Humour | Parodie : 22 septembre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00286

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Humour | Parodie : 22 septembre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00286
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COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00286 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EWBC.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 02 Juillet 2020, enregistrée sous le n° F18/00117

ARRÊT DU 22 Septembre 2022

APPELANTE :

S.A.S. ACIERS TRANSFORMATIONS SERVICES Représentée par son représentant légal audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Stéphanie CHOUQUET-MAISONNEUVE de la SELARL VITAE AVOCAT, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 18098

INTIME :

Monsieur [M] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Julien TRUDELLE de la SELARL LEX PUBLICA, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 170541

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Juin 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 22 Septembre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Aciers Transformations Services (ci-après dénommée société ATS) a pour activité la découpe à façon de plaques ou taules en acier et la fabrication de poutres reconstituées soudées. Elle emploie environ 45 salariés.

M. [M] [O] a été embauché le 22 janvier 2008 par la société ATS en qualité de responsable maintenance technicien de niveau 4, échelon 2 coefficient 285 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

Le 30 août 2017, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire à l’issue duquel il s’est vu notifier, par courrier du 14 septembre suivant, une mise à pied disciplinaire motivée en substance par une absence injustifiée générée par la prise de trois semaines de congés payés au lieu de deux.

Le 22 septembre 2017, M. [O] a été placé en arrêt de travail.

Le salarié a contesté la sanction infligée le 14 septembre 2017 par courrier du 27 octobre suivant auquel a répondu l’employeur par lettre du 7 novembre 2017.

Par avis du 1er février 2018, le médecin du travail a déclaré M. [O] inapte à son poste en précisant que ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’.

Après consultation des délégués du personnel le 7 février 2018, la société ATS a informé M. [O] des motifs s’opposant à son reclassement par courrier du 8 février suivant.

Après avoir été convoqué le 9 février 2018 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 21 février suivant mais auquel M. [O] ne s’est pas présenté, ce dernier a été licencié par lettre recommandée du 26 février 2018 pour impossibilité de reclassement consécutive à l’inaptitude au poste médicalement constatée.

M. [O] a déposé une plainte le 12 octobre 2018 pour harcèlement moral à l’encontre de M. [A] [L], directeur général de la société ATS.

Le 22 octobre 2018, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Laval pour contester la validité de la mise à pied disciplinaire et celle de son licenciement.

Dans le dernier état de ses prétentions, M. [O] demandait principalement que soient reconnues la nullité de la mise à pied disciplinaire et de son licenciement dès lors que l’inaptitude constatée avait pour origine les faits de harcèlement moral qu’il avait subis, et par ailleurs l’inopposabilité de la convention de forfait. Il sollicitait en conséquence ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, des dommages et intérêts pour mise à pied injustifiée et pour licenciement nul, des rappels de salaire outre les congés payés afférents ainsi qu’une indemnité procédurale. Enfin, il demandait aussi qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de l’enquête pénale qui serait diligentée ensuite de sa plainte tendant à voir reconnaître les faits de harcèlement moral dénoncés.

La société ATS s’est opposée aux prétentions de M. [O] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 2 juillet 2020, le conseil de prud’hommes a :

– rejeté la pièce n°9 produite par la société ATS ;

– dit que la mise à pied disciplinaire est injustifiée et disproportionnée et a prononcé la nullité de cette mise à pied ;

– condamné la société ATS à verser à M. [O] à titre de rappel de salaire la somme de 753,22 euros et les congés y afférents pour la somme de 75,32 euros ;

– condamné la société ATS au paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

– jugé que la convention de forfait annuel en jours est irrégulière et inopposable à M. [O];

– ordonné le sursis à statuer dans l’attente du résultat de l’enquête pénale pour la demande en nullité du licenciement et la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul;

– renvoyé l’affaire (…) ;

– réservé les dépens.

La société ATS a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 31 juillet 2020, son appel portant sur l’ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.

M. [O] a constitué avocat le 1er septembre 2020.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 mai 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 2 juin 2022.

*

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société ATS, dans ses dernières conclusions responsives et récapitulatives n°2, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 10 mai 2022 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

‘ réformer le jugement en ce qu’il :

* a rejeté sa pièce n°9 ;

* a dit que la mise à pied disciplinaire est injustifiée et disproportionnée et a prononcé la nullité de cette mise à pied ;

* l’a condamnée à verser à M. [O] à titre de rappel de salaire la somme de 753,22 euros et les congés y afférents pour la somme de 75,32 euros, outre la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

* a jugé que la convention de forfait annuel en jours est irrégulière ;

*a ordonné le sursis à statuer dans l’attente du résultat de l’enquête pénale et renvoyé l’affaire ;

Et en ce qu’il a rejeté sa demande de condamnation de M. [O] au paiement de la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

‘ confirmer le jugement pour le surplus ;

‘ statuant à nouveau :

A titre principal :

* donner acte de ce que M. [O] se désiste de sa demande de sursis à statuer ;

* juger recevable sa pièce n°9 ;

* juger que M. [O] n’était pas soumis à une convention de forfait en jours ;

* débouter M. [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

* condamner M. [O] au paiement de la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire :

* donner acte de ce que M. [O] se désiste de sa demande de sursis à statuer ;

* juger recevable sa pièce n°9;

* juger que M. [O] n’est pas soumis à une convention de forfait jours ;

* si la cour d’appel devait juger que la semaine 35 devait être considérée comme une semaine de congés payés :

– la condamner à verser à M. [O] la somme de 753,22 euros brut au titre des congés payés de la semaine 35 ;

– ordonner que l’indemnité compensatrice de congés payés versée en février 2018 soit réduite d’un montant équivalent ;

– en conséquence, condamner M. [O] à lui rembourser la somme de 753,22 euros brut au titre du trop-perçu d’indemnité de congés payés versés en février 2018;

– constater que les condamnations se compensent l’une avec l’autre ;

– débouter M. [O] de sa demande de congés payés pour un montant de 75,32 euros brut ;

* débouter M. [O] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;

* condamner M. [O] au paiement de la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, la société ATS fait valoir liminairement que le conseil de prud’hommes a omis de statuer sur l’irrecevabilité de la demande de sursis à statuer qu’elle avait soulevée lors de l’audience de jugement sur le fondement des articles 74 du code de procédure civile et R.145-2 du code du travail. En tout état de cause, elle affirme que cette demande est sans objet puisque le procureur de la République de Laval a décidé de classer sans suite la plainte déposée par M. [O] en considérant l’infraction insuffisamment caractérisée.

Au fond, la société ATS entend établir que la mise à pied prononcée à l’encontre de M. [O] était parfaitement justifiée et proportionnée, étant relevé que le salarié ne démontre pas qu’il avait été valablement autorisé à prendre une troisième semaine de congés payés durant l’été 2017.

S’agissant de la mesure de licenciement, la société ATS relève que le salarié ne conteste ni la régularité de la procédure diligentée, ni le respect de l’obligation de reclassement par l’employeur.

La société ATS rappelle que M. [O] a été déclaré inapte à son poste ensuite d’arrêts de travail pour maladie simple et que l’inaptitude est d’origine non-professionnelle. Elle constate que les faits dénoncés par le salarié ne sont pas matériellement établis et ne présument pas l’existence d’un harcèlement moral. En tous cas, elle entend démontrer que les agissements allégués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que la mise à pied et le licenciement ont été décidés au regard d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Subsidiairement, l’employeur constate que M. [O] ne caractérise pas l’existence d’un préjudice à la hauteur du montant réclamé.

Par ailleurs, la société ATS souligne que les demandes présentées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison d’un manquement à l’obligation de sécurité constituent des demandes nouvelles en cause d’appel donc irrecevables, au surplus prescrites et en tout état de cause mal fondées. Elle précise que le salarié s’appuie en effet sur les mêmes faits de harcèlement moral non établis.

Enfin, la société ATS soulève la prescription de la demande présentée au titre d’un rappel de salaires sur heures supplémentaires pour la période antérieure au 22 octobre 2015, demande mal fondée en toutes hypothèses. Elle indique que M. [O] n’a jamais été soumis à une convention de forfait en jours, précisant que le salarié n’avait pas signé l’avenant modifiant l’article 12 de son contrat de travail prévoyant une rémunération mensuelle forfaitaire pour une durée de 169 heures de travail.

Elle soutient que contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes, la convention de forfait annuel en jours n’est pas « irrégulière et inopposable » mais simplement sans existence, faute de signature du salarié.

En tout état de cause, la société ATS relève que M. [O] ne fournit pas d’éléments de nature à étayer sa demande d’heures supplémentaires, assurant au contraire que sa charge de travail était raisonnable et que les missions pouvaient être convenablement réalisées sur une base de 169 heures par mois, rappelant les effectifs dont celui-ci a par ailleurs bénéficié en renfort.

*

Par conclusions régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 26 avril 2022, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [O] demande à la cour de :

– juger que la mise à pied disciplinaire est injustifiée ;

En conséquence,

– en prononcer la nullité ;

– condamner la société ATS au paiement d’une somme forfaitaire de 1000 euros au titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de cette mise à pied disciplinaire injustifiée ;

– écarter des débats la pièce adverse n° 9 ;

– juger qu’il a été victime de harcèlement moral à l’origine de son inaptitude ;

En conséquence,

– juger que le licenciement pour inaptitude est nul ;

– condamner la société ATS au paiement d’une somme de 60 000 euros au titre de l’indemnité due en raison de la nullité du licenciement pour inaptitude ;

A défaut,

– juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– condamner la société ATS au paiement des sommes suivantes :

– 7500 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 750 euros au titre des congés payés y afférents ;

– 35 700 euros net de CSG-CRDS à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– juger que la convention de forfait annuel en jours est irrégulière et lui est inopposable ;

En conséquence,

– condamner la société ATS à lui régler une somme de 21 074,93 euros brut en paiement des heures supplémentaires effectuées à compter de septembre 2015 et jusqu’à la fin du contrat de travail :

– 3085,29 euros brut au titre de l’année 2015, à compter du mois de septembre ;

– 11 434,81 euros brut au titre de l’année 2016 ;

– 6554,83 euros brut au titre de l’année 2017 ;

– condamner la société ATS à lui régler une somme de 2107,49 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

– débouter la société ATS de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner la société ATS au paiement d’une somme de 5000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société ATS aux éventuels dépens.

Liminairement, M. [O] indique renoncer à sa demande de sursis à statuer au regard de l’issue de sa plainte classée sans suite le 17 décembre 2020 par le procureur de la République de Laval.

Au fond, il affirme que la mise à pied prononcée à son encontre était injustifiée dès lors qu’il n’a jamais été prévenu du changement décidé le concernant quant à sa troisième semaine de congés dont tous les salariés bénéficiaient par ailleurs. Il précise qu’au surplus, cette modification est intervenue en contravention avec l’article L. 3 141-16 deuxième alinéa du code du travail, sans son accord et en dehors de toutes circonstances exceptionnelles.

Il ajoute que le prononcé de cette sanction injustifiée a constitué l’élément déclencheur du syndrome anxio-dépressif qui était en sommeil et qui résultait du harcèlement moral qu’il subissait depuis de nombreuses années.

M. [O] affirme en effet avoir subi des faits de harcèlement moral de la part de M. [L], directeur général de la société, dont l’attestation (pièce n°9) ne pourra qu’être rejetée.

Il soutient que depuis son arrivée en 2011, celui-ci s’est montré très autoritaire envers lui, lui faisant des remarques désagréables et humiliantes sur la qualité de son travail ou à titre personnel ce, en présence de collègues, autant d’agissements qui ont entraîné de graves répercussions sur son état de santé.

Il ajoute qu’à défaut d’être jugé nul, son licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de la société à son obligation de sécurité.

Enfin, M. [O] fait valoir que l’avenant au contrat de travail mettant en place un forfait annuel en jours, non signé de sa main, ne lui est pas opposable. Il souligne la charge de travail importante qui lui a été imposée nécessitant l’accomplissement de nombreuses heures de travail supplémentaires ce, sans que la société ATS ne procède à un quelconque contrôle du caractère raisonnable de cette charge, en particulier, par l’organisation d’entretiens annuels.

***

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur le sursis à statuer :

Liminairement, il sera constaté que la société ATS a relevé appel de l’ensemble du jugement mixte rendu par le conseil de prud’hommes de Laval, lequel tranche une partie du principal et, pour le surplus, décide d’un sursis à statuer.

Le sursis à statuer avait été ordonné par les premiers juges à la demande de M. [O] dans l’attente de l’issue de sa plainte déposée devant le procureur de la République de Laval le 12 octobre 2018.

Il est constant que la plainte a fait l’objet d’un classement sans suite par décision du 17 décembre 2020, que M. [O] n’a pas déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction et que le salarié renonce désormais à sa demande initiale devenue sans objet.

Par suite, la cour constate l’absence de toute demande de sursis à statuer et aucun motif ne justifie que cette mesure soit ordonnée d’office en cause d’appel.

En conséquence, le jugement sera infirmé de ce chef.

– Sur la mise à pied disciplinaire prononcée le 14 septembre 2017 :

– Liminairement, sur l’attestation de M. [A] [L], directeur général de la société ATS ( pièce n°9 de la société ATS) :

En matière prud’homale, la preuve est libre et il revient au juge du fond d’apprécier souverainement la valeur et la portée des attestations qui lui sont soumises.

Pour autant, si le principe « nul ne peut se constituer de preuve à lui-même » n’est pas applicable à des attestations produites par des supérieurs hiérarchiques du salarié concerné, tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, ceux-ci sont titulaires d’un mandat social de représentation de la société employeur.

En l’occurrence, M. [L], directeur général de la société ATS, représente l’employeur partie au présent litige (cf. page de présentation des conclusions de la société ATS). Son attestation porte directement sur les faits allégués au soutien de la sanction disciplinaire contestée. Il est au surplus mis en cause directement par M. [O] pour des agissements de harcèlement moral.

Dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, la cour considère ainsi que ces éléments sont de nature à remettre en cause l’objectivité du témoignage de M. [L] et qu’en conséquence, son attestation doit être écartée des débats.

Enfin, il sera relevé que pour tenter de démontrer notamment que la mise à pied délivrée était légitime et proportionnée, la société ATS a produit 41 pièces en cause d’appel en sus de sa pièce 9. Elle s’appuie aussi sur d’autres éléments dont les auditions de salariés et celle de M. [L] versées aux débats par M. [O]. Le principe d’égalité des armes invoqué par l’employeur demeure par conséquent respecté en dépit de l’absence de prise en considération de la pièce litigieuse.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a écarté des débats la pièce n°9 produite par la société ATS.

– Sur le caractère injustifié de la sanction :

Il résulte des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail qu’en cas de litige portant sur une sanction disciplinaire, le juge, après avoir apprécié la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La sanction qui a été notifiée à M. [O] est ainsi motivée :

‘ Vous avez été convoqué à un entretien le lundi 11 septembre 2017 à 11 heures à mon bureau suite à la prise d’une semaine de congés payés (semaine 35) alors que nous vous avions demandé de ne pas la prendre et de ne poser que les semaines 33 et 34.

Au cours de cet entretien, vous nous avez expliqué que Mme [V] avait insisté sur le fait qu’il fallait prendre 3 semaines de congés payés (raison pour laquelle vous n’êtes pas venu la semaine 35).

Soit, peut être que Mme [V] a dit cela, mais dans tous les cas ce n’est pas elle qui décide de vos congés.

J’ai aussi le souvenir de vous avoir dit de ne pas poser cette semaine, car en l’absence de M. [N], nous n’avions plus personne à la maintenance (notamment au laser).

Je pense que si vous aviez eu un tant soit peu de conscience professionnelle vous auriez dû vous faire la même remarque et ne pas prendre cette semaine, ou au minimum m’avertir que vous souhaitiez la poser. Ca n’a pas été le cas.

Résultat, lors de la reprise des équipes en semaine 35, nous avons connu de graves soucis de maintenance :

– panne électrique dans la salle de programmation laser

– panne sur le pont roulant de 10 tonnes du P.R.S (non résolu à ce jour) et dommage important ;

– nous avons aussi constaté que la société AMIO intervenant en semaine 33 sous votre responsabilité n’avait pas nettoyé son chantier.

Preuve s’il en faut encore que vous n’aviez pas vérifié leur travail.

Votre absence en semaine 35 a donc eu des conséquences dommageables pour l’entreprise, ce qui pouvait totalement être évité si vous prêtiez un peu d’intérêt à votre travail.

Afin d’éviter de connaître à nouveau ce type de désagrément, vous voudrez bien noter et respecter les points suivants à date du 25 septembre 2017 :

– dorénavant, vous ne faites plus parti du CODIR (déjà que vous ne vouliez pas venir nous accompagner le midi : c’est un moindre mal) ;

– vos horaires de travail sont fixés comme suit :

– lundi : 8h-12h / 14h-18h

– mardi : 8h-12h / 14h-18h

– mercredi :8h-12h / 14h-18h

– jeudi : 8h-12h / 14h-18h

– vendredi :8h-12h / 14h-16h

– toutes vos absences et modifications d’horaires de caractère exceptionnel devront faire l’objet d’un bon de congés que j’aurai signé ;

– tous vos déplacements autres que ‘ ATS1 et ATS2″ devront faire l’objet d’un accord écrit que j’aurai signé.

En outre, veuillez noter votre mise à pied en semaine 41 compte tenu de votre comportement totalement inadapté à celui d’un responsable de service maintenance.

De plus, considérez ce courrier comme un second avertissement.’

M. [O] ne conteste pas avoir été absent de l’entreprise semaine 35 de l’année 2017 laquelle correspondrait à sa troisième semaine de congés payés. Il considère néanmoins qu’il en avait été valablement autorisé par sa hiérarchie, laquelle ne l’a jamais informé d’un changement sur ce point.

Il est constant que M. [O] était en congés payés les deux semaines précédentes mais la société ATS ne produit pas une quelconque demande écrite signée du salarié et validée par l’employeur. Les seuls formulaires de demande d’autorisation versés par la société ATS à titre d’exemple sont datés de mars 2014.

Il n’est pas produit de règlement intérieur ou de note interne concernant la pose des congés payés et la procédure administrative d’autorisation en vigueur au sein de l’entreprise.

De fait, l’enquête pénale réalisée à la suite du dépôt de plainte de M. [O] devant le procureur de la République de Laval, et en particulier l’audition de Mme [H] [V] née [Y] (responsable administratif et exerçant les fonctions de directrice de ressources humaines) révèlent l’absence de toute formalité administrative officielle pour la pose de congés payés mais ce, pour la seule période estivale durant laquelle l’entreprise est fermée trois semaines en août et les salariés ont l’obligation de prendre leurs congés.

Il en ressort également qu’habituellement :

– M. [O] en sa qualité de responsable maintenance et M. [U] [N], responsable atelier, étaient néanmoins présents lors de la première semaine d’arrêt de l’entreprise pour finir la réalisation de chantiers et accomplir la maintenance de toutes les machines ;

– alors que M. [N] reportait sa semaine de congés non-prise à la fin août, M. [O] prenait sa troisième semaine de congés en automne, sa présence étant considérée nécessaire lors de la reprise du travail à la réouverture de l’entreprise. Il était donc l’unique salarié à se voir imposer la prise de deux semaines de congés payés en été durant la deuxième et troisième semaine de fermeture de la société ATS.

Pour l’année 2017, M. [N], M. [T] [B] responsable production PRS et M. [Z] [D] responsable de sécurité, ont témoigné devant les services de gendarmerie que lors du CODIR du 28 juin 2017, il avait été dit par la direction que l’ensemble des salariés devaient prendre trois semaines de congés payés annuels durant la fermeture du mois d’août sans aucune restriction s’agissant de M. [O], ‘concerné comme tout le monde’.

Mme [K] [R], assistante de direction, se souvient ainsi ‘en avoir discuté avec [M] ([O]), lequel était content d’avoir pour une fois trois semaines de vacances.(…)’.

La suite des auditions de MM. [N] et [D], comme celle de Mme [V], révèlent que lors de la réunion du CODIR du 20 juillet 2017 lors de laquelle M. [O] était absent, M. [L] a décidé que M. [O] devait être présent semaine 35 à la reprise de l’activité de l’entreprise, étant précisé expressément que celui-ci devait en être prévenu.

Aucun procès-verbal ou compte-rendu n’a été établi ni a fortiori diffusé à la suite de cette réunion.

Lorsqu’il a été entendu par les services enquêteurs, M. [L] a indiqué ‘ne pas se souvenir de ce qu’avait dit Mme [V]’ lors du CODIR du 28 juin 2017, mais a affirmé avoir dit que M. [O] ne pouvait prendre que ‘deux semaines de vacances’, et soutenu qu’il n’aurait ‘jamais accepté de mettre les deux personnes en vacances ensemble lors de la rentrée. Je suis à-peu-près certain d’avoir dit à [M] [O] qu’il devait être là à la reprise de l’entreprise’.

Néanmoins, aucun autre élément ne vient établir que M. [O] avait été prévenu de cette modification le concernant ni de la décision de M. [L] de priver le salarié de sa troisième semaine de congés payés semaine 35 nonobstant ce qui avait été décidé quelques semaines auparavant.

En revanche, M. [N], qui avait échangé le 4 septembre 2017, jour de la reprise, avec M. [O] annonçant sa mise à pied, témoigne : ‘de fil en aiguille, j’ai compris qu’il n’avait pas été mis au courant du changement dit lors de la réunion du CODIR du mois de juillet. Ce jour là, il avait l’air sincère, ça se voyait qu’il n’était pas au courant’.

Dans son audition, Mme [V] précise pourtant que M. [O] aurait dû être avisé de ce changement, que cette responsabilité lui incombait en tant que responsable des ressources humaines ainsi qu’à M. [L]. Elle ne prétend pas avoir informé le salarié de ce changement, admettant au contraire que cette année là, contrairement aux années précédentes, elle n’avait pas été en mesure d’afficher le planning des congés du personnel sur le panneau adéquat ainsi qu’elle en avait l’obligation, ce qui est confirmé par les autres salariés entendus.

Enfin, en réponse à l’enquêteur, Mme [V] a indiqué : ‘nous nous sommes interrogés sur le fait que l’information ne soit pas passée mais M. [L] a pris cette décision de sanctionner’.

Dès lors, les seuls propos de M. [L] ne sauraient suffire à établir que M. [O] avait été prévenu de sa présence obligatoire lors de la réouverture de l’entreprise ni à justifier le bien fondé de la sanction prononcée à son encontre.

Enfin, l’employeur ne peut reprocher en toute bonne foi à son salarié un manque de conscience professionnelle ou encore un ‘comportement inadapté à celui d’un responsable de maintenance’, alors que le 28 juin, il avait été imposé à M. [O] de prendre trois semaines de congés pendant l’été sans restrictions particulières le concernant, en particulier s’agissant de la semaine 35 et ce, en dépit des responsabilités habituellement exercées en cette période de reprise d’activité.

Les éléments précités établissent qu’au regard des usages en vigueur au sein de l’entreprise concernant la pose et la prise des congés payés d’été, des réunions des CODIR des 28 juin et 20 juillet 2017, et du ‘manque de communication’ reconnu par la responsable administrative Mme [V], la société ATS ne pouvait sanctionner M. [O] pour avoir pris, dans le contexte ainsi rappelé, ses congés annuels lors de la 35ème semaine de l’année 2017.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce que la sanction prononcée le 14 septembre 2017 à l’encontre de M. [O] est annulée.

Il est désormais constant qu’eu égard à l’arrêt maladie subi par le salarié à compter du 22 septembre 2017, la mise à pied disciplinaire n’a pas été exécutée, et les sommes de 753,22 euros outre les congés payés afférents au paiement desquelles le conseil de prud’hommes a condamné la société ATS n’ont jamais été déduites de la paie du salarié.

En cause d’appel, M. [O] précise ainsi renoncer au rappel de salaire sollicité au titre de la mise à pied annulée. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Toutefois, M. [O] entend maintenir sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, considérant, ainsi que l’ont indiqué les services enquêteurs dans leur synthèse, que cette sanction injustifiée avait été l’élément déclencheur de l’arrêt maladie subi à compter du 22 septembre 2017.

Si la sanction n’a pu être exécutée pour des motifs indépendants de la volonté de l’employeur, il reste que le caractère injustifié de la sanction, ajouté à l’emploi de certains termes emplis de sous-entendus dans la lettre litigieuse, l’exclusion du CODIR, ou encore les injonctions relatives aux horaires imposés comme l’accord écrit du directeur désormais exigé envers le seul responsable maintenance pour la prise de ses congés et la réalisation de déplacements, constituent autant d’éléments de nature à occasionner un préjudice moral que la cour est en mesure d’évaluer à la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera par suite confirmé sur ce point.

– Sur le forfait en jours et les heures supplémentaires :

La mise en oeuvre d’un forfait annuel en jours est légalement subordonnée à plusieurs conditions cumulatives dont, parmi elles, la conclusion d’une convention individuelle de forfait écrite devant requérir l’accord du salarié (article L. 3121-40 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige).

En l’absence d’écrit, la réalité de la mise en oeuvre de la convention de forfait en jours sur l’année ne saurait résulter des mentions portées par l’employeur sur les bulletins de paie (Soc., 4 novembre 2015, pourvoi n° 14-10.419).

Le contrat de travail du 18 janvier 2008, stipule en son article 12-Rémunération, qu’ ‘en contrepartie de ses fonctions, le salarié recevra une rémunération de 2400 euros brut par mois pour un horaire effectif hebdomadaire forfaitaire base 39 heures (…)’.

L’avenant n°1 au contrat de travail daté du 29 avril 2010 versé aux débats était destiné à modifier l’article 12 précité en prévoyant, ‘compte tenu de l’autonomie de M. [O] dans la gestion journalière de son emploi du temps requise par son poste de responsable maintenance’, l’application d’un régime de forfait en jours sur l’année (218 jours).

Toutefois, ce document n’est pas signé et la société ATS affirme ne jamais avoir mis en oeuvre cette convention en dépit des mentions figurant par erreur sur les bulletins de paie.

Les parties conviennent de l’absence de tout accord pour une telle convention.

De fait, aucun autre élément ne vient attester de la mise en oeuvre effective même irrégulière d’une convention de forfait en jours.

Il apparaît donc, de l’aveu même de l’employeur, que celui-ci n’a pas valablement soumis au salarié une convention individuelle de forfait en jours de sorte qu’il n’y a pas lieu de prononcer la nullité ou l’inopposabilité de celle-ci qui est réputée n’avoir jamais existé.

Il en résulte que ce sont les dispositions légales relatives au temps de travail qui s’appliquent et que la demande au titre des heures supplémentaires peut être examinée.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. [O] réclame une somme totale de 21 074,93 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées à compter de septembre 2015 et jusqu’à la fin du contrat de travail, outre les congés payés afférents.

Il présente au soutien de sa demande un décompte de ses heures journalières de travail dont les heures supplémentaires qu’il affirme avoir effectuées et le cumul mensuel de ces heures.Par ailleurs, il rapporte les propos tenus par M. [T] [B] devant les services enquêteurs, précisant que ‘[O] ne pouvait pas tout faire tout seul (…) Ce poste de maintenance était pour deux personnes plus que pour une personne (…)’.

Il rappelle aussi que M. [D], dans son audition, a indiqué que M. [O] avait une charge de travail ‘assez importante puisqu’il avait deux sites à gérer’.Toutefois, il ajoutait ‘je ne suis pas le mieux placé pour vous dire s’il avait une charge trop importante’.

Enfin, M. [O] a établi dans ses conclusions un autre décompte qui répartit par année les heures supplémentaires qui font l’objet d’une majoration de 25 % et celles qui sont majorées de 50 %, conformément aux dispositions de l’article L. 3121-22 du code du travail devenu l’article L. 3121-36 (pièce n° 41).

– année 2015 (du 1er septembre au 31 décembre) : 3085,29 euros brut correspondant à 95 heures majorées de 25% et 6,5 heures à majorées de 50% ;

– années 2016 : 11 434,81 euros brut correspondant à 342,50 heures majorées de 25% et 32 heures majorées de 50% ;

– année 2017 : 6554,83 euros brut correspondant à 212 heures majorées de 25% et 9 heures majorées de 50%.

M. [O] présente ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société ATS oppose tout d’abord la prescription d’une partie des sommes réclamées en soutenant que la prescription n’a été interrompue que par la saisine du conseil de prud’hommes et que les demandes portant sur la période antérieure au 22 octobre 2015 sont irrecevables.

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La rupture du contrat de travail de M. [O] étant intervenue le 26 février 2018 et le conseil de prud’hommes ayant été saisi le 22 octobre 2018, il en résulte que le salarié est en droit de réclamer le paiement de créances de salaire postérieures au 26 février 2015, c’est-à-dire remontant à moins de trois années par rapport à la date de la rupture. Par suite, les demandes de rappels de salaire sur heures supplémentaires présentées par M. [O] portant sur la période comprise entre le 1er septembre 2015 et le 22 septembre 2017 ne sont pas prescrites.

La société ATS rappelle ensuite qu’en application de son contrat de travail, M. [O] était payé à hauteur de 169 heures de travail par semaine, soit 39 heures hebdomadaires, moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle de sorte que le montant alloué chaque mois intégrait les 4 heures hebdomadaires d’heures supplémentaires accomplies par le salarié.

L’employeur indique également que contrairement à ce qu’affirme le salarié, celui-ci a été assisté dans l’exercice de ses responsabilités selon les périodes par M. [N], salarié expérimenté jusqu’au 1er juin 2012, d’un salarié en contrat de professionnalisation du 8 septembre 2011 au 31 juillet 2013, de M. [E] technicien de maintenance de janvier 2014 à octobre 2015 et enfin, pour la période concernée, par M. [S] technicien de maintenance embauché par la société Ets Maisonneuve et mis à disposition de la société ATS du 1er avril 2016 au 12 août 2016. Enfin, elle mentionne avoir décidé de sous-traiter la plupart des opérations de maintenance à compter de septembre 2016.

Pour autant, ces seuls éléments dont l’employeur justifie au moins en partie ne sont pas suffisants pour permettre d’établir que le personnel ainsi visé ait pu alléger précisément la charge de travail résultant des responsabilités exercées par M. [O]. Au surplus, l’employeur ne produit aucun justificatif concernant le contrôle des heures de travail accomplies par le salarié.

Seuls certains bulletins de paie versés par le salarié viennent attester du paiement de certaines heures supplémentaires réalisées en particulier au mois de mars 2016 (5,5 heures) et janvier 2017 (7 heures).

En prenant en considération l’ensemble de ces éléments, la cour retient que M. [O] a bien accompli des heures supplémentaires mais fixe, dans le respect des stipulations contractuelles précitées, leur nombre à 42 heures pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2015, 161 heures pour l’année 2016, et 75 heures pour la période de janvier au 22 septembre 2017 (compte tenu de la période d’arrêt maladie ), soit un total de 278 heures correspondant à un montant global de 8 300,14 euros brut outre la somme de 830,01 euros brut au titre des congés payés afférents.

La société ATS doit par conséquent être condamnée au paiement des sommes de 8 300,14 euros brut au titre des heures supplémentaires et de 830,01 euros brut au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

– Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement :

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1152 -3 du même code prévoit dans cette hypothèse la nullité de la rupture du contrat de travail.

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, il appartient au salarié qui s’estime victime d’un harcèlement moral de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement -dans la version de l’article précité issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016-,ou d’établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement -dans la version en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016-.

Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou de supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

Il est de principe que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur et de l’existence d’une intention malveillante. Les méthodes de gestion mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Les faits constitutifs du harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période.

Il y a d’abord lieu d’examiner les éléments de fait présentés par M. [O] dès lors qu’ils sont clairement énoncés dans ses conclusions et étayés par des pièces auxquelles ces conclusions renvoient.

a) un comportement autoritaire de la part de M. [L] et des remarques désagréables et humiliantes :

M. [O] invoque le caractère autoritaire et directif de M. [L], lequel aurait cherché à le fragiliser par des remarques désagréables et humiliantes sur la qualité de son travail ou concernant sa personne.

Il se fonde sur l’audition de plusieurs salariés dans le cadre de l’enquête pénale diligentée à la suite de son dépôt de plainte.

Le procès-verbal de synthèse indique liminairement que ‘l’ensemble des personnes entendues déclarent que M. [O] faisait du bon travail de manière générale. Il semble qu’il aimait travailler seul. Il avait un fort ego mais reconnaissait ses torts.

L’avis général sur M. [L] est qu’il est autoritaire et directif. Lui aussi a un fort ego. Il a des problèmes de communication avec les salariés. Mme [V] qui est la personne la plus proche de lui au sein de l’entreprise, estime qu’il ne reconnaît pas ses torts, tout comme elle. Il a une façon de diriger plus pyramidale que son prédécesseur ce qui dérange certains employés qui estiment qu’il ne s’intéresse pas à leur travail.’

M. [O] se réfère plus particulièrement à l’audition de Mme [K] [R], se déclarant employée chez ATS depuis avril 2013 en qualité d’assistante de direction, indiquant que M. [O] ‘n’était pas aimé par eux'[ M. [L] et Mme [V]]. ‘Il avait fréquemment des discussions houleuses avec l’un et l’autre. En plus, je dirai qu’ils [ne] s’en cachaient pas qu’ils ne l’aimaient pas. Ils avaient souvent des critiques envers [O] devant moi’. En réponse à la question de l’enquêteur sur de possibles insultes, Mme [R] a répondu par l’affirmative avec pour exemple ‘qu’il était nul, des choses comme ça.(…). [L] aime bien faire passer des messages sur le ton de l’humour comme ‘si vous avez besoin de rien appelez [O]’. Ce genre de phrases était ‘très récurrent’. Elle a précisé en réponse aux enquêteurs, qu’ils disaient ces phrases devant elle et ‘certainement devant [M]. Je pense même qu’ils les disaient devant [B] et [C]. Ces deux derniers n’aiment pas [M]’.

Enfin, Mme [R] a fait état de ‘réflexions’ -sans autre précision- ‘sur [M] ([O]) au restaurant auquel se rendaient les participants du CODIR à l’issue des réunions alors que M. [O] était encore au sein de l’entreprise’.

Il reste que celle-ci a bien affirmé avoir entendu le directeur faire des remarques et de l’humour dévalorisants sur M. [O].

Les autres salariés entendus ne relatent pas de propos désobligeants tenus par M. [L] à l’encontre de M. [O] ce, bien qu’intérrogés expressément sur ce point. M. [N] a ainsi affirmé ‘je n’ai jamais constaté d’insultes de part et d’autre’, reconnaissant seulement que de manière générale, M. [L] donnait des ordres de manière autoritaire et ferme qui ne pouvaient être discutés. M. [B], cité par Mme [R], déclare ne ‘jamais avoir entendu dire que M. [O] faisait mal son travail’.

Toutefois, M. [D] fait état de ‘bruits de couloirs’, précisant que ‘ça se disait, qu’il [ M. [L]] disait cela’et M. [T] [I] évoque des ‘on-dit’.

M. [O] produit également une attestation de M. [O] [J], ancien responsable de la société Alleard, relatant que lors d’une réunion de démarrage de chantier, semaine 39 de l’année 2015, pour l’installation d’une nouvelle grenailleuse sur le site AST1, il avait entendu de la part de M. [L] les propos suivants : ‘oui, il est en arrêt pour une petite coupure à la main! Mais entre nous quand on sait pas se servir de ses mains ce sont des choses qui arrivent, c’est quand même dommage pour un responsable maintenance!’.

M. [L] lors de son audition devant les services enquêteurs se souviendra de cet échange en indiquant avoir répondu ‘sur le ton de la plaisanterie’ à un maçon, ‘ami’ de M. [O], lequel s’inquiétait de l’absence de ce dernier : ‘lorsque tu as un responsable maintenance qui n’est pas bricoleur c’est pas de chance’. C’était une plaisanterie sans volonté de nuire’.

M. [O] soutient encore que M. [L] lui aurait demandé de ‘nettoyer la merde des moineaux’ dans l’entrée du personnel, considérant qu’il n’était ‘bon qu’à ça’.

M. [L] entendu sur cette allégation confirme uniquement avoir demandé à M. [O] de nettoyer des dalles avec des graviers ronds salies par le passage des employés.

Si aucun élément n’atteste finalement de l’exactitude des propos tenus à l’encontre de M. [O], il reste que le directeur a exigé du salarié de nettoyer un sol sali, tâche pour le moins ingrate et ne relevant pas, a priori, des missions d’un responsable.

Plus généralement, M. [O] prétend que M. [L] n’aurait cessé de lui reprocher d’être ‘un bon à rien’, d’être ‘trop payé’ pour le travail qu’il fournissait, ‘le plus mauvais responsable maintenance’ qu’il ait rencontré, ‘un boulet’ pour la société, ou encore qu’il l’aurait incité ouvertement ‘à dégager’ de la société, resituant pour chaque insulte le contexte

de son intervention.

M. [L] dénie les termes prêtés par M. [O] et aucun témoin direct ne peut conforter ses dires.

Pour autant, les remarques désagréables et rabaissantes par M. [L] au sujet de M. [O] devant Mme [R] ou M. [J] seront retenues comme établies. De même, il existe suffisamment d’éléments de fait se rapportant à l’ambiance de travail dévalorisante dans laquelle M. [O] évoluait, de nature à laisser présumer ou supposer un harcèlement moral. Cette situation était à l’évidence connue au sein de la société et faisait l’objet de discussions entre les autres salariés sous la forme de ‘bruits de couloir’. Lorsque le dénigrement émane directement du directeur ou d’autres membres de la direction, cela est de nature à porter gravement atteinte à la crédibilité professionnelle d’un responsable de service, membre du CODIR.

b) une mise à pied prononcée le 14 septembre 2017 injustifiée :

La cour a considéré que la mise à pied disciplinaire prononcée le 14 septembre 2017 était injustifiée, confirmant sur ce point l’annulation de la sanction décidée par les premiers juges.

Plus grave encore, il a été souligné que par cette même lettre, M. [O] s’était vu notifier au surplus une série de ‘ mesures-sanctions’ décidées par M. [L] à son encontre, telles que le retrait du CODIR, l’imposition de stricts horaires, l’obligation d’obtenir une autorisation signée du directeur préalablement à la pose de congés et à ses déplacements, lesquelles révèlent, à l’évidence, la volonté de M. [L] de rabaisser M. [O], ces éléments confinant à une rétrogradation qui ne dit pas son nom.

Enfin, les reproches sur le manque de conscience professionnelle adressés à un salarié unanimement reconnu, accomplissant des heures supplémentaires non négligeables, et s’étant vu imposer durant des années la prise de congés annuels réduits à deux semaines l’été, ne pouvait qu’atteindre M. [O] décrit par l’expert psychologue comme perfectionniste, exigeant avec les autres comme avec lui-même mais aussi en demande de reconnaissance.

Il s’agit donc d’éléments de fait devant être retenus en ce qu’ils sont de nature à laisser présumer ou supposer un harcèlement moral.

c) les éléments médicaux :

Il est établi médicalement que M. [O] a souffert d’un état anxio-dépressif sévère à compter du 22 septembre 2017. Celui-ci a été diagnostiqué quelques jours à peine après la notification de sa mise à pied disciplinaire. Le docteur [X], médecin du travail, certifie le 1er février 2018 avoir ‘constaté un état dépressif justifiant l’arrêt de travail de M. [O] du 22 septembre 2017 au 31 janvier 2018 et nécessitant un traitement adapté dont un suivi par un psychologue’.

Le même médecin ajoute que ‘M. [O] lui a déclaré que cet état dépressif était en lien avec sa situation professionnelle et que l’inaptitude à son poste a été déclarée le 1er février 2018″. L’avis en question précise que ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’.

Enfin, M. [O] verse aux débats le rapport d’examen psychologique subi à la demande du procureur de la République de Laval dans le cadre de l’enquête pénale, et réalisé par Mme [P], laquelle conclut son rapport comme suit : ‘M. [O] est donc un sujet qui se donne à voir comme perfectionniste, carré et exigent, avec lui-même comme avec les autres. Il veut être considéré comme quelqu’un de fort et de solide, ce qu’il est certes, sachant qu’il est aussi très sensible, et donc, fragile et vulnérable, quelque part. Il a un ‘Idéal du Moi professionnel’, qui le soutient pour bien faire, et il a besoin d’être reconnu en ce registre. Il est logique, bien organisé et scrupuleux, mais parfois de façon excessive, ce qui fait qu’il peut ne pas toujours être compris et qu’il ne sait peut être pas mettre les mots justes. Ceci ne justifie nullement le fait qu’il soit ‘humilié’. Ce jour en effet, il est encore très blessé sur le plan narcissique et sur le plan de son identité professionnelle’. Selon la psychologue, ‘la composante dépressive, déclenchée par ces vexations répétées et ces dévalorisations permanentes, semble apaisée, mais les reviviscences des faits sont encore d’actualité et mal vécues par lui ; il ne parvient pas à s’en mettre à distance, comme si quelque chose était cassé en lui’.

Mme [P] rapporte également les dires du salarié qui évoque ‘un épuisement psychologique’, des ‘perturbations importantes au niveau du sommeil’ ainsi qu’une ‘perte de sa capacité à gérer ses émotions’. Elle identifie un ‘épisode dépressif’ même si M. [O] ne le nomme pas comme tel et conclut à la nécessité pour celui-ci ‘d’apprendre à mettre à distance l’impact émotionnel de ce qu’il a vécu’.

Il résulte de ce qui précède que M. [O] établit la matérialité de plusieurs faits constitutifs selon lui de harcèlement même si d’autres faits ne sont pas démontrés et qu’il évoque par ailleurs des éléments qui ne le concernent pas directement. Il établit également l’existence d’un lien entre les faits qu’il dénonce et sa situation médicale.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral et il est donc nécessaire d’examiner les moyens de défense de l’employeur.

*

La société ATS fait valoir en premier lieu que les arrêts de travail subis par M. [L] n’ont aucune origine professionnelle.

L’absence de toute demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie auprès de l’organisme social par M. [O] ne saurait suffire néanmoins à caractériser l’absence de tout lien entre la maladie du salarié et le travail.

Il en est de même s’agissant du certificat médical du docteur [F], médecin traitant de M. [O] ayant affirmé le 8 février 2018 ‘avoir constaté un état anxio-dépressif sévère attribué à une situation professionnelle difficile (…)’, certificat ayant donné lieu à une plainte de l’employeur devant le conseil de l’ordre, et à la reconnaissance par le médecin de son ‘imprudence’ en ayant ‘établi un lien de causalité entre la pathologie diagnostiquée et l’activité professionnelle du patient alors qu’il n’avait pas été le témoin direct des faits relatés par M. [O]’.

Par ailleurs, il est parfaitement logique que le médecin du travail ait conclu à l’inaptitude médicalement constatée d’origine non professionnelle alors que l’inaptitude concluait une période d’arrêts de travail elle-même qualifiée de non-professionnelle.

Enfin, l’employeur se réfère au rapport d’examen psychologique précité et aux déclarations de M. [O] lequel a reconnu devant ce professionnel de santé qu’il vivait ce type de ‘situation compliquée’ qualifiée de harcèlement pour la troisième fois.

De fait, la psychologue missionnée dans le cadre de l’enquête pénale qui a été menée explique : ‘Les trois fois, les circonstances ont été les mêmes : par conviction professionnelle, en position de contre-maître, il [M. [O]] va au conflit, dans un registre professionnel, avec tel ou tel directeur qui, sans doute, vit mal d’être remis en question, et va alors l’humilier, le dévaloriser, pointer ses failles éventuelles, lui faire du mal jusqu’au bout, et le pousser à ‘craquer’ pour qu’il parte de lui-même. Il pense que vraisemblablement, il leur donne l’impression qu’il n’a pas besoin d’eux pour faire son travail et il leur tient tête, ce qui ne plut pas. En ce qui concerne la société ATS, il a intériorisé les choses pendant des années, car il se plaisait dans cette entreprise, ce qui fait qu’il a accumulé les blessures et qu’il a fini par déclencher un épisode dépressif, au bout de 5/6 années.’

Mme [P] souligne aussi chez M. [O], pour lequel ‘le travail ‘est’ son identité qui est sa vie’, des traits de caractère – perfectionnisme, exigence avec lui-même et les autres-, une personnalité marquée par une fragilité de nature à l’exposer, dans certaines situations bien précises, comme en particulier, en cas de désaccord avec un supérieur hiérarchique surtout si celui-ci n’apprécie pas d’être remis en cause- à des réactions voire à des bouleversements émotionnels de nature à provoquer des conséquences néfastes sur son état de santé.

Contrairement à ce que soutient la société ATS, la réitération de telles situations ne saurait remettre en cause la réalité du harcèlement moral subi en son sein par M. [O]. Il est certes vrai qu’une situation de harcèlement moral résulte d’une conjonction de facteurs en l’espèce parfaitement décrite par Mme [P], avec des répercussions plus ou moins graves selon la personnalité de celui qui le subi.

Il reste qu’en l’occurrence, les désaccords éventuellement exprimés par M. [O] n’obligeaient pas M. [L], dans le cadre de ses fonctions de direction, à user de propos dévalorisants, ou d’un ‘humour’ moqueur tout aussi blessant, lesquels ne sauraient en aucun cas être assimilés, ainsi que le fait la société ATS, à un juste exercice de l’autorité.

En second lieu, le stage accompli par le fils de M. [O] alors collégien pour trois jours au sein de la société ne saurait exclure la situation de harcèlement moral décrite par le salarié.

De même, les attestations versées aux débats par l’employeur, telles que celles de MM. [G], [C] et [B], qui affirment avoir entretenu des ‘relations normales’ avec M. [L], tout comme le faible nombre de témoins directs des comportements dénoncés par M. [O] à son encontre, ne sauraient remettre en cause utilement la réalité de ces agissements.

Enfin, il doit être relevé que la société ATS ne dit rien quant aux propos rapportés par Mme [R] et attribués à M. [L]. De plus, elle ne critique nullement les qualités professionnelles du salarié en produisant par exemple des compte-rendus d’entretien annuels qui pointeraient d’éventuelles insuffisances professionnelles et expliqueraient- sans les justifier en tout état de cause- les remarques rabaissantes précitées.

Si l’employeur tente de justifier la sanction annulée et rappelle que M. [O] bénéficiait des cinq semaines de congés payés, il reste taisant sur les termes employés par M. [L] dans sa lettre de notification et sur l’ensemble des mesures ayant assorti la mise à pied disciplinaire. Au surplus, le ton général de ce courrier, fait de sous-entendus, n’est absolument pas celui habituellement en usage dans un contexte normal de travail.

Ainsi, le cumul de plusieurs faits que l’employeur ne peut justifier par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement permet de retenir l’existence d’agissements répétés de harcèlement moral commis à l’encontre de M. [O], lesquels ont eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité et ayant altéré sa santé, ainsi que cela ressort des éléments médicaux versés aux débats et précédemment examinés.

L’inaptitude prononcée par le médecin du travail est la conséquence du harcèlement moral subi par M. [O].

Le licenciement pour inaptitude étant lui-même le résultat du harcèlement moral subi par le salarié, il doit être déclaré nul en application de l’article L. 1152-3 du code du travail.

– Sur les conséquences financières de la rupture :

– Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul :

Le licenciement ayant été prononcé le 26 février 2018 les conséquences financières de la rupture sont soumises aux dispositions du code du travail issues de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Selon l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3, qui définit un barème d’indemnisation, n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues à son deuxième alinéa et dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Les nullités afférentes aux faits de harcèlement moral dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 figurent parmi celles envisagées au deuxième alinéa de l’article L. 1235-3-1.

Il y a lieu de prendre en considération un salaire brut mensuel de 3570 euros.

Le préjudice subi par M. [O] du fait de son licenciement, compte tenu de son âge au moment de la rupture (44 ans), d’une ancienneté de 10 ans et 1 mois dans l’entreprise, et des explications apportées quant à sa situation professionnelle postérieurement au licenciement (installation à son propre compte), sera réparé par l’allocation d’une somme que la cour est en mesure de fixer à 40 000 euros.

– Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles qu’il énonce, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés, de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Les conditions d’application de cet article étant réunies, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société ATS à Pôle emploi des indemnités de chômage effectivement versées à M. [O] par suite de son licenciement et ce dans la limite d’un mois d’indemnités.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande présentée par M. [O] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la société ATS au paiement de la somme de 3 000 euros sur ce fondement. Cette indemnité vaudra à la fois pour la procédure de première instance et pour la procédure en appel.

La société ATS, partie qui succombe, doit être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.

***

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement prononcé le 2 juillet 2020 par le conseil de prud’hommes de Laval sauf en ce qu’il a écarté des débats la pièce n°9 de la société ATS, prononcé la nullité de la mise à pied disciplinaire injustifiée, et condamné la société ATS à payer à M. [M] [O] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant :

CONSTATE que M. [M] [O] ne demande plus le sursis à statuer ;

CONSTATE que M. [M] [O] renonce en cause d’appel à sa demande de condamnation de la société ATS au paiement de la somme de 753,22 euros outre la somme de 75,32 euros au titre des congés payés afférents ;

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société ATS au titre de la prescription de la demande en paiement des heures supplémentaires pour la période antérieure au 22 octobre 2015;

CONDAMNE la société ATS à payer à M. [M] [O] les sommes de 8 300,14 euros brut au titre des heures supplémentaires et de 830,01 euros brut au titre des congés payés afférents;

DIT que M. [M] [O] a subi des agissements répétés de harcèlement moral de la part de son employeur qui ont eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité et ayant altéré sa santé ;

DIT que le licenciement pour inaptitude de M. [M] [O] prononcé le 26 février 2018 est nul ;

CONDAMNE la société ATS à payer à M. [M] [O] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

ORDONNE à la société ATS de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage effectivement versées à M. [M] [O] par suite de son licenciement, dans la limite d’un mois d’indemnités ;

CONDAMNE la société ATS à payer à M. [M] [O] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société ATS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société ATS aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER,P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN M-C. [W]

 


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