Humour | Parodie : 13 février 2001 Cour de cassation Pourvoi n° 00-85.853

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Humour | Parodie : 13 février 2001 Cour de cassation Pourvoi n° 00-85.853
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize février deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– X…,

– Y…,

parties civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel de NOUMEA, chambre correctionnelle, en date du 11 juillet 2000, qui les a déboutés de leur demande après relaxe de Patrick Z… et de LA SOCIETE d’EDITIONS PACIFIQUE PRESSE COMMUNICATION, des chefs d’injure publique et de diffamation publique envers des particuliers ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 2, 33, alinéa 2, 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a relaxé les prévenus du chef d’injure ;

” aux motifs qu’il paraît indispensable de relever que le propos dénoncé était inclus dans un billet d’humeur paraissant à l’époque quotidiennement dans le journal ” Les Nouvelles Calédoniennes ” intitulé ” le billet de l’affreux Jojo “, considéré pendant plusieurs décennies comme une institution calédonienne, qui avait vocation à dénoncer avec un humour, une ironie ou une causticité que chacun appréciait peu ou prou, les petits ou grands dysfonctionnements de la vie locale ; que ce billet satirique utilisait, à la manière de l’almanach Vermot, jeux de mots, contrepèterie et euphonie ; que le lecteur savait devoir faire la distinction entre la réalité et les excès de plume qui sont la loi du genre satirique ; qu’en faisant rimer ” raélien ” avec ” vaurien “, l’auteur du billet a utilisé un rapprochement homophonique facile qui n’a pas excédé la loi du genre satirique et qui ne saurait donc être retenu comme constitutif d’une injure ;

” alors que constitue une injure toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ; qu’en l’espèce, l’article incriminé sous le prétexte d’une rubrique satirique écrit : ” Les organisateurs auraient dû savoir que raélien, ça rime avec vaurien ” ; que le terme méprisant de vaurien associé au mot raélien a pour finalité de jeter l’opprobre sur les raéliens, les déconsidérer vis-à-vis de l’opinion publique, que sous le prétexte d’une critique amusée, le journaliste, auteur de la rubrique aurait dû éviter d’utiliser les expressions outrageantes ou de mépris ; que les termes employés sont constitutifs d’une injure ;

que, pour en avoir autrement décidé, la Cour d’appel a violé les textes visés au moyen ” ;

Attendu qu’à la suite de deux articles publiés le 29 octobre 1998 dans le quotidien ” Les Nouvelles Calédoniennes “, X… et Y… ont cit devant le Tribunal correctionnel, les 27 et 28 janvier 1999, Patrick Z… et la société d’Editions Pacifique Presse Communication des chefs d’injures publiques visant les termes ” raéliens, ça rime avec vaurien ” contenus dans ” le billet de l’affreux jojo ” et des chefs de diffamation publique envers des particuliers pour l’article intitulé ” Les Raéliens chassés de la foire d’octobre ” qui dénonçaient les pratiques sectaires de l’association ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer les prévenus du chef d’injures publiques, les juges du second degré se prononcent par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en cet état, les juges ont justifié leur décision dès lors que les propos incriminés n’ont pas excédé les limites autorisées par la critique satirique ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a relaxé les prévenus du chef de diffamation ;

” aux motifs que la citation directe dénonce comme diffamatoires deux passages de l’article, le premier commençant par ” l’affaire ne serait pas si grave ” et se terminant par ” l’orgasme cosmique “, le second ainsi rédigé : ” leur mouvement aux pratiques pestilentielles a été condamné à plusieurs reprises par la justice ” ;

que sur le premier passage les parties civiles n’établissent pas en quoi il comporterait des imputations ou allégations diffamatoires ;

qu’il n’est pas contesté que les raéliens croient aux ” extra terrestres ” puisque cette croyance est le pilier fondateur de cette association ; qu’ils revendiquent également ” la géniocratie ” c’est-à-dire le gouvernement des élites, ainsi que le droit à l’exercice de manipulations génétiques ainsi que cela s’est concrétisé par la création en 1997 d’une société de clonage humain ; qu’enfin le journaliste ne fait que reprendre l’exposé des doctrines raéliennes parues dans les divers ouvrages du mouvement sur ” la méditation sensuelle “, ” l’épanouissement de la sexualité ” et ” la reconnaissance des adolescents à avoir une vie sexuelle libre et indépendante ” ;

qu’en plaçant côte à côte les éléments constants de la doctrine raélienne pour en dénoncer le caractère estimé dangereux, le journaliste n’a en rien procédé par voie d’imputation ou d’allégation mais n’a fait qu’user de son droit d’opinion ; qu’en revanche, en imputant au mouvement raélien même plusieurs condamnations liées à des pratiques pestilentielles alors même que le mouvement raélien n’avait, tout au plus, été condamné que sur un plan fiscal, l’article procède bien à une imputation diffamatoire ; que, cependant, il est constant qu’à la date de rédaction de l’article, de nombreux individus, identifiés comme adeptes du mouvement raélien, étaient soit l’objet de poursuites en cours, soit avaient été condamnés de chefs de prévention tenant à des abus sexuels ; que si le journaliste consciencieux doit se garder des amalgames hâtifs, il convient de constater que les crimes ou délits que certains adeptes se sont vu reprocher ou dont ils ont été convaincus, sont directement liés à la doctrine de liberté sexuelle prônée par leur mouvement ; qu’il devient dès lors difficile pour le journaliste de dissocier l’adepte du mouvement auquel il appartient, de critiquer la main qui agit mais pas l’esprit qui anime ; qu’il est évident, en outre, qu’en décidant-en l’espèce par la tenue d’un stand dans une foire commerciale locale-de faire le panégyrique public d’un mouvement qualifié de secte selon certains et prônant sur l’éducation, sur la religion, sur l’égalité des êtres humains, sur les manipulations génétiques, des positions contestables et susceptibles de heurter la conscience d’une majorité de personnes, les parties civiles et l’association qu’elles représentaient se sont volontairement exposées à des critiques même virulentes à la hauteur de la controverse qu’elles ont souhaité instaurer ; que, pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de retenir l’exception de bonne foi au bénéfice des prévenus ;

” alors, d’une part, que la diffamation suppose l’imputation d’un fait précis portant atteinte à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé ; qu’en l’espèce, il est évident que l’article incriminé commençant par ” l’affaire ne serait pas si grave et se terminant par ” l’orgasme cosmique “, le second passage étant ainsi rédigé ” leur mouvement aux pratiques pestilentielles a été condamné à plusieurs reprises par la justice ” présente un caractère diffamatoire ; qu’en effet, les termes utilisés par le journaliste ont pour objet d’attirer l’attention des lecteurs ; qu’il est fait, tout d’abord mention d’une tromperie, puis d’un groupe chassé de la foire d’octobre ; que le fait de chasser des participants de la foire sous-entend un scandale ou une difficulté majeure ; qu’ensuite, le journaliste présente l’association comme une secte, en référence au rapport parlementaire de 1995 ; qu’il mentionne comme faisant partie de la doctrine du mouvement raélien le gouvernement du monde par des génies issus de manipulations génétiques et pour les mineurs et adolescents ” l’épanouissement sexuel par la méditation sensuelle qui conduit à l’orgasme cosmique ” ; que ces termes sortis de leur contexte d’origine ont une répercussion négative dans un pays comme la Nouvelle-Calédonie où la législation française applicable prohibe les manipulations génétiques ; que ces propos contiennent l’imputation d’un fait précis, portant atteinte à l’honneur et à la considération des parties civiles ; qu’ainsi, la diffamation est établie ;

” alors, d’autre part, qu’en affirmant que, derrière leur masque angélique se cache une réalité différente, leur mouvement aux pratiques pestilentielles a été condamné par la justice alors que le mouvement raélien n’a fait l’objet d’aucune condamnation judiciaire ; que les termes ” pratiques pestilentielles ” sont évocateurs d’infractions pénales, de scandales, de comportement dégageant (au sens figuré du terme) une odeur nauséabonde ; que ces termes qui font suite à l’évocation des manipulations génétiques et de pratiques concernant les mineurs et adolescents aboutissent à discréditer le mouvement et constituent le délit de diffamation ; que, par suite, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

” alors, en outre, que pour bénéficier de la bonne foi en matière de presse, le prévenu doit faire preuve d’objectivité et de loyauté ; qu’en l’espèce, la rédaction de l’article incriminé met en cause directement et gravement le mouvement raélien puisque aucune condamnation n’est jamais intervenue à l’encontre de l’association Religion Raelienne de France ; qu’en se fondant, pour admettre la bonne foi du journaliste, sur la circonstance qu’à la date de l’article incriminé de nombreux individus identifiés comme adeptes du mouvement raélien étaient soit l’objet de poursuites en cours, soit avaient été condamnés de chefs de prévention tenant à des abus sexuels, la cour d’appel s’est fondée sur une circonstance étrangère aux débats puisque seul le mouvement raélien est en cause, insusceptible de justifier la bonne foi du journaliste ;

” alors enfin que l’évocation de manipulations génétiques et de pratiques concernant les mineurs et adolescents aboutissent à discréditer le mouvement ; que, faute de s’être montré mesuré et prudent en évitant tout dénigrement et toute partialité, l’auteur de l’article par une progression constante dans l’utilisation du vocabulaire employé, vocabulaire à connotation négative, l’outrance de certains termes a suscité chez le lecteur la réprobation tout en s’abstenant d’exposer au lecteur les éléments d’information qui lui auraient permis de forger son opinion, n’a aucunement justifié sa bonne foi ” ;

 


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