Image des biens, droit de propriété et intrusion illicite
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Des exploitants ont constaté qu’une vidéo filmant leur exploitation d’élevage porcin avait été diffusée sur les réseaux sociaux par l’association militante Direct action everywhere France DXE.

La juridiction d’appel a ordonné le retrait de la vidéo litigieuse ainsi que sur l’ensemble des réseaux sociaux et des plateformes de vidéos en ligne et ordonné subsidiairement la saisie par toute personne dépositaire de l’autorité publique, et mandatée à cet effet, des supports et des clichés photographiques et films vidéo pris par les membres de l’association lors de leur intrusion dans les locaux d’exploitation. 

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2021

1re Chambre

ARRÊT N°315/2021

N° RG 19/06749 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QFKT

M. Z Y

EARL DE KERGOULIO

C/

Association RED PILL anciennement dénommée […]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame B-C D, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Mai 2021 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 14 Septembre 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur Z Y

né le […] à […]

KERGOULIO

[…]

Représenté par Me Jean-Pierre DEPASSE de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, avocat au barreau de RENNES

L’EARL DE KERGOULIO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

KERGOULIO

[…]

Représentée par Me Jean-Pierre DEPASSE de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

L’Association RED PILL anciennement dénommée […], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Anthony ITTAH, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCÉDURE

Soutenant avoir constaté le 22 mai 2019 qu’une vidéo filmant leur exploitation d’élevage porcin avait été diffusée sur le réseau social «’Facebook’» et le site «’YouTube’», la société Earl de Kergoulio et M. Z Y ont saisi, le 4 juillet 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint Brieuc afin qu’il ordonne la saisie des supports, clichés photographiques et films vidéos pris par l’association Direct action everywhere France DXE (association DXE) lors de son intrusion dans les locaux d’exploitation de l’Earl de Kergoulio et en interdise l’exploitation sous astreinte.

Par ordonnance de référé du 3 octobre 2019, le président du tribunal de grande instance de Saint Brieuc a :

— débouté la société’Earl de Kergoulio et M. Y de l’intégralité de leurs demandes,

— condamné in solidum la société Earl de Kergoulio et M. Y à verser à l’association DXE la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rappelé que les ordonnances du juge des référés sont exécutoires de plein droit par provision,

— condamné in solidum la société Earl de Kergoulio et M. Y aux entiers dépens de l’instance.

La société Earl de Kergoulio et M. Y ont fait appel le 10 octobre 2019.

Par arrêt du 7 mars 2020, la cour d’appel de Rennes a :

— infirmé l’ordonnance,

— ordonné le retrait de la vidéo litigieuse présente sur le site internet de l’association DXE ainsi que sur l’ensemble des réseaux sociaux et des plateformes de vidéos en ligne et ordonné subsidiairement la saisie par toute personne dépositaire de l’autorité publique, et mandatée à cet effet, des supports et des clichés photographiques et films vidéo pris par les membres de l’association DXE lors de leur intrusion dans les locaux d’exploitation de l’Earl de Kergoulio,

— dit que cette saisie pourra s’effectuer en tous lieux et notamment au siège de l’association DXE et au domicile de ses membres,

— interdit à toute personne l’utilisation et la diffusion de ces clichés photographiques et films vidéo,

— condamné l’association DXE à publier le dispositif de la présente ordonnance en haut de la première page de son site internet en police Arial de taille 12 ainsi que dans trois quotidiens nationaux laissés au choix de la requérante dans les quinze jours de son prononcé,

— condamné l’association DXE à payer la somme de un euro à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice de l’Earl de Kergoulio,

— condamné l’association DXE à payer à l’Earl de Kergoulio une indemnité pour frais irrépétibles de 3000 euros,

— condamné l’association DXE aux entiers dépens.

Autorisés par une ordonnance du 11 août 2020 du magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel, la société Earl de Kergoulio et M. Y ont assigné, le 18 août 2020, l’association Red pill (anciennement dénommée Direct action everywhere France DXE) devant la première chambre de la cour d’appel en fixation d’une astreinte.

La société Earl de Kergoulio et M. Y exposent leurs moyens et leur demande dans l’assignation à laquelle il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de :

— assortir l’injonction de retrait de la vidéo litigieuse, objet des constats d’huissier du 5 juin 2019 et du 2 juillet 2020, de l’ensemble des réseaux sociaux ordonnée par la cour d’appel de Rennes dans son arrêt du 17 mars 2020, d’une astreinte de 1000 euros par jour et par manquement constaté et ce pendant un délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

— condamner l’association Red pill (anciennement DXE) à payer une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à chacun des requérants,

— condamner l’association Red pill (anciennement DXE) aux dépens qui comprendront le coût du constat d’huissier de Maître X du 2 juillet 2020.

L’association Red pill expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 6 novembre 2020 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour de :

— se déclarer incompétente pour assortir d’une astreinte l’arrêt du 17 mars 2020,

— débouter la société Earl de Kergoulio et M. Y de toutes leurs demandes,

— les condamner in solidum à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose :

«Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.

Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité»

1) Sur la compétence de la cour

Le pouvoir d’assortir une condamnation d’une astreinte appartient, l’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution ayant une portée générale, à la cour d’appel.

La compétence conférée au juge de l’exécution pour assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge ne fait pas obstacle à ce que ce juge puisse lui-même être saisi en vue d’assortir d’une astreinte la décision qu’il a rendue.

La cour d’appel peut donc être saisie d’une demande d’astreinte pour assurer l’exécution d’une précédente décision et est bien compétente pour statuer.

2) Sur l’autorité de la chose jugée

Il ressort de l’arrêt du 17 mars 2020 que la cour était saisie des demandes suivantes, selon les dernières conclusions des requérants :

— ordonner le retrait de la vidéo litigieuse présente sur le site internet de l’association DXE ainsi que sur l’ensemble des réseaux sociaux et des plateformes de vidéos en ligne et ordonner subsidiairement la saisie par toute personne dépositaire de l’autorité publique et mandatée à cet effet des supports, et des clichés photographiques et films vidéo pris par les membres de l’association DXE lors de leur intrusion dans les locaux d’exploitation de l’Earl de Kergoulio,

— juger que cette saisie pourra s’effectuer en tous lieux et notamment au siège de l’association DXE et au domicile de ses membres,

— interdire à toute personne l’utilisation et la diffusion de ces clichés photographiques et films vidéo sous peine d’une astreinte financière de 50 000 euros par infraction constatée.

La cour a statué ainsi : «’Le trouble qui résulte de la diffusion de ces images sur Internet et sur les réseaux sociaux est manifestement illicite ; la demande d’interdiction et de saisie doit être accueillie. Ainsi, l’ordonnance du premier juge sera infirmée. Les mesures sollicitées seront ordonnées sans astreinte.’»

Il en ressort que la cour a déjà statué sur le prononcé d’une astreinte pour toutes les mesures demandées et ordonnées et :

— a rejeté la demande à ce titre en ce qui concerne l’interdiction de l’utilisation et de la diffusion des clichés photographiques et films vidéos,

— a décidé de ne pas assortir d’une astreinte sa décision ordonnant le retrait de la vidéo litigieuse présente sur le site internet de l’association DXE ainsi que sur l’ensemble des réseaux sociaux et des plateformes de vidéos en ligne.

En effet, la cour tient le pouvoir de l’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution, d’ordonner d’office une astreinte et il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire. Le juge n’a pas à motiver spécialement sa décision, qu’il ordonne ou non une astreinte.

En l’espèce, le dispositif de l’arrêt ne comporte aucune astreinte, alors que les motifs de l’arrêt écartent expressément l’astreinte pour toutes les mesures sollicitées et prononcées par la cour.

La cour a donc déjà statué sur le prononcé d’une astreinte et sa décision a autorité de chose jugée.

Dans ces conditions, la recevabilité de la demande de la société Earl de Kergoulio et de M. Y doit être questionnée, en application des articles 122 et 125 alinéa 2 du code de procédure civile.

En application de l’article 16 du code de procédure civile, il y a lieu de solliciter les observations des parties sur la recevabilité de la demande.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l’arrêt rendu le 7 mars 2020 par la cour d’appel de Rennes dans une procédure opposant la société Earl de Kergoulio et M. Y à l’association Red pill,

Vu l’assignation du 18 août 2020 signifiée par la société Earl de Kergoulio et M. Y à l’association Red pill aux fins de fixation d’une astreinte,

Rejette l’exception d’incompétence soulevée par l’association Red pill (anciennement dénommée Direct action everywhere France DXE),

Sursoit à statuer sur les autres demandes des parties,

Ordonne la réouverture des débats sans révocation de l’ordonnance de clôture,

Dit que les parties devront présenter leurs observations sur la recevabilité de la demande d’astreinte au regard de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du 7 mars 2020,

Renvoie l’affaire à l’audience du 15 novembre 2021 à 14 heures,

Dit que les parties devront adresser leurs observations à la cour, avec copie adressée à l’autre partie, avant les dates suivantes :

— la société Earl de Kergoulio et M. Y , avant le 15 octobre 2021,

— l’association Red pill, avant le 5 novembre 2021,

Réserve les dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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