquent, il ne saurait être reproché à la SMAPTB, qui n’était pas appelée aux opérations d’expertise, de n’avoir pas soulevé la nullité du rapport d’expertise avant toute défense au fond, les dispositions de l’article 118 du code de procédure civile lui permettant de le faire en tout état de cause.

Le fait que l’expert ait déjà conseillé une partie pose un problème d’impartialié objective, qui à ce titre ne peut qu’entraîner la nullité du rapport d’expertise qu’il a déposé le 1er octobre 2018.

Sur les demandes de condamnation dirigées contre la société BPOI, la compagnie ALLIANZ et la SMABTP

Il est de jurisprudence constante que les éléments d’un rapport d’expertise annulé ne peuvent être retenus à titre de renseignements que s’ils sont corroborés par d’autres éléments du dossier (2e Civ., 23 octobre 2003, pourvoi n° 01-15.416).

En l’espèce, la totalité des demandes de condamnation formées par madame [U] sont exclusivement fondées sur le rapport d’expertise annulé, sans que celui-ci ne soit corroboré par aucun autre élément de preuve, de sorte que la demanderesse sera débouté de l’ensemble de ses demandes de condamnation au titre des désordres subis sur sa piscine et sa maison.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de la SARL BPOI

La SARL BPOI n’a pas estimé utile de préciser le fondement juridique de sa demande en paiement, de sorte que le tribunal y remédiera.

Aux termes de l’article 1353 du code civil: “Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.”

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que madame [U] avait signé avec la société BPOI un acte d’engagement portant sur un montant de 50 000 euros TTC (pièce n°5 de la demanderesse), et qu’elle a ensuite accepté un devis pour des travaux supplémentaires consistant dans la pose de mini LED (pièce n°4 SARL BPOI), pour un montant de 2 972,90€ TTC.

Il ressort ensuite des pièces versées aux débats, en particulier des pièces 6 de la demanderesse, et 15 de la société BPOI, que madame [U] a réglé à la société BPOI la somme totale de 50 443,80€.

Madame [U], qui invoque des malfaçons et des non-exécutions contractuelles, n’en rapporte pas la preuve, en l’absence d’autre élément que le rapport d’expertise annulé.

Par conséquent, elle sera condamnée à régler à la société BPOI la somme de
2 500 euros qui lui reste due.

Sur les dépens, et les frais irrépétibles

La partie demanderesse, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu’à payer la somme de 2 000 euros à chacune des défenderesses au titre des frais irrépétibles.

Conformément à l’article 698 du code de procédure civile qui prévoit que les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution nuls par l’effet de la faute des auxiliaires de justice sont à la charge des auxiliaires qui les ont faits, les dépens afférent à la rémunération de Monsieur [T] resteront à la charge de celui-ci (soit 9 398,97€ conformément à l’ordonnance de taxe en date du 13 novembre 2018).

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

ANNULE le rapport d’expertise judiciaire déposé le 1er octobre 2018 par monsieur [M] [T] ;

DEBOUTE Madame [G] [B] [U] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Madame [G] [B] [U] à payer la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros à la SARL SARL BETON PROJETE OCEAN INDIEN au titre de sa facture de mars 2015 ;

DIT que les dépens afférents à la rémunération de l’expert Monsieur [M] [T], taxée à la somme de 9 398,97€ (neuf mille trois cetn quatre-vingt-diex-huit euros et quatre-vingt-dix-sept centimes), resteront à la charge de celui-ci, en application des dispositions de l’article 698 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [G] [B] [U] aux autres dépens de l’instance, qui seront recouvrés par MaîtreLAW-WAI conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [G] [B] [U] à payer à la SARL BETON PROJETE OCEAN INDIEN, la SA ALLIANZ et la Société Mutuelle d’Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics la somme de 2 000 € (deux mille euros) chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit;

La greffière La Présidente


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