Humour | Parodie : 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01459

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Humour | Parodie : 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01459
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ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 1056/22

N° RG 20/01459 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TCHS

BR/AL

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

14 Février 2020

(RG 17/01537 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

S.A. TEMSYS

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jérôme POUGET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

M. [I] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me François PARRAIN, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l’audience publique du 07 Juin 2022

Tenue par Béatrice REGNIER

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphane MEYER

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice REGNIER

: CONSEILLER

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Stéphane MEYER, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 Mai 2022

M. [I] [J] a été engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée le 23 juin 1997 par la SA ADL Automotive Temsys (Temsys) en qualité de conseiller commercial confirmé.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de directeur d’agence régionale, en charge de la région Nord.

Après avoir été convoqué le 2 août 2016 à un entretien préalable fixé au 9 août suivant, il a été licencié pour motif personnel le 12 août 2016.

Contestant le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le 23 octobre 2017 le conseil de prud’hommes de Lille qui, par jugement du 14 février 2020, a :

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la SA Temsys à payer au salarié les sommes de 34 836 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision et capitalisation des intérêts ;

– débouté M. [J] du surplus de ses prétentions.

Par déclaration du 6 juillet 2020, la SA Temsys a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées.

Par conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2022, la SA Temsys demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ses dispositions attaquées, de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de débouter M. [J] de l’intégralité de ses réclamations et de le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

– le licenciement est fondé dès lors que :

– elle n’a eu une pleine connaissance des faits reprochés à M. [J] que le 30 juin 2016, date du rapport de Mme [K] [U], membre du CHSCT, qui a préalablement procédé à une enquête ;

– les griefs formulés à l’encontre de M. [J] sont réels et justifient la rupture de son contrat de travail ;

– M. [J] ne justifie d’aucun préjudice qui serait lié aux conditions brutales et vexatoires du licenciement qu’il invoque ;

– M. [J] a été rempli de ses droits en matière de rémunération variable pour les deuxième et troisième quadrimestres 2016 ;

– M. [J] ne peut prétendre au paiement de la prime STIM dès lors qu’il n’était plus présent dans l’entreprise au 31 décembre 2016.

Par conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2022, M. [J], qui a formé appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de l’infirmer pour le surplus et de condamner la SA Temsys à lui régler les sommes de :

– 105 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

– 3 672,77 euros à titre de rappel de rémunération variable (soit 672,77 euros pour la rémunération des deuxième et troisième quadrimestres et 3 000 euros pour la prime STIM),

– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

la capitalisation des intérêts devant être ordonnée.

Il fait valoir que :

– le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que les faits reprochés ne sont pas démontrés ; qu’il n’y a pas eu de réelle enquête du CHSCT, aucune décision du comité en ce sens n’étant produite ;

– son licenciement a été brutal et vexatoire, ce qui lui a causé un préjudice;

– il lui reste dû 672,77 euros brut au titre de la rémunération variable des deuxième et troisième quadrimestres 2016 ; que c’est à l’employeur de prouver la somme revenant à ce titre au salarié ;

– il n’a pas perçu sa prime STIM de l’année 2016.

SUR CE :

– Sur le caractère réel et sérieux du licenciement :

Attendu que, selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu’ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et

matériellement vérifiables ;

Attendu que par ailleurs la lettre de licenciement fixe les limites du litige;

Attendu qu’en l’espèce M. [J] a été licencié par courrier ecommandé du 12 août 2016 pour les motifs suivants :

« Nous avons à déplorer de graves dérives d’ordre comportemental. / En effet, suite à une enquête menée conséquemment à des plaintes de certains collaborateurs de votre Agence, relayées par le CHSCT et le médecin du Travail, quant à votre comportement, il est ressorti que vous avez adopté à l’encontre de votre équipe une attitude irrespectueuse, humiliante, vexatoire, intolérante et un mode de management pressurisant. / Ainsi, il est apparu que vous avez procédé à de nombreuses brimades. / De manière récurrente, vous avez tenu devant l’équipe des propos à caractère racistes, homophobes, misogynes et des moqueries à l’encontre des personnes en situation de handicap./ De même, à plusieurs reprises, vous vous êtes permis de porter un jugement en public sur le physique de collaboratrices, leur faisant part de critiques virulentes. / Un tel comportement qui consiste à rabaisser, critiquer, moquer, blesser est inacceptable, a fortiori pour un Directeur d’Agence. / La société attend de ses collaborateurs et plus encore des managers un respect exemplaire de la personne et ne saurait admettre aucune atteinte à l’intégrité morale. / Lors de l’entretien, vous avez justifié certains de vos propos par de l’humour au second degré. Néanmoins, vous comprendrez qu’un tel humour n’a nullement sa place dans le cadre professionnel et a fortiori ne peut être employé par un Directeur d’Agence à l’égard de ses collaborateurs. / Plus encore, il est utile de noter que vous ne preniez jamais la peine de vous excuser et cela même lorsque le collaborateur était visiblement affecté par vos propos. / Vos agissements traduisent clairement un manque de considération pour votre équipe. / Dès lors, nous ne pouvons que vivement sanctionner votre attitude. / De plus, il ressort également de l’enquête que vous avez adopté des méthodes de management pouvant parfois s’apparenter à du harcèlement. / Ainsi, vous avez eu fréquemment un comportement agressif et excessivement rigide à l’égard de vos collaborateurs. / A titre anecdotique, il a été remonté que vous alliez régulièrement interrompre les pauses des collaborateurs de manière excessive et parfois en les sifflant. / Plus encore, il est apparu que vous mainteniez volontairement au sein de l’Agence un climat de peur. A différentes reprises, vous avez proclamé fièrement que vous étiez le roi et que quiconque tenterait de vous faire du tort, en signalant par exemple vos méthodes, ferait l’objet de représailles. / Vous avez ainsi profité de votre statut de Directeur d’Agence et de l’éloignement physique du siège social pour exercer une autorité excessive et faire naître un sentiment de crainte à votre égard chez vos collaborateurs. / Un tel comportement est inadmissible, d’autant plus que vous ne pouviez ignorer qu’il était inapproprié et avait des conséquences importantes au sein de l’agence. / En effet, force est de constater que votre attitude constante à l’égard des collaborateurs a conduit inéluctablement à une dégradation des conditions de travail et a été de nature à altérer la santé de certains salariés. A cet effet, il est à noter que vos agissements ont entrainé un état dépressif donnant lieu à des arrêts maladies, ce que vous ne pouviez ignorer. / Un tel comportement n’est pas conforme avec ce que la société est en droit d’attendre d’un collaborateur ayant votre qualité de Directeur d’Agence et votre ancienneté. / De même, il est de toute évidence, contraire avec les valeurs que la société s’efforce de véhiculer, notamment l’engagement et la responsabilité. / Dans ces conditions, vous comprendrez aisément que nous ne pouvons laisser perdurer une telle situation et nous ne pouvons plus tolérer et accepter vos dérives d’ordre comportemental. / Les explications que vous nous avez fournies lors de l’entretien préalable précité ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. / Eu égard à la nature de vos fonctions, ces faits rendent donc impossible la poursuite de nos relations contractuelles. / A ce titre, il est utile de préciser que de tels faits sont d’une telle gravité qu’ils justifieraient un licenciement pour faute grave. / Néanmoins, compte tenu de vos compétences professionnelles et de votre implication dans votre travail depuis votre intégration, nous vous notifions par la présente un licenciement pour faute simple.’ ;

Attendu que deux salariées, Mmes [O] [Y] et [P] [X], décrivent aux termes de deux témoignages précis et circonstanciés les faits tels que rapportés au courrier de rupture ; qu’elles font notamment état des propos racistes, humiliants, irrespectueux, voire obscènes, tenus par M. [J] à leur encontre ou à l’encontre d’autres salariées, du ton agressif que l’intéressé pouvait employer, de son autoritarisme – allant jusqu’à dire que dehors c’était la démocratie et qu’au sein de l’agence c’était la monarchie, du contrôle incessant de leur travail et partant de l’ambiance pesante qui régnait au sein de l’agence ;

Que par ailleurs il ressort de plusieurs courriels de Mme [F] [C], responsable des relations sociales, datés de juin 2016 que plusieurs salariés travaillant à l’agence de [Localité 5] dont M. [J] est le responsable se sont plaints de propos blessants et déplacés à caractère raciste et mysogyne de l’intéressé ainsi que d’un mode de management pressurisant ; que Mme [C] précise dans son mail du 30 juin que sur les 12 collaborateurs, 8 avaient déjà été entendus et que, sur les 8, 6 avaient dénoncé ces agissements – les deux autres n’osant pas intervenir mais l’un d’entre eux soutenant ses collègues tandis que le second pleurerait régulièrement à l’agence ; que certains termes employés par M. [J] sont cités, tels : ‘je suis le roi’, ‘si j’ai un problème avec quelqu’un ici, je lui ferai la peau’ ;

Que par ailleurs, dans un document dactylographié adressé par courriel à Mme [C], certes à tort désigné sous le nom de rapport du CHSCT dans la mesure où aucune délibération du comité décidant d’une enquête n’est communiquée, Mme [K] [U], membre du CHSCT, indique avoir été mise au courant de difficultés s’aggravant avec le temps au sein de l’agence de [Localité 5], précise que toute l’équipe commerciale serait impactée – seuls deux commerciaux ne souhaitant pas s’exprimer – et relate les doléances des collaborateurs concernant le comportement de M. [J] : propos racistes, humiliants notamment sur le physique de deux femmes ou encore obscènes, intolérance, agressivité verbale, rigidité ;

Qu’une autre salariée, Mme [B] [N] épouse [S], atteste quant à elle qu’elle était présente lorsque Mme [U] a reçu un mail de plusieurs collaborateurs de l’agence de [Localité 5] se plaignant du comportement de leur responsable – pièce de nature à conforter la réalité des investigations auquelles cette dernière soutient avoir procédé ;

Attendu que ces éléments suffisent à établir la réalité des griefs contenus dans la lettre de licenciement ; que la cour observe que la circonstance qu’aucun reproche n’a été antérieurement formulé à M. [J] notamment en sa qualité de manager et qu’il a au contraire pu être félicité pour ses résultats et sa direction n’est pas de nature à infirmer les déclarations des salariées telles que ci-dessus rapportées ; qu’elle remarque également que deux des trois témoignages louant ses qualités humaines émanent de salariés ayant quitté l’entreprise, en 2010 pour l’un et en 2012 pour l’autre ;

Attendu que, compte tenu de leur nature, les faits reprochés à M. [J] justifiaient son licenciement ; que la rupture du contrat de travail de l’intéressé est donc, par infirmation, déclarée comme étant fondée sur une cause réelle et sérieuse ; que la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre est par voie de conséquence rejetée;

– Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement :

Attendu que M. [J] ne caractérise par en quoi les conditions de son licenciement auraient été brutales et vexatoires, alors même qu’il n’a pas été mis à pied à titre conservatoire – seule une dispense d’activité ayant été décidée par l’employeur – et que la rupture de son contrat de travail était fondée ; que la demande indemnitaire présentée à ce titre est donc rejetée ;

– Sur le rappel de rémunération variable :

Attendu qu’il résulte de l’examen des bulletins de paie de M. [J] pour les mois de septembre 2016 et janvier 2017 que l’intéressé a perçu une rémunération variable pour les deuxième et troisième quadrimestre 2016, pour des montants respectifs de 1 668,33 euros et 1 453,55 euros ;

Attendu que le salarié, qui ne prétend pas que les montants figurant sur ses bulletins de paie ne lui auraient pas été versés, n’est dès lors pas fondé à soutenir qu’il n’a pas perçu sa rémunération variable pour ces deux quadrimestres ; qu’à supposer qu’il ait entendu contester les montants dus à ce titre, la cour observe qu’il ne fournit aucune explication et ainsi n’étaie pas sa réclamation des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ; que la cour rappelle à cet égard que, conformément aux dispositions de l’article 6 du code de procédure civile, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder ; que la demande est donc rejetée ;

– Sur la prime STIM :

Attendu que l’octroi de la prime STIM est soumis à une condition de présence dans les effectifs de la société au 31 décembre de l’année au titre de laquelle le paiement est sollicité ;

Attendu que, M. [J] n’étant plus présent au sein de la SA Temsys au 31 décembre 2016 et son licenciement n’étant pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, il ne peut donc réclamer le paiement de la prime en cause ; que sa demande est dès lors rejetée ;

– Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [I] [J] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ainsi que de rappel de rémunération variable pour les deuxième et troisième quadrimestre et la prime STIM,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Dit que le licenciement est fondé,

Déboute M. [I] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,

Condamne M. [I] [J] aux dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Stéphane MEYER

 


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