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COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er décembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10679 F
Pourvoi n° J 19-26.028
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021
La société Interconcerts, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 19-26.028 contre l’arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant à M. [L] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Interconcerts, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z], et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Interconcerts aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Interconcerts et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Interconcerts.
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Interconcerts à payer à M. [Z] la somme de 54 934,95 euros, correspondant à six mois de préavis, en réparation de son préjudice né de la rupture brutale des relations commerciales établies, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ;
Aux motifs que « sur le caractère établi des relations commerciales, M. [L] [Z] rappelle que les dispositions de l’article L. 442-6 I du code de commerce sont applicables à toutes les personnes, physiques ou morales, exerçant une activité de service, peu important qu’elles ne soient pas commerçantes ; qu’il indique avoir effectué ses prestations pour la société Interconcerts d’avril 2008 à septembre 2012 et soutient qu’il tirait l’essentiel de ses revenus de son activité pour la société Interconcerts qui représentait plus de deux fois son salaire pour le musée d’Orsay ; que la société Interconcerts ne conteste pas que M. [Z] a fourni des prestations suivies au sein de la société Interconcerts durant 4 ans et 5 mois ; qu’elle soutient avoir fait appel à M. [Z] pour réaliser des prestations de comptabilité de façon ponctuelle alors qu’il était salarié à temps plein au sein du musée d’Orsay ; qu’elle poursuit en ajoutant que si aucun contrat n’a été formalisé entre les parties qui puisse permettre de définir avec précision les modalités des prestations qui étaient en vigueur, un contrat d’entreprise s’est formé tacitement entre elles ce qui a justifié de passer en charge les factures émises par M. [Z] ; qu’elle ajoute que les prestations de M. [Z] rentraient dans le cadre de prestations pouvant être effectuées par un comptable indépendant et extérieur et qu’il ne se servait pas du matériel de la société ; qu’aux termes de l’article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause : “Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ( ) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels” ; qu’il résulte des factures émises par M. [Z] et qui lui ont été réglées que les parties ont entretenu une relation commerciale établie du mois d’avril 2008 au mois de septembre 2012, au regard de la prestation de service effectué par M. [Z] pour la société Interconcerts, à savoir des travaux de comptabilité ;
que sur la rupture brutale des relations commerciales établies, M. [L] [Z] soutient que la rupture brutale des relations est intervenue à l’initiative de la société Interconcerts en septembre 2012 tandis que cette dernière fait état d’une rupture d’un commun accord, fin décembre 2011, courant janvier 2012, en raison de la venue de M. [P] dans le service de comptabilité et du souhait de M. [Z] d’investir dans d’autres projets ; que M. [Z] produit une télécopie du 2 octobre 2012 adressée à la gérante de la société Interconcerts (sa pièce n° 62) en ces termes : “( ) si tu ne souhaites plus travailler avec moi, je peux le comprendre mais mettre fin non explicitement à notre relation, de façon aussi brutale, en stoppant net ma rémunération, après six ans de relations professionnelles de qualité, n’est non seulement pas acceptable mais me laisse de surcroît dans une situation financière extrêmement difficile ( )” ; que cette pièce, qui ne fait l’objet d’aucun commentaire de la société Interconcerts, établit que cette dernière a souhaité mettre un terme à ses relations avec M. [Z] à la fin du mois de septembre 2012, à l’encontre de la volonté de l’intéressé ; que de même, la mise en demeure du 22 février 2013 adressée à la société Interconcerts (sa pièce n° 58) par le conseil de M. [Z] aux termes de laquelle est dénoncée la décision de la société de rompre ses relations contractuelles avec l’intéressé, cette rupture étant qualifiée de mesure de licenciement sans cause réelle et sérieuse, démontre à suffisance l’existence d’une rupture imposée par la société ; que c’est vainement à cet égard que la société se prévaut, au soutien d’un départ qui aurait été convenu entre les parties, du SMS du 3 avril 2013 que M. [Z] a adressé à M. [P], employé de la société, en ces termes : “Juste un petit adieu ! Tu es un homme que j’ai beaucoup apprécié ! J’aime ton humour ta générosité ta petite famille tes petits coups de gueule… il est temps pour moi d’aller voir plus loin ! Je t’embrasse fort” ; qu’il s’ensuit qu’un préavis devait être accordé à M. [Z], ce qui n’a pas été le cas ; que sur le préavis, M. [L] [Z] estime qu’au regard de la durée de sa relation avec la société Interconcerts et de sa situation économique, il aurait dû bénéficier d’un préavis d’une durée de 12 mois ; que la société Interconcerts soutient que M. [Z] a bénéficié d’un préavis de 8 mois à compter du moment où les parties ont décidé d’arrêter les prestations ; qu’elle fait valoir que M. [Z] aurait été dans l’incapacité de l’effectuer et de fournir des prestations étant arrêté pour maladie pour le musée d’Orsay à la date du mois de septembre 2012 ; que la durée du préavis doit être fixée à une durée suffisante pour permettre à l’intéressé de se réorienter, c’est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre situation de remplacement ; que les principaux critères à prendre en compte sont l’ancienneté des relations, le volume d’affaires réalisé et la progression du chiffre d’affaires, le secteur concerné, les investissements effectués, les relations d’exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique ; que le délai du préavis suffisant s’apprécie au moment de la notification de la rupture ; qu’en l’espèce, M. [Z] a travaillé comme comptable durant une période de 4 ans et cinq mois auprès de la société Interconcerts ; qu’il a perçu à ce titre les sommes suivantes : 43 733,03 euros en 2008, 109 402,19 euros en 2009, 101 362,28 euros en 2010, 127 188,92 euros en 2011 et 101 058,49 euros en 2012 ; qu’il travaillait, au cours de la même période, à temps partiel pour le musée d’Orsay et percevait une rémunération annuelle imposable de 26 301,08 euros (année 2009), 2 385,98 euros au mois de décembre 2009 “plus de 120h” (pièce 11 de l’intimée) ; que travaillant à temps plein par la suite pour ce musée, il percevait une rémunération mensuelle de 2 952,13 euros (pièce n° 13 de l’intimée) ; que si M. [Z] ne produit pas ses déclarations de revenus, les rémunérations qu’il percevait du musée d’Orsay et de la société Interconcerts établissent que l’intéressé se trouvait dans une situation de dépendance économique à l’égard de cette dernière au mois de septembre 2012 au regard du pourcentage de sa rémunération réalisé avec cette société ; qu’au regard de cette situation, de la durée et des caractéristiques du marché s’agissant de prestations de comptabilité, au jour de la rupture au mois de septembre 2012, en l’absence de tout préavis écrit, la cour dispose d’éléments suffisants pour évaluer à six mois la durée du préavis qui aurait dû être accordée à M. [Z] ; que sur le préjudice subi, M. [L] [Z] estime que la société Interconcerts est débitrice envers lui d’une indemnité au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie égale à 12 mois de marge brute calculée sur la moyenne des trois dernières années, soit la somme de 109 869,90 euros ; qu’il explique que n’ayant pas de frais, la marge réalisée est égale à 100 % de son chiffre d’affaires ; que par ailleurs, il soutient avoir subi un préjudice moral qu’il chiffre à 20 000 euros, dans la mesure où la rupture de ses relations avec la société Interconcerts a été très douloureuse pour lui, ayant noué des relations amicales voire fraternelles avec M. [P] et Mme [B], ajoutant qu’à la suite de ce conflit, il a eu une dépression et a fait une tentative de suicide ; que la société Interconcerts rétorque que M. [Z] ne peut revendiquer un préjudice né de la brutalité de la rupture puisqu’un préavis de 8 mois a été effectué en 2012, au cours duquel il a perçu la somme de 101 058 euros TTC soit la somme de 84 497 euros HT, non sur le principe de la marge brute mais sur les chiffres qu’il a facturés ; qu’elle ajoute qu’il ne démontre pas une quelconque situation de dépendance économique puisqu’il disposait d’un salaire conséquent au musée d’Orsay et effectuait des prestations comptables pour d’autres clients ; que s’agissant de son préjudice moral, elle dénie tout lien de causalité entre l’état de santé de M. [Z] et la rupture intervenue ; qu’il convient, sur le fondement de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce d’indemniser le préjudice subi par M. [Z] découlant de l’absence de préavis subi par la victime à l’occasion de la rupture de la relation commerciale établie, au regard du gain manqué ; qu’au vu de la moyenne des sommes perçues de la société Interconcerts au cours des trois dernières années (marge brute moyenne des trois dernières années de 109 869,90 euros et de l’absence de frais de l’intéressé?) il convient de fixer le montant de l’indemnité due par la société Interconcerts du chef du délai de préavis de 5 mois à la somme de 54 934,95 euros ; que cette somme porter intérêts au taux légal à compter du présent arrêt » ;
Alors 1°) que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement ; qu’en l’espèce, il résultait des bordereaux de pièces communiquées que M. [Z] n’avait produit aucune facture adressée à la société Interconcerts pour démontrer l’existence de relations commerciales établies avec la société Interconcerts ; qu’en retenant qu’il résultait des factures émises par M. [Z] et qui lui ont été réglées que les parties ont entretenu une relation commerciale établie du mois d’avril 2008 au mois de septembre 2012, la cour d’appel s’est prononcée au regard de pièces non visées dans les bordereaux de pièces communiquées et a ainsi méconnu l’article 16 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que la contradiction entre les motifs et entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu’en retenant dans ses motifs qu’il convenait d’évaluer à six mois la durée du préavis qui aurait dû être accordé à M. [Z], puis en fixant le montant de l’indemnité due par la société Interconcerts à la somme de 54 934,95 euros en tenant compte d’un délai de préavis de cinq mois et en disant dans son dispositif que cette somme correspondait à six mois de préavis, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs contradictoires et en contradiction avec son dispositif, ne permettant pas de déterminer si elle entendait allouer à M. [Z] le montant d’une indemnité correspondant à cinq ou à six mois de préavis, et a ainsi méconnu l’article du code de procédure civile.