Image des biens : le cas des photographies banales 

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Image des biens : le cas des photographies banales 
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Le droit sur l’image d’un bien ne présente pas de caractère absolu de surcroît en l’absence d’un préjudice spécifique du propriétaire.

Diffusion internet de l’image d’un bien

Un propriétaire a mis en avant la violation de son droit à l’image sur sa propriété à raison de l’exploitation commerciale par un tiers de l’image de son bien via la diffusion internet de photographies de travaux réalisés sur des biens lui appartenant, au moins pour partie.

Aucun trouble anormal

Dans cette affaire, il n’était établi aucun trouble anormal ni aucun trouble manifestement illicite au préjudice d’une personne à raison de la diffusion de photographies de son bien sur le site internet d’une société.

Photographies impersonnelles

Or, les photographies produites étaient impersonnelles et ne permettaient pas à un tiers consultant le site d’identifier la propriété privée de la personne.

De plus, il résultait des échanges de mails produits que le propriétaire avait donné son accord à la diffusion de ces images, dans le cadre de relations commerciales confiantes et pleinement satisfaisantes (publication d’un témoignage positif sur les travaux réalisés).  

_________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2020

N° 2020/615

N° RG 19/19313

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKDT

Y Z

X-B Z

C/

SARL MOBILITE CONCEPT

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de TOULON en date du 06 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/00884.

APPELANTS

Monsieur Y Z

né le […] à MARSEILLE

demeurant […]

Monsieur X-B Z

né le […] à MARSEILLE

demeurant […]

représentés et assistés par Me Jérôme THIOLLIER de la SCP PORTE THIOLLIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL MOBILITE CONCEPT

dont le siège social est […]

83140 SIX-FOURS-LES-PLAGES

représentée et assistée par Me Pierre-X LAMBERT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 12 Octobre 2020 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, madame Catherine OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

madame Geneviève TOUVIER, présidente,

madame Sylvie PEREZ, conseillère,

madame Catherine OUVREL, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : madame Caroline BURON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2020,

Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur X-B Z a confié à la SARL Mobilité Concept la réalisation de plusieurs séries de travaux de rénovation dans divers biens, dont la réalisation d’une cuisine et de toilettes selon devis du 5 mars 2018.

Par jugement avec exécution provisoire du tribunal d’instance de Pertuis en date du 11 avril 2019, monsieur X-B Z a été condamné à payer à la SARL Mobilité Concept la somme de 3 939,31 € au titre du solde dû sur la facture du 2 avril 2018, relativement à ces derniers travaux outre 1 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et

exécution déloyale du contrat, ainsi qu’au paiement d’une somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a également débouté monsieur X-B Z de ses demandes dont celle tendant à la condamnation de la SARL Mobilité Concept à retirer les photographies des chantiers effectués pour son compte par la SARL Mobilité Concept et figurant sur son site internet www.mobilite-concept.fr.

Monsieur X-B Z a interjeté appel de cette décision, l’instance étant pendante devant la cour d’appel de Nîmes.

Par ordonnance en date du 6 décembre 2019, sur saisine de monsieur X-B Z et de son frère, monsieur Y Z, aux fins de suppression des photographies du site internet de la SARL Mobilité Concept, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon a :

• déclaré irrecevable l’action introduite par monsieur Y Z et monsieur X-B Z s’agissant d’une fin de non-recevoir,

• condamné in solidum monsieur Y Z et monsieur X-B Z à payer à la SARL Mobilité Concept la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels pour procédure abusive,

• condamné in solidum monsieur Y Z et monsieur X-B Z à payer à la SARL Mobilité Concept la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

• condamné in solidum monsieur Y Z et monsieur X-B Z au paiement des dépens.

Selon déclaration reçue au greffe le 18 décembre 2020, monsieur Y Z et monsieur X-B Z ont interjeté appel de la décision, l’appel portant sur toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 31 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur Y Z et monsieur X-B Z demandent à la cour de :

• réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a jugé leur action irrecevable,

• déclarer leur action recevable,

• condamner la SARL Mobilité Concept à retirer de son site internet www.mobilite-concept.fr les images des biens leur appartenant, sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

• condamner la SARL Mobilité Concept à leur payer la somme de 3 000 € à titre d’indemnité provisionnelle à valoir sur leur préjudice,

• réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle les a condamnés à payer à la SARL Mobilité Concept la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels pour procédure abusive outre la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

• débouter la SARL Mobilité Concept de ses demandes,

• condamner la SARL Mobilité Concept à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d’appel.

Les appelants dénient toute autorité de chose jugée opposable dans le cadre de la présente instance. Ils soutiennent l’absence d’identité de parties, monsieur Y Z n’étant pas présent dans le cadre de l’action pendante devant la cour d’appel de Nîmes, monsieur X-B Z agissant en son nom personnel et non au nom de l’indivision. Ils ajoutent que le jugement du tribunal d’instance de Pertuis n’est pas définitif.

Les frères Z soutiennent qu’il existe un trouble manifestement illicite à raison de la publication de photographies de leurs biens sur le site internet de l’intimée et invoquent une atteinte à leur droit à l’image sur leurs biens, ceux-ci étant utilisés par elle à des fins publicitaires et commerciales. Ils estiment subir une atteinte à leur vie privée causée par l’utilisation de ces images.

Enfin, les appelants se défendent de toute attitude dolosive.

Par dernières conclusions transmises le 22 avril 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Mobilité Concept sollicite de la cour qu’elle :

A titre principal :

• confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, si les prétentions des appelants étaient déclarées recevables au regard de l’autorité de la chose jugée :

• dise les prétentions de monsieur Y Z et monsieur X-B Z irrecevables au regard des dispositions de l’article 809 du code de procédure civile,

• dise leurs demandes infondées,

En tout état de cause :

• déboute monsieur Y Z et monsieur X-B Z de leurs demandes,

• condamne in solidum monsieur Y Z et monsieur X-B Z à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

• condamne in solidum monsieur Y Z et monsieur X-B Z au paiement des dépens.

L’intimée soutient que les demandes formées devant le juge des référés aujourd’hui sont identiques à celles ayant été tranchées par le tribunal d’instance de Pertuis, la décision faisant actuellement l’objet d’un appel. Elle fait valoir qu’il existe une identité de parties au sens de l’article 480 du code de procédure civile dès lors que monsieur X-B Z a agi devant le tribunal de Pertuis au nom de l’indivision Z existant avec son frère, et que le fait aujourd’hui pour ce dernier d’intervenir à la procédure est indifférent. Elle ajoute que le fait que la décision ne soit pas définitive ne la prive pas de son autorité de chose jugée acquise dès son prononcé. L’intimée met en avant également l’identité d’objet s’agissant strictement des mêmes photographies.

La SARL Mobilité Concept souligne la quérulence des appelants et demande indemnisation provisionnelle de cette attitude.

A titre subsidiaire, la SARL Mobilité Concept conteste tout trouble manifestement illicite ou dommage imminent démontré au regard de l’article 809 du code de procédure civile, s’agissant de photographies d’immeubles de rapport, inhabités, non identifiables, et ne constituant pas le domicile des appelants. Elle se défend de tout trouble anormal s’agissant de l’utilisation de l’image du bien d’autrui. Elle ajoute que leur demande de provision se heurte à l’existence de contestation sérieuse et met en avant l’existence d’une simple publicité aux fins de promotion de son travail.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 28 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de retrait sous astreinte d’images du site internet

Sur la recevabilité de la demande

L’article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours. Le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

Par application de l’article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.

En vertu de l’article 1350 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l’occurrence, par décision assortie de l’exécution provisoire en date du 11 avril 2019, le tribunal d’instance de Pertuis a débouté monsieur X-B Z de sa demande tendant à la condamnation de la SARL Mobilité Concept à retirer les photographies des chantiers effectués pour le compte de monsieur X-B Z et figurant sur son site internet (www.mobilite-concept.fr). L’existence d’un recours pendant devant la cour d’appel de Nîmes ne prive pas cette décision de son autorité de chose jugée.

Or, par assignation du 10 juillet 2019, monsieur X-B Z et son frère monsieur Y Z ont de nouveau saisi le juge, cette fois en référé, aux fins notamment de voir condamner la SARL Mobilité Concept à retirer de son site internet les images des biens leur appartenant.

Force est de constater que la demande présentée aujourd’hui en référé est donc identique en son objet et sa cause que celle intentée devant le tribunal d’instance de Pertuis puisqu’elle consiste dans le retrait, sous astreinte, des photographies de travaux effectués pour les appelants et diffusées sur le site internet de l’intimée, les photographies étant comprises comme un ensemble et n’étant pas spécifiées, ni différenciables d’une instance à l’autre.

En revanche, à la lecture de la décision du tribunal d’instance de Pertuis, l’action a été intentée par monsieur X-B Z en son nom propre et non en qualité de gérant de l’indivision existant avec son frère. En effet, cette qualité ne résulte d’aucune des dispositions de cette décision tout comme il n’est pas établi que les travaux objets de l’instance portent sur un bien indivis appartenant aux frères Z et non sur un bien appartenant à monsieur X-B Z en propre. Au contraire, les travaux contestés dans le cadre de l’instance ayant donné lieu à la décision du 11 avril 2019 concernaient la résidence principale de monsieur X-B Z et son épouse, située […] à Pertuis. Aucun des éléments versés aujourd’hui aux dossiers des parties ne permet de déduire que monsieur X-B Z a agi alors pour le compte de l’indivision. Aussi, si l’identité de parties entre les deux instances est évidente à l’égard de monsieur X-B Z, il n’en est rien s’agissant de monsieur Y Z qui n’est pas intervenu devant le juge d’instance de Pertuis.

En conséquence, l’ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande présentée par monsieur X-B Z. Elle doit en revanche être infirmée en ce que la demande présentée par monsieur Y Z est quant à elle recevable.

Au principal

Monsieur Y Z met en avant la violation de son droit à l’image sur sa propriété à raison de l’exploitation commerciale par un tiers de l’image de son bien via la diffusion internet de photographies de travaux réalisés sur des biens lui appartenant, au moins pour partie.

L a S A R L M o b i l i t é C o n c e p t a d m e t a v o i r p u b l i é s u r s o n s i t e i n t e r n e t (www.mobilite-concept.fr) des photographies de plusieurs chantiers réalisés dans des biens des appelants, sur le mode ‘avant/après’, ce à des fins publicitaires et de promotion de son activité.

Il convient tout d’abord d’observer que les photographies produites sont impersonnelles, ne permettant pas à un tiers consultant le site d’identifier la propriété privée de l’appelant.

De plus, il résulte des échanges de mails produits (pièces 1 à 5 de l’intimée), que monsieur Y Z, comme son frère d’ailleurs, a donné son accord à la diffusion de ces images, dans le cadre de relations commerciales confiantes et pleinement satisfaisantes. Ainsi, l’appelant a même communiqué à la SARL Mobilité Concept un ‘témoignage valant commentaire élogieux de son travail, à diffuser sur ce même site.

Jusqu’à l’introduction de l’instance devant le tribunal d’instance de Pertuis à la suite du refus par monsieur X-B Z de payer la facture du 2 avril 2018 à hauteur de 3 939,01 €, somme au paiement de laquelle il a été condamné en première instance, un appel étant en cours, aucun contentieux n’opposait les parties qui, au contraire, entretenaient une relation fructueuse.

Il n’est donc établi aucun trouble anormal ni aucun trouble manifestement illicite au préjudice de monsieur Y Z à raison de la diffusion de photographies de son bien sur le site internet de l’intimée.

La demande de monsieur Y Z de retrait sous astreinte de ces images ne peut donc qu’être rejetée.

Sur la demande de provision

Par application de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’absence d’un quelconque préjudice établi par monsieur Y Z, sa demande d’indemnisation provisionnelle ne saurait prospérer.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

C’est à juste titre que le premier juge a retenu l’existence d’un abus de procédure de la part des appelants à raison de l’instance introduite après le rejet de la même demande présentée

par monsieur X-B Z par décision du 11 avril 2019. En effet, monsieur Y Z, qui ne pouvait ignorer une telle instance antérieure, a néanmoins introduit une action similaire sur la base des mêmes éléments et alors que l’ensemble des pièces produites le concernant démontre sa gratitude envers la SARL Mobilité Concept à raison des travaux ainsi réalisés.

L’ordonnance sera donc confirmée sur ce point.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur Y Z qui succombe au litige sera débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, tout comme monsieur X-B Z dont la demande est irrecevable. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la SARL Mobilité Concept les frais, non compris dans les dépens, qu’elle a exposés pour sa défense. L’indemnité qui lui a été allouée à ce titre en première instance sera confirmée et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire de 2 000 euros en cause d’appel.

Monsieur Y Z et monsieur Y Z supporteront en outre in solidum les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande de monsieur Y Z,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute monsieur Y Z de sa demande tendant à la condamnation de la SARL Mobilité Concept à retirer de son site internet www.mobilite-concept.fr les images des biens lui appartenant, sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

Déboute monsieur Y Z de sa demande d’indemnisation provisionnelle à valoir sur la réparation de son préjudice,

Condamne in solidum monsieur Y Z et monsieur X-B Z à payer à la SARL Mobilité Concept la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute monsieur Y Z et monsieur X-B Z de leur demande sur ce même fondement,

Condamne in solidum monsieur Y Z et monsieur X-B Z au paiement des dépens.

Le greffier, La présidente,


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