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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 25 MAI 2023
(n°2023/ , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04484 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSIO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/06475
APPELANT
Monsieur [S] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
né le 25 Janvier 1956 à PARIS (75)
Assisté de Me Carine COHEN, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A.S. PUBLICIS SAPIENT FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Eliane CHATEAUVIEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-José BOU, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 23 mars 2023 et prorogée au 25 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [S] [H] a été engagé par la société Duke par contrat de travail à durée indéterminée du 12 juin 2001 en qualité de directeur du développement. Selon avenant à effet du 1er janvier 2011, son contrat a été transféré à la société Vivaki communications sous l’enseigne Digitas, l’intimée expliquant que le transfert s’est fait au sein de la société Publicis Sapient France anciennement dénommée société Digitas LBI. L’avenant prévoyait une rémunération brute mensuelle de 7 695,19 euros pour le temps de travail effectué par M. [H] pour l’accomplissement de ses missions dans la limite de 215 jours par an majoré de la journée de solidarité conformément à l’accord d’aménagement et de réduction du temps de travail dans l’entreprise.
En dernier lieu, M. [H] occupait les fonctions de directeur associé, catégorie cadre, niveau 3.4, moyennant une rémunération mensuelle brute de base de 8 583,33 euros.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955.
La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
A la suite de plaintes de salariées portant sur des comportements déplacés de M. [H] de nature sexiste ou à connotation sexuelle à leur encontre, une enquête a été menée conjointement par la direction des ressources humaines et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ci-après le CHSCT.
M. [H] a été convoqué par lettre du 13 mars 2018 à un entretien préalable fixé au 22 mars 2018, avec mise à pied à titre conservatoire, puis a été licencié pour faute suivant une lettre du lettre du 30 mars 2018, la société l’ayant dispensé de l’exécution de son préavis.
Contestant son licenciement ainsi que la convention de forfait en jours régissant sa durée de travail, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 12 novembre 2019 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :
– dit le licenciement de M. [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de ses demandes tirées de ce chef ;
– dit la convention de forfait jour inopposable ;
– dit que le demandeur n’apporte aucun élément au titre des années 2015 et 2016 et l’a débouté de ses demandes d’heures supplémentaires au titre de ces années ;
– condamné la société Publicis sapient France venant aux droits de la société Digitas LBI à verser à M. [H] les sommes suivantes :
* 7 844,76 euros (incluant les congés payés) au titre des heures supplémentaires pour l’année 2017,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
rappelé qu’en vertu de l’article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,
* 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [H] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société Publicis Sapient France venant aux droits de la société Digitas LBI de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration du 9 mars 2020, M. [H] a relevé appel de ce jugement notifié par lettre datée du 14 février 2020.
L’affaire, enregistrée sous le numéro RG 20/02229, a été radiée par ordonnance du 27 mai 2021 du fait d’un défaut de diligence des parties suite au dépôt du rapport de médiation, aucune des parties n’ayant fait part de sa volonté de se désister.
Le 4 avril 2022, l’appelant a transmis des conclusions aux fins de rétablissement. L’affaire a été réenrôlée sous le numéro RG 22/04484.
Par conclusions transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 7 décembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [H] demande à la cour de :
– constater l’échec de la procédure de médiation ;
– procéder au rétablissement de l’action et l’instance initiée par lui devant la cour pour contester son licenciement et formuler d’autres demandes au titre de l’exécution et la rupture de son contrat de travail ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la convention de forfait annuel en jours inopposable à M. [H] ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
* considéré que les faits reprochés à M. [H] sont réels et ne sont pas prescrits,
* considéré que M. [H] n’apportait aucun élément de nature à mettre en doute la matérialité des faits reprochés,
* considéré que le licenciement de M. [H] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
* limité le montant des rappels d’heures supplémentaires à la somme de 7 844,66 euros en ce y compris les congés payés pour l’année 2017,
* débouté M. [H] de ses demandes de rappels d’heures supplémentaires et de repos compensateur pour les années 2015, 2016 et 2018,
* débouté M. [H] de ses demandes de dommages et intérêts au titre (i) des circonstances vexatoires de la rupture de son contrat, (ii) de l’exécution déloyale de son contrat de travail, (iii) de la violation par la société de son obligation de sécurité, et (iv) du non-respect par la société du droit d’accès de M. [H] à ses données personnelles ;
et statuant à nouveau,
– juger que le licenciement de M. [H] est fondé sur des faits prescrits et sur la base d’une enquête partiale réalisée par le CHSCT ;
– juger que M. [H] apporte des éléments permettant de démontrer que la matérialité des faits qui lui sont reprochés n’est pas établie ;
– juger que le licenciement de M. [H] est dénué de toute cause réelle et sérieuse ;
– juger que le licenciement de M. [H] a été réalisé dans des circonstances vexatoires ;
– juger que la société ne produit aucun élément contradictoire ‘concernant de’ démontrer que M. [H] n’aurait accompli aucune heure supplémentaire pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018 ;
– juger que la société a exécuté le contrat de travail de M. [H] de façon déloyale ;
– juger que la société a méconnu son obligation de sécurité ;
– juger que la société n’a pas respecté le droit d’accès à ses données personnelles formulé par M. [H] ;
en conséquence,
– condamner la société à verser à M. [H] :
* une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse calculée sur la base du barème fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail et correspondant à la somme de 123 190,62 euros nets, soit 14 mois de salaire ;
* une indemnité en raison des circonstances vexatoires dans lesquelles le licenciement est intervenu pour un montant de 52 795,98 euros nets ;
* la somme de 52 795,98 euros nets en raison de la violation par la société de son obligation de sécurité ;
* 83 096,88 euros bruts au titre des rappels d’heures supplémentaires pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018 et 23 534,28 euros bruts au titre des repos compensateurs ;
* 52 795,98 euros nets au titre de dommages et intérêts en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
* 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit d’accès aux données personnelles ;
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code du procédure civile ;
– assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal et de l’anatocisme.
Par conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 13 décembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
à titre principal,
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [H] est parfaitement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la convention de forfait jours était inopposable à M. [H] et a condamné la société à lui verser 7 844,76 euros au titre des heures supplémentaires pour l’année 2017 ;
par conséquent, statuant à nouveau,
– juger que la convention de forfait annuel en jours à laquelle était soumis M. [H] est conforme aux dispositions légales et jurisprudentielles applicables en la matière ;
– débouter M. [H] de l’intégralité de ses demandes ;
à titre subsidiaire,
si par extraordinaire, la cour rentrait en voie de condamnation à l’égard de la société,
– constater que M. [H] ne produit aucun élément pour démontrer le préjudice distinct qu’il estime subir du fait de la rupture des relations contractuelles ;
– juger que l’indemnité au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée à M. [H] ne saurait excéder la somme de 25 750 euros bruts, soit l’équivalent de 3 mois de salaire, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail ;
– débouter M. [H] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires dans la mesure où il est incapable de démonter la preuve des heures supplémentaires réellement effectuées, de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité, de dommages et intérêts pour licenciement intervenu dans des circonstances vexatoires et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
en tout état de cause,
– rejeter la demande de M. [H] tendant au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
à titre reconventionnel,
– condamner M. [H] à verser à la société la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :
‘[…] En amont de notre décision, nous avons pris soin d’organiser une enquête interne menée conjointement par le CHSCT et la DRH, avec le support de la DRH du groupe, afin d’identifier précisément les comportements et les propos que vous aviez tenus et qui ont conduit certains collaborateurs à exprimer les difficultés et angoisses qui en résultent. Nous avons également écouté vos explications lors de l’entretien préalable.
Nous sommes en mesure, par la présente et après avoir respecté le délai de réflexion que prévoit la Loi, de vous faire connaître notre décision de vous licencier pour faute, pour les motifs suivants :
‘ propos et agissements sexistes que vous avez tenus, de façon régulière et confirmée par plusieurs témoins, en dépit de vos dénégations à l’égard de collaboratrices de l’agence ou d’autres femmes dans votre milieu professionnel, constitutifs d’atteintes et de violences morales ;
‘ propos et agissements détériorant profondément l’ambiance de travail et créant un climat d’angoisse et de danger pour les personnes qui en sont victimes ou témoins. Ils portent atteinte à leur dignité et créent un environnement de travail intimidant, dégradant, humiliant et offensant ;
‘ attitudes indignes d’un manager de votre niveau (directeur associé) vis-à-vis des collaborateurs, notamment du fait d’une familiarité excessive.
Nous ne pouvons exclure qu’une juridiction considère qu’ils caractérisent même des comportements de harcèlement sexuel ; cependant au vu des conclusions de l’enquête tout comme à l’écoute attentive de vos explications lors de l’entretien préalable, nous avons décidé de ne pas retenir ce grief au bénéfice du doute comme motif de licenciement. Il ne s’agit donc pas de faute grave mais de faute simple et votre mise à pied conservatoire vous sera intégralement rémunérée de même que vous ne serez privé ni de votre indemnité conventionnelle de licenciement ni du paiement de votre préavis.
Vous trouverez ci-après l’énoncé de quelques faits qui illustrent ces motifs de licenciement.
I’ Sur la tenue de propos et agissements sexistes notamment à l’égard de collaboratrices de l’agence :
Le 5 janvier 2018, lors d’un brief avec vous sur le compte Essilor, vous avez dit à l’une de vos collaboratrices « Bienvenue dans l’équipe, tu vas passer à la casserole comme les autres ». Très choquée par vos propos, elle vous a demandé de ne plus faire ce genre de remarque à l’avenir. Vous avez répondu en riant « la meuf est premier degré ».
Ces agissements, portés à la connaissance de la Direction de l’agence le 16 janvier 2018 et confirmés par un témoin, ont entrainé un profond mal être chez la collaboratrice qui l’a vécu comme une violence psychologique. Vos paroles avaient un caractère équivoque, dégradant et humiliant à son égard. Elle a dit s’être sentie salie par vos propos et votre attitude envers elle, qui a créé à son égard, une situation intimidante, hostile et offensante, et un abus d’autorité. Elle en a subi des répercussions sur sa santé et a été mise en relation avec la médecine du travail.
Le 17 janvier 2018, une autre collaboratrice, Directrice Conseil, s’est rapprochée de la Direction des Ressources Humaines de l’agence afin de dénoncer des agissements sexistes qu’elle a subis de votre art au cours de l’année 2017.
L’enquête interne menée a fait ressortir que vous teniez régulièrement des propos sexistes, que ce soit en groupe ou de façon isolée. A titre d’exemple :
– Dans l’open-space du 3ème étage, à la suite d’une réunion clientèle, vous avez tenu des propos sexistes à l’égard d’une Directrice clientèle travaillant sur le compte Nissan qui portait des collants noirs épais et une jupe courte. Vous l’avez tiré vers vous par le cou en lui disant à voix haute « quand est-ce qu’on déjeune ensemble ‘ je veux déjeuner avec toi, surtout quand t’es habillée comme ça » ;
– A la suite d’une réunion avec une cliente qui vous a contredit, vous avez devant d’autres collaborateurs de l’agence qualifié la cliente de « connasse » et de « mal baisée ».
Vous avez à plusieurs reprises utilisé un vocabulaire sexiste pour qualifier les femmes, fait des remarques sur leur physique ou leur tenue vestimentaire et fait des confidences déplacées sur vos relations avec les femmes.
Vos attitudes ont généré un sentiment de malaise général et de pénibilité, qui a poussé plusieurs personnes à souhaiter ne plus travailler avec vous.
II- Sur la tenue de propos et d’agissements à connotation sexuelle à l’égard de collaboratrices de l’agence
Vos propos et agissements déplacés sont allés jusqu’à revêtir des connotations d’ordre sexuel à l’égard de collaboratrices de l’agence.
C’est ainsi que la collaboratrice, Directrice Conseil, qui a dénoncé vos agissements sexistes subis au cours de l’année 2017, a aussi relaté avoir été victime de propos et attitudes connotation sexuelle de votre part, et notamment les suivants qui l’ont le plus marquée :
– « Tu sais j’ai toujours eu envie de retirer les lunettes d’une femme avant de la violer ». Vous lui avez tenu ces propos alors que vous étiez en tête à tête, en la regardant dans les yeux et qu’elle portait au même moment ses lunettes de vue. Lorsque vous vous êtes rendu compte qu’elle avait mal pris vos propos, vous vous êtes repris en lui indiquant « ça va c’était une blague! »,
– « rappelle-moi, on a baisé encore ou pas ‘ ». Vous lui avez dit cela lorsque vous fêtiez le budget [F],
– Le 24 février 2017, avant un call avec un client, alors que vous vous trouviez seul avec elle et attendiez que le client début le call, vous lui avez proposé de lui montrer une photo de vous. Votre collaboratrice vous a répondu « non » à deux reprises avant de tourner la tête pour ne pas voir la photo que vous tentiez de lui montrer, lorsqu’elle s’est de nouveau retournée vers vous, vous aviez votre portable dans les mains lui montrant une photo de vous sur laquelle vous portiez uniquement votre tee-shirt, debout devant le miroir d’une salle de bains, le robinet cachant votre pénis mais laissant apparaître vos testicules.
– Le 30 juin 2017, alors que cette collaboratrice était venue vous voir à votre bureau pour vous demander de lui prêter votre chargeur de téléphone, vous lui avez répondu « oui mais tu me donnes quoi en échange ‘ Tu me fais une pipe ‘ ». La collaboratrice vous a alors rétorqué de garder votre chargeur.
Cette collaboratrice a été profondément choquée par vos propos et attitudes dégradantes pour elle (se sentant humiliée et ‘traitée comme une merde’ selon ses termes) ; elle en a subi des conséquences préjudiciables sur sa vie personnelle, professionnelle et sur sa santé. En août 2007, son médecin lui a prescrit des antidépresseurs et elle est toujours suivie sur le plan médical.
La collaboratrice s’est dite soulagée lorsqu’elle a été sortie du compte dont vous étiez en charge et qu’elle n’était plus votre subordination, et n’avait plus à collaborer avec vous.
Ces propos et agissements de votre part, portés à la connaissance de la Direction de l’agence les 16 et 17 janvier 2018 ont donné lieu au déclenchement de l’enquête interne dont les conclusions vous ont été adressées le 21 mars dernier.
Cette enquête a conclu que :
– vos propos et agissements inacceptables, à connotation sexuelle et sexiste, sont fréquents.
– vos agissements nuisent à une ambiance de travail normale et portent atteint à la santé des collaborateurs.
III’ Familiarité excessive collaborateurs/trices de l’agence :
Vous avez, dans d’autres circonstances, fait preuve de familiarité très excessive à l’égard de collaborateurs ou collaboratrices de l’agence.
En votre qualité de Directeur Associé de votre niveau de séniorité, votre responsabilité est de manager vos équipes et d’interagir avec les collaborateurs des autres équipes (notamment ceux d’un niveau hiérarchique inférieur au vôtre) d’une façon exemplaire, en affichant un réel respect dans vos relations professionnelles.
Or il s’avère que c’est vous en tant que manager qui faites preuve d’une familiarité excessive envers les collaborateurs, dépassant les limites en termes de respect et leur imposant votre propre code de conduite non professionnel et un humour irrespectueux à leur égard, les mettant en position de faiblesse compte tenu de votre position, et ce dès leur arrivée dans l’agence.
***
Ajoutés les uns aux autres et eu égard à leurs conséquences sur les salariées, vos actes et paroles rendent manifestement impossible votre maintien au sein de l’agence. […]’
Au soutien de la contestation de son licenciement, M. [H] se prévaut de la prescription des griefs formulés à son encontre, de leur fausseté et leur absence de caractérisation et du réel motif de la rupture qui serait d’ordre économique.
– sur la prescription :
M. [H] fait valoir que ses supposés comportements avec Mme [I] remontent à 2017 et que le prétendu incident relatif à Mme [O] est survenu le 5 janvier 2018 alors que la procédure de licenciement n’a été initiée que le 13 mars 2018. Or, il soutient que la direction a été informée d’une difficulté avec Mme [I] huit à dix mois avant le début de l’enquête et que l’incident du 5 janvier 2018 s’est produit en présence de M. [U], son supérieur hiérarchique direct.
La société rétorque que les faits se sont poursuivis jusqu’à l’incident subi par Mme [O], que la direction n’en a été informée que le 16 janvier 2018, peu important la date à laquelle M. [U] en a eu connaissance dès lors qu’il n’avait aucun lien hiérarchique avec M. [H], et que la plainte de Mme [I] auprès de la DRH date du 17 janvier 2018. En tout état de cause, elle prétend que la connaissance de l’ampleur et de l’exactitude des faits fautifs n’était pas acquise au 5 janvier 2018 mais ne l’a été qu’à l’issue de l’enquête.
L’article L.1332-4 du code du travail dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Il résulte des conclusions de la société selon lesquelles les faits litigieux se sont poursuivis jusqu’à l’incident subi par Mme [O], incident dont il est constant qu’il s’est produit le 5 janvier 2018, que les faits reprochés à M. [H] ont été commis plus de deux mois avant la convocation à l’entretien préalable en date du 13 mars 2018 qui marque l’engagement de la procédure disciplinaire. Il appartient dès lors à l’employeur de prouver qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites.
S’agissant des faits du 5 janvier 2018, il est acquis qu’ils se sont produits en présence de M. [U]. Si l’employeur, au sens de l’article L. 1332-4 précité, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir, M. [U] a déclaré lors de son entretien réalisé le 13 février 2018 par la délégation d’enquête, dont le compte rendu (signé par l’intéressé avec mention manuscrite que son contenu reflète fidèlement ses propos) est versé aux débats, qu’il exerce les fonctions de program manager et qu’il n’avait pas de lien hiérarchique avec M. [H], les intéressés travaillant dans des services distincts. L’appelant ne produit aucune pièce contredisant cette déclaration. Par suite, la cour retient que M. [U] n’était pas le supérieur hiérarchique de M. [H] et n’avait pas de pouvoir disciplinaire à son égard. Il résulte par ailleurs du procès-verbal de réunion extraordinaire du CHSCT du 8 février 2018 que Mme [O] est venue voir M. [M], DRH, le 16 janvier 2018 afin de se plaindre des faits du 5 janvier 2018. La cour estime en conséquence que l’employeur n’en a pas eu connaissance avant le 16 janvier 2018.
S’agissant des faits dénoncés par Mme [I], il est constant selon ses propres dires consignés à l’occasion de son entretien réalisé par la commission d’enquête le 13 février 2018, dont le compte rendu (signé par cette dernière avec mention manuscrite que son contenu reflète fidèlement ses propos) est versé aux débats, qu’ils ont eu lieu au plus tard en 2017. M. [H] a indiqué lors de son entretien réalisé le 16 février 2018 par cette même délégation (dont le compte rendu est produit par l’appelant) que huit mois auparavant, il a été convoqué par MM. [K] et [G] qui lui ont fait part d’une difficulté avec Mme [I]. Le compte rendu de cette dernière confirme que le 4 juillet 2017, elle leur a signalé qu’en réponse à sa demande d’emprunt d’un chargeur de téléphone, M. [H] lui a demandé si elle lui ferait ‘une pipe’ en échange et que précédemment, elle avait informé M. [K] d’une ‘blague’ de M. [H] sur un viol. Il confirme aussi que MM. [K] et [G] ont convoqué au début du mois de juillet 2017 M. [H] au sujet de ces faits, ce qui est de nature à établir qu’ils étaient les supérieurs hiérarchiques de ces derniers.
Cependant, comme le vise la lettre de licenciement, Mme [I] dit avoir été victime d’autres faits de même nature commis par M. [H] (question posée par celui-ci lors de la fête concernant le budget [F] et incident du 24 février 2017) qui n’apparaissent pas avoir été portés à la connaissance de l’employeur avant le 17 janvier 2018, date à laquelle selon le procès-verbal du CHSCT du 8 février 2018, Mme [I] a exprimé une plainte auprès du DRH concernant M. [H].
En tout état de cause, la société justifie avoir fait diligenter à compter du 8 février 2018 des investigations complémentaires par le biais de l’enquête menée conjointement par le CHSCT et la DRH. Or, ces investigations, consistant en l’audition de 14 personnes comme il sera vu ci-après, étaient nécessaires compte tenu de la nature des faits, afin de vérifier la réalité des dires des plaignantes et rechercher si d’autres faits avaient été commis. Ainsi, l’employeur justifie n’avoir pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié avant cette enquête.
Le moyen tiré de la prescription doit être écarté.
– sur le bien-fondé des griefs :
M. [H] souligne qu’il produit de nombreuses attestations justifiant de son respect des femmes. Il conteste en outre l’impartialité et l’objectivité de l’enquête aux motifs que plusieurs membres du CHSCT y ayant participé sont des amis des salariées s’étant plaintes de lui et qu’elle a été menée uniquement à charge, sans permettre une relecture sereine de leurs dires par les personnes entendues. Il prétend que les propos retranscrits par la délégation d’enquête ne correspondent pas à ceux qu’il a tenus. Il observe encore que la société ne produit que cinq compte-rendus d’entretiens menés au cours de l’enquête alors que 14 personnes ont été interrogées et qu’il s’agit de documents à charge non corroborés par des témoins, l’appelant relevant en outre que des passages sont caviardés dans le compte-rendu d’entretien de Mme [O]. Il note par ailleurs que la lettre de licenciement fait état d’un doute et en déduit que la société n’aurait pas dû le licencier. Il soutient enfin que celle-ci avait à plusieurs reprises par le passé tenté de rompre son contrat et que le véritable motif du licenciement est d’ordre économique, à la suite d’une fusion.
La société réplique que la commission d’enquête a dressé une liste de personnes à recevoir et a aussi accepté d’entendre des personnes suggérées par M. [H]. Elle affirme que les membres de la commission sont restés impartiaux. Elle invoque que les compte rendus produits démontrent la réalité des faits reprochés et qu’elle n’a pas versé aux débats l’intégralité de ces documents du fait de la volonté de certains salariés de conserver l’anonymat et de ne pas voir leur témoignage produit. Elle avance que la conclusion finale de l’enquête confirme les faits et la nécessité de les sanctionner. Elle conteste l’inexactitude alléguée du motif du licenciement, faisant valoir que la fusion invoquée est intervenue après, et souligne que le seul doute qu’elle a eu portait sur la qualification de harcèlement sexuel. Elle nie l’utilité des attestations produites par l’appelant, relevant que leurs auteurs n’étaient pas présents lors des faits litigieux.
L’article L. 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles’et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l’administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.
La preuve est libre en matière prud’homale.
Le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes mais il peut prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence.
En l’espèce, la lettre de licenciement reproche au salarié les faits suivants :
– propos et agissements sexistes à l’égard de collaboratrices de l’agence ou d’autres femmes dans le milieu professionnel, grief illustré par l’incident du 5 janvier 2018 avec Mme [O], par les faits dénoncés par Mme [I] et par d’autres faits (remarque à l’égard d’une directrice conseil et remarques à l’égard d’une cliente) ;
– propos et agissements à connotation sexuelle à l’égard de collaboratrices, grief illustré par les quatre faits dénoncés par Mme [I] ;
– attitudes indignes d’un manager du fait d’une familiarité excessive.
La société fournit les éléments suivants :
– le procès-verbal de réunion du CHSCT du 8 février 2018 qui a désigné comme membres de la commission d’enquête deux représentants de l’employeur, un membre du CHSCT, la secrétaire du comité d’entreprise et un délégué du personnel ;
– les compte rendus d’entretien de Mmes [O] et [I], de M. [U], de M. [Z] et de Mme [A] qui sont signés par chacune des personnes concernées avec leur accord recueilli par courriel en vue de la production en justice de ces documents :
* dans le compte rendu de son entretien, Mme [O] expose que le 5 janvier 2018, M. [U] l’a accompagnée pour un brief avec M. [H], lequel l’a reçue en disant : ‘Bienvenue dans l’équipe, tu vas passer à la casserole comme les autres’ et que lui ayant demandé la signification de cette remarque, il a répondu ‘la meuf est premier degré’. Elle indique qu’elle a ensuite ressenti un sentiment de mal-être et de panique en présence de M. [H], dont elle a fait part à M. [U], raison pour laquelle elle a vu le DRH à ce sujet le 16 janvier 2018. Elle précise qu’elle a croisé M. [H] le soir du 16 janvier, qu’il a essayé de lui parler mais qu’elle a refusé et qu’il lui a le même soir envoyé un mail annexé au compte rendu ainsi rédigé : ‘[N] me fait part de ton malaise avec moi et je suis super emmerdé car j’ai dû être super maladroit en faisant une blague naze ou quelque chose comme ça…. Je suis très ennuyé de te voir ennuyée car pour moi je pensais juste être sympa. Voyons nous demain et déjà je te demande de m’excuser si j’ai pu être irrespectueux. Ce n’est pas du tout mon envie’. Mme [O] relate qu’à sa connaissance d’autres personnes ont été confrontées à une situation identique, à savoir Mme [I], une personne dont le nom est effacé à laquelle M. [H] a dit ‘je vais te bifler’, M. [Z] devant lequel M. [H] a évoqué sa propre épouse en la qualifiant de ‘pute’, M. [Z] et un autre individu dont le nom est effacé en ayant été choqués ;
* dans le compte rendu de son entretien, Mme [I] relate que son manager lui a tenu les propos suivants ‘Tu sais j’ai toujours eu envie de retirer les lunettes d’une femme avant de la violer’ alors qu’elle était en tête à tête avec lui et qu’elle portait ses lunettes de vue ; que lorsqu’il s’est rendu compte qu’elle avait mal pris ses propos, il lui a dit « ça va c’était une blague! ». Elle expose aussi qu’il s’est exprimé à elle en ces termes : ‘rappelle-moi, on a baisé encore ou pas” lorsqu’ils fêtaient le budget [F] au bar La Louve. Elle ajoute que le 24 février 2017, avant un call avec le directeur marketing du compte [F], alors qu’elle se trouvait seule avec M. [H] en prenant des selfies, il lui a proposé de lui montrer une photo de lui, qu’elle lui a répondu en lui demandant s’il était ‘à poil’, que vu son sourire, elle a refusé, que M. [H] a commencé à lui décrire sa photo comme se trouvant face à miroir dans une salle de bain, le robinet remplaçant son pénis, qu’elle a détourné la tête mais que lorsqu’elle s’est de nouveau tournée vers son manager, elle s’est retrouvée face à son téléphone avec une photo de lui sur laquelle il portait un tee-shirt sans rien d’autre, le robinet ne cachant pas entièrement ses parties intimes mais laissant apparaître ses testicules. Elle relate enfin qu’une autre fois, alors qu’elle était allée voir M. [H] pour lui emprunter un chargeur de téléphone, il lui a répondu ‘oui mais tu me donnes quoi en échange’ Tu me fais une pipe”, ce à quoi elle lui a rétorqué de garder son chargeur. Elle expose qu’il n’y avait pas de témoin de ces faits mais qu’à la suite de l’incident relatif au chargeur, elle en a fait état le 4 juillet 2017 à MM. [K] et [G] et qu’auparavant, à la suite de la ‘blague’ sur le viol, M. [K] lui avait demandé si elle voulait porter plainte, ce qu’elle avait alors refusé ;
* dans le compte rendu de son entretien, M. [U] relate que le 5 janvier 2018, il a présenté Mme [O] à M. [H] pour qu’il la briefe sur le compte Essilor et qu’il l’a entendu lui dire une phrase du genre ‘Tu vas passer à la casserole comme les autres’ et que lui-même et Mme [O] étant choqués, M. [H] a ajouté ‘Vous êtes 1er degré!’. Il explique qu’il a été témoin de ces faits une fois mais que ces propos correspondent au type de ‘blagues’ qu’il a déjà entendues de la part de M. [H] et qu’au printemps 2017, il a été mis dans la confidence par Mme [I] de sa propre situation sans qu’elle entre dans les détails. Il relate que lorsqu’il a indiqué que Mme [O] avait saisi la DRH et qu’il avait dépassé les limites, M. [H] a minimisé les faits en indiquant que c’était de l’humour ;
* dans le compte rendu de son entretien, M. [Z] indique que lors d’un déjeuner avec M. [H], celui-ci a évoqué son épouse en la désignant de ‘pute’ et que face à la réaction des convives, il a ajouté que pour lui, c’était un compliment voulant dire qu’il avait sexuellement envie d’elle. M. [Z] évoque ensuite des faits dont il dit avoir eu connaissance par des collègues, à savoir le cas de deux personnes dont le nom est caviardé et dont l’un est relatif à une collaboratrice à laquelle M. [H] aurait proposé de déjeuner ensemble en la prenant par le cou ;
* dans le compte rendu de son entretien, Mme [A] précise que lors d’une réunion, alors qu’elle avait une main sur sa souris d’ordinateur, M. [H] qui se trouvait à côté a posé sa main sur la sienne en la caressant de façon insistante, qu’elle lui a dit d’arrêter car son geste était déplacé et que M. [H] s’est étonné qu’elle réagisse de la sorte, M. [G] ayant notamment été témoin des faits. Elle explique qu’elle est un peu embarrassée par la situation car elle a été interrogée à la demande de M. [H] mais que ses déclarations risquent d’aller à son encontre ;
– des attestations de Mmes [R] et [B] ainsi que de M. [W], membres de la délégation d’enquête, portant sur le déroulement de celle-ci, Mme [R] précisant que 14 personnes dont elle énumère les noms ont été entendues par la commission (parmi lesquelles Mme [J] M. [D] et M. [K]) ;
– les conclusions de l’enquête indiquant notamment que les propos de Mme [O] ont été confirmés par l’enquête, que les agissements contre Mme [I] se sont passés pour la plupart en aparté mais qu’elle a rapporté à deux reprises des attitudes inappropriées de M. [H] à un de ses supérieurs, lequel a demandé à ce dernier de cesser son comportement, et que plusieurs témoignages confirment que M. [H] a eu des comportements à connotation sexuelle et sexiste.
Le salarié produit pour sa part :
– de nombreuses attestations de personnes le connaissant, dont des femmes, y compris jeunes, ayant travaillé avec lui au sein de la société Publicis Sapient France jusqu’à son licenciement (Mmes [Y], [L], [E], [J], [V] notamment) qui affirment son attitude respectueuse à leur égard et à l’égard des femmes en général ;
– le compte rendu de l’entretien préalable au licenciement rédigé par Mme [J], qui a assisté M. [H], lors duquel il a contesté les propos et comportements reprochés et Mme [J] a indiqué que les plaignantes et membres du CHSCT étaient alliés, amis sur Facebook, l’une des personnes du CHSCT ayant ‘liké’ un statut de Mme [O] qui concernait directement les faits mettant en cause M. [H] et ce, durant la procédure d’enquête. Mme [J] est aussi intervenue au cours de l’entretien préalable pour se plaindre des conditions dans lesquelles elle a été entendue lors de l’enquête, les questions étant tendancieuses et les relances parfois choquantes ou hors de propos, et du fait qu’elle n’a pu relire sereinement ses propos, une ‘deadline’ étant soudainement apparue ;
– une attestation de Mme [J] dans laquelle elle évoque de nouveau des questions parfois tendancieuses lors de son audition, entretenant le flou sur les faits et personnes en cause, et le fait que la garantie qui lui avait été donnée de garder la main sur son témoignage a été remise en cause (apparition inopinée d’une ‘deadline’, proposition de mise en annexe de ses propositions de corrections) ;
– une attestation de M. [D], également entendu lors de l’enquête, selon lequel la majorité des membres de la commission d’enquête sont des proches des plaignantes et certaines des corrections de son témoignage ont été difficiles à faire ou à obtenir, comme l’intitulé d’une question qui n’a pas été posée dans les termes indiqués dans le compte rendu ;
– le compte rendu de l’entretien du 16 février 2018 avec M. [H] dans le cadre de l’enquête comportant des mots barrés avec des commentaires en marge de sa part, dans lequel il indique (après observations et corrections) qu’il n’a pas tenu de propos ou eu de comportement à connotation sexuelle, que huit mois avant, MM. [K] et [G] l’ont vu concernant Mme [I], qu’il a été surpris de ce qu’ils lui ont rapporté mais s’est excusé auprès d’elle dans l’hypothèse où il aurait dit quelque chose l’ayant choquée, d’autant que sa langue maternelle étant l’anglais, elle a pu se méprendre sur ses propos, qu’il n’a pas montré de photo de lui dénudé, qu’il a d’ailleurs déjeuné récemment avec Mme [I], qu’il n’a pas le souvenir d’avoir dit les mots du genre ‘passer à la casserole’ à Mme [O] mais qu’il lui a envoyé un mail afin de s’excuser s’il avait dit quelque chose et qu’il mesure bien la portée du mot harcèlement, sa propre fille en ayant été victime.
La cour note que :
– les faits du 5 janvier 2018 dénoncés par Mme [O] dans son compte rendu d’entretien sont décrits de manière assez semblable dans le compte rendu d’entretien de M. [U] mais, comme l’observe l’appelant, le compte rendu d’entretien de Mme [O] est partiellement tronqué concernant les autres faits qu’elle décrit, sans permettre d’établir qu’elle en a été personnellement témoin et seul l’incident concernant l’épouse de M. [H] étant évoqué dans un autre élément, soit les déclarations de M. [Z] ;
– les faits dénoncés par Mme [I] ne sont confirmés par aucune personne en ayant été témoin et il n’est pas produit le compte rendu d’entretien de M. [K], entendu par la commission d’enquête, alors que celui-ci a reçu en 2017 les confidences de Mme [I] concernant deux des quatre incidents dont elle dit avoir été victime de la part de M. [H];
– aucune autre personne n’indique avoir été personnellement été témoin des remarques faites par M. [H] concernant son épouse telles que relatées par M. [Z] et il n’apparaît pas qu’il ait été personnellement témoin des autres faits évoqués par lui, outre que les passages de son compte rendu d’entretien qui y ont trait sont tronqués, le nom des personnes citées étant caviardé, sans que ces faits soient corroborés par d’autres éléments ;
– les faits décrits par Mme [A] ne sont confirmés par aucune autre personne bien que des salariés en aient été témoins selon l’intéressée ;
– l’intégralité de l’enquête n’est pas versée aux débats puisque seulement cinq compte rendus sur les 14 entretiens réalisés sont produits et si la société affirme que cette absence de communication résulte de la volonté de salariés de conserver l’anonymat et de ne pas produire leur témoignage, cela n’est pas établi puisqu’elle ne verse pas aux débats de courriels adressés à ces derniers pour leur demander leur accord, ni de réponse de refus de leur part (alors qu’elle produit ces échanges de mails pour ceux y ayant consenti), outre qu’elle n’explique pas en quoi elle n’aurait pu anonymiser ces éléments ;
– dès lors, la société ne justifiant pas du motif allégué à ce titre, il ne peut être exclu que ces compte rendus soient absents des pièces produites par la société du fait de leur caractère favorable à M. [H] ou de ce qu’ils infirment précisément tout ou partie des faits imputés à ce dernier, les conclusions de l’enquête, au demeurant non détaillées, n’étant pas à même de suppléer à cette absence de production, ce d’autant plus au regard des conditions de l’enquête critiquées de manière similaire par deux témoins ;
– en conséquence, l’enquête qui n’est produite que de manière très incomplète n’apparaît pas suffisamment probante.
En considération de l’ensemble de ces éléments, la cour estime que les faits imputés à M. [H] ne sont pas établis avec certitude et qu’il existe à tout le moins un doute qui doit lui profiter. Il y a lieu de juger que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
L’appelant réclame la somme de 123 190,62 euros en faisant valoir qu’il n’a pas retrouvé d’emploi et est toujours indemnisé par Pôle emploi alors que selon la société, l’indemnisation ne saurait excéder la somme de 25 750 euros bruts aux motifs que M. [H] a créé sa société et est associé d’une autre, outre que lors du licenciement, il avait atteint l’âge de la retraite.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, M. [H] qui justifie d’une ancienneté de 17 années complètes est fondé à percevoir une indemnité en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant est compris entre 3 et 14 mois de salaire brut. Compte tenu de son âge au moment du licenciement (né en 1956), aux circonstances du licenciement, à ce qu’il justifie de sa situation postérieure à la rupture (prise en charge par Pôle emploi du 10 octobre 2018 au 6 mai 2019, création d’une société de conseil en novembre 2018 mais sans perception de revenu jusqu’au 30 septembre 2019, associé d’une autre société depuis octobre 2018), la cour condamne la société à payer à M. [H] une somme de 90’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef de demande.
Il convient en outre d’ordonner à la société de rembourser à M. Pôle emploi les indemnités de chômage qui ont été versées à M. [H] du jour du licenciement au jour du présent arrêt dans la limité de trois mois d’indemnités.
Sur les dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture
L’appelant soutient que son licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires aux motifs qu’il a été mis à pied à titre conservatoire, ce qui a porté atteinte à sa réputation professionnelle, et qu’il a continué à recevoir des messages de ses contacts pendant la procédure de licenciement et après, démontrant que son employeur n’a pas communiqué sur le sujet en laissant planer un doute suspect quant à son départ. Il réclame une indemnisation à hauteur de 52 795,98 euros net.
La société rétorque que M. [H] procède par voie d’allégations générales infondées, sans rapporter la preuve d’un préjudice distinct.
Le salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l’emploi.
M. [H] a été mis à pied à titre conservatoire aux termes de la lettre de convocation à l’entretien préalable du 13 mars 2018, ce qui lui a imposé de cesser son travail immédiatement sans avoir pu communiquer avec ses clients et équipes, alors que le caractère indispensable d’une telle mise à l’écart n’est pas établi dès lors que, d’une part, la société disposait des résultats de l’enquête depuis le 8 mars 2018, soit depuis plusieurs jours, et que selon le procès-verbal du CHSCT du 8 février 2018, des mesures avaient d’ores et déjà été prises pour assurer la santé et la sécurité de Mmes [O] et [I], notamment pour éloigner Mme [O] de M. [H]. Il en est résulté pour le salarié qui disposait d’une ancienneté très importante une atteinte à sa réputation professionnelle. Il est justifié de ce chef de conditions vexatoires à l’origine d’un préjudice distinct.
En revanche, M. [H] ne prouve pas avoir contacté ses supérieurs pour que ceux-ci procèdent à une communication neutre relative à son départ et évitent les relances de clients. De plus, il prouve seulement avoir reçu deux messages de clients pendant la procédure de licenciement et après. Aucun manquement, ni préjudice n’est avéré à cet égard.
Le préjudice dont M. [H] justifie à raison des circonstances vexatoires de la rupture sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs
– sur la convention de forfait en jours
M. [H] fait valoir que la société a produit un accord collectif au sein de la société Vivaki communications mettant en place le dispositif du forfait annuel en jours mais que cette société n’est pas partie au litige. Il ajoute que les dispositions de cet accord ne sont pas conformes aux exigences jurisprudentielles concernant le suivi de la charge de travail. Il en déduit que la convention individuelle de forfait annuel en jours prévue à son contrat est nulle. Par ailleurs il reproche à l’employeur de n’avoir jamais organisé les entretiens prévus par l’accord collectif, ce qui prive d’effet le forfait.
La société rétorque qu’elle a conclu un accord collectif d’entreprise contenant des dispositions relatives au dispositif du forfait jour applicables à M. [H] fixant les cadres susceptibles d’être concernés par une telle convention, le nombre maximal de jours travaillés, les modalités de prise de repos et celles de contrôle de la durée du travail. Elle prétend avoir effectué un suivi de la charge de travail de M. [H], procédé à un relevé mensuel des journées travaillées et non travaillées et organisé des points réguliers avec son supérieur hiérarchique, notamment lors de l’entretien annuel d’évaluation.
Pour être valable, une convention de forfait en jours doit être conclue par écrit et aussi être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, le juge devant vérifier, au besoin d’office, la régularité du dispositif. En cas d’absence ou d’insuffisance de l’accord collectif, la convention est nulle. En cas de non respect par l’employeur des clauses destinées à assurer la protection et la santé du salarié soumis à un tel forfait, la convention est privée d’effet et inopposable au salarié.
L’article L. 3121-64 II du code du travail, créé par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dispose :
L’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine:
1° Les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2°Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7o de l’article L. 2242-8.
L’accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l’année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l’article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l’entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.
L’article L. 3121-65 du même code, issu de la même loi, énonce :
I.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l’article L.3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :
1°L’employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
2°L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
II.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3o du II de l’article L. 3121-64, les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l’employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l’article L. 2242-8.
Enfin, l’article 12 III de la loi du 8 août 2016 dispose que l’exécution d’une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d’une convention ou d’un accord de branche ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n’est pas conforme aux 1 à 3 ° du II de l’article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l’employeur respecte l’article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l’accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
En l’espèce, la société produit un accord collectif sur l’organisation et l’aménagement du temps de travail au sein de la société Vivaki communications du 1er avril 2011 qui comporte un paragraphe consacré aux salariés en forfait jours, détaillant le champ d’application de ce dispositif, les modalités de décompte du travail, le nombre de jours de repos accordés, un forfait annuel réduit pour certains salariés et un entretien annuel pour les salariés concernés par le forfait annuel.
L’avenant au contrat de travail de M. [H] à effet du 1er janvier 2011 prévoit le transfert de son contrat de travail à cette société Vivaki communications et l’intimée explique sans être démentie par M. [H] que ce transfert à compter du 1er janvier 2011 s’est effectué au sein de la société Publicis Sapient France, anciennement dénommée Digitas LBI. La cour en déduit que les dispositions conventionnelles précitées s’appliquent bien au sein de la société Public Sapient France.
Mais les dispositions de cet accord se bornent à prévoir les salariés concernés, le décompte de leur durée de travail chaque année par récapitulation du nombre de journées ou demi-journées travaillées par chaque salarié via l’outil One Clic RH, le fait que ces cadres doivent veiller à respecter une amplitude de journée de travail n’excédant pas 11 heures, les journées d’une amplitude supérieure ne pouvant qu’être exceptionnelles et la dérogation à cette amplitude supposant que le cadre décale d’autant le commencement de sa journée de travail suivante afin de respecter le repos quotidien de 11 heures, le nombre de jours de travail (outre la journée de solidarité) et de repos accordés en plus des congés payés, repos hebdomadaire et jours fériés chômés, les modalités de prise des jours de repos et l’existence d’un entretien annuel avec les salariés concernés par le forfait annuel portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié. Il en résulte que cet accord ne prévoit pas de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable et que ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. L’accord étant insuffisant, la nullité est encourue.
En outre, la société ne justifie pas avoir régularisé unilatéralement les insuffisances de l’accord depuis l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016. En effet, elle ne produit aucun document de nature à établir qu’elle s’est jamais assurée que la charge de travail de M. [H] était compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, ni non plus qu’elle a organisé au moins une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération, seul étant produit par l’intimée un planning du salarié portant uniquement sur la période de mars 2017 à février 2018 et mentionnant ses jours de congés et de RTT dont l’authenticité, contestée par l’appelant, n’est de plus corroborée par aucun élément.
En conséquence, la convention de forfait n’est non pas inopposable mais nulle, le jugement étant infirmé en ce sens, ce qui autorise M. [H] à réclamer s’il y a lieu le paiement d’heures supplémentaires.
– sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents :
Au soutien de sa demande, M. [H] indique produire un tableau de ses heures de travail et des mails démontrant son activité de mai à décembre 2017. Il prétend que l’employeur ayant coupé son accès à sa messagerie pendant la mise à pied, il n’a pu récupérer des éléments pour les années 2015, 2016 et 2018. Il en déduit que l’année 2017 doit être prise comme base de calcul pour les trois années visées par sa demande. Il argue avoir dû travailler lors de journées où il était supposément en RTT ou congé. Il sollicite un rappel pour l’année 2017 correspondant à 346 heures supplémentaires , soit pour les trois ans ayant précédé la rupture la somme de 83 096,88 euros brut congés payés inclus.
La société objecte qu’elle n’a jamais demandé à M. [H] d’accomplir des heures supplémentaires qui ont été effectuées sans son accord. Elle précise en outre que l’accord collectif en vigueur prévoit que les salariés en décompte horaire sont soumis à une durée de travail de 37 heures par semaine et bénéficient de 12 jours de RTT par année civile complète d’activité de sorte que M. [H] s’y trouve aussi soumis et que seules les heures accomplies au delà de la 37ème heure peuvent être comptabilisées. Enfin, elle se prévaut de la carence probatoire de M. [H], motifs pris que le tableau produit a été créé pour les besoins de la cause, ne porte que sur une partie de 2017, ne tient pas compte de ses absences et que les mails fournis sont particulièrement succincts.
Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. [H] produit un tableau portant sur la période du 24 avril 2017 au 31 décembre 2017 détaillant ses horaires de début et de fin de travail, son temps de pause déjeuner, son dernier mail en dehors des heures habituelles et les heures supplémentaires accomplies chaque semaine au delà de 35 heures. Il produit aussi de nombreux mails dont certains très tardifs ou le week end.
Il s’agit d’éléments suffisamment précis sur la période considérée, de fin avril à fin décembre 2017, permettant à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments, peu important à cet égard que le tableau ait été réalisé par M. [H] lui-même en vue du présent litige.
En revanche, force est de constater que M. [H] ne présente aucun élément suffisamment précis pour les années 2015, 2016, le début de l’année 2017 et le début de l’année 2018. Le fait que la société ait coupé l’accès à sa messagerie pendant la mise à pied n’est pas établi, M. [H] n’expliquant d’ailleurs pas pourquoi il aurait pu disposer de ses mails sur une partie de l’année 2017 et pas pour le restant de la période litigieuse si tel avait été le cas. En toute hypothèse, quand bien même cette coupure serait avérée, une telle circonstance n’empêchait pas M. [H] d’établir un décompte suffisamment précis de ses heures de travail. Partant, sa demande portant sur la période autre que celle du 24 avril 2017 au 31 décembre 2017 sera rejetée.
Pour cette dernière période, la société se fonde sur le planning du salarié évoqué ci-dessus mentionnant ses jours de congés et de RTT. Outre que ce planning n’apporte aucune information utile sur les heures de travail de M. [H], il a d’ores et déjà été retenu que son authenticité, contestée par l’appelant, n’est corroborée par aucun élément de sorte qu’il n’est pas probant.
S’agissant du contenu des mails, la cour note que si certains sont particulièrement succincts du type ‘merci’, d’autres traduisent un réel travail.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées. En l’espèce, cet accord existe dès lors qu’au regard notamment des heures d’envoi des mails de son salarié qui étaient pour partie adressés à ses supérieurs, la société ne pouvait ignorer les heures supplémentaires effectuées et y a implicitement mais nécessairement donné son accord.
Il résulte du tableau produit par M. [H] que celui-ci a bien pris en compte des périodes de congé. Par ailleurs, les mails produits démontrent que celui-ci travaillait y compris pendant les jours où il était supposément en RTT selon la société de sorte qu’il n’a pas bénéficié de 12 jours de RTT comme l’intimée le prétend et que l’intéressé est en droit de réclamer un rappel pour toutes les heures accomplies au delà de la durée légale hebdomadaire.
En considération de l’ensemble de ces éléments, la cour estime que M. [H] a effectué des heures supplémentaires mais dans une moindre mesure que prétendu et lui alloue la somme de 5 822,17 euros à titre de rappel pour heures supplémentaires du 24 avril au 31 décembre 2017 outre celle de 582,21 au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement étant infirmé en ce sens.
– sur la demande au titre des repos compensateurs :
M. [H] prétend avoir effectué des heures supplémentaires au delà du contingent légal de 220 heures et réclame à ce titre une somme totale de 23 534,28 euros.
Cependant, il résulte de ce qui précède que les heures supplémentaires accomplies par M. [H] n’ont pas dépassé le contingent annuel d’heures supplémentaires ouvrant droit à la contrepartie obligatoire en repos de sorte que la demande formée de ce chef sera rejetée.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation des dispositions relatives au repos du salarié
M. [H] prétend que son repos quotidien n’a pas été respecté à de nombreuses reprises et que son repos hebdomadaire ne l’a pas été non plus à trois reprises. Il réclame à ce titre des dommages et intérêts d’un montant de 52 757,98 euros net.
La société s’oppose à la demande en faisant notamment valoir l’absence de justification d’un préjudice.
En application des dispositions des articles L. 3131-1 et L. 3132-1 et suivants, tout salarié bénéficie, sauf dérogation, d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives qui s’ajoute à celle du repos hebdomadaire en vertu duquel il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine, le repos hebdomadaire devant avoir une durée minimale de 24 heures.
Il résulte de ce qui précède qu’en 2017, les règles relatives au repos quotidien n’ont pas été respectées à quelques reprises et que celles concernant le repos hebdomadaire ne l’ont ponctuellement pas été, la cour observant de surcroît que la société n’apporte aucun élément à ce titre alors qu’il est de principe que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
Les normes fixant les repos quotidien et hebdomadaire poursuivant l’objectif de garantir la sécurité et la santé des salariés par la prise d’un repos suffisant, leur non-respect qui prive le travailleur d’un tel repos lui cause un préjudice puisqu’il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé. Ce préjudice sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité
L’appelant fait valoir qu’il a été profondément été atteint par la mesure de licenciement injustifiée dont il a fait l’objet, sa santé en ayant été affectée de même que sa vie familiale. Il réclame de ce chef des dommages et intérêts à hauteur de 52 795,98 euros.
La société s’oppose à la demande en contestant tout manquement et l’existence d’un préjudice distinct.
En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale et physique des salariés.
La cour a d’ores et déjà retenu que le licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et que les circonstances entourant le licenciement étaient vexatoires. Il n’est pas justifié d’une faute distincte et en toute hypothèse, l’existence d’un préjudice autre que celui déjà réparé à ces titres n’est pas établi. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur les dommages et intérêts pour violation du droit d’accès aux données personnelles
M. [H] indique avoir pris l’attache de son employeur pour récupérer son dossier personnel et lui reproche de s’être borné à lui communiquer ses seuls documents contractuels, à l’exclusion des simulations effectuées concernant son départ effectuées en 2017 et les mails échangés à l’occasion de l’exécution du contrat de travail. Il en conclut que la société a violé son droit d’accès à ses données personnelles et qu’il en subit un préjudice dont il demande réparation à hauteur de 10 000 euros net.
La société réplique qu’elle a répondu à la demande de M. [H] en lui communiquant tous les éléments concernés, que la preuve que la société détiendrait un élément relatif à des simulations n’est pas rapportée et qu’en tout état de cause, l’appelant ne justifie d’aucun préjudice.
En application de l’article 15 du Règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu’elles le sont, l’accès aux dites données à caractère personnel.
En l’espèce, par lettre du 28 janvier 2019, M. [H] a demandé à la société une copie de l’ensemble de ses données, notamment les mails le concernant. La société justifie lui avoir répondu en lui transmettant divers documents (de fin de contrat, bulletins de paie, prévoyance, documents relatifs à une place de parking, une voiture, documents contractuels, avis d’arrêt de travail, suivi individuel de santé, R.I.B, documents relatifs au licenciement).
M. [H] ne produit aucun élément probant permettant d’attester de l’existence de simulations effectuées en 2017 concernant son départ de la société. En revanche, la réalité de mails concernant M. [H] n’est pas discutée et se trouve au demeurant corroborée par ceux produits par l’intéressé. Or, la société ne justifie pas avoir communiqué les mails relatifs à M. [H], pas plus que leur métadonnées ou leur contenu, et n’invoque aucun motif pour expliquer cette abstention comme une impossibilité matérielle.
Si la société a transmis à M. [H] un bon nombre d’éléments, elle n’a pas donné suite à sa demande relative aux courriels sans le moindre motif. Cette abstention est fautive et a causé à M. [H] qui a été privé d’un accès à des données personnelles dont il aurait pu faire usage un préjudice dont la cour estime qu’il est suffisamment réparé par l’octroi d’une somme de 500 euros.
Sur les intérêts au taux légal et la demande de capitalisation
Les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et frais irrépétibles
C’est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société aux dépens et à payer la somme de 700 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre. La société sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à M. [H] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, sa propre demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile étant rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. [H] de ses demandes d’heures supplémentaires pour les années 2015 et 2016, de repos compensateur et de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ; ;
Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :
CONDAMNE la société Publicis Sapient France à payer à M. [S] [H] les sommes de :
– 90’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances vexatoires de la rupture ;
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives au repos du salarié ;
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit d’accès aux données personnelles ;
– 5 822,17 euros à titre de rappel pour heures supplémentaires ;
– 582,21 au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents ;
– 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Publicis Sapient France de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;
ORDONNE à la société Publicis Sapient France de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage qui ont été versées à M. [H] du jour du licenciement au jour du présent arrêt dans la limité de trois mois d’indemnités ;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;
CONDAMNE la société Publicis Sapient France aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE