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7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°537/2022
N° RG 19/06675 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QFAQ
Mme [K] [C] [I]
C/
SAS CODIF INTERNATIONAL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 Octobre 2022
En présence de Madame [L] [G], médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 24 Novembre 2022
****
APPELANTE :
Madame [K] [C] [I]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurent FRENEHARD de la SELARL ACTAVOCA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
SAS CODIF INTERNATIONAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie Sophie BATAILLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Codif International dont le siège social est situé à [Localité 2] commercialise les produits pour les marques Phytomer, Vie Collection, Phytoceane et Fleur’s.
Mme [K] [C] [I] a été embauchée le 24 juillet 2017 par la SAS Codif International comme Responsable de secteur, statut VRP exclusif dans le cadre d’ un contrat de travail à durée indéterminée. Elle était chargée de visiter la clientèle de la région qui lui était confiée et de prospecter la clientèle potentielle susceptible d’être intéressés par les marques commercialisées Phytomer, Phytocéane, Vie collection et Fleurs par son employeur dans les départements du Calvados, d’Ille et Vilaine, du Maine et Loire, de la Manche, de la Mayenne, de l’Orne et de la Sarthe.
Elle bénéficiait d’appointements fixes de 2 500 euros brut par mois, d’un avantage en nature pour l’utilisation privée d’un véhicule et d’une rémunération variable en fonction des résultats commerciaux.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale interprofessionnelle des VRP.
Les objectifs commerciaux à réaliser ont été fixés dans son contrat de travail à un chiffre d’affaires hors taxes de 480 000 euros pour l’année 2017 et par avenant en date du 8 janvier 2018 à un chiffre d’affaires de 470 000 euros hors taxes pour l’année 2018.
Le 18 juin 2018, le supérieur hiérarchique de Mme [C] [I] a effectué un bilan d’activité après un an d’activité et a constaté la non-réalisation des objectifs fixés à la salariée.
Le 25 juin 2018, Mme [C] [I] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 4 juillet suivant.
Le 9 juillet 2018, l’employeur lui a notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle caractérisée par l’impossibilité d’aboutir à des ouvertures de comptes ainsi qu’un manque d’aptitude relationnelle.
Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [C] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Malo par requête en date du 15 octobre 2018 afin de voir :
– Dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser :
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6 252,12 €
– Dommages et intérêts pour préjudice mora1 (conditions vexatoires du licenciement) : 9378,18 €
– Indemnité pour non respect de la procédure de licenciement : 3 126,06 €
– Article 700 du code de procédure civile : 2 500,00 €
– Ordonner l’exécution provisoire
– Condamner la société Codif aux entiers dépens
La SAS Codif International a demandé au conseil de prud’hommes de:
– débouter la salariée de l’intégralité de ses demandes,
– à titre subsidiaire, constater que la moyenne des 12 derniers mois de salaire est de 3 052,62 € bruts et ramener à de plus justes proportions les demandes formulées.
– la condamner au paiement d’une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 13 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Saint-Malo a :
– Dit que le licenciement de Madame [K] [C] [I] pour insuffisance professionnelle est justifié.
– Débouté Mme [C] [I] de ses demandes.
– Débouté la société Codif de sa demande reconventionnelle.
– Laissé les dépens à la charge de chacune des parties.
– Dit qu’il n’y a pas lieu au prononcé de l’exécution provisoire.
Mme [C] [I] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 7 octobre 2019.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 26 mai 2020, Mme [C] [I] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement attaqué, ou à tout le moins le réformer, et, statuant de nouveau :
– Dire que son licenciement n’est fondé sur aucune cause réelle et sérieuse,
– Condamner la société Codif à lui payer les sommes suivantes :
– 6.252,12 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 9.378,18 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
– 3.126,06 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
– Débouter la société Codif de toutes ses demandes,
– Condamner la société Codif au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 21 janvier 2020, la SAS Codif International demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du 13 septembre 2019 du conseil de prud’hommes de SAINT-MALO.
– dire que le licenciement de Mme [C] [I] pour insuffisance professionnelle est justifié
– Dire que le licenciement est régulier.
– débouter Mme [C] [I] de l’intégralité de ses demandes,
– la condamner au paiement d’une somme de 3 500 € au titre de 1’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 28 juin 2022 avec fixation de l’affaire à l’audience du 17 octobre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Mme [C] [I] demande l’infirmation du jugement qui a déclaré bien fondé son licenciement en se fondant sur une insuffisance des résultats alors que l’insuffisance professionnelle doit reposer sur des faits objectivement précis, matériellement vérifiables et imputables à la salariée dont l’employeur doit rapporter la preuve ce qu’il n’a pas fait en l’espèce. Elle en conclut que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l’insuffisance du chiffre d’affaires arrêté en milieu d’année n’est pas établie au regard de l’objectif annuel, qu’un retard même limité pouvait être récupéré, qu’elle ne pouvait pas être comparée aux autres commerciaux dont l’expérience et les secteurs géographiques étaient différents alors que son secteur était en décroissance et pâtissait de la concurrence de la boutique du siège social à proximité ; que les reproches ne sont pas cohérents avec les encouragements et les félicitations de son supérieur hiérarchique lors des tournées, qu’elle ne rencontrait aucune difficulté avec ses collègues et avait un excellent contact avec ses clients.
La société Codif International rétorque que la salariée dont le chiffre d’affaires était en baisse de 6,4 % par rapport à l’année précédente, ne pouvait pas combler le retard au cours du second semestre 2018, que son secteur à l’ouest de la France était historiquement favorisé à proximité du siège social par rapport à ceux de ses collègues, que les plus jeunes affichaient des résultats en croissance, que l’accompagnement dont elle a bénéficié avec le directeur commercial n’a pas comblé les lacunes professionnelles de Mme [C] [I] multipliant les rendez-vous sans concrétiser l’ouverture des nouveaux comptes.
L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement du 9 juillet 2018 qui fixe les limites du litige se fonde sur l’insuffisance professionnelle de Mme [C] [I] se traduisant par:
– des résultats insuffisants en termes de chiffre d’affaires et d’ouvertures de nouveaux comptes clients
‘ l’analyse de votre CA cumulé toutes marques à fin mai 2018 par rapport au CA cumulé toutes marques à fin mai 2017 fait apparaître une baisse de 5,3%. Vous êtes en dessous de la moyenne de l’ensemble des commerciaux qui sont à + 4,6%. (..) A fin juin 2018, les chiffres sont toujours en baisse. En effet, votre CA , toutes marques, est de 13,2 % en dessous de celui de juin 2017. (..) Depuis votre embauche le 24 juillet 2017, vous n’avez concrétisé que 2 ouvertures de comptes ( hors ouvertures intra groupe) et 6 ouvertures de compte chez des clients appartenant déjà au groupe.(..) Ce nombre de nouveaux clients (hors groupe) n’est strictement pas suffisant pour développer votre secteur et nous avons bien précisé lors de votre embauche que l’ouverture de nouveaux comptes était une priorité. ‘
– son impossibilité à concrétiser les rendez-vous en ouvertures de comptes : ‘ vous décrochez beaucoup de rendez vous prospects pour finalement ouvrir uniquement 6 ouvertures sur 10 mois ( à fin mai). Votre taux de conversion de 14 % est le plus faible de toute l’équipe. 70% de l’équipe a un taux de conversion supérieur à 30%. De manière générale, vous compliquez les choses, perdez du temps dans des détails ou des tâches qui ne vous incombent pas. Vous manquez de conviction, de force de persuasion, d’empathie et de sympathie lors de vos rendez-vous. Vous n’arrivez pas à créer un lien avec vos clients et prospects ce qui nuit à vos résultats.(..)’
– un manque de communication avec les clients et prospects : ‘ vous êtes de façon générale distante avec vos clients et prospects, tout comme avec vos collègues. Nous attendons un sens relationnel développé et adapté à chaque client.’
– et ce, malgré les accompagnements sur le terrain de Messieurs [S] et [N], les outils et moyens mis à sa disposition.
L’insuffisance professionnelle et l’insuffisance de résultat qui en découle, sans présenter un caractère fautif, traduisent l’inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées et les objectifs qui lui ont été fixés.
Si l’employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et si l’insuffisance professionnelle et l’insuffisance de résultat subséquente peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elles doivent être caractérisées par des faits objectifs et matériellement vérifiables.
Pour que l’insuffisance de résultat constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, il faut que les objectifs déterminés contractuellement ou unilatéralement par l’employeur soient réalistes et correspondent à des normes sérieuses et raisonnables. Le juge doit vérifier si une insuffisance professionnelle est à l’origine de l’insuffisance de résultats invoquée par l’employeur pour licencier le salarié.
En l’espèce, la société Codif International a versé aux débats :
– un debriefing de la tournée prospection organisée le 6 février 2018 avec Mme [C], avec une évaluation détaillée des prestations (notes entre 1 et 5) sur le plan de l’organisation, de la prospection directe et de la présentation de la marque. Les conclusions de son supérieur hiérarchique sont très positives ‘ tournée très bien organisée, accroche bonne, discours pertinent, excellente écoute. Ton état d’esprit est très bon, ton expérience commerciale passée un vrai atout et ton envie de réussir forte. Tous ces signaux sont très positifs et encourageants pour les mois à venir et cette nouvelle année’ et préconisent ‘quelques axes d’améliorations’ s’analysant davantage comme des conseils de bon sens, sans remise en cause des méthodes appliquées, tels que’ prospecter davantage avec Phytomer car c’est le moteur de la société; récolter toutes les infos du client directement sur place et non le soir chez toi.’
– un courriel du 5 avril 2018 de M.[S], Directeur commercial de la société Codif transmettant à Mme [C] [I] ( ‘Accompagnement [K] Semaine 13″) un résumé des points abordés ensemble en début de semaine comportant des encouragements ‘ [K], le challenge qui t’attend est passionnant : relancer un secteur qui vivotait depuis quelques années. Les bases sont là : implication, travail, dynamisme, volonté de réussir, état d’esprit, maîtrise des outils, capacité de prospection’ à charge pour elle de faire preuve pour obtenir des résultats commerciaux de ‘pragmatisme ( arrêter de perdre du temps et de l’énergie sur des tâches inutiles et improductives),de closing (te concentrer sur l’objectif final, oublier les détails et conclure en étant rassurante, claire, précise, directe et surtout sûre de toi) et de sympathie ( légèreté, humour, enthousiasme, empathie, disponibilité, flexibilité…A toi de foncer.. ‘
– un courriel du 18 mai 2018 du directeur commercial lui fixant un rendez-vous au 18 juin pour un bilan de son activité après n’avoir constaté aucune amélioration sur son faible taux d’ouvertures de nouveaux clients , et un ratio négatif entre les PDM (présentation de marque) et la concrétisation d’ouvertures.
– un tableau de l’évolution du chiffre d’affaire cumulé de Mme [C] à la fin du mois de mai 2018
( 199 784 euros) en recul de 5,3 % par rapport au CA de fin mai 2017 (211 040 euros) alors que le CA cumulé en France est en hausse de 4,6 %.
– un tableau de l’évolution du CA cumulé de Mme [C] à la fin juin 2018 ( 229 085 euros) en recul de 6,4 % par rapport à juin 2017.
– un tableau récapitulant le nombre d’ouvertures de comptes réalisées par Mme [C] à fin mai 2018 ( 4) et à fin juin 2018 ( 6) par rapport au résultat cumulé des commerciaux en France (73 en mai 2018 et 92 en juin 2018 ).
– un autre tableau des ouvertures de comptes entre août et décembre 2017 faisant apparaître le secteur Bretagne Nord de Mme [C] (2 ouvertures) et le total cumulé des commerciaux (61 ouvertures).
– le tableau du ratio de conversion des ouvertures de comptes par rapport aux rendez-vous à fin mai 2018 au terme duquel, parmi les 10 VRP, Mme [C] a ouvert 4 nouveaux comptes parmi les 28 prospects, ce qui représente le ratio de 14 %, alors que ses 9 collègues affichent un ratio de 26 à 50 %.
– les bulletins de salaire de Mme [C] faisant apparaître que la salariée a perçu régulièrement des primes exceptionnelles Challenge (200 euros en décembre 2017, 450 euros en mars 2018), en sus de primes de tournées (250 euros ) et des prime budget (500 euros).
– l’attestation de Mme [P], responsable du service commercial France qui rapporte que la remplaçante de Mme [C] a réalisé 4 ouvertures de compte entre octobre et décembre 2018.
Mme [C] [I] travaillait comme Responsable d’un secteur chargée de la prospection commerciale des marques Phytomer, Vie Collection, Phytoceane et Fleur’s dans 7 départements, sous la responsabilité de M. [B] [S], Directeur commercial. Ayant pris son poste le 21 août 2017, elle a débuté la prospection commerciale au début du mois de septembre 2017 à l’issue d’un séminaire des commerciaux, ce qui n’est pas utilement contesté par l’employeur.
Il résulte des pièces produites que les résultats de Mme [C] [I] en termes de chiffre d’affaires(229 085 euros) correspondaient à fin juin 2018 à 97,5 % de l’objectif qu’elle devait réaliser sur la base de l’objectif annuel
( 470 000 euros) fixé dans l’avenant du 8 janvier 2018. L’employeur ne pouvant pas se fonder sur une projection éventuelle des résultats de la salariée en fin d’année, n’établit pas le premier reproche relatif à la non-atteinte du chiffre d’affaires.
Sur le nombre insuffisant des nouveaux comptes clients, il est constant que l’employeur n’avait fixé à la salariée aucun objectif contractuel à ce titre. L’employeur se borne à évoquer dans ses écritures une moyenne de 9,2 ouvertures à fin juin 2018 sur le panel des 10 VRP de l’entreprise, qu’il compare aux 6 comptes ouverts par la salariée durant la même période. Cette analyse comparative reposant sur une moyenne arithmétique, indépendamment de l’expérience des VRP concernés et de l’importance du secteur commercial, n’est pas pertinente pour établir le grief.
S’agissant de l’impossibilité alléguée de l’appelante de concrétiser les rendez-vous en ouvertures de nouveaux comptes, l’employeur fonde son grief sur la base d’un ratio calculé pour Mme [C] [I] (14 %) qu’il a comparé à celui de ses collègues (ratio de 26 % à 50 %) pour la période des 5 premiers mois de l’année 2018.
L’employeur fait valoir sans en justifier qu’elle est ‘arrivée dernière au premier challenge'( page 11 de ses conclusions) mais s’abstient de fournir des éléments sur les autres challenges pour lesquels la salariée a été récompensée.
Concernant sur les aptitudes relationnelles de M.[C] [I] décrite comme ‘distante avec ses clients et prospects tout comme avec ses collègues, l’employeur ne fournit aucune attestation à l’appui des appréciations, non étayées, du Directeur Commercial.
Mme [C] [I], contestant l’insuffisance professionnelle, a fourni pour sa part divers documents :
– le résultat du challenge Celluli Night coach du mois d’avril 2018, au cours duquel elle a été classée parmi les 10 meilleurs vendeurs et a reçu une prime de 300 euros après une précédente récompense en mars 2018.
– les comptes rendus des visites des prospects faisant apparaître la motivation et la persévérance dans la prospection commerciale.
– les encouragements de M.[S], Directeur commercial, dans son courriel du 5 avril 2018, soulignant les points forts de la salariée (implication, sérieux, bonne attitude, bien organisée, bonne préparation des visites, goût du challenge ) en l’invitant à ‘mettre moins de distance avec ses clients pour créer un climat agréable au business ‘ au travers de conseils inhabituels et pour le moins déplacés de la part d’un supérieur hiérarchique’ donc n’hésite pas à tutoyer, à faire la bise et stp, merci d’enlever ta veste durant le RDV’
– des sms transmis par une dizaine de clients et d’une collègue regrettant son départ précipité de l’entreprise en évoquant à la fois ‘le plaisir de travailler avec elle ‘ toujours à l’écoute, toujours souriante’ ‘épanouie chez phytomer’, ‘une relation simple et plaisante.’
La société Codif International se garde de produire le moindre justificatif sur les résultats obtenus par le précédent salarié en charge du secteur confié à Mme [C] [I] dont le directeur commercial reconnaît lui- même que ‘ce secteur vivotait depuis plusieurs années'( mail du 5 avril 2018). Elle affirme, sans être démentie, avoir ouvert 6 comptes clients au cours du premier semestre 2018 dans un secteur en décroissance, soit 2 de plus que son prédécesseur qui avait une ancienneté de 18 ans.
Les éléments fournis par la société Codif International, sommaires et imprécis, ne permettent pas d’établir que les résultats obtenus par Mme [C] [I] étaient insuffisants et qu’à supposer insuffisants, ils étaient en corrélation avec la qualité des prestations de l’appelante dont les qualités professionnelles étaient reconnues par son supérieur hiérarchique lors des tournées et par ses clientes au travers des sms chaleureux qui lui ont été adressés au moment de son départ. La perception des primes de challenge, diverses primes de tournée et de budget témoigne du sérieux et de l’implication professionnelle de la salariée.
Le fait que sa remplaçante ait réalisé 4 ouvertures de compte entre le mois d’octobre et le mois de décembre 2018, selon l’attestation de Mme [P], Responsable du service commercial France, ne permet pas d’en tirer la moindre conclusion pertinente sur l’insuffisance professionnelle alléguée de Mme [C] [I].
Il résulte de ces éléments que les résultats enregistrés ne sont pas en corrélation avec une insuffisance professionnelle de la salariée.
L’insuffisance professionnelle n’étant pas avérée, le licenciement de Mme [C] [I] sera jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, par voie d’infirmation du jugement.
Sur les conséquences du licenciement
Aux termes de l’article L 1235-3 du code du travail en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant minimal et le montant maximal sont déterminés par la loi pour les salariés employés dans des entreprises de plus de 11 salariés.
A la date de notification de son licenciement, Mme [C] [I] a perçu une rémunération moyenne de 3 126,06 euros par mois, avait 40 ans et justifiait d’une ancienneté de 11 mois et 15 jours. Elle fait valoir qu’après une période de chômage, elle a retrouvé un emploi que le 5 novembre 2018 à [Localité 4] alors qu’elle était domiciliée à [Localité 2].
Compte tenu de l’âge, de l’ancienneté de la salariée et de l’indemnisation plafonnée à un mois de salaire, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer l’indemnisation due à la salariée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 3 120 euros, par voie d’infirmation du jugement.
Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et brutal
Mme [C] [I] présente une demande de dommages-intérêts de 9 378,18 euros pour licenciement vexatoire et brutal, au motif que, très impliquée dans son poste de travail depuis plus de 11 mois, elle a été abasourdie par la décision brutale de son employeur de la licencier, qu’elle a vécue comme une profonde injustice, lorsque à l’issue d’un bilan le 18 juin 2018, son supérieur hiérarchique lui a annoncé qu’il lui appartenait de faire son deuil de l’entreprise Phytomer et que deux solutions s’offraient à elle, soit une rupture conventionnelle soit un licenciement.
Toutefois, la salariée ne rapporte pas la preuve de circonstances de fait particulièrement abusives ou vexatoires dans lesquelles la relation de travail s’est exécutée ou a pris fin, la société Codif International ayant respecté les délais d’information préalable et de mise en oeuvre de la procédure de licenciement. Elle ne justifie pas davantage de l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef, par voie de confirmation du jugement.
Sur la demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement
Mme [C] [I] maintient sa demande d’indemnité de 3 126,06 euros pour non-respect de la procédure de licenciement en soutenant que la décision de se séparer d’elle était déjà prise avant la tenue de l’entretien préalable du 4 juillet 2018, puisque l’employeur lui avait fixé dès l’entretien du 18 juin un ultimatum entre une rupture conventionnelle et un licenciement.
L’article L 1235-2 du code du travail dispose que lorsqu’une irrégularité a été commise en cours de procédure de licenciement, notamment si le licenciement intervient sans que la procédure requise aux articles L 1232-2,L 1232-3, L1232-4, L1233-11,L1233-12 et L1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Toutefois, le moyen invoqué par la salariée ne s’analysant pas comme une irrégularité procédurale au sens des dispositions de l’article L 1235-2 du code du travail, Mme [C] [I] n’est pas fondée en sa demande d’indemnité pour irrégularité de procédure. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes et les dépens
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [C] [I] les frais non compris dans les dépens. L’employeur sera condamné à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles, le jugement déféré étant infirmé sauf en ce qu’il a rejeté la demande de l’employeur fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
L’employeur qui sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [C] [I] au titre de sa demande d’indemnité pour irrégularité de procédure, de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et brutal, et qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Codif International sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
– Dit que le licenciement de Mme [C] [I] pour insuffisance professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– Condamne la SAS Codif International à payer à Mme [C] [I] les sommes suivantes :
– 3 120 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Déboute la société Codif International de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile .
– Condamne la société Codif International aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Président