Humour | Parodie : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04180

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Humour | Parodie : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04180
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20/01/2023

ARRÊT N°34/2023

N° RG 21/04180 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ONHM

AB/AR

Décision déférée du 21 Septembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/01377)

FARRE

[X] [C] épouse [F]

C/

S.A.S. GRANDEUR NATURE [Localité 5]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le 20 01 23

à

Me Valérie ASSARAF-DOLQUES

Me Florence VAYSSE-AXISA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [X] [C] épouse [F]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Valérie ASSARAF-DOLQUES, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.025087 du 31/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEE

S.A.S. GRANDEUR NATURE [Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège [Adresse 4]

Représentée par Me Florence VAYSSE-AXISA de la SCP VAYSSE-LACOSTE-AXISA, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. Brisset, présidente et A. Pierre Blanchard, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. Brisset, présidente

A. Pierre-Blanchard, conseillère

F. Croisille-Cabrol, conseillère

Greffier, lors des débats : A. Ravéane

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [X] [C] épouse [F] a été embauchée suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 13 octobre 2017 par la SAS Grandeur Nature [Localité 5], en qualité de responsable de rayon fruits et légumes.

La convention collective nationale du commerce de détails des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers est applicable au litige.

Dans le courant du mois d’avril 2018, Mme [F] a alerté le gérant de la société Grandeur Nature [Localité 5], M. [D], qu’elle faisait l’objet d’agissements et de propos répétés de la part de M. [B] [Z], responsable de magasin, constitutifs de harcèlement sexuel.

Le 12 juin 2018, Mme [F] était placée en arrêt de travail suite à un accident de travail, en raison d’un torticolis. Elle a repris le travail le 19 juin 2018 et a de nouveau été arrêtée pour accident du travail à compter du 22 juin 2018.

Par requête en date du 28 août 2018, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.

Le 13 septembre 2018, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte, sans possibilité de reclassement.

Par lettre du 24 septembre 2018, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé le 8 octobre 2018.

Par lettre du 12 octobre 2018, Mme [F] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 13 juin 2019, Mme [F] a déposé plainte contre M. [Z] pour harcèlement sexuel. Le 9 septembre 2019, un rappel à la loi a été notifié à M. [Z] par le délégué du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulouse, mais l’intéressé a refusé cette mesure.

Par nouvelle requête en date du 27 juin 2019, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement considérant que l’inaptitude est consécutive à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Les deux requêtes de Mme [F] ont été jointes le 17 novembre 2020.

Par jugement du 21 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a:

– débouté Mme [C] épouse [F] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Mme [F] au paiement de 1 000 euros à titre d’amende civile,

– débouté la SAS Grandeur Nature [Localité 5] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [F] aux dépens.

Mme [F] a relevé appel de ce jugement le 8 octobre 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [F] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 21 septembre 2021.

A titre principal :

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [C] épouse [F] aux torts exclusifs de la SAS Grandeur Nature [Localité 5],

– déclarer que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [C] épouse [F] aux torts exclusifs de la société Grandeur Nature [Localité 5] produit les effets d’un licenciement nul et de nul effet,

– condamner la société Grandeur Nature [Localité 5] au paiement des sommes suivantes :

*12605,22 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité (6 mois),

*4 201,78 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 420,17 euros de congés payés y afférents,

*16 806,96 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour licenciement nul et de nul effet (8 mois de salaire),

A titre subsidiaire :

– déclarer que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [F] aux torts exclusifs de la société Grandeur Nature [Localité 5] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Grandeur Nature [Localité 5] au paiement des sommes suivantes :

*12605,22 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité (6 mois),

*4 201,78 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 420,17 euros de congés payés y afférents,

*16 806,96 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour licenciement nul et de nul effet (8 mois de salaire), (sic)

A titre infiniment subsidiaire :

– déclarer qu’il existe un lien direct entre les conditions de travail de Mme [F] et la pathologie qu’elle a présentée et qui a conduit à l’avis d’inaptitude médicale,

– déclarer que la société Grandeur Nature [Localité 5] a manqué à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés,

– condamner la société Grandeur Nature [Localité 5] à verser à Mme [F] la somme de 12 605,22 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité (6 mois),

– déclarer que la rupture du contrat de travail de Mme [F] est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où le licenciement pour inaptitude est consécutif au manquement de la société Grandeur Nature [Localité 5] à son obligation de sécurité,

– condamner la société Grandeur Nature [Localité 5] au paiement des sommes suivantes :

*4 201,78 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 420,17 euros de congés payés y afférents,

*16 806,96 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour licenciement nul et de nul effet (8 mois de salaire),

En toute hypothèse :

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [F] au paiement de la somme de 1 000 euros à titre d’amende civile,

– condamner la société Grandeur Nature [Localité 5] à payer la somme de 5 000 euros à Me Assaraf Dolques sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article 700 1er alinéa 2° du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 janvier 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société Grandeur Nature [Localité 5] demande à la cour de :

– débouter Mme [C] épouse [F] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement dont appel,

– condamner Mme [F] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS :

Sur le harcèlement sexuel :

L’article L 1153-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :

‘Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers’.

Il y a comportement grave lorsque l’acte de nature sexuelle est présenté comme la contrepartie d’un avantage ou de l’assurance d’échapper à une situation dommageable, ou qu’il dégrade l’environnement de travail.

Selon l’article L 1153-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi, ou refusé de subir, des faits de harcèlement sexuels.

Sur le plan probatoire, il résulte de l’article 1154-1 du code du travail que :

‘Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’

En l’espèce, Mme [F] soutient avoir été victime de harcèlement sexuel de la part de M. [Z], responsable de magasin, et produit aux débats :

-son courrier du 28 avril 2018 dans lequel elle dénonce à l’employeur les propos et agissements de M. [Z] ; la salariée évoque des remarques sur ses lèvres sexy, sur ses courbes, sur la sensualité de ses cheveux ; elle rapporte les propos de M. [Z] lorsqu’elle se baisse et qu’il passe derrière elle en disant ‘pas maintenant madame’ ou bien lorsqu’elle lui demande ‘peux tu me prendre le balai ” et qu’il lui répond ‘tu veux que je te prennes” ou bien lorsqu’il lui dit ‘prends le comme tu veux, pour moi c’est un compliment, tu es bonne’, ou encore lorsqu’elle demande ‘peux tu nous installer une tringle’ et que M. [Z] répond ‘ah tu veux que je te tringle” ;

-le compte-rendu de l’entretien avec M. [D], gérant, à ce sujet ; la salariée dénonce précisément des agissements répétés de M. [Z], constitutifs de remarques déplacées à connotation sexuelle, à fréquence d’environ une fois par semaine, même si la salariée indique qu’il y avait une ‘ambiance de travail qui se veut détendue où les blagues ont leur place’;

-le mail adressé par un autre salarié, M. [M], à l’employeur le 27 juin 2018 pour confirmer avoir été témoin de propos déplacés proférés par M. [Z] à l’égard de Mme [F], expliquant que M. [Z] ‘n’est sans doute pas quelqu’un de dangereux mais a créé une ambiance malsaine au sein de l’entreprise ; à maintes reprises il nous a prouvé qu’il manquait de tact et d’empathie, ne comprenant pas la gêne qu’il provoque par ses propos’ ;

-l’attestation de M. [M], indiquant :

« Avoir été témoin de propos déplacés de la part de [B] [Z] envers [X] [C]:

-elle : pourrais-tu nous installer une tringle ‘

-lui : « tu veux que je te tringle ‘

Ce qui apparaît comme un dérapage verbal, une blague de mauvais goût aurait pu en rester là. Or cela fait des mois que ça date, c’est très régulier entre parenthèses tous les jours et systématiques dès qu’il y a un mauvais jeu de mots à faire, mais [X] n’a pas voulu en parler avant même si ça lui pesait sérieusement pensant qu’on la prendrait pour une personne sans humour….. ce n’est que récemment qu’elle m’a dit qu’il continuait et qu’elle vivait mal….».

-l’attestation de Mme [R], ancienne salariée ayant travaillé avec M. [Z], qu’elle décrit comme ‘une personne joviale mais qui peut facilement avoir des paroles légères à connotation sexuelle pouvant mettre dans l’embarras’,

-l’attestation de Mme [H], ayant recueilli les confidences de Mme [F] sur les propos de M. [Z], et avoir personnellement entendu celui-ci appeler les femmes de l’entreprise ‘Babe’,

-l’attestation de Mme [P], amie de Mme [F], ayant également recueilli ses confidences sur le comportement déplacé de M. [Z] à son égard,

-l’attestation de Mme [L], ayant recueilli les dires de Mme [F], témoignant du mal-être de celle-ci, et ayant elle-même travaillé avec M. [Z] dans le magasin Grandeur Nature de [Localité 3] de 2013 à 2019 ; elle décrit celui-ci comme trop familier avec les collègues féminines, ajoutant qu’il ‘possède un humour grossier voir vulgaire et gênant et que malgré ses origines étrangères, il pratique et comprend très bien le français et ses nuances’.

Il est également produit le procès-verbal de dépôt de plainte de Mme [F] dans lequel elle décrit les propos et agissements qu’elle dit avoir subis de la part de M. [Z]:

« La première réflexion s’est faite sur le rouge à lèvres que je portais. Il m’a dit que j’avais des lèvres sexy. Ces propos ont été répétés à plusieurs reprises dans le temps, pendant plusieurs mois. Un jour, j’ai arrêté de mettre du rouge à lèvres, suites à ces propos répétés. (..)

Puis ça a continué sur mes cheveux détachés. Je portais mes cheveux détachés. A plusieurs reprises, il m’a dit que c’était quelque chose de sensuel. Assez souvent, lorsqu’il me disait bonjour, il touchait la pointe de mes cheveux, en me disant « ah c’est sensuel tout cela ». Je ne dirai pas que ce sont les termes exacts mais ça se rapproche. (..)

Après il y a eu des réflexions, par exemple, lorsque je lui demandais s’il pouvait m’installer une tringle en rayon, il me répondait « tu veux que je te tringle ‘ ». Il fallait que je fasse attention à l’utilisation de certains mots, comme le mot « prendre » qui peut avoir une utilisation détournée. Comme c’est un mot employé souvent, c’est compliqué.

Quand je me baissais pour la mise en rayon ou pour ramasser les rayons, il passait derrière moi et me disait « pas maintenant Madame, peut-être plus tard !! » (..)

Dans le cadre professionnel, une collègue m’a prise en photographie, afin de les afficher sur le site internet de la boutique. La société BIOCOP m’avait proposé de devenir commerciale et de proposer leurs produits aux entreprises. Ces photos ont été montré à M. [Z] [B], via l’écran de l’appareil photo. Avec son index, il a caressé l’écran, au niveau de mes hanches, en déclarant « prends le comme tu veux, mais pour moi c’est un compliment, tu es super bonne!!».

Il est également versé aux débats le procès-verbal d’audition de M. [W] dans le cadre de la plainte déposée par Mme [F] ; celui-ci a indiqué aux enquêteurs :

« Sur le mois de travail à RANGUEIL, je n’ai pas constaté de forme de harcèlement envers les femmes employées au magasin. En revanche à [Localité 5], là, c’était clairement toutes les femmes qui lui plaisaient à qui il s’adressait de manière inappropriée. Sa phrase type c’était «sexy aujourd’hui ». Cela créait un malaise, une gêne auprès des femmes qui lui plaisaient. J’entendais ce genre de propos toutes les semaines.

Au sujet de [X] [C], il a dépassé les bornes. Au début ça s’est manifesté par exemple lorsqu’elle se baissait pour ramasser une caisse de tomates, à ce moment-là, il disait « il faut qu’on apprenne d’abord à se connaître ».

Le gros dérapage est venu lorsqu’elle lui a demandé d’installer une tringle et qu’il enchaîne « tu veux que je te tringle ».

La salariée avait fait part à plusieurs salariés de son hésitation à dénoncer les faits, en raison des liens privés existant entre M. [Z] et Mme [A], gérante du magasin Biocoop.

Mme [F] produit un courrier adressé par Mme [V], psychologue, au médecin du travail, le 24 septembre 2018, au sujet de son vécu professionnel et de son impossibilité à reprendre le travail.

Elle indique avoir été reçue en entretien par l’employeur à la suite de son courrier d’alerte, mais ne pas avoir été crue, et avoir été mise devant un choix consistant à accepter une rupture conventionnelle ou être licenciée pour propos calomnieux.

Elle produit ses arrêts maladie notamment à compter de cet entretien.

La cour estime que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement sexuel à l’encontre de Mme [F].

Il appartient dès lors à l’employeur de justifier d’éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement, pour expliquer les agissements dénoncés par Mme [F].

En l’espèce, la société Grandeur Nature Saint Orens conteste l’existence de tout harcèlement, et indique :

-que M. [W] n’a jamais été témoin direct des faits, comme en atteste Mme [O] ; pour autant la cour observe que M. [W] a écrit un mail à l’employeur, délivré une attestation à la salariée et fait des déclarations devant les enquêteurs, en tenant des propos concordants et constants sur les agissements de M. [Z] à l’égard de Mme [F], qu’aucune plainte pour faux témoignage n’a été déposée à son encontre, et qu’il a travaillé durant deux ans aux côtés de Mme [F], et 10 mois en présence de M. [Z] ;

-que Mme [H] n’a pas assisté aux faits, et qu’elle n’est pas salariée de l’entreprise, ce qui est inexact car ce témoin a été l’employée de la SAS Grandeur Nature [Localité 5] de 2013 à 2017, a travaillé aux côtés de Mme [F] dès son arrivée en 2015, et témoigne de manière circonstanciée du comportement de M. [Z] ;

-que l’employeur a reçu la salariée en entretien dès la dénonciation des faits, puis a diligenté une enquête interne en avril 2018 : il est produit les attestations de cinq salariés sur l’absence de tout comportement inapproprié de M. [Z] ; deux de ces attestations sont contestées avec raison par Mme [F] quant à leur objectivité car émanent de la belle-fille de la gérante, Mme [S], et le conjoint de celle-ci, M. [U] ; ces témoins attestent que Mme [F] a la faculté de colporter des ‘ragots’ sur M. [Z] et se permettait des réflexions vulgaires.

Mme [S] ajoute que Mme [F] briguait le poste de M. [Z].

La cour estime toutefois que les attestations de certains salariés témoignant d’un comportement correct de la part de leur supérieur hiérarchique M. [Z] ne sont pas de nature à exclure tout comportement déviant de l’intéressé hors leur présence, et à l’égard de Mme [F], tel que l’ont relevé d’autres témoins.

Par ailleurs aucun élément concret n’est produit au sujet des prétendues intentions de Mme [F] à l’égard du poste occupé par M. [Z].

Ainsi, la cour considère que l’employeur ne justifie pas d’éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement, pour expliquer les agissements dénoncés par Mme [F].

Le harcèlement sexuel est donc caractérisé.

Sur le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité :

Dans le cadre de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur destinée notamment à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, la loi lui fait obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Et l’article L.4121-1 du code du travail lui fait obligation de mettre en place :

– des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

– des actions d’information et de formation,

– une organisation et des moyens adaptés,

et de veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes

S’agissant des obligations imposées à l’employeur plus précisément en matière de harcèlement sexuel, l’article 1153-5 du code du travail prévoit :

‘L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.

Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L. 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal ainsi que des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents. La liste de ces services est définie par décret.’

En l’espèce, Mme [F] reproche à l’employeur de n’avoir pris aucune mesure malgré ses alertes, de sorte qu’elle a été placée en arrêt maladie puis déclarée inapte.

La société Grandeur Nature Saint Orens conteste tout manquement car elle a diligenté une enquête interne dès la révélation des faits.

La cour constate à la lecture des pièces produites :

-que Mme [F] n’a alerté l’employeur que par mail du 28 avril 2018 des agissements qu’elle subissait de la part de M. [Z], alors que ceux-ci perduraient depuis plusieurs mois, mais indique sans être contredite sur ce point qu’elle appréhendait cette révélation car la directrice Mme [A] est la compagne de M. [Z] ;

-que le gérant a reçu la salariée le 22 mai 2018 afin de l’entendre sur les faits dénoncés, puis a procédé à une enquête interne consistant à entendre les autres salariés du magasin à compter du 4 juin 2018.

Ainsi, l’employeur a tardé près d’un mois avant de prendre une quelconque mesure, et Mme [F] a continué à travailler en présence de M. [Z] jusqu’à son arrêt de travail du 12 juin 2018, soit durant un mois et demi.

S’il est exact que son premier arrêt maladie du 12 juin 2018 est dû à un blocage de la nuque lors d’une manutention dans le magasin, il n’est pas établi que ce soit le cas pour le second à compter du 19 juin 2018, dont le motif n’est pas produit, mais auquel fait référence le médecin du travail dans son compte-rendu de visite du 26 juin 2018 mentionnant : ‘n’est pas allé travaillé ce matin. On lui a fait une proposition de RCC ou de porter plainte contre elle pour calomnie (envers qui’). depuis son embauche serait l’objet de remarques machistes de la part de son responsable de magasin…’ et le médecin ajoute que la salariée ne souhaite pas retourner travailler au magasin, et qu’il lui propose de prendre attache avec l’employeur pour un avis d’inaptitude.

Le courrier adressé par Mme [V], psychologue, au médecin du travail, le 24 septembre 2018 reprend les doléances de Mme [F] relatives aux difficultés vécues par elle à raison des agissements de M. [Z], et évoque l’arrêt de travail consécutif à l’entretien qu’aurait eu la salariée avec la direction, entretien au cours duquel il lui aurait été proposé une rupture conventionnelle ou un licenciement pour propos calomnieux, de sorte que la salariée s’est sentie injustement trahie.

La psychologue note un trouble de l’adaptation avec anxiété, et que ‘le vécu professionnel de la salariée ne paraît pas compatible avec une dynamique positive de de santé si elle devait reprendre son poste de travail’.

Ainsi, l’employeur a laissé perdurer durant plusieurs semaines une situation de harcèlement sexuel à l’égard de Mme [F] et sa position, accordant une crédibilité toute relative aux dires de la salariée, a conduit celle-ci à être placée en arrêt de travail jusqu’à son inaptitude.

Au regard de ces éléments, la cour estime, par infirmation du jugement déféré, que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de Mme [F].

Ce manquement a causé à Mme [F] un préjudice qu’il convient de réparer par l’allocation de la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Lorsqu’un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et que celui-ci le licencie ultérieurement, il y a lieu d’abord de rechercher si la demande de résiliation est justifiée, l’examen du bien fondé de la cause énoncée dans le licenciement ne devant intervenir qu’ultérieurement.

L’action en résiliation judiciaire du contrat de travail, fondée sur l’inexécution par l’employeur de ses obligations, ne peut aboutir que si la gravité de la violation par l’employeur de ses obligations contractuelles est incompatible avec la poursuite du contrat de travail. La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur produit alors les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, c’est à tort que le conseil de prud’hommes a refusé d’examiner la demande de résiliation judiciaire, dont il avait été saisi avant la notification du licenciement pour inaptitude. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Mme [F] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail sur le fondement du harcèlement sexuel et du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité, et demande une indemnisation pour licenciement nul.

La cour a jugé que le harcèlement sexuel et le manquement à l’obligation de sécurité étaient établis à l’encontre de la société Grandeur Nature [Localité 5] ; de tels manquements sont d’une gravité rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifiant la résiliation judiciaire de celui-ci aux torts de l’employeur.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation judiciaire.

Par application de l’article L1153-4 du code du travail, cette résiliation judiciaire produit les effet d’un licenciement nul, ouvrant droit pour Mme [F] à une indemnisation ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois travaillés.

Mme [F] percevait un salaire de 2100,87 € bruts par mois et avait acquis 1 an (moins 1 jour) d’ancienneté lors de la rupture ; elle ne justifie pas de sa situation postérieure au licenciement. La cour lui allouera la somme de 12605,22 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

En raison de cette nullité, Mme [F] est également fondée à obtenir une indemnité compensatrice de préavis fiée par la convention collective à deux mois de salaire soit 4201,78 € bruts outre les congés payés y afférents, de 420,17 € bruts.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur l’amende civile :

Mme [F] a été condamnée par les premiers juges au paiement d’une amende civile de 1000 €, or elle a été jugée bien fondée en ses demandes par la cour.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur cette condamnation.

Sur le surplus des demandes :

La SAS Grandeur Nature [Localité 5], succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation du jugement entrepris ainsi qu’aux dépens d’appel, et à payer à Maître Assaraf-Dolques, conseil de Mme [F], la somme de 4000€ par application des dispositions de l’article 700 2° du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [X] [C] épouse [F] aux torts de la SAS Grandeur Nature [Localité 5], et dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul à la date du 12 octobre 2018,

Condamne la SAS Grandeur Nature [Localité 5] à payer à Mme [X] [C] épouse [F] les sommes suivantes :

* 12605,22 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

* 4201,78 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 420,17 € bruts au titre des congés payés y afférents,

* 2000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité,

Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS Grandeur Nature [Localité 5] de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes soit le 05 septembre 2018 et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

Condamne la SAS Grandeur Nature [Localité 5] à payer à Maître Assaraf-Dolques, conseil de Mme [X] [C] épouse [F], la somme de 4000 € par application des dispositions de l’article 700 2° du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS Grandeur Nature [Localité 5] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

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