Humour | Parodie : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10347

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Humour | Parodie : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10347
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 08 DECEMBRE 2022

(n° 2022/ , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10347 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAY7U

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/05470

APPELANT

Monsieur [M] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Alain COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0860

INTIMEE

Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas CAPILLON de la SELARL CAPILLON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1308

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Septembre 2022, en audience publique, en double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport et devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [H] a été engagé par l’association La Société protectrice des animaux ( ci-après la SPA) en qualité de directeur général par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 3 octobre 2016, statut cadre dirigeant, hors classification conventionnelle, moyennant une rémunération annuelle brute de 120 000 euros versée par douzième outre une rémunération variable, fonction des objectifs fixés en concertation avec la présidente de l’association, pouvant atteindre une somme annuelle de 20 000 euros maximum à compter de l’année 2017.

Par courrier recommandé du 16 février 2018, lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 février 2018 puis s’est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 9 mars 2018.

La SPA employait au moins onze salariés au moment du licenciement et applique la convention collective nationale des fleuristes, de la vente et des services des animaux familiers.

Contestant la validité de son licenciement au regard du statut de lanceur d’alerte et son bien fondé, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 19 juillet 2018 en nullité de son licenciement, et paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et la rupture du contrat de travail. Par jugement du 18 septembre 2019 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris, section encadrement, a débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

M. [H] a régulièrement relevé appel du jugement le 14 octobre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 janvier 2020 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [H] prie la cour d’infirmer le jugement et :

– dire son licenciement nul, subsidiairement irrégulier, plus subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la SPA à lui verser les sommes suivantes :

* 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul, subsidiairement, 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

* 7 000 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 700 euros au titre des congés payés afférents,

* 28 777,77 euros à titre de rappel de rémunération variable,

* 40 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 4 000 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 541,7 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 20 000 euros de dommages-intérêts pour insuffisance de motivation de la lettre de licenciement,

* 100 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

* 160 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, d’image et financier,

* 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– ordonner la capitalisation des intérêts échus,

– condamner la SPA aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 avril 2020 auxquelles la cour renvoie en application de l’article 455 du code de procédure civile pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SPA prie la cour de confirmer le jugement, débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes et le condamner à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2022.

MOTIVATION :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

‘[‘]Aussi, je vous notifie votre licenciement pour faute grave pour les raisons suivantes :

Le 15 janvier 2018, notre assistante commune, Madame [N] [X], qui conformément à ce dont nous étions convenus à votre prise de fonctions a accès et traite l’intégra1ité de nos boites mail professionnelles, a tenu à me faire connaitre le contenu d’un mail du 3 novembre 2017 qui la choquait, légitimement.

Ce mail, adressé à Madame [T], directrice Juridique et à Monsieur [S], DAF, se moquait très ouvertement de moi. Les échanges qui s’ensuivirent, que j’ai découverts ultérieurement, se moquaient d’une donatrice, en des termes vulgaires, grossiers, sexistes, voire racistes. Cette dame âgée, objet de sarcasmes, venait de donner à notre association quelque 700 000 €:

« Finalement, j’ai craqué je vous l’envoie [une photo de la donatrice et moí]. Si je me faís virer [sic], je saurai d’où ça vient. C’est dingue ce qu’elle ressemble à sa mère ”`

Réponse de monsieur [S]: « C ‘est qui (quoi) la rombière en sac en python…

Vous : Madame V qui vient de nous filer 700 k euros !

Madame [T] : Faut verrouiller le testament vite, je note une ptose avancée de la paupière gauche, signe d’avc ou d’un tremblement de son chir. Je kiffe ses sourcils à la nigériane ! Même à [Localité 5] ils n ‘osent plus.

Vous : C’ est vrai qu ‘elle est un peu fossilisée… Et encore vous ne lui avez pas parlé ”.

Sur le moment, j’ai pris le parti d’ignorer votre mail que je pensais isolé.

Parallèlement, compte tenu d’attitudes qui m’avaient été rapportées ou que j’avais moi-même constatées, je vous avais entretenu de mon inquiétude quant à l’exécution de vos missions de directeur général. Par un mail du 5 février 2018, je vous avais confirmé nos entretiens en vous indiquant notamment :

« j’attends de votre part que vous attachiez à vos missions la rigueur et l’assiduité nécessaire, votre niveau opérationnel, fonctionnel et hiérarchique, votre statut de cadre dirigeant exigeant une exemplarité certaine vis-à-vis des équipes et une loyauté vis-à-vis de tous ”.

Pourtant, dès le lendemain, le 6 février 2018, lors du COMEX avec l’ensemble des responsables de refuge où je souhaitais connaître les mesures prises pour préserver les animaux du froid, vous avez, littéralement sous mes yeux puisque vous étiez assis à côté de moi, adressé un mail à madame [T], assise de l’autre côté de la salle qui a alors pouffé :

« Ah ben voilà son vrai rôle de miss météo ”. Le propos qui fait référence à mon activíté de journaliste à la télévision se veut assurément méprísant.

J’ai alors décídé de prendre connaissance de vos mails professíonnels adressés à vos proches

collaborateurs. J’ai découvert un ensemble d’échanges dans le ton de celui qui m’avait été révélé le 15 janvier dernier, dont les échanges qui lui répondaient cités plus haut. Par exemple :

Le 17 janvier 2018, pendant le Conseil d’Administration vous écrivez à Madame [T] et à Monsieur [S] :

« L ‘arrivée de dirty [Z] (. . .) Moi je dis que vivement que [Z] rencontre [E] peut-être que ça la détendrait

Et le DAF rajoute, y a un truc qui m’échappe, normalement [Z], c’est un ami qui vous veut du bien!! ”.

Plus tard, Madame [T] écrit au sujet des administrateurs :

« Je ne les supporte plus, c’est dramatique ”.

Vous : « C’est chiant de ne pas se marrer ” et au sujet d’une dépêche sur [C] [D], vous me visez à nouveau : « ça :c’est NH dams 20 ans ”.

Les mails ne me concernent donc pas tous. Par exemple; vous vous moquez de Madame [F], déléguée du personnel que vous avez pourtant sollicité pour vous assister lors de l’entretien préalable, tout en n’ayant pas hésité à la comparer à un « veau ”.

Dans d’autres, vous vous moquez de monsieur [U] ‘ tatouage de loose sur les bras’ ‘dinde’ ‘gueule de vainqueur’. Il est vrai que monsieur [U] sera licencíé en janvier2018, sous les cris de joie de madame [T] dans les couloirs : « libérée, délivrée ”. Votre seule rernarque, indigne d’un DG, témoigne cependant de votre conscience du caractère indécent de ce comportement:

Vous vous moquez encore des déléguées présidentes, adhérentes qui gèrent bénévolement des refuges, dont vous imaginez

Les propos que vous tenez ou laissez tenir, ici rapportés å titre d’exemples, sont vulgaíres, grossiers et souvent insultants. Ils sont avant tout très méprisants pour nombre de gens amenés à travailler avec vous, et pour moi notamment.

Vos propos, publícs, pendant le temps de travail, connus de plusieurs cadres dirigeants et imposés à notre assistante qui vous lit, choquée, car vous croyez en outre pouvoir utiliser votre boite mail professionnelle paur cela en toute impunité, sont suffisamment scandaleux pour justifer la rupture immédiate de votre contrat de travail de directeur général qui implique l’exemplarité.

Lors de l’entretien préalable, vous avez été contraint de reconnaître vos propos, vous accordant complaisammemt un humour « potache ”. Cela n’est ni drôle ni potache, mais traduit tout autre chose. Vos propos sont l’expression du mépris que vous me témoignez et entretenez avec votre clan. Vous l’affichez si ouvertement que vous vous permettez de l’écrire devant moi. Cela suffit également à justifier la présente procédure de licenciement puisqu’íl est impensable que nous puissions continuer à collaborer dans de telles conditions. Toute confiance inhérente aux rapports entre un directeur général et son président est ici irrémédíablement rompue. Je vous rappelle que vous tenez vos pouvoirs de ceux que je vous ai délégués, ce que vous avez manifestemcnl cru pouvoír oublier.

Pire encore, votre comportement devient intolérable dès lors que vous entrainez ou cautionnez: d’autres cadres dirigeants de l’association dans une dérive qui remet en cause la loyauté due aux adhérents de l’associatíon et à ses donateurs. Je vous rappelle en outre qu’en ma qualité de Présidente, je représente ces adhérents à travers le Conseil d’administration lequel n’est d’ailleurs pas indemne de votre mépris.

En vous comportant régulièrement de cette façon, avec certains des cadres de direction de l’assocíation, vous générez un état d’esprit claníque, malsain et nauséabond. Vous manquez ainsi totalement à vos responsabilités de directeur général notamment énumérées à l’article 3 de votre contrat de travail qui impliquent que vous agisssiez en cadre dirigeant responsable et non en chef de bande. Avez vous même pensé à notre assistante tenue de lire votre prose choquante, dont vous ne pouvez que heurter la sensibilité et la loyauté envers la SPA ‘

Vous manquez ainsi aux obligations contenues à l’article 4 de ce contrat que vous avez signé et dont je vous rappelle certaines :

La míse en ‘uvre de la politique d’une associatîon comme la Société Protectrice des Animaux est antinomique du mépris que vous montrez envers vos pairs, certains de vos collaborateurs et même des adhérents et donateurs.

Dès lors, je ne suis plus étonnée de ne pas vous voir vous impliquer davantage. Vos absences répétées à des temps forts de l’association, les rendez-vous importants délégués, le fait que je sois obligée d’insister pour que vous vous rendiez aux inaugurations de refuges sont autant d’autres témoignages de cette attitude incompatible avec les fonctions à hautes responsabilités que vous exercez.

Votre qualité de directeur général et la gravité des faits qui vous sont reprochés rendent impossibles la poursuite de nos relations contractuelles y compris pendant le délai-congé.[…].’

Sur la nullité du licenciement :

M. [H] soutient que son licenciement est nul dès lors qu’il constitue une mesure de représailles aux différentes alertes qu’il avait lancées depuis le mois de septembre 2017 pour dénoncer les dysfonctionnements qu’il avait relevés concernant la prestation de Mme [P], dirigeant une société de communication, la procédure n’ayant été organisée que dans le but de se débarrasser de lui et tenter d’éviter la saisine du procureur général prés la Cour des comptes. Il soutient qu’il doit bénéficier du statut de lanceur d’alerte dès lors que :

– il a dénoncé des faits litigieux susceptibles de recevoir une qualification pénale, tels qu’abus de confiance, emploi fictif ou prise illégale d’intérêts,

– de manière désintéressée et de bonne foi,

– dans un premier temps auprès de la présidente de l’association, constituant sa supérieure hiérarchique.

La SPA conclut au débouté en faisant valoir que le licenciement pour faute grave est justifié, les faits étant établis par la retranscription des échanges entre M. [H] et deux autres salariés et qu’il ne peut valablement invoquer la protection inhérente au statut de lanceur d’alerte dès lors que l’alerte dont il se prévaut est postérieure à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

Aux termes de l’article L. 1132-3-3 du code du travail, ‘aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire […] pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En cas de litige, […] dès lors que la personne présente des éléments de faits qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou qu’elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’

L’article 6 de la loi 2016-1691 du 9 décembre 1991 dispose que :

‘ -Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.’

M. [H] présente les éléments de faits suivants :

– il a lancé une alerte dès le mois de septembre 2017 auprès d’un administrateur de la SPA, secrétaire général du bureau exécutif qui en atteste en indiquant que ‘M. [H] a attiré mon attention sur plusieurs dossiers paraissant présenter des dysfonctionnements sérieux dont notamment le marché’alimentation des animaux en refuge’ manifestement attribué à Royal canin sans mise en concurrence et le marché ‘communication’dont M. [H] contestait la pertinence et l’oppacité entretenue par la Présidente Mme [Z]’;

La cour considère toutefois que cette attestation non circonstanciée ne suffit pas à établir qu’une alerte a été lancée par M. [H] dès le mois de septembre 2017 dès lors que d’une part, M. [Y], administrateur de l’association n’était pas le supérieur hiérarchique de M. [H] qui devait rendre des comptes à la présidente de l’association et que d’autre part, en l’absence d’éléments objectifs venant corroborer les dires de M. [Y], aucun élément ne permet d’établir que M. [H] a dénoncé dés cette époque des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale ;

– le 2 octobre 2017, il a une nouvelle fois demandé l’arrêt de la prestation de Mme [P] auprès de la présidente de l’association. Il verse aux débats le mail auquel il se réfère mentionnant ‘ [A] pourrions nous en parler svp’ dont la cour considère qu’il ne suffit pas à caractériser une alerte au sens de l’article 6 précité ;

– le 6 octobre 2017, il a renouvelé sa demande, s’appuyant sur un mail de sa part adressé à Mme [Z] dont il ressort qu’il considère que Mme [P] outrepasse ses missions, et qu’il suggère à Mme [Z] de ‘la recentrer sur ce que vous dites qu’elle fait bien : la gestion de crise’ et explique que le problème vient de ce que pour justifier sa présence, elle crée des problèmes là où il n’y en a pas. Là encore, la cour considère que ce mail ne caractérise pas une alerte au sens de l’article 6 de la loi 2016-1691 du 9 décembre 1991 dès lors qu’il ne s’en déduit pas que M. [H] dénonçait des faits susceptibles de revêtir une qualification pénale ;

– le 9 octobre, il a adressé un nouveau mail à Mme [Z] dans lequel il indique ‘nous devons pouvoir suivre ce qu’elle fait si vous ne voulez pas courir de risque’ dont la cour relève qu’il est insuffisant pour établir que le risque envisagé était de nature pénale ;

– il a refusé en janvier 2018 de signer la demande d’autorisation de dépenses qui lui était présentée le 30 janvier 2018 dans un mail du même jour dans lequel il écrit :’ pas de problème pour moi. Je laisserai toutefois le bureau signer la DAD car je ne peux pas de mon propre chef passer outre la procédure en vigueur’ en réponse à un mail que lui adresse Mme [W] [R], directrice de la communication et du marketing qui lui dit que le contrat d’image 7 a été renouvelé et qu’un appel d’offres sera régularisé plus tard. Ce mail adressé en copie à la présidente de l’association ne constitue pas la dénonciation en interne d’un fait susceptible de recevoir une qualification pénale.

– il a adressé une ‘seconde’ alerte au conseil d’administration le 19 février 2018: il vise dans ses écritures un mail de sa part (pièce 15 de son bordereau) adressé à M. [O] [G] dans lequel il lui demande s’il a pu recueillir des éléments d’information sur la marche à suivre ‘concernant les informations qu[il] pense devoir porter à la connaissance du parquet de la Cour des comptes’ dont la cour relève qu’il n’établit rien des faits qui auraient été dénoncés au conseil d’administration et qu’il est postérieur à l’envoi de la convocation à entretien préalable et donc à l’engagement de la procédure de licenciement ;

– il a adressé plusieurs courriels au procureur général prés la Cour des comptes le 14 mars 2018 pour dénoncer les dysfonctionnements de l’association concernant notamment la réalité d’une prestation de communication de crise que des manoeuvres peu avouables ont tenté de dissimuler à la connaissance du grand public avec notamment un non-respect des procédures d’appel d’offres, des dépenses excessives et une dérive autocratique, susceptibles de constituer le délit d’abus de confiance et de prise illégale d’intérêts. Toutefois, la cour relève que la dénonciation des faits auprès du procureur général de la Cour des comptes par ce mail du 14 mars 2018, est postérieure à l’engagement de la poursuite disciplinaire et au licenciement notifié le 9 mars 2018 de sorte qu’il ne peut valablement être soutenu que le licenciement est intervenu en représailles de cet envoi.

En définitive, il ressort de ce qui précède qu’à l’exception des faits dénoncés auprès du procureur général de la Cour des comptes, aucun des faits allégués n’est susceptible de caractériser une alerte au sens de l’article 6 de la loi 2016-1691 du 9 décembre 1991 ; que la dénonciation des faits au parquet général, laquelle serait susceptible de caractériser une alerte au sens de l’article 6 précité, est intervenue postérieurement à la notification du licenciement de sorte que M. [H] ne peut utilement s’en prévaloir. M. [H] échoue donc à établir les alertes susceptibles de lui permettre de se prévaloir du statut de lanceur d’alerte. La demande de nullité du licenciement est rejetée et le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de ce chef et des demandes indemnitaires en découlant.

Sur le bien fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve repose sur l’employeur qui l’invoque.

La SPA soutient que les faits sont établis et qu’elle verse l’ensemble des mails visés dans la lettre de licenciement ainsi que d’autres qui prouvent la communication ironique, grossière et méprisante reprochée au directeur général de l’association, dépassant largement l’humour potache dont il se prévaut complaisamment. Sur les moyens de preuve, elle précise que la charte informatique qu’elle communique mentionne bien que tout message électronique envoyé ou reçu par un utilisateur depuis son poste de travail fait l’objet d’un enregistrement automatique et revêt un caractère professionnel, sauf indication sur son caractère personnel, et qu’il en est de même pour les téléphones ou les smartphones considérés comme des postes de travail. Enfin, elle ajoute que Mme [X] assistante de direction générale avait accès à la messagerie de M. [H].

M. [H], de son côté, invoque l’irrégularité de la procédure de licenciement, l’absence de précision des motifs de la lettre de licenciement, la violation de son droit à la liberté d’expression, l’irrecevabilité des modes de preuve, conteste tout caractère fautif de ses messages et met en avant le propre mode de communication de la présidente de l’association.

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

M. [H] soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où la procédure prévue par les statuts n’a pas été respectée puisque l’avis du bureau et du conseil d’administration n’a pas été valablement recueilli.

La SPA conclut au débouté.

Les statuts de la SPA prévoient :

– dans leur article 6, que l’association est administrée par un conseil d’administration composée de 9 membres élus par l’assemblée générale à scrutin secret de liste, qui ne délibère valablement que si au moins quatre de ses membres sont présents, et délibère à la majorité absolue de ses membres présents ou représentés,

– dans leur article 7, que le conseil d’administration élit pour trois ans, parmi ses membres, à scrutin secret, le bureau exécutif qui se compose d’un président, d’un trésorier et d’un secrétaire général, ‘le bureau exécutif done son avis sur la nomination et le cas échéant le licenciement du directeur général de l’association’,

– dans son article 8 que ‘le président nomme et révoque le directeur général de l’association, sur avis du bureau et du conseil d’administration.’

M. [H] fait valoir son licenciement est irrégulier dès lors que que le bureau exécutif ne pouvait statuer à l’unanimité puisque l’un de ses membres, avait démissionné le 27 février 2018 ainsi que cela ressort de l’attestation de M. [Y] déjà citée pour exprimer son désaccord sur le licenciement envisagé et que M. [L], le trésorier avait accédé irrégulièrement au conseil d’administration de sorte que son vote était nul.

Il ressort de l’extrait de délibération du conseil d’administration du 7 mars 2018 que Mme [J] [B] a été élue à l’unanimité par le conseil d’administration secrétaire générale de la SPA. Dés lors, M. [H] ne peut valablement contester l’avis qui a été émis le même jour par le bureau exécutif au sujet de son licenciement en invoquant la position de M. [Y] puisqu’il n’en était plus membre lors de la consultation du bureau. Par ailleurs, s’agissant des modalités de l’accession de M. [L] au conseil d’administration, M. [H] ne peut valablement se prévaloir d’une quelconque irrégularité de cette désignation sur laquelle il ne s’explique pas, celle-ci n’ayant pas été remise en cause en son temps devant la juridiction compétente. Enfin, la SPA verse aux débats la feuille d’émargement de la réunion du conseil d’administration du 7 mars 2018 établissant que quatre membres au moins étaient réunis, comme l’exigent les statuts.

La cour considère qu’ainsi, l’employeur justifie que les dispositions statutaires ont été respectées de sorte que la procédure de licenciement a été régulièrement engagée.

Sur l’irrecevabilité des courriels :

M. [H] fait valoir qu’il ne conservait dans sa boîte mail que les messages importants de sorte que soit les messages invoqués dans la lettre de licenciement n’existaient pas soit ils ont été obtenus par des voies illicites et que si Mme [X] avait accès à sa messagerie, elle n’était pas pour autant autorisée à lire ses mails. Par ailleurs, il fait valoir qu’un seul mail émanait de sa messagerie, les autres provenant de celle d’une autre salariée à laquelle Mme [X] n’avait pas accès.

La cour observe cependant que Mme [X] avait accès à la messagerie professionnelle de M. [H], dés lors que selon sa fiche de poste, ‘elle traitait les e-mails reçus’et ‘assurait le secrétariat du directeur général et des membres du conseil d’administration’ ce que M. [H] admet de sorte qu’elle avait nécessairement accès à ses mails professionnels émis et reçus et qu’elle a ainsi pu valablement transmettre à la présidente de l’association un mail qui y figurait, et dont le caractère personnel n’était pas identifié. En effet, la charte d’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication-NTIC en vigueur au sein de l’association précise :

– dans son article 3.1.1.1 que ‘les ressources informatiques de la Société Protectrice des Animaux sont mises à la disposition des utilisateurs à des fins exclusivement professionnelles pour remplir les missions qui leur sont confiées’ que lorsqu’une utilisation extra professionnelle est faite, elle doit ‘être identifiée comme personnelle’ afin de permettre le respect de la vie privée des utilisateurs (fichiers, dossiers messages),

– dans son article 3.1.3 que ‘tout message envoyé ou reçu par un utilisateur depuis son poste de travail fait l’objet d’un enregistrement automatique et revêt un caractère professionnel, sauf indication de son caractère personnel’

Enfin, la cour rappelle que les messages envoyés par le salarié depuis un moyen de communication mis à sa disposition par l’employeur sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que celui-ci est en droit de les consulter sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels.

Il ressort de ces éléments que tout message reçu ou émis par M. [H] et non identifié comme ayant un caractère personnel relève du domaine professionnel, et est enregistré de sorte que l’employeur peut utilement s’en prévaloir dans le cadre d’une procédure disciplinaire si une faute de l’utilisateur est établie.

Sur l’atteinte à la liberté d’expression :

M. [H] soutient que les propos qu’il a tenus dans un cercle restreint ne caractérisent pas un abus de sa liberté d’expression et ne sont ni outrageants, ni injurieux ni excessifs.

La cour rappelle que conformément à l’article L. 1221-1 du code du travail, sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression, qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, que l’abus du droit à la liberté d’expression s’apprécie in concreto et est caractérisé par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Des différents échanges qui sont reproduits dans la lettre de licenciement et qui sont justifiés par la communication des mails, il ressort que :

– M. [H] se moque du physique de Mme [Z], présidente de l’association en la comparant avec une donatrice de la SPA âgée qu’il traite de ‘fossilisée’ en disant qu’elle ressemble à sa mère, et réitère la comparaison avec [C] [D] puisqu’il parle à son propos de ‘NH dans 20 ans’,

– M. [H] fait des jeux de mots sur le nom de famille de Mme [Z] par référence à des titres de films ‘dirty [Z]’ ou de manière péjorative en indiquant qu’il est temps que [Z] rencontre [E], ‘cela la détendrait’dans un mail du 17 janvier 2018, adressé à Mme [T], M. [S] et Mme [K] dont l’organigramme communiqué par l’employeur fait apparaître qu’elle était la DRH de l’association,

– M. [H] rabaisse Mme [Z] à son ‘vrai rôle de miss météo’ dans un mail adressé à Mme [T] le 6 février 2018 en pleine réunion de travail,

– M. [H] traite ses collaborateurs de façon irrespectueuse et humiliante en les qualifiant de’veau’ ( mail du 12 décembre 2017 adressé à Mme [T], M. [Y], M. [S], Mme [K], M. [I], directeur général adjoint selon l’organigramme communiqué),

– M. [H] se moque encore des bénévoles gérant les refuges en conseillant à Mme [T] de se faire des ‘pompes en peau de vieille’par mail du 17 octobre 2017 adressé à elle-même, M. [S] et M. [Y].

Ces propos qui tournent en dérision tous les participants à l’oeuvre de la SPA, bénévoles ou donateurs dont la vieillesse, le physique, sont moqués, mais aussi la présidente de l’association qui la représente, renvoyée à son ‘vrai rôle’ de miss météo, ainsi que le personnel assimilé à des animaux, par le directeur général de celle-ci qui la dirige pourtant et initie ce type de conversation sur une période de temps de plusieurs mois, en s’adressant soit à d’autres cadres dirigeants sous sa subordination, soit à un administrateur, pendant les heures de travail à partir du matériel mis à sa disposition par l’association, ont un caractère outrageant et excessif et caractérisent un abus de la liberté d’expression de sorte que M. [H] ne peut valablement se prévaloir de celle-ci pour soutenir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’absence de motivation de la lettre de licenciement :

Contrairement à ce que fait valoir M. [H], la lettre de licenciement qui reproduit les propos tenus par lui et invoque le manquement à l’obligation de loyauté et la perte de confiance ainsi qu’un manque d’implication et des absences est suffisamment motivée.

Sur le fond :

Par ailleurs, les propos reprochés à M. [H], reproduits dans la lettre de licenciement et analysés ci- avant, caractérisent, comme le souligne la lettre de licenciement, le mépris du directeur général de la SPA envers des personnes collaborant d’une façon ou d’une autre à l’institution qu’il dirige, mépris qu’il partage avec d’autres cadres dirigeants et un administrateur sans aucun souci d’intimité puisque les écrits ainsi envoyés ne sont pas identifiés comme personnels alors que M. [H] sait pertinemment qu’ils sont enregistrés, et qu’ils sont échangés sur le lieu du travail et publiquement. Cette attitude caractérise un comportement incompatible avec le devoir de loyauté induit par le contrat de travail, de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, peu important le propre mode de communication de la présidente elle-même et la forme d’humour revendiquée par le salarié.

Le licenciement pour faute grave est donc suffisamment justifié sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs évoqués dans la lettre de licenciement et M. [H] est débouté de l’ensemble des demandes qu’il formait au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement : indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité légale de licenciement, dommages-intérêts pour insuffisance de motivation de la lettre de licenciement, rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payés afférents, dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire, dommages-intérêts pour préjudice moral, d’image et financier. Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de ces chefs de demande, à l’exception de la demande relative aux dommages-intérêts pour insuffisance de motivation de la lettre de licenciement sur laquelle il n’a pas statué.

Sur l’exécution du contrat de travail :

M. [H] forme une demande au titre de sa rémunération variable en faisant valoir que contrairement à ce que prévoit son contrat de travail, aucun objectif ne lui a été fixé pour l’année 2017 ni pour l’année 2018 de sorte qu’il réclame le paiement du maximum prévu pour l’année 2017 et une somme au prorata de sa présence dans l’association pour l’année 2018.

La SPA s’oppose à la demande en faisant valoir que les objectifs de M. [H] lui ont été fixés en octobre 2016 de sorte qu’il n’était pas nécessaire de lui en fixer d’autres en 2017 et qu’il ne les a pas remplis.

La cour relève que des objectifs ont été fixés à M. [H] dans son contrat de travail et qu’il ressort du courrier de ce dernier en date du 6 février 2018, adressé à l’employeur que des objectifs lui ont bien été fixés en avril 2017. En revanche, la SPA qui était contractuellement débitrice du paiement d’une rémunération variable ‘en fonction de la réalisation d’objectifs fixés en concertation avec la présidente de la SPA’ n’établit pas que ces objectifs n’ont pas été atteints et ne produit d’ailleurs aucun élément sur ce point. Par ailleurs, il n’est pas justifié que de nouveaux objectifs ont été fixés à M. [H] pour l’année 2018. Dés lors, l’employeur ne justifiant pas être libéré de son obligation de paiement, la cour condamne la SPA à verser à M. [H] la somme de 23 826,48 euros à titre de rappel de rémunération variable au titre de la période concernée et au prorata de son temps de présence pour l’année 2018. Le jugement est infirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef de demande.

S’agissant d’une créance salariale, les intérêts au taux légal sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 26 juillet 2018. La capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, est ordonnée en application de l’article 1343-2 du code du travail.

Sur les autres demandes :

La SPA, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel . Il n’y a pas lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. [M] [H] de sa demande de rappel de rémunération variable,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE l’association La Société protectrice des animaux à payer à M. [M] [H] une somme de 23 826,48 euros à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2017 et 2018 avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2018,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

DÉBOUTE M. [M] [H] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE l’association La Société protectrice des animaux aux dépens de première instance et d’appel,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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