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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 2 – Chambre 5
ARRET DU 03 AVRIL 2012
(n° ,10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 10/09155
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 08/01599
APPELANTS
Monsieur [H] [F]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 11]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2010/025201 du 05/07/2010 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
Monsieur [K] [F]
demeurant chez sa fille Mademoiselle [X] [F]
[Adresse 7]
[Localité 5]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/24513 du 13/12/2010 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
Monsieur [D] [F]
demeurant [Adresse 8]
[Localité 4]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2010/022571 du 21/06/2010 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
Monsieur [M] [F]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 6]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2010/39522 du 22/10/2010 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
représentés par la SCP Michel BLIN, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : L0058
assistés de Me Gérard MATTEI, avocat plaidant de la SELARL CABINET MATTEI, avocats au barreau de PARIS, toque : C2206
Monsieur [U] [F]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 1]
S.A. POWER INVESTMENT SA, société anonyme de droit luxembourgeois
agissant en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 10]
[Localité 18]
LUXEMBOURG
représentés par la SCP Michel BLIN, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : L0058
assistés de Me Gérard MATTEI, avocat plaidant de la SELARL CABINET MATTEI, avocats au barreau de PARIS, toque : C2206
INTIMEES
S.A. GAN ASSURANCES IARD,
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 14]
[Localité 12]
représentée par Me Michel GUIZARD, avocat postulant de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : L0020
assistée de Me Christian CHARRIERE-BOURZANEL, avocat plaidant (avocat au barreau de PARIS, toque : C1357)
S.A. MUTUELLE ASSURANCE ARTISANALE DE FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 16]
[Localité 13]
S.A. MAAF
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 16]
[Localité 13]
représentées par Me Bruno REGNIER, avocat postulant de la SCP REGNIER BEQUET MOISAN, avocats au barreau de PARIS, toque : L0050, qui s’est régulièrement constituée au lieu et place de la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, ancien avoué,
assistées de Me Jean-François DELRUE, avocat plaidant de la SCP DELRUE BOYER GADOT, avocats au barreau de PARIS, toque : P0174
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique REYGNER, Présidente de chambre
M. Christian BYK, conseiller
Monsieur Michel CHALACHIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Jacqueline BERLAND
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Dominique REYGNER, président et par Mle HENNI, greffier auquelle la minute du présent arrêt a été remise.
* * *
A partir de 1986, [D], [M], [K], [H] et [U] [F] (consorts [F]) ont créé et développé un réseau de magasins de reprographie et papeterie dans les grandes villes universitaires de France, activité qui, en 1996, s’exerçait au travers d’une société holding de droit luxembourgeois, la société POWER INVESTMENT, détenant notamment 19 fonds de commerce et un parc de 1036 photocopieurs IBM III/60.
Le 20 mars 1995, un sinistre est survenu dans l’usine de reconditionnement et d’entretien de photocopieurs située dans la ZAC Valentin à [Localité 19] (Doubs), exploitée par la société STAND UP, filiale de POWER INVESTMENT, une plate-forme de stockage réalisée par la société PROVOST, assurée auprès de la société GAN ASSURANCES IARD (GAN), s’étant effondrée, détériorant 58 photocopieurs.
Dans la nuit du 25 au 26 juin 1995, un second sinistre est survenu dans les locaux du magasin de [Localité 17] exploités par une autre société du Groupe [F], la SNC ACTIV, un incendie ayant endommagé une quarantaine de photocopieurs. La MAAF, assureur des magasins de la SNC ACTIV, a indemnisé ce sinistre à hauteur de 388 838,90 euros.
En raison de suspicions d’escroquerie à l’assurance, une enquête préliminaire a été menée à partir de début juin 1995 et a conduit à l’ouverture le 22 septembre suivant d’une information judiciaire à la requête du Parquet de Besançon des chefs de tentative d’escroquerie, abus de biens sociaux et recel, puis d’escroqueries.
Le GAN s’est constitué partie civile le 29 janvier 1998 et la MAAF, qui avait déposé plainte le 4 décembre 1995, le 4 novembre 1999.
Les consorts [F], tous mis en examen, ont effectué une période de détention provisoire, [H] et [U] de sept jours, [K], [M] et [D] de quatre mois.
Par ordonnance du 5 décembre 2001, [M], [H] et [U] [F] ont fait l’objet d’un non-lieu.
[K] et [D] [F], renvoyés devant le tribunal correctionnel de Besançon pour tentative d’escroquerie à l’encontre du GAN et escroquerie au préjudice de la MAAF, ont été déclarés coupables par jugement du 27 novembre 2002, confirmé sur ce point par arrêt de la cour d’appel de Besançon du 4 décembre 2003, lequel a été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2004.
La cour d’appel de Dijon, cour de renvoi, a par arrêt du 10 mars 2006, devenu définitif, relaxé [D] et [K] [F] des fins des poursuites.
Estimant avoir été victimes de comportements fautifs des assureurs, les consorts [F] et la société POWER INVESTMENT, par actes d’huissier des 27 et 28 décembre 2007, ont assigné les sociétés GAN ASSURANCES IARD, MUTUELLE ASSURANCE ARTISANALE DE FRANCE et MAAF devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices respectifs.
Par jugement rendu le 6 avril 2010, le tribunal a jugé recevables mais non fondées les demandes de la société POWER INVESTMENT et des consorts [F] et les en a déboutés, a débouté les sociétés MAAF de leur demande de dommages et intérêts, dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et condamné in solidum la société POWER INVESTMENT et les consorts [F] aux dépens.
Les consorts [F] et la société POWER INVESTMENT ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 avril 2010.
Dans leurs dernières conclusions du 10 février 2012, les appelants demandent à la cour de :
– dire et juger l’appel recevable,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a déclarés mal fondés en leurs demandes,
– juger, à titre principal, que le GAN et la MAAF ont commis une faute au sens des articles 1382 et 1384 du Code civil en communiquant aux enquêteurs des renseignements erronés qui ont orienté la procédure pénale dans une fausse direction à leur préjudice, à titre subsidiaire que le GAN et la MAAF ont porté des dénonciations calomnieuses à leur préjudice, et à titre infiniment subsidiaire, que ces dénonciations étaient téméraires,
– juger que le lien de causalité entre les fautes imputables au GAN et aux sociétés MAAF et les préjudices par eux subis est établi,
– constater que le GAN est l’assureur du responsable du sinistre du 20 mars 1995,
En conséquence
– condamner in solidum les sociétés intimées à verser à titre de dommages et intérêts à la société POWER INVESTMENT la somme totale de 60 268 833 euros à parfaire et à euro constant au jour de la décision définitive se décomposant comme suit
* 7 835 536 euros en réparation du préjudice économique subi en raison de la perte de la valeur des fonds de commerce de reprographie dont cette société était propriétaire, et qui ont disparu
* 23 130 000 euros en réparation du préjudice économique lié à la perte d’exploitation de ces fonds de commerce
* 1 315 781 euros pour la perte des 58 photocopieurs endommagés et imputable à l’assuré de la société GAN
* 5 716 222 euros en réparation du préjudice économique subi en raison de la perte d’exploitation des 58 photocopieurs sinistrés
* 21 771 294 euros en réparation de la perte de chance de se développer
* 500 000 euros en réparation du préjudice lié à la perte de crédit professionnel
avec intérêts au taux légal depuis le sinistre du 20 mars 1995 pour la perte des photocopieurs et depuis l’assignation du 27 décembre 2007 pour le surplus,
– condamner in solidum les sociétés intimées à verser à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal depuis l’assignation du 27 décembre 2007, à euro constant au jour de la décision définitive
* à Monsieur [K] [F] la somme de 565 910 euros soit 315 910 euros en réparation du préjudice économique et 250 000 euros en réparation du préjudice moral,
* à Monsieur [D] [F] la somme de 551 859 euros soit 301 859 euros en réparation du préjudice économique et 250 000 euros en réparation du préjudice moral,
* à Monsieur [M] [F] la somme de 507 500 euros soit 357 500 euros en réparation du préjudice économique et150 000 euros en réparation du préjudice moral,
* à Monsieur [H] [F] la somme de 444 000 euros soit 294 000 euros en réparation du préjudice économique et150 000 euros en réparation du préjudice moral,
* à Monsieur [U] [F] la somme de 444 000 euros soit 294 000 euros en réparation du préjudice économique et150 000 euros en réparation du préjudice moral,
– débouter les sociétés intimées de l’intégralité de leurs demandes,
– ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du Code civil,
– ordonner la publication par extraits de la décision à intervenir dans les plus prochains numéros des journaux ‘L’Est Républicain’ et ‘Le Figaro’ à paraître à compter de la décision devenue définitive, aux frais des intimées, sans que le coût de chacune des insertions ne dépasse la somme de 25 000 euros,
– condamner in solidum les sociétés intimées à verser à chacun des appelants la somme de 10 000 euros pour résistance abusive et celle de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions du 20 février 2012, la société GAN prie la cour de :
– à titre liminaire, déclarer irrecevable la société POWER INVESTMENT,
– à titre principal, confirmer le jugement entrepris,
– à titre subsidiaire, débouter les appelants de l’intégralité de leurs demandes,
– à titre infiniment subsidiaire, juger qu’aucune solidarité ne saurait exister entre le GAN et la MAAF,
– en tout état de cause, condamner in solidum les appelants à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Suivant dernières conclusions du 16 février 2012, les sociétés MAAF demandent à la cour de :
– juger la société POWER INVESTMENT irrecevable à agir à leur encontre et la débouter de l’ensemble de ses demandes,
– constater que l’action est prescrite,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a écarté toute faute de leur part,
– rejeter toute condamnation in solidum et toutes autres demandes,
– condamner in solidum les appelants à leur payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner chacun des appelants à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner in solidum les appelants aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
Les appelants, qui avaient sollicité par lettre du 22 février 2012 le rejet des débats des conclusions signifiées par le GAN le 20 février 2012, jour de la clôture, se sont rétractés de cette demande par lettre du 24 février suivant.
SUR CE, LA COUR,
Sur les fins de non-recevoir
Sur la recevabilité de la société POWER INVESTMENT
Considérant que les sociétés GAN et MAAF soutiennent que la société POWER INVESTMENT ne justifie pas des transmissions universelles de patrimoines de chacune des sociétés filiales dont le fonds de commerce a été liquidé, et donc de son intérêt et de sa qualité à agir ;
Mais considérant qu’il ressort des pièces versées aux débats qu’une société FOCO avait été créée le 29 janvier 1997 par la société POWER INVESTMENT, propriétaire de 2 495 des 2 500 actions composant le capital social ; que selon le bilan 1999 de la société FOCO, celle-ci était alors propriétaire de 19 fonds de commerce de reprographie ; que ces fonds ont progressivement disparu de sorte que la société FOCO a été dissoute le 2 décembre 2003 et liquidée ;
Qu’associée quasi unique de la société FOCO, la société POWER INVESTMENT, dont les intérêts sont susceptibles d’avoir été compromis par la procédure pénale dont les consorts [F], ses actionnaires, ont fait l’objet, a qualité et un intérêt légitime à agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l’encontre des assureurs auxquels elle impute un comportement fautif à l’origine des préjudices qu’elle invoque ;
Que c’est donc à juste titre que le tribunal l’a jugée recevable ;
Sur la prescription de l’action des appelants
Considérant que les sociétés MAAF font valoir que l’action des appelants est prescrite en vertu de l’ancien article 2270-1 du Code civil, la prescription de 10 ans ayant commencé à courir, sans avoir été interrompue, depuis au moins les mises en examen des consorts [F] des 22, 25 et 27 septembre 1995 alors que l’assignation a été délivrée le 27 décembre 2007 ;
Mais considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu comme point de départ de la prescription l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 10 mars 2006 ; qu’ainsi l’action des consorts [F] et de la société POWER INVESTMENT n’est pas prescrite ;
Sur les demandes des consorts [F] et de la société POWER INVESTMENT
Considérant que les appelants font grief au jugement entrepris d’avoir, pour les débouter, retenu des motifs qui violent l’autorité de la chose jugée s’attachant aux causes et constatations de l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 10 mars 2006, et soutiennent que la responsabilité civile des assureurs est engagée à leur égard sur le fondement des articles 1382 et 1384 du Code civil ;
Qu’à titre principal, ils développent que les assureurs ont commis une faute en fournissant aux enquêteurs des informations erronées ayant orienté l’enquête pénale dans une fausse direction, le GAN en développant la thèse d’une tentative d’escroquerie notamment au travers de la déposition faite le 13 septembre 1995 par l’un de ses préposés, Monsieur [R], et la remise par celui-ci du rapport de Monsieur [C], agent d’investigation accrédité par l’Agence de lutte contre la fraude à l’assurance (ALFA) mandaté par l’assureur, et la MAAF en reprenant cette thèse à son compte au travers de la déposition faite le 14 novembre 1995 par l’une de ses préposées, Madame [N] ;
Qu’à titre subsidiaire, ils prétendent que la plainte adressée le 4 décembre 2005 par la MAAF au Parquet de Besançon constitue une dénonciation calomnieuse, comme le fait pour le préposé du GAN d’avoir sciemment dissimulé certaines circonstances et présenté les faits sous un aspect fallacieux devant entraîner une sanction, et qu’à tout le moins ces dénonciations étaient téméraires ;
Considérant que les sociétés GAN et MAAF opposent que le jugement entrepris ne contrevient pas à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt de la cour d’appel de Dijon et contestent toute faute de leur part susceptible d’engager leur responsabilité délictuelle comme avoir procédé à une dénonciation calomnieuse ou téméraire ;
Considérant que l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’attache qu’au dispositif de la décision et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, à l’exclusion de ce qui n’a pas été réellement jugé et tranché dans le dispositif ; que les appelants ne peuvent donc utilement se prévaloir d’une prétendue violation par les premiers juges de l’autorité de la chose jugée s’attachant selon eux aux motifs de l’arrêt de relaxe rendu par la cour d’appel de Dijon du 10 mars 2006, dont ils font une interprétation orientée servant leurs prétentions, et qu’il leur appartient dans la présente instance de rapporter la preuve, conformément aux règles du droit commun de la responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle, d’une faute imputable aux assureurs, du préjudice allégué et du lien de causalité entre la faute et le préjudice ;
Considérant qu’il résulte du procès-verbal de police du 8 juin 1995 que le SRPJ de Besançon a été informé par ‘diverses personnes dignes de foi, mais désirant garder l’anonymat, de ce que, à l’appui d’une demande d’indemnisation de sinistre survenu le 20 mars 1995, sur le site de la société STAND UP sise…..à Valentin, de faux éléments auraient été produits au niveau de la compagnie d’assurances LE GAN pour obtenir un dédommagement de l’ordre de 8 millions de francs’ et que ‘ce sinistre ……pourrait avoir une origine suspecte’ ; que les enquêteurs se sont alors rapprochés de Monsieur [R], inspecteur régleur de sinistres auprès du GAN, et de Monsieur [C], enquêteur d’ALFA missionné par l’assureur en mai 1995, et ont effectué une enquête rapide sur les activités de la société STAND UP qui leur a appris que celle-ci était animée par les frères [F], à la tête d’innombrables sociétés commerciales de droit français et luxembourgeois et de sociétés civiles immobilières ; qu’au vu de ces éléments, une enquête préliminaire a été ouverte d’office ;
Que les appelants n’établissent pas que le GAN est l’auteur ou l’instigateur de la dénonciation anonyme à l’origine de cette enquête ;
Considérant que poursuivant l’enquête, le SRPJ a recueilli des renseignements notamment auprès des greffes des tribunaux de commerce concernés sur les sociétés dirigées par les consorts [F] (procès-verbaux des 1er et 5 septembre 1995) ;
Que le 12 septembre 1995, Monsieur [C] a transmis aux enquêteurs son rapport d’investigations, aux termes duquel il indiquait que ‘il est permis de confirmer l’idée que STAND UP a tenté, par le biais de ce sinistre dont l’origine n’est pas encore établie clairement, de soustraire à la compagnie d’assurances GAN une somme très importante. Ce préjudice n’est confirmé ce jour que par la fourniture de factures émises par des sociétés soeurs de STAND UP, certaines de ces factures étant entachées d’illégalité, la société n’ayant pas eu l’autorisation de faire du commerce au Grand Duché de Luxembourg’ ;
Que le 13 septembre suivant, les enquêteurs ont entendu Monsieur [R] en qualité de témoin ; que si ce dernier a émis des doutes sur la véracité de la cause du sinistre alléguée par la société STAND UP et la sincérité des documents produits pour justifier du montant des dommages, il n’a toutefois pas porté d’accusation reposant sur des faits présentés comme avérés mais exprimé son avis sous une forme dubitative et réservée, notamment en ces termes : ‘A notre avis, l’origine de ce sinistre se situe dans un contexte qui nous fait penser que la cause (du sinistre) exposée par Monsieur [F] n’est pas la bonne…..’, ‘j’ai lieu de contester à la fois le quantitatif des dommages et leur valeur parce que les documents qui ont été produits à l’appui de cette réclamation (d’indemnisation) ne nous paraissent pas fiables……’, ‘a mon sens…..’, ‘j’émets des doutes……’, ‘j’ai eu l’impression…..’, ‘il m’a paru curieux……’, ‘compte-tenu de ce qui précède, il m’est permis d’émettre des doutes ……’ et avec l’accord de sa hiérarchie, a remis officiellement le rapport de Monsieur [C] ;
Que si ce rapport contenait certaines informations qui se sont ultérieurement avérées erronées concernant notamment la domiciliation au Luxembourg de sociétés du Groupe [F] et la capacité de la société POWER SA à émettre des factures, le GAN ne peut en être tenu responsable, n’étant pas le commettant de Monsieur [C] au sens de l’article 1384, alinéa 5, du Code civil en l’absence de lien de subordination, Monsieur [C] n’étant ni son préposé ni son mandataire au sens juridique mais un agent d’investigation indépendant, effectuant sous sa propre responsabilité les missions qui lui sont confiées par ses clients dans le cadre d’un contrat de prestations de service ; qu’au demeurant Monsieur [C] a certes fait part de suspicions de tentative d’escroquerie à l’assurance mais sans se montrer absolument catégorique ;
Considérant que Messieurs [K] et [D] [F], placés en garde à vue, ont été entendus le 21 septembre 1995 ;
Que Monsieur [K] [F] a déclaré que les quatre factures à en-tête de GHT SA et POWER SA fournies à l’appui de la demande d’indemnisation auprès du GAN avaient été créées de toutes pièces par ses soins, s’agissant de matériels acquis pour des coûts inférieurs ; qu’il a également admis qu’il avait renseigné les fiches de travail concernant les 58 photocopieurs IBM endommagés lors du sinistre, et que celles-ci ne correspondaient pas à la réalité des prestations effectuées sur ces matériels, dont il ne se souvenait plus ;
Que Monsieur [D] [F] a reconnu quant à lui avoir établi les quatre factures susvisées après le sinistre, afin de valoriser les copieurs, dont il a précisé qu’ils n’avaient aucune valeur mais qu’il les estimait à environ 30 000 francs pièce ;
Que ces déclarations n’ont pu que conforter l’hypothèse d’une possible tentative d’escroquerie à l’assurance et ont été sans nul doute déterminantes de la décision prise le 22 septembre 1995 par le procureur de la république, en considération non pas des seules informations fournies par le GAN mais de l’ensemble des éléments recueillis dans le cadre de l’enquête préliminaire, qui a mis en évidence l’imbrication et la gestion complexe des nombreuses sociétés créées et dirigées par les consorts [F] en France et au Luxembourg, de requérir l’ouverture d’une information judiciaire du chef de tentative d’escroquerie au préjudice du GAN mais également pour des faits d’abus de biens sociaux et recel d’abus de biens sociaux concernant des opérations suspectes entre la société STAND UP et la société LA CIGALE auxquelles cet assureur était totalement étranger ;
Considérant qu’après leur mise en examen, lors de leur interrogatoire de première comparution devant le juge d’instruction, Monsieur [U] [F] et Monsieur [H] [F] ont reconnu le principe de la tentative d’escroquerie à l’assurance au moyen de la production d’un rapport d’expertise proposant une évaluation du sinistre sans commune mesure avec la valeur réelle des appareils endommagés et [D] [F] a confirmé qu’il avait tapé les factures fabriquées par son frère [K], peu important qu’il ait été ultérieurement jugé qu’aucune infraction pénale n’était constituée ;
Considérant que le 14 novembre 1995 Madame [N], cadre technique à la direction du contentieux et risques divers de la MAAF, a été entendue sur commission rogatoire sur différents sinistres que cette dernière avait été amenée à indemniser en sa qualité d’assureur de diverses sociétés du groupe [F], et notamment sur l’incendie de juin 1995 concernant la SNC ACTIV ; qu’à l’issue de son audition, Madame [N] a déclaré qu’un dépôt de plainte contre X était envisagé en raison des ‘éléments mis en évidence aujourd’hui’ et détenus par les policiers dans le cadre de leur enquête ; qu’effectivement la MAAF a déposé plainte le 4 décembre 1995 auprès du procureur de la république de [Localité 15], lequel a pris le 11 décembre suivant un réquisitoire supplétif du chef d’escroquerie au préjudice de la MAAF ;
Que Madame [N] a répondu de façon factuelle aux questions qui lui étaient posées par les policiers et qu’il n’est aucunement établi qu’elle leur a sciemment livré des informations qu’elle savait erronées, de nature à étayer la thèse d’une escroquerie à l’assurance ;
Qu’informée par les enquêteurs de l’existence de l’information judiciaire ouverte contre les consorts [F] pour tentative d’escroquerie à l’assurance et de divers éléments révélés par l’enquête, la MAAF a pu de bonne foi penser que c’est à tort qu’elle-même avait indemnisé le sinistre de juin 1995 et déposer plainte ;
Considérant qu’il ressort de ce qui précède que les appelants ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de ce que la procédure pénale a été mal orientée à leur préjudice du fait de la communication d’informations erronées aux enquêteurs tant par le GAN que par la MAAF ;
Considérant que les sociétés GAN et MAAF, outre que leur mauvaise foi et leur intention malveillante ne sont pas démontrées, ne peuvent se voir reprocher une dénonciation calomnieuse dès lors qu’elles n’ont pas spontanément livré aux services de police les informations querellées non plus qu’une dénonciation téméraire, aucune d’elles n’ayant mis en mouvement l’action publique ;
Considérant, par ailleurs, que c’est par de justes motifs, que la cour adopte, que le tribunal a jugé que les consorts [F] et la société POWER INVESTMENT échouaient également dans leur demande d’indemnisation du préjudice lié au sinistre du 20 mars 1995 ;
Qu’il suffit d’ajouter que contrairement à ce que ceux-ci soutiennent, cette disposition ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 10 mars 2006 qui, s’il désigne dans ses motifs le GAN comme ‘l’assureur du responsable de leurs dommages’, n’a pas statué sur les responsabilités encourues dans ce sinistre ;
Or considérant qu’il est clairement établi par le rapport d’expertise en date du 24 mai 1997 de Monsieur [Y], désigné par ordonnance de référé du 28 août 1995 rendue à la demande de la société STAND UP dans le litige l’opposant à la société PROVOST, au GAN et à Monsieur [O], que la société STAND UP porte la responsabilité de l’effondrement de la plate-forme conçue et fabriquée par la société PROVOST, dont elle a assuré elle-même le montage de façon incorrecte et qu’elle a surchargée, les conclusions de cette expertise judiciaire contradictoire n’étant pas utilement contredites par les avis antérieurs des experts missionnés par les assureurs ni par celles de Messieurs [E] et [I], missionnés par la société STAND UP ;
Considérant, en conséquence, qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Sur la demande de dommages et intérêts des sociétés MAAF
Considérant que les sociétés MAAF ne démontrant pas que les consorts [F] et la société POWER INVESTMENT ont abusé de leur droit d’ester en justice en recherchant sa responsabilité à la suite de l’arrêt de relaxe de la cour d’appel de Dijon du 10 mars 2006, leur demande de dommages et intérêts ne peut prospérer ;
Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Considérant que la solution du litige conduit à condamner les appelants, in solidum, aux dépens d’appel et à les débouter de leur demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
Qu’en équité, il convient de laisser aux sociétés GAN et MAAF la charge de leurs frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne les consorts [F] et la société POWER INVESTMENT in solidum aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE