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N° K 19-82.471 F-D
N° 1233
CK
2 SEPTEMBRE 2020
REJET
M. MOREAU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 SEPTEMBRE 2020
M. F… U… a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 3-5, en date du 22 février 2019, qui, pour harcèlement moral, l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. F… U…, et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l’audience publique du 4 juin 2020 où étaient présents M. Moreau, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Barbé, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. F… U… et Mme M… V… se sont mariés le 7 septembre 1996 ; de leur union, sont nées deux filles, H…, née le […] , et K…, née le […] . En 2015, après s’être présentée aux services de police pour dénoncer une pression psychologique insupportable envers elle et sa fille H… (insultes , reproches, cris, colère), puis être venu exposer une situation conflictuelle avec ses beaux parents, qu’elle accusait d’avoir un comportement dominateur et intrusif envers elle, Mme V… a décidé de divorcer. Après saisine du juge des enfants par M. U… concernant la situation de sa fille K… qui, selon lui, développait des liens pathologiques avec sa mère, le couple s’est opposé à plusieurs reprises avant de divorcer le 7 juillet 2016.
3. Après établissement de plusieurs procédures, M. U… a été poursuivi pour harcèlement sur sa femme et ses enfants, mise en danger d’autrui et menaces de mort à l’encontre de Mme C… P…, hypnothérapeute de son épouse. Par jugement en date du 18 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Melun l’a déclaré coupable des faits :
– de harcèlement , sans incapacité, sur son conjoint, Mme V…, commis entre le 17 octobre 2013 et le 17 octobre 2016,
– de harcèlement, sans incapacité, sur H… et K… U…, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu,
– de mise en danger d’autrui de Mme V…, H… et K… U…, par un risque immédiat de mort ou d’infirmité, par violation manifestement délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence le 13 mars 2016,
– et de menaces de mort, à l’encontre de Mme C… P…, proférées, matérialisées par écrit, image ou autre objet entre le 1er janvier et le 17 octobre 2016.
4. Il l’a condamné à six mois d’emprisonnement assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve pendant deux ans comprenant l’obligation de se soumettre à des mesures d’examen, de contrôle, de traitement ou de soins médicaux, même sous le régime de l’hospitalisation, de réparer les dommages causés par l’infraction ainsi que l’interdiction d’entrer en relation avec les victimes, en l’espèce Mme V…, K… et H… U…, ainsi que Mme P…, sous réserve des décisions du juge aux affaires familiales.
5. Il l’a en outre condamné à verser des dommages-intérêts à Mme V…, au titre de son préjudice matériel et moral, et, en sa qualité de représentante légale de H… U… et de K… U…, en réparation du préjudice moral subi par celles-ci. Il l’a également condamné à verser des dommages-intérêts à Mme P… en réparation de son préjudice moral.
6. M. U… a interjeté appel le 26 juillet 2017, appel incident ayant été fait par le procureur de la République.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et sixième branches
7. Il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
8. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3, 222-33-2-1 alors applicable du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut et contradiction de motifs, manque de base légale.
9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. U… coupable de harcèlement moral commis par conjoint à l’encontre de Mme M… V…, l’a condamné pénalement et a prononcé sur les intérêts civils, alors :
«1°/ qu’en déclarant M. U… coupable de harcèlement moral par conjoint commis du 17 octobre 2013 au 17 octobre 2016 à l’encontre de Mme M… V…, sans justifier sa décision quant aux agissements, propos ou comportements répétés répréhensibles commis antérieurement à l’année 2015, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
2°/ que le harcèlement moral suppose l’existence d’actes répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime se traduisant par une altération de sa santé ; que M. U… faisait valoir dans ses conclusions que l’organisation d’une soirée d’anniversaire pour sa femme en mai 2015 avec des gogo-dancers ne pouvait être constitutive d’un acte de harcèlement moral au regard du genre d’humour de la famille U… et de ses amis, produisant aux débats de photos attestant de leur humour habituel ; qu’en déclarant M. U… coupable de harcèlement moral à l’encontre de Mme V… sur le fondement notamment de l’organisation de la soirée d’anniversaire de mai 2015 lors de laquelle Mme V… aurait été « humiliée »devant ses proches en raison de la présence des gogo-dancers sans répondre au chef péremptoire des écritures du prévenu, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
3°/ que le harcèlement moral suppose l’existence d’actes répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime se traduisant par une altération de sa santé ; qu’en déclarant M. U… coupable de harcèlement moral à l’encontre de Mme V… sur le fondement notamment de l’organisation d’une soirée d’anniversaire en mai 2015 lors de laquelle Mme V… aurait été « humiliée » devant ses proches en raison de la présence des gogodancers, quand un ami de la famille présent lors de la soirée d’anniversaire, M. D…, avait attesté que Mme V… était « très contente de passer des bras d’un danseur à l’autre et cela, devant ses enfants qui semblaient elles aussi ravies », la fille ainée ayant même filmé la scène avant de « l’envoyer à ses copines sur snapshat » (pièce n° 36 de M. U…), la cour d’appel qui s’est prononcée par motifs contradictoires, n’a pas justifié sa décision ;
5°/ que des actes répétés ne peuvent avoir pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime se traduisant par une altération de sa santé qu’autant qu’ils sont connus de la victime ; qu’en se fondant, pour déclarer M. U… coupable de harcèlement moral en ce qu’il aurait commis des actes répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de vie de Mme V… s’étant traduit par une altération de sa santé, sur la mise en place de dispositifs de surveillance tenant à l’installation d’un système de géolocalisation sur son téléphone, au recours à une analyse graphologique de son écriture grâce à son agenda ou encore au recours aux services d’un détective privé pour surveiller les abords du domicile de sa thérapeute, sans relever que Mme V… avait connaissance de la mise en place de ces dispositifs, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
7°/ que l’infraction de harcèlement moral suppose que les actes reprochés au prévenu aient eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime se traduisant par une atteinte à sa santé physique ou mentale ; qu’en se bornant à énoncer, pour condamner M. U… pour harcèlement moral à l’encontre de Mme V…, que les agissements de M. U… avaient « nécessairement eu pour objet et en tout état de cause pour effet une dégradation des conditions de vie se traduisant par une altération de la santé », que les conséquences du harcèlement étaient suffisamment décrites par Mme V… « s’agissant de chacun des faits dénoncés, image dégradée auprès de ses proches, sentiment d’être épié, obstacle à la poursuite de sa vie quotidienne », que l’expert psychologue n’avait « pas retrouvé un état de stress port traumatique constitué », qu’il concluait à l’existence de souffrances endurées qui n’étaient pas inférieures à 1,5/7, tout en précisant qu’une réévaluation était nécessaire, sans mieux caractériser en quoi les actes reprochés au prévenu avaient eu pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime se traduisant par une atteinte à sa santé physique ou mentale, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
8°/ que M. U… faisait valoir dans ses conclusions que l’altération de la santé de Mme V…, à la supposer établie, n’était due qu’à son état antérieur ; qu’en déclarant M. U… coupable de harcèlement moral à l’encontre de Mme V… sans répondre au chef péremptoire des écritures du prévenu, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
9°/ qu’enfin, le harcèlement moral, lorsqu’il consiste en des actes reprochés au prévenu ayant eu pour objet une dégradation des conditions de vie de la victime se traduisant par une atteinte à sa santé physique ou mentale, suppose la démonstration d’un dol spécial caractérisé par la conscience et l’intention du prévenu de dégrader les conditions de vie de la victime ; qu’en déclarant M. U… coupable de l’infraction de harcèlement moral consistant en la répétition d’actes ayant eu pour objet une dégradation des conditions de vie de Mme V… après avoir caractérisé la seule existence d’un dol général, à l’exclusion de tout dol spécial tenant à l’intention de dégrader les conditions de vie de Mme V…, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés. »