Humour | Parodie : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00937

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Humour | Parodie : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00937
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Arrêt n°

du 13/09/2023

N° RG 22/00937

MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 13 septembre 2023

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 11 mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes de CHALONS EN CHAMPAGNE, section Commerce (n° F 21/00014)

SASU GXO LOGISTICS FRANCE

venant aux droits de XPO SUPPLY CHAIN SUD FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocats au barreau de LYON et par la SCP AGUERA AVOCATS, avocats au barreau de LYON

INTIMÉ :

Monsieur [J] [B]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 juin 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 13 septembre 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [J] [B], embauché à compter, du 10 janvier 2011 par la SASU XPO Supply Chain France aux droits de laquelle vient la société GXO Logistics France, en qualité de contrôleur, a été licencié le 19 octobre 2020 pour faute grave motivée par un harcèlement sexuel à l’encontre d’une salariée après mise à pied conservatoire à compter du 29 septembre 2020.

Le 21 janvier 2021, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Châlons-en Champagne de demandes tendant à faire dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir des indemnités de rupture, des dommages et intérêts en réparation des préjudices nés d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le remboursement de ses salaires retenus pendant la mise à pied conservatoire.

Par jugement du 11 mars 2022, le conseil de prud’hommes a :

– requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

– condamné la SASU GXO Logistics France venant aux droits de la SASU XPO Supply chain France au paiement des sommes suivantes :

5 097,06 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

1 323,37 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

132,34 euros à titre de congés payés afférents,

4 146,76 euros à titre d’indemnité de préavis,

414,68 euros à titre de congés payés afférents,

– dit que le salaire moyen est de 2 073,33 euros ;

– débouté M. [J] [B] de ses demandes ;

– dit que chaque partie supportera ses propres frais.

Le 2 mai 2022, l’employeur a interjeté appel du jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. [J] [B] de ses autres demandes.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2023.

Exposé des prétentions et moyens des parties :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, la société appelante demande à la cour d’infirmer le jugement en ses chefs critiqués.

En conséquence, elle demande à la cour :

– à titre principal, de débouter M. [J] [B] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

– à titre subsidiaire, de juger que le salaire moyen de M. [J] [B] est de 1 897,40 euros et de lui allouer les sommes suivantes :

4 664,45 euros à titre d’indemnité de licenciement,

3 794,80 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

189,74 euros bruts à titre de congés payés afférents,

1 201,68 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

120,16 euros bruts à titre de congés payés afférents,

5 692,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au soutien de ses prétentions, l’employeur prétend rapporter la preuve de faits constitutifs de harcèlement sexuel commis par M. [J] [B] et se prévaut de la reconnaissance de la matérialité des faits, ainsi que d’une enquête interne, preuve recevable selon lui au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, mettant en exergue la tenue répétée de sa part de propos à connotation sexuelle à l’égard d’une salariée, sans que les rappels à l’ordre ne le fassent changer de comportement. Il insiste sur le fait que l’intention du salarié de faire de l’humour importe peu dès lors que les propos à caractère sexuel portent atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère humiliant ou dégradant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Il conteste l’affirmation de l’intimé selon laquelle les propos sexistes qui lui sont reprochés seraient courants dans le lieu de travail composé à majorité d’hommes et souligne la volonté de l’intimé de décrédibiliser et de déstabiliser la victime. Il critique le jugement qui n’a pas retenu la gravité de la faute et rappelle l’obligation spéciale de sécurité qui pèse sur lui, l’obligeant à prendre toute mesure pour y mettre fin.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 avril 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l’intimé demande à la cour :

A titre principal,

– d’infirmer le jugement sauf du chef des frais irrépétibles ;

– de débouter la SASU GXO Logistics France venant aux droits de la SASU XPO Supply chain France de l’ensemble de ses demandes ;

– de condamner la SASU GXO Logistics France venant aux droits de la SASU XPO Supply chain France au paiement des sommes suivantes :

5 772,21 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

4 593,64 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

459,36 euros bruts au titre de congés payés afférents,

1 360,31 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

13,63 euros bruts au titre des congés payés afférents,

27 561,84 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

6 890,46 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral

A titre subsidiaire,

– de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement en un licenciement pour une cause réelle et sérieuse ;

– de condamner la SASU GXO Logistics France venant aux droits de la SASU XPO Supply chain France au paiement des sommes suivantes :

5 772,21 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

4 593,64 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

459,36 euros bruts au titre de congés payés afférents,

1 360,31 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

13,63 euros bruts au titre des congés payés afférents,

En tout état de cause,

– d’ordonner, sous astreinte, la remise des documents de fin de contrat rectifiés ;

– de condamner la SASU GXO Logistics France venant aux droits de la SASU XPO Supply chain France au paiement de la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [J] [B] conteste les propos qui lui sont prêtés dans la lettre de licenciement et invoque une ambiance familière au sein de la société. Il souligne le manque de conformité de deux attestations produites par l’appelante, au regard de l’article 202 du code de procédure civile. Il note que les propos qui lui sont reprochés ne constituent qu’un seul fait insusceptible de caractériser le harcèlement moral. Il affirme que la prétendue victime participait de façon active à ses propos qu’il qualifie de plaisanteries. Il soutient que l’enquête interne a été menée de façon rapide et que l’employeur s’est fondé sur le témoignage de trois salariés qui ne l’appréciaient pas. Il invoque, en outre, un préjudice moral résultant de ces accusations.

Motifs :

La faute grave, dont la charge de la preuve incombe à l’employeur, telle qu’énoncée dans la lettre de licenciement dont les termes fixent le cadre du litige soumis à l’appréciation des juges du fond se définit comme un fait ou un ensemble de faits, imputables au salarié, caractérisant de sa part un manquement tel aux obligations découlant de la relation de travail que son maintien dans l’entreprise, pendant la durée du préavis, s’avère impossible.

En l’espèce, la lettre de licenciement reproche à M. [J] [B] d’avoir tenu, entre le 21 et 25 septembre 2020, des propos sexistes à l’égard d’une collègue en lui disant ‘je vais te coller ma bite sur le front’, ‘je vais te la mettre entre tes seins’ ‘ton mari t’a mis un coup”, faits constitutifs de harcèlement sexuel.

Selon les dispositions de l’article L1153-1 du code du travail :

‘Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. ‘

Dans le cadre d’une enquête interne menée conjointement par la direction, la responsable du personnel et un membre du CHSCT, à la suite d’une plainte d’une salariée le 28 septembre 2020, neuf personnes ont été auditionnées : la victime, son conjoint également salarié de l’entreprise, M. [J] [B], le responsable hiérarchique de ce dernier et de la victime et des salariés témoins.

Il ressort du rapport de cette enquête que :

– plusieurs salariés confirment avoir été témoins à plusieurs reprises de propos à caractère sexiste portés par M. [J] [B] à l’endroit de la salariée victime, notamment en proférant les paroles reprises dans la lettre de licenciement ;

– l’un d’eux précise que malgré deux demandes adressées à M. [J] [B] en début de semaine, le 23 septembre 2020, dont une en présence de la salariée en pleurs, celui-ci a persisté dans son comportement. Il indique également avoir alerté, le même jour, le CHSCT de difficultés sans en préciser le motif ;

– un salarié évoque une banalisation des propos tenus sans pour autant en cautionner le contenu ;

– deux autres salariés évoquent une ambiance détendue, avec échanges de plaisanteries entre collègues présentant une connotation sexuelle ;

– un autre atteste avoir été témoin des faits, avoir demandé à deux reprises à M. [J] [B] de cesser de tenir de tels propos et que la victime est venue à sa rencontre le 28 septembre 2020 en pleurs ;

– M. [J] [B] pour sa part a démenti avoir tenu les propos reprochés, a reconnu faire des blagues à connotation sexuelle à l’instar de ses autres collègues, a indiqué que la salariée n’a pas manifesté son mécontentement et était parfois meneuse de telles discussions.

Il est produit aux débats les attestations de la victime, de son mari, et d’un agent de maîtrise confirmant leur témoignage apporté lors de l’enquête.

Si certaines des attestations produites ne sont pas conformes à toutes les règles du code de procédure civile, il sera rappelé qu’il appartient alors au juge d’apprécier leur force probante, sans qu’il y ait nécessairement lieu de les écarter.

La salariée ‘victime’ parle d’acharnement le 24 septembre 2020 et atteste que ce comportement avait pour but d”amuser la galerie ‘ à ses dépens devant les collègues précisant ‘dans ces moments là je me cachais derrière l’écran d’ordinateur sans trop répondre et priant que la journée passe très vite.’ . Si ce document n’est pas une attestation conforme aux prescriptions du code de procédure civile, elle est néanmoins corroborée par les attestations d’autres salariés et le rapport d’enquête.

Deux salariés ont indiqué lors de leur audition avoir été témoin des pleurs de la salariée à la suite des propos tenus par M. [J] [B].

Les propos reprochés dans la lettre de licenciement sont donc établis ainsi que leur réitération et la répercussion sur la victime.

Pour justifier de l’absence de harcèlement sexuel et de gravité des faits, le salarié produit aux débats des attestations de salariés attestant qu’il régnait au sein de l’entreprise une ambiance très familière et que la victime n’était pas la dernière à participer à cet humour grivois.

Pour autant si les salariés évoquent des plaisanteries graveleuses au sein du service par l’ensemble des salariés, ils précisent que celles-ci n’étaient pas dirigées vers une personne en particulier. Dans ses écritures, M. [J] [B] fait d’ailleurs état d’ ‘une ambiance générale très familière où personne n’est visé en particulier par la pratique d’un humour graveleux adopté par tous sans réaction aucune de l’employeur’

Or, ce qui est précisément reproché à M. [J] [B] c’est d’avoir au contraire porté des propos sexuels dirigés contre une personne de façon réitérée.

Ces propos à connotation sexuelle adressés de manière répétée à une salariée, nonobstant l’absence d’intention de porter atteinte de quelque manière que ce soit à la victime, ont eu pour effet de porter atteinte à sa dignité et de créer à son préjudice un environnement dégradant, humiliant et offensant constitutifs d’un harcèlement sexuel au sens de l’article L. 1153-1 du code du travail.

Le comportement ainsi décrit, qui est un manquement fautif du salarié à ses obligations contractuelles, imposait une réaction de l’employeur, sous peine pour celui-ci d’engager sa responsabilité au titre de l’obligation de sécurité.

La teneur de ces propos et allusions sont des faits suffisamment graves pour rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis, dès lors que le salarié, y compris dans ses écritures, vient soutenir que son comportement relevait de la blague et vient faire attester par certains des témoins que la salariée qui en a été victime est à l’origine de problèmes partout où elle passe. D’ailleurs, alors qu’il a été mis en garde par l’agent de maîtrise, il s’est adressé à la salariée victime en lui disant ‘merci [U]’. Dans ce contexte, un maintien du salarié dans les effectifs pendant la période de préavis était de nature à exposer la salariée victime soit à une réitération des faits que le salarié licencié banalise, soit à la vindicte du salarié sanctionné, en violation de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur.

En conséquence, c’est à tort que le conseil de prud’hommes a relativisé la gravité de la faute pour requalifier le licenciement, lequel est justifié, de sorte que M. [J] [B] doit être débouté de l’ensemble de ses demandes indemnitaires et salariales au titre du licenciement pour faute grave.

Le jugement sera infirmé sauf en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande liée à la moyenne des salaires devient sans objet.

C’est à tort que M. [J] [B] soutient avoir subi un préjudice moral distinct de la rupture du contrat travail en alléguant qu’il a servi de bouc émissaire, qu’il a été victime d’une attitude hypocrite de sa direction inspirée par son supérieur hiérarchique qui ne l’appréciait pas et qu’il est aujourd’hui qualifié de ‘harceleur’.

En effet, les faits reprochés visant particulièrement une salariée qui en a été affectée comme en atteste le médecin du travail, ont été établis et justifient le prononcé d’un licenciement pour faute grave.

Aucune faute de l’employeur n’étant établie, le salarié doit être débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.

Succombant au sens de l’article 696 du code de procédure civile, M. [J] [B] doit supporter les dépens et les frais irrépétibles de première instance. Cependant, aucune des parties ne conteste l’absence de condamnation aux frais irrépétibles de sorte que la question n’est pas dévolue à la cour.

En appel, débouté de ses demandes à ce titre, M. [J] [B] sera condamné à payer à la SASU GXO Logistics France la somme de 2 000,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel.

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 11 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Châlons en Champagne en ce qu’il a :

– requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

– condamné la SASU GXO Logistics France venant aux droits de la SASU XPO Supply chain France au paiement des sommes suivantes :

5 097,06 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

1 323,37 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

132,34 euros à titre de congés payés afférents,

4 146,76 euros à titre d’indemnité de préavis,

414,68 euros à titre de congés payés afférents,

– dit que chaque partie supportera ses propres frais,

Statuant à nouveau, dans la limite des chefs d’infirmation, et y ajoutant,

Dit que la demande liée à la moyenne des salaires devient sans objet,

Déboute M. [J] [B] de l’ensemble de ses demandes,

Confirme le surplus du jugement en ses chefs dévolus à la cour,

Condamne M. [J] [B] à payer à la SASU GXO Logistics France la somme de 2 000,00 euros (deux-mille euros) en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel,

Condamne M. [J] [B] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

 


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