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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 OCTOBRE 2015
R.G. N° 14/03712
AFFAIRE :
[B] [D]
C/
Association SAINT AUGUSTIN
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Activités diverses
N° RG : 13/01193
Copies exécutoires délivrées à :
Me Franck PARISÉ
Me Sylvia FOURMONT
Copies certifiées conformes délivrées à :
Agnès HONTEBEYRIE
Association SAINT AUGUSTIN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [B] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Franck PARISÉ, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Association SAINT AUGUSTIN
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparante en la personne de M. [C] [I], directeur de la maison de retraite [Établissement 1], en vertu d’un pouvoir de M. Philippe LACHARME, président, en date du 04 mai 2015
Assistée de Me Sylvia FOURMONT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie FETIZON, conseiller, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
FAITS ET PROCÉDURE
Le 4 juillet 1994, Madame [B] [D] a été embauchée en contrat à durée indéterminée en qualité de kinésithérapeute par l’association Saint Augustin qui gère la maison de retraite [Établissement 1] ».
A partir de 1999, Madame [D] est secrétaire du CHSCT.
Le 1er septembre 2010, un poste a été créé d’infirmière coordinatrice confié à Madame [F].
En décembre 2012, la salariée a demandé à bénéficier de la retraite ce qui lui a été refusé en raison de son âge.
Du 22 février au 21 avril 2013, Madame [D] a été en arrêt maladie.
Elle a été déclarée apte à « un poste sans port de charge, sans sollicitation excessive des articulations métacarpophalangiennes type gestion des moyens ergonomiques techniques H et S de l’établissement » par le médecin du travail qui l’a rencontrée les 25 avril et 13 mai 2013. Cet avis du médecin du travail a été contesté par la salariée.
L’inspection du travail autorise le licenciement de cette salariée le 30 juin 2014 pour inaptitude et le 8 juillet 2014, Madame [D] est licenciée pour inaptitude, aucune solution de reclassement effectuée n’étant adaptée à sa situation.
Contestant le bien fondé de son licenciement, Madame [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles qui a rendu un jugement le 23 juin 2014, déboutant la salariée de toutes ses demandes.
Madame [D] a interjeté appel de cette décision.
Elle demande à la cour :
– de dire qu’elle a été victime d’un harcèlement moral qui a abouti à son inaptitude et son licenciement corrélatif
– d’annuler en conséquence ce dernier
– de condamner l’association Saint Augustin à lui verser :
* la somme de 40 000 euros pour licenciement nul
* 6 303,68 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
* 30 000 euros en réparation du préjudice moral causé par les agissements constitutifs du harcèlement
à titre subsidiaire,
– de dire que l’association a manqué à son obligation de sécurité et de résultat
– de dire que l’employeur a manqué à son obligation de payer son salaire et les indemnités complémentaires d’arrêt maladie pour la période de 14 mai au 13 juin 2014
– de dire que le licenciement est ainsi sans cause réelle et sérieuse
– de condamner l’employeur à lui verser :
* la somme de 40 000 euros au titre de la rupture du contrat de travail * 6 303,68 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
* 30 000 euros pour le préjudice moral causé par les manquements précités.
Une somme de 5000 euros est enfin sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’association SAINT AUGUSTIN conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l’appelante à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur le harcèlement moral
Madame [D] soutient qu’elle a été victime d’un harcèlement moral qui s’inscrit dans un contexte de création de poste d’une infirmière coordonnatrice en septembre 2010, confié à Madame [F] et que l’association a souhaité donner son bureau à cette dernière sans qu’elle soit avertie ce qui lui a occasionné des trajets à effectuer entre les deux bâtiments. La salariée soutient en outre qu’elle a été exclue des réunions destinées aux équipes de soin et qu’elle n’a pas été convoquée aux réunions du CHSCT et fait valoir différents faits qui, selon elle, constitue le harcèlement moral dont elle se plaint (ouverture de courrier qui lui était destiné, sketch dégradant).
L’association Saint Augustin conteste l’existence de faits constitutifs de harcèlement moral.
Vu l’article L1152-1 du code du travail,
Les faits invoqués par madame [D] s’inscrivent dans un contexte particulier après que cette dernière a sollicité en vain sa mise à la retraite et que Madame [F], salariée au sein de l’association, a été nommée, en 2010, en qualité d’infirmière coordonnatrice.
Madame [D] se plaint du projet de déménagement de son bureau sans qu’elle ait été consultée. Cependant, les projets concernant le changement de bâtiment ont été abandonnés par la direction. Ce grief n’est donc pas retenu.
Ensuite, il est constant que lors d’une soirée d’animation en présence notamment des résidents, des responsables du conseil d’administration et des membres du personnel, une des personnes jouant le sketch qui se voulait comique, a visé la fille de Madame [D] en disant « Madame [B] est bien embêtée avec sa fille de 16 ans ; il paraît qu’elle fume du haschi ». Les attestations produites reconnaissent la réalité des propos tenus en l’absence de la salariée qui l’ont particulièrement affectée. Les mails de Madame [D] auprès de la Direction ont reçu une réponse au mois de mai 2011 par la diffusion d’un communiqué en forme d’excuse publique.
Il est également exact que lors d’une infection contractée par une résidente, elle a pris des mesures de blouses jetables destinées au personnel mais deux jours plus tard, ces mesures ont été supprimées par Madame [F].
Il est ensuite avéré que le 8 novembre 2011, Madame [D] a été contrainte de quitter une réunion où elle n’était pas conviée. Cependant, il est exact que les deux kinésithérapeutes de l’établissement n’étaient pas invitées à cette réunion, sans que cette carence ne revête un caractère blessant. De même, en févier et mai 2012, Madame [D] a été contrainte de quitter une réunion à laquelle elle n’était pas invitée, élément qui, en soi, ne caractérise pas le harcèlement moral.
Au mois de mai 2012, il est constant que des lits ont été choisis pour les résidents sans qu’elle ait été consultée et informée. La fiche de poste de la salariée précise pourtant qu’elle a en charge notamment la gestion des matériels de confort (matelas à eau, coussins, gel, fauteuils roulants, lits ergonomiques etc …). Madame [D] dit avoir vécu cet incident comme une mise à l’écart. Cependant, la fiche de poste ne prévoit pas qu’elle a en charge la commande de tels lits et qu’elle doive être associée comme d’ailleurs la seconde kinésithérapeute du service à toute réunion ou demande de commande de lits médicaux.
En tout état de cause, cet élément révèle plus un manque de communication et de travail d’équipe qu’une mise à l’écart délibérée de la salariée.
Enfin, l’incident tiré de matériels empruntés et rendus devant la porte de son bureau, encombrant le passage et salis en novembre 2012, est un fait bénin au sein d’une maison de retraite.
La salariée se plaint, en définitive, de l’indifférence de son employeur face à sa souffrance au travail.
Aucun élément certain ne vient relier les différents arrêts maladie de cette salariée à un syndrome anxio dépressif dont la cause unique serait à l’évidence à rechercher au sein de son milieu professionnel même si le médecin traitant note « des difficultés relationnelles invoquées par la salariée pour expliquer ces résurgences invalidantes qui lui semblent retenables, la situation de Madame [D] étant nettement plus stable en période d’arrêt ».
Les attestations des enfants de la salariée, certes détaillées, émanent de membres proches de sa famille et le médecin du travail a fondé l’inaptitude de la salariée le 13 mai 2013 sur l’arthrose de celle-ci, soulignant que Madame [D] pouvait être affectée à un autre poste au sein de l’établissement sans port de charge. Aucune allusion à un quelconque stress professionnel n’est mentionné alors par ce médecin. Enfin, le refus de l’inspectrice du travail à son licenciement ainsi que l’avis négatif du comité d’entreprise donné le 3 septembre 2013.
Le grief titré de « l’interruption de son salaire et le refus de paiement des indemnités complémentaires d’arrêt maladie » est inopérant, la salariée ayant retrouvé tous ses droits moins d’un mois après cet incident qui s’est déroulé alors qu’elle était en arrêt maladie (mai 2013).
Tous ces faits révèlent le sentiment chez cette salariée, en fin de carrière, d’une absence de reconnaissance et de travail en équipe, d’une exclusion et d’une sensibilité accrue au moindre incident, sans pour autant se fonder sur des faits objectifs laissant présumer l’existence du harcèlement moral allégué.
Enfin, il ressort des pièces du dossier que la salariée a bien été remplacée à son départ et que cet argument consistant à affirmer la volonté d’éviction de la part de son employeur, est écarté.
L’appelante est déboutée de toutes ses demandes y compris de la nullité du licenciement tiré de l’existence d’un harcèlement moral lequel aurait entrainé son inaptitude.
*
Sur le non respect de l’obligation de sécurité et de résultat
Cette demande est rejetée au vu de la décision concernant le harcèlement moral, en l’absence d’éléments autres que ceux déjà examinés à ce titre.
*
Sur le paiement des indemnités complémentaires d’arrêt maladie pour la période de 14 mai au 13 juin 2013
Au vu des pièces produites, il est fait droit à cette demande mais en deniers ou quittances.
*
Sur l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande de laisser à la charge de chaque partie les sommes non comprises dans les dépens qu’elle a exposées.
Sur les dépens
Chacune des parties supportera de même ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,
Confirme la décision entreprise sous réserve des dispositions qui suivent relatives aux indemnités complémentaires d’arrêt maladie ;
Condamne l’association Saint Augustin à verser à Madame [D] en deniers ou quittances la somme de 1 311,61 euros au titre des indemnités complémentaires d’arrêt maladie pour la période du 14 mai au 13 juin 2013 ;
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties les dépens par elle exposés.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT