En droit, l’article L. 621-2, alinéa 2, du code de commerce dispose notamment que « la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale ».
Par son mail en date du 15 mars 2019 adressé au mandataire liquidateur, M. [N] a reconnu que c’est la création de la société MBIDA qui a permis à la société Centre Ouest Goudronnage de poursuivre son activité en évitant la liquidation judiciaire. Il précise même qu’une partie des fournisseurs ont pu être réglés par la société MBIDA.
S’agissant de la clientèle, compte tenu de l’identité de l’activité des deux sociétés, elle est nécessairement la même. Si M. [N] se défend en faisant valoir que la société MBIDA avait vocation à se porter candidate sur les offres de marché public, il précise que c’est parce que la société Centre Ouest Goudronnage ne pouvait plus le faire en raison des difficultés auxquelles elle était confrontée. L’aveu est donc fait que la société MBDA avait pour vocation de pallier la fragilité économique de la société Centre Ouest Goudronnage.
Ces trois constatations suffisent à caractériser l’imbrication entre les deux sociétés et l’existence de flux anormaux entre elles. Le fait que la société MBIDA soit locataire de ses propres locaux en vertu d’un bail commercial conclu en avril 2020 ne vient en rien remettre en cause l’imbrication existant entre les deux personnes morales.
La confusion de patrimoines entre les deux sociétés au sens de l’article L. 641-1 du code de commerce est ainsi démontrée et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
Contexte de l’affaire
Dans cette affaire, il est question de la confusion de patrimoines entre deux sociétés, la société MBIDA et la société Centre Ouest Goudronnage, ainsi que de la fictivité de la société MBIDA.
Arguments des parties
L’appelant soutient que l’identité de dirigeant et de siège des deux sociétés ne caractérise pas la fictivité de la personne morale, et que la société MBIDA a été créée dans le but de se porter candidate à des marchés publics.
L’intimé réplique en mettant en avant le fait que les deux sociétés ont le même dirigeant, que la société MBIDA a acquis du matériel de la société Centre Ouest Goudronnage, et que des fournisseurs ont été réglés par la société MBIDA pour éviter la liquidation judiciaire de la société Centre Ouest Goudronnage.
Éléments de preuve
Des factures démontrent que la société MBIDA a acquis du matériel de la société Centre Ouest Goudronnage, et un mail de M. [N] confirme que la création de la société MBIDA a permis à la société Centre Ouest Goudronnage de poursuivre son activité.
Décision du tribunal
Le tribunal a confirmé la décision de première instance, reconnaissant la confusion de patrimoines entre les deux sociétés. Les dépens d’appels seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRET N°89
CP/KP
N° RG 23/00325 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GXLU
S.A.S. M.B.I.D.A
C/
S.E.L.A.R.L. [B] [G] – MJO – MANDATAIRES JUDICIAIRES RES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 12 MARS 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00325 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GXLU
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 janvier 2023 rendu par le Tribunal de Commerce de POITIERS.
APPELANTE :
S.A.S. M.B.I.D.A représentée par son Président Monsieur [E] [N].
[Adresse 2]
[Localité 5]
Ayant pour avocat plaidant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS.
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [B] [G] – MJO – MANDATAIRES JUDICIAIRES, Agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL
CENTRE OUEST GOUDRONNAGE dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 7]
Mandataires Judiciaires [Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas DUFLOS de la SCP DUFLOS-CAMBOURG, avocat au barreau de POITIERS.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 29 janvier 2019, le tribunal de commerce de Poitiers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société à responsabilité limitée Centre Ouest Goudronnage.
Le 25 septembre 2019, la procédure de redressement a été convertie en liquidation judiciaire de et a désigné la SELARL [B] [G] – MJO – Mandataires judiciaires en la personne de Maître [B] [G] en qualité de liquidateur.
Le 15 septembre 2022, le liquidateur judiciaire de la société Centre Ouest Goudronnage a attrait la société par actions simplifiée unipersonnelle devant le tribunal de commerce de Poitiers aux fins de voir ordonner l’extension de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société Centre Ouest Goudronnage à la société MBIDA.
A l’audience, la société MBIDA n’était ni présente ni représentée.
Par jugement réputé contradictoire en date du 24 janvier 2023, le tribunal de commerce de Poitiers a statué ainsi :
– Déclare la société [B] [G] ès qualités de liquidateur de l’EURL Centre Ouest Goudronnage recevable et bien fondée en ses demandes,
– Constate la confusion de patrimoine entre SARL Centre Ouest Goudronnage et SAS M.B.I.D.A,
– En conséquence, étend la liquidation judiciaire de :
la SARLU Centre Ouest Goudronnage
[Adresse 1]
RCS de Poitiers n°B445 250 202
à
la SAS M.B.I.D.A
[Adresse 2]
RCS de poitiers 842 558 819
– Désigne en qualité de juge commissaire Madame [M] [L] et en qualité de Juge-Commissaire Suppléant Madame [K] [U] ;
– Désigne en qualité de liquidateur, la SELARL MOJ représentée par Me [B] [G] [Adresse 3] ;
– Fixe provisoirement au 01 janvier 2018 la date de cessation de paiements ;
– Désigne en qualité de Commissaire de Justice, la SEARL [V] représenté par Me [D] [V], [Adresse 6] pour dresser un inventaire du patrimoine de l’entreprise et réaliser des actifs du débiteur conformément à l’art.L641-1 du Code de Commerce ;
– Dit que l’inventaire sera déposé au greffe ;
– Dit que le mandataire judiciaire devra déposer la liste des créances au greffe dans le délai de 12 mois à compter de ce jour ;
– Fixe à 24 mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure sera examinée par le tribunal en application de l’article L.643-9 du Code de Commerce ;
– Ordonne les mesures de publicité prescrites par la loi ;
– Dit que le présent jugement est exécutoire de plein droit.
Par déclaration en date du 03 février 2023, la Société M.B.I.D.A a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués en intimant la Société [B] [G].
La Société M.B.I.D.A, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 03 mai2023, demande à la cour de :
– Recevoir la SAS M.B.I.D.A en son appel et l’y dire bien fondée,
– Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de POITIERS du 24 janvier 2023 (RG 2022002422) en toutes ses dispositions,
– Débouter la SELARL [B] [G] – MJO – MANDATAIRES JUDICIAIRES ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CENTRE OUEST GOUDRONNAGE de toutes ses demandes formées contre la SAS M.B.I.D.A, et notamment de sa demande tendant à voir ordonner l’extension de la liquidation judiciaire de la SARL CENTRE OUEST GOUDRONNAGE à la SAS M.B.I.D.A,
– Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Le liquidateur judiciaire, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 02 juin 2023, demande à la cour de :
Vu les articles L621-2 et L641-1 du Code de commerce,
– déclarer la SAS MBIDA mal fondée en son appel ;
En conséquence,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Poitiers en date du 24 janvier 2023 en toutes ses dispositions ;
– débouter la SAS MBIDA de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– Statuer ce que de droit sur les dépens.
Le 19 juillet 2023, le Ministère Public a transmis un avis par lequel il sollicite la confirmation du jugement déféré.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En droit, l’article L. 621-2, alinéa 2, du code de commerce dispose notamment que « la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale ».
En l’espèce, M. [N] invoque la contradiction du tribunal de commerce en son jugement dont appel en ce qu’il évoque la fictivité de la société MBIDA dans ses motifs et la confusion de patrimoines dans son dispositif.
Le Ministère Public évoque uniquement la confusion de patrimoines.
L’intimée soutient la fictivité de la société MBIDA au principal et la confusion des patrimoines à titre subsidaire.
L’appelant soutient que :
– l’identité de dirigeant et de siège des deux sociétés n’est pas de nature à caractériser la fictivité de la personne morale,
– la société MBIDA est locataire de ses propres locaux en vertu d’un bail commercial conclu en avril 2020,
– elle a certes la même activité que la société Centre Ouest Goudronnage mais ne partage pas la même clientèle puisqu’elle a été constituée pour se porter candidate à l’obtention des marchés publics.
L’intimé réplique que :
– la société MBIDA a été créée 4 mois avant l’ouverture de la procédure collective,
– le capital social des deux sociétés est intégralement détenu par M. [N], leur dirigeant commun,
– la société MBIDA a acquis le matériel de la société Centre Ouest Goudronnage,
– M. [N] a lui-même reconnu une communauté de fournisseurs, de clientèles et d’activité.
Les moyens susvisés appellent aux observations suivantes.
Il résulte des pièces 9 à 11 de l’intimée que la société MBIDA a acquis de la société Centre Ouest Goudronnage :
-un véhicule Ford Transit au prix de 12.000 € (facture du 23 novembre 2018),
-une chargeuse Kubota au prix de 10.000 € (facture du 13 janvier 2019),
-un camion benne DAF au prix de 13.000 € (facture du 16 décembre 2018).
Par son mail en date du 15 mars 2019 adressé au mandataire liquidateur, M. [N] a reconnu que c’est la création de la société MBIDA qui a permis à la société Centre Ouest Goudronnage de poursuivre son activité en évitant la liquidation judiciaire. Il précise même qu’une partie des fournisseurs ont pu être réglés par la société MBIDA.
S’agissant de la clientèle, compte tenu de l’identité de l’activité des deux sociétés, elle est nécessairement la même. Si M. [N] se défend en faisant valoir que la société MBIDA avait vocation à se porter candidate sur les offres de marché public, il précise que c’est parce que la société Centre Ouest Goudronnage ne pouvait plus le faire en raison des difficultés auxquelles elle était confrontée. L’aveu est donc fait que la société MBDA avait pour vocation de pallier la fragilité économique de la société Centre Ouest Goudronnage.
Ces trois constatations suffisent à caractériser l’imbrication entre les deux sociétés et l’existence de flux anormaux entre elles. Le fait que la société MBIDA soit locataire de ses propres locaux en vertu d’un bail commercial conclu en avril 2020 ne vient en rien remettre en cause l’imbrication existant entre les deux personnes morales.
La confusion de patrimoines entre les deux sociétés au sens de l’article L. 641-1 du code de commerce est ainsi démontrée et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
Les dépens d’appels seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Ordonne l’emploi des dépens d’appel en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,