Affaire des Paras de Francazal
On se souvient que l’émission “Faites entrer l’accusé”, à l’époque présentée par Christophe Hondelatte sur France 2, a consacré l’un de ses numéros à l’affaire dite des “Paras de Francazal” qui a eu un fort retentissement médiatique à l’époque des faits (1989). Des images d’archives aveint été utilisés (photographies et reportages télévisés) en évoquant les scènes de crimes et d’enquêtes par des reconstitutions tournées par le réalisateur. L’un des condamnés de l’affaire a poursuivi, sans succès, la chaîne France 2 pour violation de son droit à l’image et violation de sa vie privée.
Droit à l’image des personnes condamnées
L’article 41 de la loi du 24 novembre 2009, dite “loi pénitentiaire”, dispose que : « Les personnes détenues doivent consentir par écrit à la diffusion ou à l ‘utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification. L’administration pénitentiaire peut s’opposer à la diffusion ou à l’utilisation de l’image ou de la voix d’une personne condamnée, dès lors que cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre son identification et que cette restriction s’avère nécessaire à la sauvegarde de l’ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu’à la réinsertion des la personne concernée. Pour les prévenus, la diffusion et l’utilisation de leur image ou de leur voix sont autorisées par l’autorité judiciaire ».
Comme précisé par les juges, ces dispositions ne s’appliquent qu’aux images qui représentent des personnes, prévenues ou condamnées, en situation de détention et n’ont pas vocation à créer au profit de celles-ci, s’agissant de leur image captée en dehors du contexte pénitentiaire, une protection supérieure à celle qui est accordée à toute personne au moyen de l’article 9 du code civil. Le condamné en cause, dont aucune image en détention n’apparaît dans le reportage, ne pouvait donc pas invoquer les dispositions précitées de l’article 41 de la loi du 24 novembre 2009.
Droit à l’image, droit à l’information
S’agissant de la protection instaurée par l’article 9 du code civil, les droits à l’image et à l’utilisation qui en est faite doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression.
Dans ces conditions, les droits au respect du droit à l’image et à la liberté d’expression revêtant, au regard des articles 8 et 10 de la Convention européenne et 9 du code civil, une identique valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher leur équilibre et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.
Dans le documentaire “Les Paras de Francazal”, l’image du condamné, apparaissait soit au moyen de photographies identitaires prises dans le cadre de ses fonctions de militaire, soit sur les clichés et films pris au moment de son arrestation puis lors du procès d’assises. Ces documents datant de l’époque des faits constituent une illustration pertinente du propos du réalisateur lequel traite d’un sujet d’intérêt général, s’agissant de relater une affaire judiciaire ayant à l’époque pris le caractère d’un événement public, comme le démontrent les articles de presse versés aux débats, la particulière gravité des faits multiples ayant contribué à relancer le débat sur la peine de mort abolie 10 ans auparavant.
Par ailleurs, cette affaire interpellait sur l’attitude de l’armée confrontée à une enquête policière puis judiciaire susceptible d’investiguer à l’intérieur de l’institution militaire. Enfin, les images du condamné apparaissant à l’écran n’étaient pas attentatoires à sa dignité. Dans ces conditions, aucune atteinte au droit à l’image du condamné n’a été retenue.
Respect de la vie privée
S’agissant de l’atteinte à la vie privée, les faits criminels, le contexte de l’affaire auquel appartiennent la personnalité et le vécu du condamné, ont été licitement révélés au public par les comptes rendus des débats judiciaires de sorte qu’une nouvelle relation de ces faits publics déjà divulgués ne pouvait être considérée comme sans justification légitime, même si elle ne se rattache pas directement à un événement d’actualité ou aux nécessités de l’information exclusive de toutes préoccupations commerciales.
En l’espèce, l’émission ne révélait aucun élément de la vie actuelle du condamné et sa situation de détenu n’a pas été évoquée. Dès lors que le reportage litigieux révélait à la connaissance du public des faits qui ont donné lieu à un débat judiciaire, puis à une condamnation définitive des protagonistes, le réalisateur n’a pas manqué à ses devoirs de prudence et d’objectivité dans la relation des faits commis et dans la description des personnages.
Droit à l’oubli
Les juges ont pris soin de préciser que le condamné ne pouvait invoquer un droit à l’oubli qui n’est consacré par aucun texte et qui, en l’espèce, ne pouvait prévaloir sur le droit du public à une information libre, complète et objective sur une affaire pénale.
Mots clés : Image des personnes
Thème : Image des personnes
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 14 janvier 2013 | Pays : France