Humour | Parodie : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04236

·

·

Humour | Parodie : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04236
Ce point juridique est utile ?

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2023

(n° 425, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04236 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCAVW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 juin 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 19/00314

APPELANTE

SAS GT PRINT

Immatriculée au RCS de Versailles sous le numéro 804 435 014

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Françoise MERTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P490

INTIMÉE

Madame [C] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Barbara REGENT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0842

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société GT Print est spécialisée dans l’imprimerie, la reproduction et le tirage de documents administratifs, commerciaux et industriels. Elle compte 35 salariés.

Mme [K] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée signé à [Localité 5] le 2 mai 2007 avec prise d’effet au 3 mai 2007, pour un poste de Coordinatrice (cadre) au sein de la société Newworks SA dont le siège social était situé à [Localité 5].

En octobre 2013, le groupe Electrogeloz, dont le siège social est [Adresse 1], a racheté la société Newworks.

Par courrier en date du 9 février 2016, la société Newworks a notifié à la salariée sa mutation au sein de la société GT Print faisant partie du même groupe et dont le siège social est situé à [Localité 6] (78) à compter du 1er mars 2016 avec reprise d’ancienneté. Il lui était indiqué que son lieu de travail serait [Adresse 2] ou dans tout autre établissement ayant des liens juridiques avec la société Newworks.

Mme [K] signait le 9 février 2016 avec la société GT Print un contrat à durée déterminée avec une ancienneté fixée à la date du 3 mai 2007.

Au dernier état de la relation contractuelle sa rémunération mensuelle était fixée à 3335, 20 euros.

Par courrier du 13 avril 2018, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable.

Par courrier du 11 mai 2018, Mme [K] a été licenciée.

Contestant son licenciement, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris par requête en date du 16 janvier 2019.

Par jugement contradictoire du 18 juin 2020, le conseil de prud’hommes de Paris :

-s’est déclaré compétent

– a dit que Mme [C] [K] a été victime de harcèlement moral au sein de la société GT Print;

– a dit le licenciement de Mme [C] [K] sans cause réelle et sérieuse ;

-a condamné la société GT Print à verser à Mme [C] [K] les sommes suivantes :

5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

30.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

1000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– a débouté Mme [C] [K] du surplus de ses demandes ;

-a débouté la société GT Print de sa demande reconventionnelle ;

– a condamné la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.

Par déclaration notifiée par le RVPA 9 juillet 2020, la société GT Print a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 6 avril 2023, la société GT Print demande à la cour de :

-se déclarer incompétente territorialement au profit de la Cour d’Appel de Versailles en application de l’article 90 du code de procédure civile ;

Dans l’hypothèse où elle se déclarerait compétente pour statuer :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 18 juin 2020 en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de Mme [K] était sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il lui a alloué la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

-A titre subsidiaire, dans le cas où la Cour d’Appel jugerait son licenciement sans cause réelle ni sérieuse, dire et juger que Mme [K] ne rapporte pas la preuve des préjudices qu’elle allègue et ramener à de plus justes proportions l’indemnité qu’elle sollicite ;

– infirmer le jugement précité en ce qu’il a retenu des agissements de harcèlement moral à l’encontre de Mme [K] de la part de M.[B] et en ce qu’il a alloué à Mme [K] la somme de 5.000 euros à ce titre sans relever l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant du licenciement ;

– dire et juger Mme [K] mal fondée en son appel incident et la débouter de toutes ses demandes à son encontre,

-la débouter à ce titre des demandes qu’elle formule à titre d’indemnité pour licenciement prétendument nul ;

Dans tous les cas,

– condamner Mme [K] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 11 avril 2023, Mme [K] demande à la cour de :

– débouter la société GT Print de son appel, le dire non fondé ;

– confirmer la compétence territoriale du Conseil de Prud’hommes de Paris, et par conséquent de la Cour d’Appel de Paris, juridiction de recours,

– la recevoir en son appel incident,

– réformer la décision entreprise en ce qu’elle n’a pas retenu le harcèlement sexuel à son égard, la nullité du licenciement et le quantum des condamnations sollicitées par elle ;

– juger qu’elle a été victime de harcèlement moral et sexuel au sein de la société GT Print ;

Par conséquent :

– condamner la société GT Print à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et sexuel subi dans l’entreprise ;

A titre principal

– juger nul son licenciement;

Par conséquent,

– condamner la société GT Print à lui payer les sommes suivantes :

50.027,83 euros à titre d’indemnité de licenciement nul ;

A titre subsidiaire,

– juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement;

Par conséquent,

– condamner la société GT Print à lui payer la somme de 35.019,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dans tous les cas,

– débouter GT Print de toutes demandes, fins et conclusions ;

– confirmer la décision entreprise pour le surplus ;

– condamner la société GT Print à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– la condamner aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par la SARL Barbara Regent Avocats- Maître Barbara Regent conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été déclarée close le 10 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence du conseil de prud’hommes de Paris

Aux termes de l’article R.1412-1 du code du travail, l’employeur et le salarié portent les différends et litige devant le conseil de prud’hommes territorialement compétent.

Ce conseil est :

1 soit celui du ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail ;

2 soit lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.

Le salarié peut également saisir les conseils de prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ou celui du lieu où l’employeur est établi.

Le lieu où l’engagement a été contracté au sens de cet article s’entend du lieu où le contrat de travail a été effectivement conclu.

Ces dispositions confèrent spécialement au bénéfice du salarié la faculté supplémentaire de saisir le conseil de prud’hommes du lieu où le contrat de travail a été signé entre les parties.

C’est en vain que la société GT Print entend en l’espèce démontrer qu’eu égard au lieu de conclusion et d’exécution du contrat de travail à Trappes (78), le litige relève de la compétence du conseil de prud’hommes de Trappes et de la Cour d’appel de Versailles, en l’état de la mutation de la salariée et la signature d’un nouveau contrat de travail . En effet, une telle circonstance ne prive pas la salariée de la possibilité de saisir le conseil de prud’hommes du lieu où l’engagement a été initialement contracté. Or, il ressort des pièces versées que Mme [K] a été engagée le 2 mai 2007 suivant contrat de travail à durée indéterminée par la société Newworks dont le siège social était situé [Localité 5]. Cette société a par la suite été rachetée par le Groupe Electrogeloz .

Mme [K] a été mutée au sein de la société GT Print, qui fait partie du même groupe, à compter du 1er mars 2016 puis a signé un contrat comportant une reprise d’ancienneté à la date du 3 mai 2007, date de sa première embauche par la société Newworks France.

Il s’en évince que la société GT Print a repris le contrat de travail de Mme [K].

Le choix de la salariée s’étant porté sur le conseil de prud’hommes de Paris, dans le ressort duquel est situé l’établissement où a été accomplie le plus longtemps la prestation de travail et où l’engagement a été contracté, a été retenu à juste titre par le jugement de première instance qui a rejeté l’exception d’incompétence.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement sexuel et moral

1. Sur le harcèlement sexuel

Aux termes de l’article L. 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Est assimilée au harcèlement sexuel, toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

L’article L.1153-5 du même code oblige l’employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel.

En l’espèce, s’agissant des faits présentés par Mme [K] comme relevant d’un harcèlement sexuel, celle-ci expose avoir dû subir de la part de M. [B] des gestes déplacés ( mains sur les épaules, se colle derrière elle..) et ses réflexions grivoises à caractère sexuel.

Elle produit à ce titre, outre ses propres écrits avisant son employeur du comportement de son manager:

-l’attestation de M. [Z] [J], commercial, qui indique que M. [B] suivait très fréquemment M. [K] dans ses déplacements au sein de la société, y compris jusque devant la porte des toilettes, et surveillait ses allers et venues;

– l’attestation (dactylographiée) établie par Mme [P], consultante en gestion du patrimoine, vantant les qualités professionnelles de Mme [K];

– les attestations (dactylographiées) de M. [T] [D], responsable de la formation au sein de la société Neworks de juin 2004 à juillet 2010, et de Mme [H] [G], chef de projet, aux termes desquelles Mme [K] a toujours démontré ses qualités professionnelles;

– l’attestation (dactylographiée) de M. [V], chauffeur livreur dans la société GT Print évoquant le fait que M. [B] suivait Mme [K] dans ses déplacements à l’atelier et a même été jusqu’à se cacher dans la salle de production des plaques à l’atelier afin de l’observer très longuement alors qu’elle était en train de discuter avec une collègue de travail;

– l’attestation (dactylographiée) de Mme [W], collègue, qui évoque outre les qualités tant professionnelles que personnelles de Mme [K], que celle-ci lui aurait confié rencontrer avec son supérieur hiérarchique des problèmes relationnels, M. [B] étant connu pour être un homme très tactile et possédant un humour un peu grivois et qu’elle l’a vu suivre Mme [K] et lui faire des réflexions désobligeantes du style ‘ si tu préfères travailler dans l’atelier, on peut te trouver un poste’;

– une deuxième attestation de Mme [X] indiquant avoir appris d’une collègue du service commercial que M. [B] avait fait des réflexions blessantes à Mme [K] en réunion;

– une attestation de suivi émanant d’une psychologue clinicienne relatant le récit que Mme [K] lui aurait fait de la dégradation de ses relations avec son manager, le harcèlement moral et sexuel quotidien qu’elle aurait subi et portant un diagnostic d’un état anxio-dépressif et d’une phobie du travail l’empêchant de s’investir dans une recherche d’emploi sans déclencher des angoisses paralysantes;

– des certificats de présence en consultation psychologique et l’évaluation réalisée le 11 mars 2016 reprenant le récit de Mme [K] selon laquelle M. [K] lui aurait tenu des propos tels que ‘ tu as des pieds de hobbit’, ‘ tu portes une serpillière’, ‘tu es un ruminant’, ou lui aurait fait des ‘allusions sexuelles et blagues salaces’.

Il s’évince de ces documents qu’alors que le psychologue et le médecin psychiatre ont pris la précaution d’indiquer qu’ils relataient les propos tenus par Mme [K], aucun des témoins n’est en mesure lorsqu’ils relatent des faits engageant la responsabilité de M. [B], de donner des éléments circonstanciés sur les agissements reprochés à celui-ci à connotation sexuelle ou rapporter le contenu exact des propos qu’il aurait tenus et qui relèveraient de faits de harcèlement sexuel.

L’employeur remet en cause la conformité et la valeur probante des attestations notamment celle établie par M. [V] qui n’exerçait pas ses fonctions au sein de la société GT Print.

Or, en vertu du principe selon lequel en matière sociale, la preuve est libre, la non -conformité d’une attestation aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile n’entraîne pas son rejet. Il appartient au juge, dans le cadre de son appréciation souveraine de déterminer si cette attestation non conforme présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

L’employeur se réfère également à un enquête interne diligentée dès réception du courrier de Mme [K] l’avertissant de gestes déplacés de M. [B] à son égard et aux termes de laquelle plusieurs salariées témoignent qu’elles n’ont jamais été témoins de gestes déplacés de M. [B] ni jamais entendu de telles accusations, décrivent qu’il pouvait leur mettre la main sur l’épaule en présence d’autres collaborateurs en accompagnant le geste par une phrase d’encouragement ou en leur faisant la bise le matin sans qu’elles considèrent le geste comme tendancieux et que Mme [K] avait une « zone d’intimité restreinte ». Mme [A], salariée, évoque que M. [B] pouvait être tactile mais en aucun cas ses gestes sont mal intentionnés et qu’il pouvait faire de l’humour sans mauvaises intentions. L’examen du compte rendu d’entretien tant de Mme [S] que de Mme [N], salariées de l’entreprise, ne permet pas de retenir que M. [B] aurait tenu des «  plaisanteries graveleuses ».

Il s’évince également du compte-rendu de l’entretien préalable que M. [B] avait suite à un échange intervenu en janvier 2017 avec la salariée décidé de ne plus lui faire la bise comme aux autres membres de l’équipe. Par ailleurs, selon le compte-rendu d’entretien date du 9 janvier 2018 s’inscrivant dans le cadre de l’enquête interne, il a été convenu lors d’une réunion entre la salariée, M. [B] et M. [M], directeur, que compte tenu du constat fait de la gêne exprimée par Mme [K] aucune embrassade n’aurait désormais lieu entre celle-ci et M. [B]. Ce dernier évoque s’en être tenu à ce qui était convenu alors que la salariée avait souhaité dès le lendemain de l’entretien l’embrasser comme d’habitude.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’analyse des gestes imputés à M. [B] selon les témoignages de Messieurs [J] et [V] et des propos tenus tels que Mme [X] a pu les entendre indirectement ou à travers une cloison, s’ils révèlent un comportement et un ton inadaptés, sont en premier lieu exclusif de toute faveur de nature sexuelle sollicitée en retour au sens des dispositions précitées, et en second lieu ne peuvent être qualifiés littéralement de gestes ou propos à connotation sexuelle répétés.

Il s’ensuit que les éléments ainsi présentés sont insuffisants pour être susceptibles de caractériser le harcèlement sexuel allégué.

2. Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l’application de ces textes, le salarié présente des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, la salariée invoque, les mêmes faits que ceux examinés dans le cadre de sa demande de reconnaissance du harcèlement sexuel, soit les comportements déplacés, la surveillance de ses faits et gestes ainsi que la pression dont elle a été victime de la part de son manager qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Au-delà de ses propres écrits et de ses affirmations, Mme [K] produit des attestations ainsi que les pièces médicales, lesquelles ont déjà été examinées lors de l’examen de sa demande au titre du harcèlement sexuel et qui établissent que M. [B] suivait Mme [K] dans ses déplacements , y compris jusque devant la porte des toilettes, et pouvait surveiller ses allers et venues. Il sera noté que suite à la première dénonciation du comportement de M. [B] à son égard au mois de janvier 2017, Mme [K] a été en arrêt maladie en février 2017.

Est également produite l’évaluation établie en mars 2017 par M. [B] relevant des points forts et points négatifs, notamment quant aux relations de la salariée avec les autres membres de l’équipe et reprenant les observations de la salariée quant à une surcharge de travail. M. [B] a par courrier du 8 décembre 2017 pointé certaines insuffisances de la salariée sur le suivi des dossiers et son ton agressif. Suite à la réception de ce courrier, Mme [K] a été à nouveau en arrêt maladie.

Lors de l’évaluation réalisée le 27 mars 2018 cette fois par M. [M], directeur, un mois après celui des autres chargés d’affaire et un mois avant l’engagement d’une procédure de licenciement, la salariée a évoqué sa souffrance vis-à-vis du comportement de M. [B], le turn-over de l’équipe, la surcharge de travail, le responsable relevant une année 2017 compliquée aussi bien dans son travail que dans ses relations internes, marquées par des problèmes relationnels tant avec M. [B] que le reste de l’équipe.

Enfin, le compte-rendu de l’entretien préalable en date du 4 mai 2018 fait apparaître que l’enquête interne n’était pas finalisée à cette date et que l’employeur indiquait qu’elle n’avait pas corroborées les éléments mis en avant puis admettait que celle-ci avait fait ressortir des faits corroborant les affirmations de la salariée.

La cour retient au vu de ses éléments, qui pris dans leur ensemble avec les pièces médicales, relatent de manière concordante un syndrome dépressif avéré ainsi que l’imputation par la salariée de ce dernier à ses conditions de travail, que cette dernière présente des éléments de fait dont la matérialité est établie qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et qu’il appartient dès lors à l’employeur de prouver que les agissements précis qui lui sont reprochés n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société GT Print indique avoir surtout déploré le comportement inadapté et agressif de la salariée avec ses collègues de travail et sa hiérarchie ainsi qu’en attestent les évaluations mais aussi les témoignages de plusieurs collègues déjà évoqués et celui de M. [Y], précédent directeur, aux termes duquel Mme [K] a du être antérieurement mutée en raison de ses relations tendues avec ses supérieurs hiérarchiques. Il souligne que des faits de harcèlement sexuel qui auraient été commis à l’égard de Mme [K], par sa supérieure hiérarchique de l’époque, Mme [U], auraient été évoqués.

Il sera cependant relevé que l’employeur et ce malgré une mise en demeure de la salariée ne s’explique pas sur son refus de transmettre l’intégralité de l’enquête interne qu’il acceptait d’entreprendre plus d’un an après la première alerte, ce d’autant qu’à la date de l’entretien préalable il admettait que l’enquête qui faisait ressortir certains faits corroborant les allégations de Mme [K], n’était pas finalisée et que les compte-rendus des entretiens des autres salariées, bien que portant la date du mois de janvier 2018, n’ont été signés que postérieurement au licenciement en juin 2018. A plusieurs reprises, la salariée a évoqué sa souffrance au travail, la détérioration de ses conditions de travail, la pression de la part de son supérieur alors que jusque-là ainsi qu’en témoignent plusieurs clients elle n’avait pas fait l’objet de reproches de leur part sur son travail.

Il s’ensuit que faute pour la société de justifier par des éléments objectifs que tous les faits précis invoqués par la salariée sont étrangers à un harcèlement moral, celui-ci est constitué.

Sur le licenciement

Mme [K] soutient que le licenciement serait intervenu en réaction à la dénonciation des abus et du harcèlement moral qu’elle subissait.

Il sera rappelé qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ‘pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Selon l’article L. 1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Il s’en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

«  Lors de votre entretien annuel d’évolution qui s’est déroulé le 27 mars dernier, le Directeur de centre a examiné le bilan de votre activité au regard des objectifs qui vous avaient été assignés pour l’année 2017. Le constat qui en résulte est que sur les 4 objectifs assignés, deux d’entre eux ont été jugés comme ayant eu des résultats moyens, les deux autres ayant eu des résultats jugés mauvais. Il en est de même concernant l’appréciation des compétences clés qui sur les 11 items évalués seuls 4 ont été jugés comme conformes, les 7 autres ayant quant à eux été jugés comme besoin de développement.

Ce constat avait d’ailleurs déjà été fait par la société en fin d’année dernière et un rendez-vous avait été organisé le 17 octobre 2017 pour vous sensibiliser sur la nécessité de vous reprendre sérieusement en main. Ce rendez-vous, au cours duquel nous avons notamment évoqué votre charge de travail, n’a produit aucun effet positif, tout au contraire puisque votre comportement verbal est devenu de plus en plus agressif tant avec votre responsable qu’avec les autres membres de la société ou clients de l’entreprise.

C’est dans ces conditions que la société vous avait écrit le 8 décembre 2017 pour vous demander de vous ressaisir tant sur votre travail que sur votre comportement.

A la réception de ce courrier et afin de vous prévenir de toute sanction à votre encontre, vous nous avez adressé un courrier recommandé le 14 décembre 2017. Au-delà de la contestation purement formelle des griefs contenus dans notre courrier du 8 décembre , vous avez porté de graves accusations à l’encontre de votre responsable pour des faits qui se seraient produits depuis votre arrivée dans son équipe, soit au début d’année 2016.

Compte tenu de ces accusations, nous vous avons, et ce dès réception de votre courrier, rattaché hiérarchiquement à votre directeur du centre afin que vous n’ayez plus de contacts avec votre responsable hiérarchique et diligentée une enquête interne qui n’a pas corroboré les accusations portées à l’encontre de votre ancien supérieur hiérarchique’

Le Directeur du centre n’a pas de son côté constaté d’amélioration dans les tâches qui vous sont confiées; vos actions demeurent très insuffisantes depuis le début de l’année. Le nombre de devis effectués par vos soins au cours du 1er trimestre reste bien en deçà de celui de votre équipe, s’établissant à 352 pour une moyenne de 501 pour les autres membres de votre service, soit 30% de devis traité en moins. La société a pu en outre constater votre manque de réactivité avec pour exemple la demande de Reed Expositions France du 14 février dernier auquel vous apportez une réponse le 16 février ou bien encore votre manque de communication récurrent avec les autres services comme l’échange de courriel du 27 mars dernier concernant les anomalies sur la commande de notre client GPMA, anomalies que vous n’aviez pris aucunement de signaler au service de production ».

A la lecture de la lettre de licenciement, l’employeur reproche en conséquence à Mme [K] trois griefs :

-son insuffisance professionnelle ;

-d’avoir porté de graves accusations à l’encontre de son supérieur hiérarchique qui n’ont pas été corroborés par les résultats de l’enquête interne ;

-son comportement verbal de plus en plus agressif.

Or, ainsi qu’il a été évoqué ci-avant, Mme [K] avait dénoncé une première fois les agissements de M. [B] qui avait conduit à l’organisation d’une réunion en 2017 puis a par courrier du 14 décembre 2007 adressé à son employeur dénoncé les faits en ces termes : «  je subis régulièrement des pressions répétées ainsi que des gestes déplacés de la part de mon responsable qui ont pour effet de me déstabiliser et de me perturber dans l’exécution de mon travail. Cette situation a pour conséquence de porter atteinte à mes droits et d’altérer ma santé physique et mentale, ce qui pourrait compromettre mon avenir professionnel ». Elle précisait par mail du 15 janvier 2018 avoir échangé avec deux salariés sur les agissements de M.[B].

Or, l’employeur fait une référence explicite à cette dénonciation dans la lettre de licenciement en évoquant également que celle-ci relèverait d’une stratégie de la salariée pour contrecarrer les reproches faits sur son comportement et son travail sans pour autant démontrer au-delà de la concomitance de la dénonciation et les reproches faits à la salariée l’abus ou la mauvaise foi de celle-ci.

Ainsi la salariée a relaté des faits de harcèlement moral, ce qui ne pouvait pas fonder son licenciement, étant rappelé que dès lors qu’il était reproché dans la lettre de licenciement à Mme [K] d’avoir dénoncé un harcèlement moral à tort, sans mauvaise foi de sa part, ce grief comporte à lui seul la nullité du licenciement en raison de son caractère contaminant.

Par suite, le jugement sera en conséquence confirmé et le licenciement sera déclaré nul.

Sur l’indemnité pour licenciement nul

En vertu de l’article L1235-3-1 du code du travail, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard de l’ancienneté de Mme [K] (11 ans), de sa rémunération, de son âge (41 ans) lors de son licenciement, de son niveau de formation et de sa capacité à retrouver un emploi, de la période de chômage justifiée entrecoupée de deux périodes d’activité son préjudice causé par son licenciement nul sera réparé par l’allocation de la somme de 30.000 euros.

Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral

Mme [K] sollicite la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et moral. Outre le fait que le harcèlement sexuel n’a pas été retenu, elle ne justifie pas d’un préjudice à hauteur de cette somme. En effet, il sera relevé que Mme [K] impute à la situation de harcèlement rencontrée au sein de la GT Print sa phobie du travail telle qu’évoquée par les pièces médicales alors qu’elle a pu reprendre des activités, ne fournit aucun justificatif au-delà de ses affirmations reprises par l’évaluation psychiatrique sur les raisons ayant conduit à l’interruption de deux contrats de travail conclus postérieurement à son licenciement par la société GT Print.

Au vu des pièces et explications sur le préjudice subi qui s’avère distinct de celui consécutif à la perte de son emploi, caractérisé par les répercussions personnelles de la dégradation de ses conditions de travail, le montant des dommages et intérêts alloué par les premiers juges en réparation doit être approuvé.

En conséquence, le jugement est confirmé.

Sur le remboursement des indemnités Pôle Emploi

Il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du même code qui l’imposent, d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de quatre mois d’indemnités.

Sur les demandes accessoires

La société GT Print succombant sera condamnée aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître Régent, et à verser à Mme [K] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement sur les dépens et l’application de l’article 700 seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société GT Print à verser à Mme [C] [K] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

L’INFIRMANT de ces chefs,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement de Mme [C] [K] nul ;

CONDAMNE la SAS GT Print à verser à Mme [C] [K] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

ORDONNE à la SAS GT Print à rembourser à Pôle Emploi les allocations versées à Mme [C] [K] dans la limite de 4 mois;

CONDAMNE la SAS GT Print à verser à Mme [C] [K] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS GT Print aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par la SARL Barbara Regent Avocats -Maître Barbara Regent- conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande des parties.

La greffière La présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x