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7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°103/2023
N° RG 20/00814 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QOM6
SASU SONELOG
C/
M. [I] [L]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 23 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 17 Janvier 2023 devant Monsieur Hervé BALLEREAU, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SASU SONELOG Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me François MILLET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [I] [L]
né le 05 Septembre 1971 à [Localité 3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Eric MARLOT de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me BRIAUD, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
La SASU Sonelog est spécialisée dans le secteur d’activité du commerce de gros de matériel électrique.
M. [I] [L] a été embauché par la société Sonelog selon un contrat à durée indéterminée en date du 12 octobre 2015. Il exerçait les fonctions de chef d’équipe, statut agent de maîtrise, et était affecté au service réception de la plate-forme de [Localité 2].
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective du commerce de gros.
Par courrier en date du 04 avril 2018, M. [L] était convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 avril suivant et se voyait notifier une mise à pied conservatoire.
Puis, par courrier du 23 avril 2018, la société Sonelog notifiait à M. [L] son licenciement pour faute grave aux motifs qu’il aurait tenu des propos déplacés à l’encontre d’une collaboratrice de la société et qu’il aurait un management inapproprié.
Par courriers en date des 05 juin et 05 juillet 2018, M. [L] a vainement contesté son licenciement.
***
M. [L] a saisi le conseil de prud’homes de Rennes par requête en date du 15 novembre 2018 afin de voir:
– Dire et juger le licenciement pour faute grave du 23 avril 2018 dénué de cause réelle et sérieuse.
– Condamner la société Sonelog à verser à M. [L] les sommes suivantes :
– 1 763,19 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 5 575,44 euros à titre d’indemnité de préavis ;
– 557,54 euros au titre des congés payés afférents ;
– 1 400 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;
– 140 euros au titre des congés afférents ;
– 9 757,02 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Débouter la Société Sonelog de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– Ordonner l’exécution provisoire
– Condamner la société Sonelog aux entiers dépens.
Par jugement en date du 10 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Rennes a :
– Dit et jugé que le licenciement pour faute grave notifié à M. [I] [L] est dénué de cause réelle et sérieuse.
– Condamné en conséquence la SAS Sonelog à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2018, date de la citation, les sommes suivantes:
– 1 763,19 euros au titre d’indemnité légale de licenciement,
– 5 371,58 euros à titre d’indemnité de préavis et celle de 537,11 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 400,00 euros au titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire et celle de 140,00 euros au titre des congés payés afférents,
– 9 400,00 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Dit que l’exécution provisoire est de droit pour les sommes à caractére salarial, en application de l’article R 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à la somme de 2 685,79 euros.
– Condamné la SAS Sonelog à verser à M. [L] la somme 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Débouté la SAS Sonelog de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Condamné la SAS Sonelog aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d’exécution.
***
La SASU Sonelog a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 03 février 2020.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 12 juillet 2022, la SASU Sonelog demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement rendu le 10 janvier 2020 par le conseil de prud’hommes de Rennes en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de:
– Dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. [L] est fondée sur une faute grave ;
En conséquence :
– Débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner M. [L] à restituer à la société Sonelog les sommes qu’elle a dû lui verser en application du jugement rendu le 10 janvier 2020 par le conseil de prud’hommes de Rennes, soit:
– 1 763,19 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 5 371,58 euros à titre d’indemnité de préavis ;
– 537,11 euros au titre des congés payés afférents ;
-1 400 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;
– 140 euros au titre des congés payés afférents.
– Condamner M. [L] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner M. [L] aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
La société Sonelog fait valoir en substance que:
– L’attitude déplacée de M. [L] a été révélée par un courrier de la société DB Schenker du 4 avril 2018, une salarié de l’entreprise Grehal, tractionnaire pour l’entreprise DB Schenker, s’étant plainte du comportement adopté à son égard par le salarié ;
– L’enquête interne menée par le CHSCT et les délégués du personnel a révélé la réalité du comportement inadapté de M. [L] qui était généralisé auprès des femmes de son équipe ; cette situation a dégradé les conditions de travail des collaborateurs de son équipe sur lesquels pesaient d’importants risques psychosociaux.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 20 juillet 2020, M. [L] demande à la cour de :
– Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement en date du 10 janvier 2020 (RG n° F 18/00653) rendu par la section commerce du conseil de prud’hommes de Rennes ;
Y additant,
– Débouter la société Sonelog de toutes ses demandes, fins et conclusions;
– Condamner la société Sonelog à lui payer la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel ;
– Condamner la société Sonelog aux entiers dépens dont ceux éventuels d’exécution.
M. [L] fait valoir en substance que:
– C’est sur le ton de la plaisanterie qu’il a indiqué à Mme [K] qu’elle était ‘sexy avec des chaussures de sécurité’, de même que le terme ‘poussin’ est habituellement donné aux nouveaux dans le métier ; il n’a eu aucune attitude déplacée ; la signature à une seule reprise d’un bon de livraison au moyen d’un coeur, ne peut justifier un licenciement pour faute grave ;
– Le juge ne peut fonder de manière déterminante sa décision sur les témoignages anonymes ; dès lors le compte-rendu d’entretiens du CHSCT qui comporte 12 témoignages anonymes n’a pas de caractère probant;
– Aucune sanction disciplinaire n’a été antérieurement notifiée ; plusieurs témoins contredisent les témoignages produits par l’employeur et soulignent la bonne attitude du salarié ;
– Le licenciement l’a placé dans une situation de précarité importante puisque sa compagne était elle-même au chômage et qu’il n’a retrouvé un emploi stable qu’à compter du 21 mai 2019.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 17 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la contestation du licenciement:
L’article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.
La cause doit être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave privative du préavis prévu à l’article L 1234-1 du même Code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l’employeur.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 23 avril 2018, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée:
‘(…) Nous vous rappelons les faits qui nous ont conduits à engager cette procédure disciplinaire à votre encontre:
1- Une attitude déplacée:
Le mercredi 4 avril 2018, la société DB Schenker nous a fait part du courrier transmis par l’une de ses collaboratrices se plaignant de votre comportement et de propos déplacés à son encontre.
Dans ce courrier, elle indique ‘se sentir mal à l’aise en raison de votre attitude, lorsqu’elle vient livrer la plate-forme Sonelog de [Localité 2]’.
En effet, elle précise que vous avez ‘toujours eu avec elle un comportement dragueur, lourd’ et un ‘regard très insistant’. Vous preniez d’ailleurs volontairement plus de temps pour décharger son camion que celui d’un autre chauffeur.
Vous l’appelez ‘mon petit poussin et commenter sa tenue, allant jusqu’à dire que vous la trouviez sexy avec ses chaussures de sécurité’. Vous lui avez également demandé sa marque de sous-vêtement et avec cherché à savoir ‘si elle portait des choses sexy’.
Le 30 mars 2018, en guise de signature électronique du récépissé de livraison, vous avez signé par un coeur. Lors de l’entretien préalable, vous avez reconnu avoir signé par un coeur et l’avez justifié par un gain de temps.
Après avoir eu connaissance de cette plainte, nous avons convenu avec un membre du CHSCT et un membre des délégués du personnel qu’une enquête soit menée auprès des collaborateurs de la plate-forme.
Cette enquête nous a été restituée le 12/04/18 par les représentantes du personnel sous forme d’un recueil de témoignages de collaborateurs de votre équipe ou de collègues travaillant à proximité de la zone de réception, dans lequel figure les propos, attitudes et comportements suivants:
Ils témoignent de vos ‘propos salaces et de votre comportement macho à l’égard de certaines femmes qui reconnaissent en vous quelqu’un de sans filtre et adepte d’une forme de drague lourde’.
Sur ce registre, vous avez eu des propos déplacés avec l’une de vos collègues. Alors qu’elle se penchait pour ramasser un colis, vous lui avez dit: ‘ne reste pas comme ça, sinon il pourrait t’arriver des bricoles’.
Ce type de comportement déplacé s’observe également à l’arrivée d’intérimaires du sexe féminin au sein de votre service. Certains collaborateurs de votre équipe indiquent que ‘quand une nouvelle arrive, elle est passée au scanner et si la fille est belle, elle sera bien accueillie’.
2- Un management inapproprié:
Toujours dans le cadre de cette enquête interne menée par les élus, les collaborateurs rencontrés précisent que votre façon de manager crée des situations d’iniquité au sein du service réception.
Votre management est à ‘deux vitesses’. Vous favorisez ‘ceux qui adhèrent à votre humour lourd et salace’. Votre comportement différencié avec les collaborateurs du service ‘choque’ et influence pleinement votre management au quotidien.
Votre attitude n’est pas acceptable de la part d’un chef d’équipe et va totalement à l’encontre des attentes de la société sur un poste d’encadrement.
Ce comportement est incompatible avec les valeurs de notre société, basées sur le respect de chacun des individus.
En ayant cette attitude et ce comportement, vous dégradez manifestement les conditions de travail des collaborateurs de votre équipe. Cela portant atteinte à leurs droits, à leur dignité et pouvant aller jusqu’à compromettre leur évolution professionnelle au sein de notre société.
Lors de l’entretien préalable, vous avez partiellement nié l’ensemble des faits qui vous sont reprochés et vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
En conséquence, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave (…)’.
M. [L] était employé en qualité de Chef d’équipe et il avait en cette qualité un rôle d’encadrement d’une équipe de collaborateurs.
Il est justifié par la production d’un courrier en date du 3 avril 2018 émanant de Mme [X] [K], intitulé ‘signalement de propos et d’attitudes malsaines de la part d'[I]’, que cette salariée d’une entreprise tierce qui venait quotidiennement effectuer des livraisons sur la plate-forme Sonepar exploitée par la société Sonelog, s’est plainte de propos tenus par le chef d’équipe tels que ‘tu es tellement sexy avec tes chaussures de sécurité’, l’intéressé interpellant cette personne par l’expression ‘mon petit poussin’.
Mme [K] ajoute avoir eu à faire à un comportement ‘dragueur, lourd’ de la part du chef d’équipe qui avait des regards insistants, allant jusqu’à lui demander la marque de ses sous-vêtements et à la questionner sur le point de savoir si ‘elle portait des choses sexy’.
Ce témoin ajoute que le chef d’équipe a signé un document de transport électronique en apposant un coeur en guise de signature.
Elle conclut: ‘Extrêmement affectée par ces agissements répétés, je vous demande d’intervenir au plus vite afin que je puisse travailler dans des conditions relationnelles normales’.
Il est produit un bon de livraison daté du 30 mars 2018 concernant une marchandise livée dans les locaux de la société Sonelog, le réceptionnaire étant désigné comme étant ‘M. [I]’ et ayant apposé en guise de signature le dessin d’un coeur.
M. [L] ne conteste pas être l’auteur de ce graphisme apposé sur un bon de livraison que Mme [K] lui avait demandé de signer.
Le rapport du CHSCT, auquel a été confié le soin de mener une enquête interne suite aux révélations faites par Mme [K], relate divers entretiens anonymisés avec 12 salariés (8 femmes et 4 hommes du service réception et GDS), réalisés dans la semaine du 9 au 12 avril 2018.
Les témoins entendus rapportent les faits suivants:
– ‘(…) Si la fille est belle, elle va être bien accueillie. La drague est lourde, le management se fait à deux vitesses en fonction du physique des gens, ce qui entraîne une situation qui n’est pas saine’.
– ‘(…) Il a des blagues lourdes et salaces de manière récurrente. Quand une nouvelle arrive, elle est passée au scanner. On l’appelle ‘le coq’. Il a un égo surdimensionné, un comportement avec certaines personnes qui peut choquer. Le management est différent dû aux complicités Il peut être parfois un peu tactile mais rien de déplacé’.
– ‘(…) Il a des gestes déplacés, inappropriés au sein de l’entreprise et avec les personnes qui jouent le jeu (main au niveau de la taille pour chatouiller la personne ou autre).
Il analyse le physique des nouvelles arrivées et n’hésite pas à faire des réflexions devant nous sur leur physique. Il a un comportement de ‘cour de récré’.
– ‘(…) Il fait des blagues salaces, déplacées mais pas aux personnes qui n’aiment pas ce genre de blagues’.
– ‘(…) Il a un comportement parfois déplacé, mais avec des personnes qui réagissent ou provoquent la situation. On dit qu’il a son ‘petit harem’ et qu’il fait du coup du favoritisme (…)’.
– ‘(…) C’est un macho de base, un gros lourd. Il a des propos sexistes.
Il a une proximité avec certaines femmes. Il en prend certaines dans ses bras (…)’.
– ‘(…) Il n’a pas de filtre et pas de limite.
Il blague souvent et ne se pose pas de limite quant à l’impact de ses blagues (fait rapporté par la personne entendue: alors que je commençais ma journée, il m’a dit bonjour en me disant ‘comment ça va blanche neige’, ce à quoi je n’ai rien répondu. Il est venu me voir un peu plus tard en me demandant si cela m’avait vexé, je lui ai évidemment dit que oui et que c’était la première et dernière fois qu’il me surnommait comme ça’.
– ‘(…) Il y a deux groupes distincts à cause du management à deux niveaux. Il n’est pas diplomate, assez autoritaire (…)’.
S’il est constant que faute reprochée à un salarié ne peut exclusivement reposer sur des témoignages anonymes, il doit être relevé qu’en l’espèce, l’employeur produit s’agissant du premier grief, outre le rapport d’enquête du CHSCT, le courrier susvisé de Mme [K] qui évoque des faits précis qui ont été portés à la connaissance de la société Sonelog, ainsi qu’un bon de livraison remis à Mme [K] par M. [L] après que ce dernier ait apposé le dessin d’un coeur en guise de signature.
M. [L] produit de son côté neuf attestations de témoins qui font l’éloge de ses qualités humaines et professionnelles, l’intéressé étant présenté comme ‘un chef qui sait rigoler et bosser quand il faut pour aider son équipe’ (attestation M. [E] [U]), accueillant ses nouveaux ou nouvelles collègues ‘avec professionnalisme et respect’ (attestation Mme [G] [B]), faisant en sorte qu’il y ait dans son service ‘une ambiance joviale et détendue’ (attestation M. [J] [T]).
Un autre témoin, M. [H] déclare n’avoir remarqué aucun comportement ambigu de la part de M. [L] avec le personnel féminin, ajoutant dans une autre attestation relative aux faits dénoncés par Mme [K], n’avoir remarqué aucun ‘comportement bizarre envers cette nana’ (sic).
Il doit encore être relevé que dans le cadre de l’enquête menée par le CHSCT, deux témoins ont indiqué que le comportement ou les plaisanteries du salarié n’avaient ‘rien de déplacé’, un autre témoin ayant indiqué qu’il n’avait jamais tenu de propos désagréables.
Au résultat de l’ensemble de ces éléments, la preuve est rapportée de ce que M. [L] a manifestement pu avoir envers certains membres du personnel féminin de l’entreprise et envers Mme [K], salariée d’une société cliente, un comportement diversement apprécié par celles et ceux qui en étaient soit l’objet, soit les témoins, mais en tout état de cause inadapté dans un contexte professionnel, d’autant plus qu’il émanait d’un salarié exerçant des fonctions d’encadrement d’une équipe, qui impliquaient un comportement irréprochable vis à vis tant des clients ou de leurs représentants, que vis à vis des membres du personnel de l’entreprise sur lesquels il exerçait une autorité hiérarchique.
Pour autant, ce premier grief relatif à une attitude déplacée envers le personnel féminin, s’il s’inscrit manifestement dans un cadre disciplinaire justifiant la décision d’un licenciement pour faute, ne revêt pas un caractère de gravité tel qu’il ait justifié l’éviction immédiate et sans préavis de M. [L] qui comptait deux ans et demi d’ancienneté sans le moindre passif disciplinaire lorsque la rupture du contrat est intervenue, aucune justification d’une quelconque alerte sur un comportement inadapté n’étant en outre apportée avant le courrier de Mme [K] en date du 3 avril 2018.
S’agissant du second grief relatif à un management inapproprié, l’employeur ne produit à ce titre que le seul compte rendu d’enquête du CHSCT qui ne contient que des témoignages anonymes, lesquels ne peuvent à eux seuls justifier du motif disciplinaire invoqué, lequel n’est étayé d’aucun autre élément de nature à établir la réalité d’un management différencié entre les salariés placés sous la subordination de M. [L], de même qu’aucun élément objectif n’établit une dégradation des conditions de travail des collaborateurs de l’équipe de nature à porter atteinte à leurs droits, à leur dignité et pouvant aller jusqu’à compromettre leur évolution professionnelle au sein de la société, comme l’affirme la lettre de licenciement.
Au demeurant, cette affirmation d’un management différencié est formellement contredite par les témoignages versés aux débats par le salarié.
Le second grief n’est donc pas établi.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et si la faute grave n’est pas établie, le licenciement repose néanmoins sur la cause réelle et sérieuse d’un manquement fautif du salarié quant au comportement qui a été le sien envers Mme [K] et envers certains membres du personnel féminin de l’entreprise, par des propos ou attitudes inadaptés, de telle sorte qu’il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 9.400 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour le surplus, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Sonelog à payer au salarié les sommes suivantes:
– 1 763,19 euros au titre d’indemnité légale de licenciement,
– 5 371,58 euros à titre d’indemnité de préavis
– 537,11 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 400,00 euros au titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire et celle de 140,00 euros au titre des congés payés afférents,
le tout avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2018, date de la citation,outre la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
2- Sur les dépens et frais irrépétibles:
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Sonelog, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
Elle sera donc déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Compte-tenu des circonstances de l’espèce, il n’est pas inéquitable de laisser M. [L] supporter la charge des frais irrépétibles qu’il a pu exposer en cause d’appel et il convient donc de le débouter de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris mais uniquement en ce qu’il a dit que le licenciement notifié par la société Sonelog à M. [L] était dénué de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société Sonelog à payer à M. [L] la somme de 9.400 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que le licenciement de M. [L] est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave;
Déboute en conséquence M. [L] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Rappelle que la décision rendue en appel venant modifier celle de première instance et se substituant à celle-ci, constitue un titre exécutoire permettant de poursuivre les éventuelles restitutions ;
Déboute la société Sonelog et M. [L] de leurs demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Sonelog aux dépens d’appel.
Le Greffier Le Président