Humour | Parodie : 14 octobre 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 18/07364

·

·

Humour | Parodie : 14 octobre 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 18/07364
Ce point juridique est utile ?

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 14 OCTOBRE 2020

(n° 2020/ , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/07364 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B53AP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 15/04373

APPELANT

Monsieur [L] [H]

[Adresse 3] [Localité 4]

Représenté par Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242

INTIMEE

SAS OODRIVE représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1] [Localité 2]

Représentée par Me Emmanuelle anne LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0780

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [L] [H] a été engagé par la société Oodrive, société éditrice de systèmes et logiciels informatiques, selon contrat de travail écrit à durée indéterminée à temps complet en date du 5 novembre 2012 en qualité d’ingénieur développement, de statut cadre, position 2.2, coefficient 130 avec une rémunération de 58.000 euros bruts sur douze mois.

L’effectif de la société Oodrive est de plus de 200 salariés.

Le règlement intérieur précise que :

“les salariés sont tenus de respecter les horaires de travail suivants :

du lundi au jeudi : 9h15 à 12h30 – 13h45 à 18h30,

le vendredi : 9 h 15 à 12h30 – 13h45 à 17h00”.

La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques et sociétés de conseils dite « SYNTEC ».

M. [H] a été en arrêt de travail pour maladie du 1er août 2013 au 11 septembre 2013 puis du 9 décembre 2013 au 17 décembre 2013, ensuite du 7 janvier 2014 au 15 février 2014 puis du 19 février au 27 mars 2014 pour ‘stress du au travail’, ‘harcèlement’. Sa visite médicale de reprise a eu lieu le 28 mars 2014 à 11 heures 15.

M. [H] a été élu délégué du personnel suppléant le 23 avril 2014 puis a été désigné en qualité de délégué syndical le 24 avril 2014 par le syndicat SNEPSSI. Il est salarié protégé.

Il a de nouveau été placé en arrêt de travail pour maladie du 23 décembre 2014 au 7 janvier 2015.

Le 7 janvier 2015, M. [H] a adressé à son employeur une lettre de démission dans laquelle il expose avoir subi des reproches, écrits et oraux, discriminatoires et/ou injustifiés sur sa condition de délégué syndical, sur ses horaires et la qualité de son travail après avoir précédemment subi des faits de harcèlement fin 2013/début 2014 de la part d’un collègue et ce sans réaction de la direction.

Son arrêt de travail a été prolongé du 8 janvier au 8 avril 2015 pour état anxieux et troubles du sommeil.

Le préavis a pris fin le 8 avril 2015.

Le 9 avril 2015, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de requalification de sa démission en licenciement nul et de condamnation de la société Oodrive à lui payer certaines sommes.

Par jugement en date du 9 mai 2018, le conseil de prud’hommes de Paris, statuant en sa formation de départage, a débouté M. [H] de ses demandes et a mis les dépens à sa charge.

M. [H] a interjeté appel le 8 juin 2018.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 25 décembre 2018, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [H] demande de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Et, en conséquence, statuant de nouveau y faisant droit :

– prononcer la requalification de la démission en prise d’acte de la rupture aux torts exclusifs de la société Oodrive ;

– juger en conséquence que cette requalification emporte nullité du licenciement en raison du statut de salarié protégé de M. [H] ;

– fixer la moyenne des salaires sur les douze derniers mois à la somme de 4.883,72 € ;

En conséquence, il est sollicité de la cour qu’elle condamne la société Oodrive à payer à M. [H] les sommes suivantes :

– 80.000,00 € à titre dommages-intérêts réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement ;

– 58 604,64 € à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur ;

– 14.681,16 € à titre de d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1.468,11 € au titre des congés payés afférents ;

– 4.069,76 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2015 ;

– 29.302 € de dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat sur le fondement des dispositions articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil ainsi que des articles [R]1222-1, [R]4121-1, [R]1235-3, L 6323-1 et suivants du code du travail ;

– 1.000 € à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre la somme de 100 € au titre des congés payés afférents ;

– 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d’utiliser les droits acquis au titre du DIF (droit à l’information et à la formation) ;

– 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour privation du bénéfice des informations relatives à la portabilité des couvertures complémentaires santé et prévoyance ;

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– dire que les sommes porteront intérêt au taux légal dans les conditions prévues par les articles 1231-6 et 7 du Code civil et ordonner la capitalisation des intérêts (articles 1343-1 et 2 du Code civil) ;

– condamner la société Oodrive aux dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 21 novembre 2018, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Oodrive demande de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Paris le 9 mai 2018,

– confirmer pleinement les effets de la lettre de démission de M. [H] en date du 7 janvier 2015,

– débouter en conséquence M. [H] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner à titre reconventionnel M. [H] à verser à la société Oodrive la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [H] aux entiers frais et dépens d’instance.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 15 juin 2020.

MOTIFS :

Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre de démission de M.[H] est libellée comme suit :

“… Pour mémoire, cette situation est la suivante : depuis octobre 2014, mon n+1, [S] [B], ne cesse de me faire des reproches, tant écrits qu’oraux, totalement discriminatoires et/ou injustifiés sur ma condition de délégué syndical, sur mes horaires et la qualité de mon travail, cherchant par ailleurs à me mettre en porte à faux sur ce dernier.

Cet acharnement dont je fais l’objet depuis octobre 2014 est d’autant plus difficile à supporter compte tenu de ce que j’avais déjà subi précédemment dans l’entreprise fin 2013 / début 2014, avec les agissements de [O] [C] (couverts justement par [S] [B]), le refus de me changer d’équipe, le parti pris de la DRH déjà à l’époque, de délai de réaction de cette dernière pour se décider finalement à mener une enquête, le dénigrement organisé à mon égard lors des élections professionnelles, etc.

Malgré plusieurs demandes d’interventions de ma part vous sollicitant et bien que vous ayez été en copie d’une majorité de mes échanges avec mon supérieur, votre réponse à ma situation a été, le 22 décembre 2014 :

“Tes mails hebdomadaires à [S] qui n’en finissent plus doivent cesser. Nous ne pouvons pas passer autant de temps sur ton cas personnel pour répondre à tes insinuations ou à des accusations infondées. (…)”

Ensuite, lors du stand-up du 23 décembre 2014, confirmé par votre mail ci-dessus (dont il était en copie), [S] s’est encore une fois emporté contre moi (ce qui était déjà arrivé lors du stand-up du 27 octobre 2014), alors que je m’étais assis en raison d’une douleur à mon pied droit, blessé en décembre 2014.

Pire encore, alors qu’une réorganisation des services était en cours et que des ouvertures étaient possibles dans des équipes où [S] [B] n’était pas manager, la direction a décidé ce jour de me maintenir dans son équipe !

Je suis donc contraint de vous adresser ma démission motivée car, malgré toute la patience et la bonne volonté dont j’ai essayé de faire preuve ainsi que le professionnalisme auquel j’ai toujours été attaché dans l’exécution de mon travail, il ne m’est désormais plus possible de l’exercer dans ces conditions.

(…)

Pendant ce dernier (préavis) et dans l’intérêt de mes collègues, je continuerai à exercer mes fonctions de délégué syndical. (…)”

Cette démission énonce des motifs et des griefs à l’encontre de l’employeur ce qui la rend équivoque. Elle s’analyse donc en une prise d’acte.

Elle produira les effets d’un licenciement nul si le salarié prouve l’existence d’une faute imputable à l’employeur et rendant impossible la poursuite du contrat de travail de M. [H], salarié protégé. Elle produira au contraire les effets d’une simple démission si une telle preuve n’est pas rapportée.

Dans le cadre de l’instance, M. [H] reproche à son employeur d’une part d’avoir eu une attitude discriminatoire à son égard à raison de son appartenance syndicale, d’autre part, de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour faire cesser une situation de harcèlement moral et d’avoir manqué à son obligation de sécurité.

En vertu de l’article L1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l’objet d’une discrimination directe ou indirecte à raison de ses activités syndicales.

L’article L1134-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

M. [H] soutient qu’à compter du moment où il a sollicité l’organisation d’élections au sein de l’entreprise :

– les chefs de bureau et la direction ont demandé aux cadres de ne pas voter pour M. [H] et de ne pas aller voter du tout,

– son supérieur a changé d’attitude sur le contrôle de ses horaires et de ses temps de pause,

– celui-ci a sous évalué la qualité de son travail,

– son supérieur lui a formulé à son égard des reproches injustifiés et fait preuve d’emportement et d’acharnement.

Le salarié établit que lors du premier tour des élections des délégués du personnel le 11 avril 2014 alors que seule une liste était présentée sur laquelle M. [H] était candidat, les cadres ont été incités par la direction à ne pas aller voter et à ne pas voter pour M. [H] comme en atteste M. J.[I] (Pièce 76), selon lequel lors d’une réunion, les dirigeants de la société ont demandé aux salariés de ne pas voter pour lui et l’ont présenté comme ‘un profiteur qui revient 2-3 jours toutes les trois semaines pour être payé à ne rien faire’. D’autres salariés ont alerté M. [H] par courriels dès le 28 mars 2014 en lui indiquant que ‘certains chefs de bureau disent clairement à leur team de ne pas voter pour toi’. Mme [J]H. (Pièce 38) témoigne des propos tenus par son supérieur aux termes desquels’ la personne se présentant au 1er tour n’a pas nos intérêts à coeur et qu’il serait donc dans notre intérêt à nous de ne pas venir voter le 11 avril 2014.’ Elle précise que le jour du premier tour de l’élection, son supérieur alors qu’il faisait partie du bureau de vote a déclaré le matin même qu’il ‘s’agissait d’une perte de temps car de toute façon personne n’allait venir’.

Le procès-verbal du premier tour mentionnant 3 votants sur 130 inscrits révèle une très faible participation dans ce contexte de pression sur les salariés. Au second tour, en revanche, alors que quatre listes étaient présentées, la participation a atteint 100 sur 130.

Concernant ses relations avec son N+1, M. [R][P], si M. [H] ne caractérise pas d’acharnement ni d’emportements à son encontre, il démontre qu’alors qu’une réelle souplesse était accordée par M. [R][P], aux membres de son équipe quant aux horaires de travail, comme l’établit le courriel en date du 27 juin 2013 en ces termes : ‘si vous voulez partir tôt, vous arrivez tôt. Ça c’est ce que je fais. Si vous voulez arriver tard, vous partez tard. Ça c’est ce qu’a choisi de faire [T]. Si vous voulez des aménagements d’horaires spécifiques, dans ce cas vous mangez à l’arrache devant votre poste, c’est ce que fait [O]. Le comment sont réparties les heures dans la journée, je vous ai offert la possibilité de le moduler comme vous voulez, en étant plus cool que à ce que [U] demande’, M. [H] s’est vu reprocher ses horaires en ces termes par courriel adressé le 16 octobre 2014 par M. [R][P] : ‘ je constate qu’hier tu es parti acheter ton déjeuner avant midi et que tu as quitté le bureau hier soir à 17H35. Ceci étant très éloigné des horaires collectifs de l’entreprise, peux-tu me dire ce qu’il en est ” et a précisé ‘le propos n’est pas temps de travail en tant que tel mais la répartition du temps de travail dans la journée’. M. [R][P] réitérera ce type de contrôle le 17 novembre 2014 en demandant à M. [H] de justifier de la raison pour laquelle il quittait la société à 17H51 soit 39 minutes avant l’horaire théorique ce à quoi M. [H] a répondu qu’il était arrivé à 8H50. Le salarié établit ainsi avoir été soumis à compter d’octobre 2014 à un contrôle de ses horaires ne lui autorisant plus d’user de la souplesse en vigueur jusqu’alors.

M. [P], N+1, lui adressait également régulièrement des reproches sur son positionnement au sein de l’équipe, la qualité de son travail et sa tenue (son positionnement assis) lors d’une réunion par divers courriels en date des 18 février 2014, 27 et 28 octobre 2014, 5 et 21 décembre 2014.

Son évaluation de mars 2014 mentionnait 7/10 et 8/10 aux items ‘ adaptabilité/flexibilité’ et ‘accepter la critique et se remettre en cause’, tandis que celle de juillet 2014 a réduit ces notes pour les mêmes items à 5/10. D’autres items tels que la capacité de synthèse et d’analyse sont en revanche passés de 8 à 9/10. La note globale de juillet 2014 a néanmoins régressé de 79/100 à 72/100.

Il a fait partie des deux seules personnes de l’équipe Omnikles à ne pas bénéficier d’une autre affectation en janvier 2015 alors qu’il avait formé un voeu en ce sens.

Les faits ainsi établis pris en leur ensemble font présumer une situation de discrimination à raison de l’engagement syndical.

La société se limite à contester la valeur des attestations des salariés témoignant avoir reçu la consigne de ne pas aller voter et de ne pas voter pour M. [H] en invoquant la proximité de ceux-ci avec ce dernier sans toutefois apporter aucun élément de nature à justifier autrement que par de la discrimination un tel agissement.

Elle considère s’agissant des horaires que M. [H] ne saurait s’en rapporter à d’anciennes règles plus flexibles et refuser de se soumettre à un respect plus scrupuleux des horaires réaffirmés.

Toutefois, elle ne produit aucun mail circulaire susceptible d’avoir mis fin à la souplesse des horaires en vigueur au sein de l’équipe du salarié et n’établit pas plus que d’autres salariés se serait vu limiter la souplesse d’horaires de travail.

Elle justifie le maintien de M. [H] au sein de l’équipe Omnikles par l’attestation de M. [J][I], ingénieur informatique au sein de la société Omnikles, qui établit que M. [H] avait une compétence particulière sur le projet d’Omnikles et par le courriel adressé le 7 janvier 2015 par M. [R] [P], N+1 de M. [H], à l’équipe, indiquant que le projet n’était pas terminé.

Elle invoque, concernant les relations qu’entretenait M. [P], n+1 de M. [H], avec ce dernier, l’exercice par M. [P] de son pouvoir de direction en réponse aux nombreux courriels de M. [H] lequel usait de termes directs, n’hésitant pas à reprocher à son supérieur de ne pas respecter lui-même les horaires et lui adressant de très nombreux mails en réaction à chaque propos ou remarque à son encontre sans égard pour le lien hiérarchique existant entre eux.

Force est de constater que la société ne justifie par aucun élément objectif étranger à toute discrimination ses agissements tendant à décourager ses salariés de voter pour M. [H] et son contrôle plus strict des horaires et ses exigences plus fortes quant à son adaptabilité.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que M. [H] a subi au cours de l’année 2014 une discrimination à raison de son engagement syndical.

S’agissant du manquement à l’obligation de sécurité également invoqué par M. [H], ce dernier soutient, d’une part, que la direction lui a refusé un changement d’équipe en décembre 2013 après la dénonciation d’une situation qu’il considère comme du harcèlement et alors qu’une réorganisation interne l’aurait permis, d’autre part, avoir été affecté à son retour d’arrêt de travail sur un programme sur lequel il n’avait pas de connaissances contrairement à d’autres salariés de la société, enfin que son employeur n’a pas respecté les dispositions de l’article [I] 4624-22 du code du travail en lui demandant de se présenter à son poste le 28 mars 2014 au matin avant tout examen par le médecin du travail.

Selon l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1°) des actions de prévention des risques professionnels ;

2°) des actions d’information et de formation;

3°) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

La société démontre que lorsqu’elle a eu connaissance le 13 décembre 2013 des agissements de M. [D], collègue de M. [H], à l’égard de celui-ci, la DRH lui a écrit le 17 décembre pour lui indiquer qu’elle allait étudier la situation puis a reçu M. [H] le 6 janvier 2014 lequel demandait à changer de service, à qui elle a présenté le seul poste alors ouvert, correspondant à son profil, au sein de l’équipe iExtranet, et lui a proposé de rencontrer la responsable de l’équipe concernée. L’employeur a, au cours des semaines qui ont suivi, cherché à établir la véracité des faits dénoncés ce qui ne saurait s’interpréter comme une remise en cause des propos de M. [H] ni la volonté de faire porter la responsabilité des faits sur ce dernier contrairement à ce qu’il soutient. La société établit ainsi avoir mandaté la délégation unique du personnel le 30 janvier 2014 pour organiser une enquête laquelle a procédé à de nombreuses auditions. A compter du 7 janvier 2014, M. [H] était en arrêt de travail et l’est demeuré jusqu’au 15 février 2014 puis du 19 février 2014 au 23 mars 2014. Les investigations ont eu lieu pendant l’arrêt de travail de M. [H] lequel a été entendu le 10 février 2014 pendant ses heures de sortie autorisée. Le service des ressources humaines n’a certes pas décidé de le changer immédiatement de service mais lui a proposé le 30 janvier 2014 de déplacer son poste de travail à son retour au sein de l’entreprise . Ainsi l’employeur a pris les mesures nécessaires pour mettre fin aux agissements de M.[D] dénoncés par M. [H]. A son retour le 28 mars 2014, M. [D], son collègue dont il avait dénoncé les agissements, était lui-même en arrêt de travail et a fait l’objet d’un licenciement le 28 avril 2014. En procédant à une enquête et à son issue à la rupture du contrat de travail de M.[D], auquel étaient imputés des agissements à l’égard de M. [H], l’employeur a répondu aux préconisations du médecin du travail en date des 17 février 2014 et 18 mars 2014 qui recommandait une ‘réévaluation des conditions de travail’ de M. [H].

La société démontre ainsi avoir exécuté le contrat de travail de bonne foi et respecté ses obligations en matière de sécurité.

S’agissant de la visite médicale de reprise à l’issue de l’arrêt de travail du 19 février au 28 mars 2014, elle a été fixée au 28 mars 2014 à 11h15 et la société a demandé à M. [H] de se présenter à son poste de travail à 9h15. Si le contrat de travail est suspendu jusqu’à la visite de reprise, l’article [I] 4624-22 du code du travail prévoit un délai de huit jours après la reprise du travail pour qu’elle soit organisée. En demandant à M. [H] de se présenter à son poste pour une durée de deux heures avant le rendez-vous, la société n’a pas mis en danger ce dernier dans la mesure où l’auteur des agissements à son encontre était absent. L’employeur n’a donc pas plus manqué à son obligation de sécurité à ce titre.

La demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité est en conséquence rejetée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Il en résulte que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul.

Sur les conséquences pécuniaires de la nullité du licenciement :

Le salarié victime d’un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit d’une part aux indemnités de rupture et d’autre part à une indemnité au moins égale à celle prévue par l’article L 1235-3 du code du travail outre l’indemnité pour violation du statut protecteur s’agissant d’un salarié protégé.

– l’indemnité conventionnelle de licenciement :

En vertu de l’article 19 de la convention collective des bureaux d’étude technique et sociétés de conseil, pour les ingénieurs conseils, ‘l ‘indemnité de licenciement se calcule en mois de rémunération sur les bases suivantes :

Après 2 ans d’ancienneté, 1/3 de mois par année de présence de l’ingénieur ou du cadre, sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois.

Le mois de rémunération s’entend dans le cas particulier comme 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, cette rémunération incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires au-delà de l’horaire normal de l’entreprise et les majorations de salaire ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement. Pour les années incomplètes, l’indemnité de licenciement est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence.’

M. [H] avait une ancienneté de deux ans et cinq mois et percevait un salaire mensuel brut de référence de 4833,72 euros de sorte qu’il est bien fondé à sollicité une indemnité conventionnelle de 4069,76 euros (4883,72 x 2,5). La société Oodrive est condamnée à lui payer cette somme et le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

– l’indemnité compensatrice de préavis :

Selon l’article 15 de la convention collective, pour les cadres, sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure, la durée du préavis, dite aussi “délai-congé”, est de 3 mois, quelle que soit la partie qui dénonce le contrat.

M. [H] a donc droit à une indemnité compensatrice de préavis de 14 681,16 euros outre 1468,11 euros de congés payés y afférents. La société Oodrive est condamnée à lui payer cette somme et le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

– l’indemnité pour nullité du licenciement :

L’indemnité pour nullité du licenciement est au moins égale à six mois de salaire.

Eu égard à l’ancienneté de M. [H], le préjudice par lui subi du fait de l’illicéité de son licenciement sera réparé par l’allocation de la somme de 30 000 euros.

– l’indemnité pour violation du statut protecteur :

Lorsqu’elle est justifiée, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par un salarié protégé, du fait de l’inexécution par l’employeur de ses obligations contractuelles, produit les effets d’un licenciement nul et ouvre droit, au titre de la violation du statut protecteur, à une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu’à la fin de la période de protection en cours.

La durée de protection d’un délégué syndical est fixée par l’article L2411-3 du code du travail à douze mois à compter de la rupture du contrat qui emporte éviction de ses fonctions.

M. [H] est donc bien fondé à solliciter la somme de 58 604,64 euros à ce titre. La société Oodrive est condamnée à lui payer cette somme et le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires :

Selon l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. [H] présente un tableau détaillant les heures attendues, les heures réalisées et les heures supplémentaires selon lequel il prétend avoir travaillé plus de 7H30 par jour de septembre 2014 à décembre 2014 et sollicite la somme de 1000 euros en paiement de 18 heures supplémentaires sur la période concernée.

La société Oodrive se borne à relever que M. [H] n’étaye son calcul par aucun document sans répondre aux éléments précis quant aux heures non rémunérées présentés par le salarié.

Au regard de ces éléments, la cour a la conviction que M. [H] a réalisé 18 heures supplémentaires de septembre 2014 à décembre 2014 au paiement desquelles la société Oodrive est condamnée pour un montant de 717,02 euros et 71,70 euros de congés payés y afférents. Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour perte de chance d’utiliser les droits acquis au titre du DIF :

L’article L6323-1 du code du travail dispose que tout salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, disposant d’une ancienneté minimale dans l’entreprise déterminée par voie réglementaire, bénéficie chaque année d’un droit individuel à la formation d’une durée de vingt heures.

Une convention ou un accord collectif interprofessionnel, de branche ou d’entreprise peut prévoir une durée supérieure.

Selon l’article L6323-19 du code du travail, dans la lettre de licenciement, l’employeur informe le salarié, s’il y a lieu, de ses droits en matière de droit individuel à la formation. Cette information comprend les droits visés à l’article [R] 6323-17.

La société justifie de l’information relative aux droits du DIF délivrée à M. [H] par courrier en date du 28 janvier 2015 soit dans le mois de la réception de sa lettre de démission. M. [H] n’a donc pas perdu de chance d’utiliser ses droits dans la mesure où il les a conserver. Il ne justifie d’aucun préjudice.

La demande de dommages-intérêts est en conséquence rejetée et le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour privation du bénéfice des informations relatives à la portabilité des couvertures complémentaires santé et prévoyance :

En vertu de l’article L911-8 du CSS créé par LOI n°2013-504 du 14 juin 2013 – art. 1 (V) les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l’article [R] 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage.

La prise d’acte de M. [H] produisant les effets d’un licenciement nul, compte tenu de l’absence de mention sur le certificat de travail de ses droits à la portabilité des couvertures complémentaires santé et prévoyance, il a subi un préjudice n’ayant pu bénéficier de ladite portabilité. Ce préjudice sera réparé par l’allocation de la somme de 500 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la comparution devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes soit le 8 octobre 2015 pour celles qui étaient exigibles au moment de sa saisine.

En vertu de l’article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

En application de l’article 1343-2 nouveau du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La société Oodrive est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et au paiement à M.[H] de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts manquement à l’obligation de sécurité et celle pour perte de chance d’utiliser les droits individuels de formation,

Statuant sur les chefs infirmés,

DIT que la prise d’acte de M. [L] [H] produit les effets d’un licenciement nul,

CONDAMNE la société Oodrive à payer à M.[L] [H] les sommes de :

– 4069,76 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 14681,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1468,11 euros de congés payés y afférents,

– 30 000 euros d’indemnité pour licenciement nul,

– 58 604,64 euros de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur,

– 717,02 euros au titre des heures supplémentaires du 8 septembre au 31 décembre 2014 et 71,70 euros au titre des congés payés y afférents,

– 500 euros à titre de dommages-intérêts pour absence d’information relative à la portabilité des couvertures complémentaires,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015 et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus sur une année entière,

CONDAMNE la société Oodrive à payer à M. [L] [H] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Oodrive aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x