Heures supplémentaires : 9 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02774

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Heures supplémentaires : 9 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02774
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C4

N° RG 21/02774

N° Portalis DBVM-V-B7F-K5X7

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Laetitia PEYRARD

Me Claire CHABREDIER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 09 MAI 2023

Appel d’une décision (N° RG F20/00046)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 10 juin 2021

suivant déclaration d’appel du 22 juin 2021

APPELANT :

Monsieur [J] [D]

né le 19 mars 1977 à ORAN (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Laetitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE,

INTIMEE :

SARL DIENDY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Claire CHABREDIER, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Audrey DAVIER, avocat plaidant au barreau de LYON substituée par Me Claire CHABREDIER, avocat au barreau de GRENOBLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 mars 2023,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistées de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 09 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 09 mai 2023.

Exposé du litige :

M. [J] [D] a été engagé à compter du par la SARL DIENDY en contrat à durée indéterminée à compter du 13 décembre 2016 en qualité de chauffeur VL.

Au dernier état de la relation contractuelle depuis un avenant en date du 1er juin 2017, M. [D] exerçait la profession de chauffeur VL en tant que livreur, conducteur messager (ou coursiers).

M. [D] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre recommandée du 6 juin 2019 à un entretien fixé au 18 juin 2019 avec mise à pied conservatoire à effet immédiat auquel il ne s’est pas présenté.

M. [J] [D] a été licencié pour faute grave par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 juin 2019.

M. [J] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Valence, en date du 12 février 2019 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement, obtenir les indemnités afférentes ainsi que le rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires.

Par jugement du 10 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Valence, a :

Jugé que le licenciement pour faute grave de M. [J] [D] était bien-fondé

Jugé que M. [J] [D] avait bien effectué des heures supplémentaires et que la durée maximale de travail n’avait pas été respectée

Dit que la demande de supplémentaires formulée sur la période antérieure au 12 février 2007 était prescrite

Condamné la SARL DIENDY à verser à M. [J] [D] les sommes suivantes :

1547,89 € bruts au titre des heures supplémentaires

154,79 € bruts au titre des congés payés afférents

2500 € nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail

1000 € au titre de l’article 700 du code de ces durs civils

Débouté M. [J] [D] du surplus de ses demandes

Débouté la SARL DIENDY de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamné la SARL DIENDY aux dépens de l’instance.

La décision a été notifiée aux parties et M. [J] [D] en a interjeté appel à titre principal par le Réseau Privé Virtuel des Avocats en date du 22 juin 2021 et la SARL DIENDY appel incidnet par voie de conclusions.

Par conclusions récapitulatives N°3 du 18 janvier 2023, M. [J] [D] demande à la cour d’appel de :

confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a :

jugé que M. [J] [D] a bien effectué des heures supplémentaires et que la durée maximale de travail n’a pas été respectée

condamné la société DIENDY au paiement d’une somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

. le réformer pour le surplus et statuant à nouveau

déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail

condamner la SARL DIENDY à lui verser les sommes suivantes

salaire pendant la mise à pied conservatoire 1543,54 €

congés payés sur mise à pied conservatoire 154,35 €

indemnité compensatrice de préavis 4769,76 €

congés payés sur préavis 476,97 €

indemnité de licenciement 1609,79 €

rappel d’heures supplémentaires 1931,74 euros

congés payés sur supplémentaires 193,17 €

intérêts légaux à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation sur ses 7 premières condamnations

dommages et intérêts pour licenciement nul 15 000 €

dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales du travail 5000 €

dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail de 1000 €

débouter la SARL DIENDY de son appel incident

. condamner la SARL DIENDY au paiement d’une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions N°2 du 2 février 2023, la SARL DIENDY demande à la cour d’appel de :

Confirmer le jugement rendu le 10 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Valence en ce qu’il a :

Jugé que le licenciement pour faute grave de M. [J] [D] était bien-fondé

Dit que la demande d’heures supplémentaires formulées sur la période antérieure au 12 février 2007 est prescrite

Débouté M. [J] [D] du surplus de ses demandes

Infirmer le jugement rendu le 10 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Valence en ce qu’il a :

Condamné la SARL DIENDY à verser à M. [J] [D] les sommes suivantes :

1547,89 € bruts au titre des heures supplémentaires outre 154,79 € bruts au titre des congés payés afférents

2500 € nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail

1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Débouté la SARL DIENDY de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamner M. [J] [D] au paiement de la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur les demandes au titre des heures supplémentaires :

Moyens des parties :

M. [J] [D] soutient qu’il effectuait des tournées (départ de [Localité 9] avec chargement du camion pour [Localité 5], changement de camion au dépôt de Chronopost de [Localité 5] et départ immédiat vers [Localité 4], déchargement à [Localité 4] puis retour à [Localité 9]) ; que l’employeur sous évaluait le temps de travail durant ces tournées, qu’il effectuait la totalité de la tournée avec changement de camion à [Localité 5] et qu’il a été payé pour 12 heures de travail alors qu’il a effectué entre 13,75 et 14 heures de travail (conduite puis service, à l’exclusion des temps de pause). L’employeur ne lui ayant pas rémunéré ses heures supplémentaires.

Il soutient également que les demandes pour la période de décembre 2016 12 février 2017 ne sont pas prescrites, l’article L. 3245 -1 du code du travail permettant de réclamer les sommes dues au titre des 3 dernières années précédant la rupture du contrat. Ayant été licencié le 24 juin 2019, seules les créances antérieures au mois de juin 2016 seraient prescrites.

La SARL DIENDY soutient que la demande au titre des heures supplémentaires sur la période antérieure au 12 février 2017 est prescrite par application des dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail et eu égard au point de départ du délai de prescription de 3 ans à savoir la date à laquelle le salarié aurait dû avoir connaissance du manquement de l’employeur.

Elle conteste pour sa part l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées et le dépassement des durées maximales de travail et fait valoir que la réalité des heures supplémentaires n’a pas été établie par le salarié. Elle allègue que les synthèses d’activité sur lesquels le salarié se fonde mentionne clairement une amplitude horaire et non un temps de travail effectif, que le temps de travail de 12 heures n’est jamais dépassé et que le salarié n’effectuait pas les trajets dans leur totalité (le chauffeur de la liaison descendante vers [Localité 5] n’est pas celui qui vient de [Localité 9] puisqu’il ne peut pas être arrivé), le relai s’effectuant non à [Localité 5] mais à [Localité 7].

Sur ce,

S’agissant des heures supplémentaires, conformément à l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l’article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

Par application de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Par ailleurs, il doit être rappelé que l’absence d’autorisation donnée par l’employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

Il convient de confirmer la prescription des demandes au titre des heures supplémentaires antérieures au 12 février 2017 en application le jugement déféré en application des dispositions de l’article L.3245-1 du code du travail, la saisine du conseil de prud’hommes datant du 12 février 2020.

En l’espèce, M. [D] verse aux débats les éléments suivants quant aux heures non rémunérées dont il réclame le paiement :

Des fiches de liaison routière concernant la période non prescrite qui illustre des tounées entre [Localité 5] et [Localité 4] ou [Localité 3], [Localité 5] et [Localité 9]

Des itinéraires Via Michelin

Des synthèse d’activité entre décembre 2016 et juin 2019

Un calcul des heures supplémentaires non rémunérées, en décembre 2016, Janvier à avril 2017, mai à décembre 2017, janvier à mars 2018, avril à décembre 2018 et janvier 2019

Les documents et pièces ainsi produits par M. [D] constituent une présentation d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies de nature à permettre à l’employeur d’y répondre utilement.

Il doit être noté que les fiches de liaisons routières identiques produites par les parties aux débats sont signées par le salarié, tant en liaisons ascendantes que descendantes, les heures théoriques d’arrivées et départ prévues ne suffisant pas à démontrer que les horaires d’arrivée et de départ prévus ont été respectés et que M. [D] n’a pas effectué l’intégralité des liaisons de [Localité 9] vers [Localité 5] et de [Localité 5] vers [Localité 4] ou [Localité 9] ; l’employeur n’expliquant pas pourquoi M. [D] aurait signé les feuilles de départ de [Localité 5] et non le prétendu autre chauffeur ayant pris le relai. Le seul fait qu’un autre numéro de téléphone figure sur la feuille de route de retour ne suffit pas non plus à démontrer que c’est finalement ce chauffeur qui l’effectuait, le nom et signataire de validation de la fiche étant celle de M. [D]. L’employeur ne démontre pas plus qu’un autre relai était effectué à [Localité 7] après [Localité 5] pour la période concernée par la demande non prescrite.

Faute pour l’employeur, qui doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées par son salarié,de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SARL DIENDY à payer à M. [D] la somme de 1547,89 € au titre des heures supplémentaires effectuées postérieurement au 12 février 2017 outre 154,79 € de congés payés afférents.

Sur la demande au titre de la durée maximale de travail :

Moyens des parties :

M. [D] soutient que ses horaires de travail impliquaient de fréquents dépassements des durées maximales de travail, certaines semaines dépassant 50 heures de travail, certaines tournées avoisinant une durée de travail de 14 heures par nuit. L’amplitude de travail étant elle-même limitée à 13 heures pour respecter le repos quotidien de 11 heures. Ce non-respect répété des durées maximales de travail lui ayant causé préjudice. Il sollicite des dommages et intérêts à ce titre à hauteur de 5 000 € à ce titre.

La SARL DIENDY soutient pour sa part que le salarié confond temps de travail effectif et amplitude horaire et conteste les dépassements sur la durée maximale de travail allégués. Faute pour M. [D] d’avoir transmis comme demandé par l’employeur à de multiples reprises, son livret individuel de contrôle obligatoire, il est impossible de produire des relevés d’heures et plannings plus détaillés et renseignés de la main même du salarié. Le salarié n’a jamais formulé aucune demande relative au non-respect de la réglementation en matière d’horaires pendant la relation de travail.

Sur ce,

En application des dispositions de l’article L. 3312-1 du code des transports, la durée quotidienne du travail d’un travailleur de nuit ou d’un salarié qui accomplit sur une période de 24 heures, une partie de son travail dans l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures ne peut excéder 10 heures. Ce temps comprend le temps de conduite et de travail effectif et exclut les pauses.

Il appartient à l’employeur de prouver le respect des temps de repos et des durées maximales journalières ou hebdomadaires de travail. Il est de principe que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation.

En l’espèce, il ressort des fiches de liaisons routières produites par les parties que M. [D] effectuait des temps de service qui excédaient régulièrement 10 heures. L’employeur qui conclut que le salarié confond temps de travail effectif et amplitude horaire, échoue à démontrer, comme il en a la charge, que le salarié a bénéficié de temps de repos au cours du temps de travail, que « le temps de travail autre que la conduite » comme qualifié par l’employeur constituait du temps pendant lequel le salarié pouvait vaquer à ses occupations hors la subordination de l’employeur et que son temps de travail respectait les dispositions légales susvisées.

Il convient par conséquent de confirmer jugement déféré et de condamner la SARL DIENDY à des dommages et intérêts à hauteur de 2 500 € pour dépassement des durées maximales de travail.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [J] [D] soutient que l’employeur exécutait le contrat de travail de manière déloyale, qu’il sous évaluait son temps de travail lors de sa principale tournée et lui versait don salaire en retard de manière chronique entre le 10 et le 14 du mois en les confiant à des chauffeurs qui passaient au siège à charge pour eux des prévoir des points et heures de rencontre pour les récupérer afin d’éviter de les envoyer ni faire de virements, occasionnant des frais bancaires conséquents. Il fait valoir que même sa convocation à l’entretien préalable a été déloyale, ayant été convoqué à 21h45 dans le Var avec 5 heures de train à l’aller et pas de billet retour prévu, empêchant sa présence à l’entretien. Il sollicite 2 000 € de dommages et intérêts à ce titre.

La SARL DIENDY conteste l’exécution déloyale du contrat de travail et note que le salarié ne s’est jamais plaint des conditions d’exécution de son contrat de travail pendant toute la durée de la relation actuelle. Elle conclut qu’il n’est pas démontré qu’elle sous-évaluait le temps de la tournée vers [Localité 4] et le salarié confond pour les besoins de la procédure le temps de travail effectif et l’amplitude horaire.

De plus le salarié ne démontre pas qu’il aurait subi des frais bancaires conséquents liés un retard de demande ses salaires, les salariés étant réglés par chèque remis au salarié entre le 7 et le 10 de chaque mois, appartenant aux salariés de prendre leurs dispositions et de s’organiser pour que leurs prélèvements bancaires se fassent après le règlement de leur salaire et de ne pas tarder pour encaisser leur chèque de salaire.

La SARL DIENDY fait enfin valoir que M. [J] [D] n’a jamais demandé de décaler son entretien préalable pour lequel il a de surcroît reçu les billets de train réservés et réglés par l’employeur. Il n’a pas jugé utile de se présenter, de demander un report nid’ user de la possibilité de se faire représenter. Il était par ailleurs expressément prévu que le gérant de la société le raccompagne à son domicile en voiture après l’entretien préalable faute de train de retour.

La SARL DIENDY signale que 2 mois après sa déclaration d’appel, M. [J] [D] n’a pas hésité à postuler pour un emploi au sein de la société.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s’abstenir de tout acte contraire à l’intérêt de l’entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l’égard de l’entreprise. Il lui est notamment interdit d’abuser de ses fonctions pour s’octroyer un avantage particulier.

Le Cour a jugé que l’employeur avait manqué à ses obligations s’agissant du respect des durées maximales du travail et du paiement des heures supplémentaires.

S’agissant du retard chronique de paiement des salaires allégué par M. [D], la SARL DIENDY verse aux débats une note de service du 5 octobre 2017, qui rappelle que « le paiement des salaires s’effectue entre le 7 et le 10 de chaque mois et qu’il ne faut pas déranger le bureau pendant cette période ». Le salarié qui verse l’historique des opérations bancaires sur son compte qui révèle que les chèques de salaires étaient souvent encaissés entre le 10 et le 15 du mois, ne justifie ni de la date de libellé des chèques de paiement des salaires, ni de leur date d’envoi ou de remise par l’employeur au salarié, et donc du retard de paiement. Ce manquement n’est pas constitué.

S’agissant de la convocation à l’entretien préalable à son éventuel licenciement, il n’est pas contesté que M. [D] a été convoqué au siège de l’entreprise à [Localité 8] à 21 heures 45 et que lui a été transmis uniquement un billet de train aller ( trajet [Localité 9], [Localité 8] Via [Localité 6]).

Compte tenu de l’horaire tardif fixé pour cet entretien, M. [D] faisant alors l’objet d’un arrêt de travail, le fait que cet horaire correspondait à ses horaires de travail habituels est inopérant. La SARL DIENDY ne démontre par ailleurs pas qu’il était convenu que M. [M], dirigeant de la société le raccompagne à son domicile après l’entretien, comme conclu. Le courriel adressé au salarié par l’employeur le jour même ne lui propose pas un autre horaire ou une autre date, mais uniquement « de se faire représenter ». Ce fait constituant un manquement à l’exécution loyale du contrat de travail.

Il convient par conséquent de condamner la SARL DIENDY à verser à M. [D] la somme de 1000 € de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave et sa nullité :

M. [J] [D] a été licencié pour faute grave le 24 juin 2019 sur le fondement des griefs suivants :

Son refus de transmettre son livret individuel de contrôle (LIC) en dépit des demandes réitérées de son employeur en ce sens,

Son arrivée avec 34 minutes de retard le 27 mai 2019, retard ayant compromis deux liaisons et engendré des pénalités de retard.

Moyens des parties :

La SARL DIENDY soutient que parmi les obligations contractuelles de M. [D], figure celle de remplir le LIC (Livret Individuel de Contrôle), la note de service du 24 janvier 2019 relative au remplissage obligatoire du LIC ayant été également portée à la connaissance du personnel de l’entreprise puis affichée dans les locaux de l’entreprise et remise avec les bulletins de salaire au mois de janvier 2019 à chaque salarié. M. [D] a été rappelé à l’ordre pour ne pas avoir respecté cette consigne relative à la transmission du LIC depuis sa mise en place le 1er février 2019 puis a persisté à ne pas remplir ni retourner à la direction son LIC complété sans aucune explication. Un avertissement lui a été notifié le 10 mai 2019. Par courrier du 11 mai 2019, M. [D] a indiqué à son employeur qu’il remplissait le LIC mais le gardait pour lui. Par courriel du 23 mai 2019, son obligation de remplir et de transmettre son livret lui a été une nouvelle fois rappelée par le Responsable des ressources humaines ainsi que la transmission d’un nouveau LIC en vain. La société a été contrainte le 28 mai 2019 de le mettre en demeure de restituer son livret de contrôle complété depuis le 1er février 2019 puis d’engager une procédure de licenciement. La SARL DIENDY soutient que le salarié n’a jamais sollicité d’explication pour remplir son livret et n’a jamais eu l’intention de le remplir, indiquant seulement qu’il n’était pas adapté au chauffeur de nuit alors que les autres chauffeurs qui travaillent dans les mêmes conditions que lui, ont rempli et envoyé leur livret.

La SARL DIENDY soutient que le retard reproché aux salariés le 27 mai 2019 présente un caractère fautif en raison notamment de ses conséquences financières et en termes d’image de l’entreprise véhiculée, s’inscrivant par ailleurs dans un comportement d’insubordination du salarié. M. [D] ayant été fort opportunément en retard sur la liaison qu’il avait refusée de faire. Ce retard n’étant pas dû aux aléas de la route ni au dépassement de la durée du travail légale mais au non-respect du plan de transport.

M. [D] soutient pour sa part que le licenciement est dû à des motifs étrangers au non-respect de ses obligations contractuelles à savoir son accident du travail et qu’il doit donc être déclaré nul.

Il fait valoir que la disposition relative au LIC n’est entrée en vigueur qu’en février 2019 et que les horaires de service auxquels il était soumis ne correspondaient à aucune réalité, l’employeur étant mal venu à s’offusquer du non remplissage du LIC. Il fait valoir que les directives officielles divergeaient des explications orales parfois contradictoires données par divers interlocuteurs à qui les salariés étaient bien obligés de demander des explications. Le LIC n’était pas adapté aux chauffeurs effectuant des tournées de nuit avec changement de camions. Les services administratifs demandaient à M. [D] de ne pas indiquer sur ce livret les tournées trop longues qui excédaient les limites réglementaires. Or, il a refusé de se prêter à ce maquillage.

Il soutient que le retard reproché est lié aux caractéristiques de la tournée [Localité 4] et non à un manquement de sa part.

Sur ce,

Il est de principe que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé au sein de l’entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.

S’agissant du grief du retard lors de la tournée le 27 mai 2019, M. [D] ne conteste pas sa matérialité mais sa responsabilité, attribuant ce retard aux aléas de la circulation sur des trajets de plusieurs centaines de kilomètres. La SARL DIENDY ne démontre pas que le retard de 34 minutes invoqué n’est pas le résultat de circonstances extérieures au salarié liées à la circulation routière, le seul fait que celui-ci ait dans un premier temps refusé d’effectuer ce trajet, ne suffisant pas à démontrer qu’il a volontairement omis de respecter le plan de transport. Ce grief n’est pas constitué.

S’agissant du grief relatif au LIC :

Il ressort de l’article 4 de l’avenant au contrat de travail en date du 28 juin 2017 que M. [D] « s’engage à remplir chaque jour le livret individuel de contrôle (LIC) et à l’adresser par le moyen de communication imposé par l’employeur quotidiennement à chaque prise de service et à chaque fin de service. Tout manquement à cette IMPERIEUSE obligation sera conditionnée’ »

La SARL DIENDY produit par ailleurs une note de service N°16 du 24 janvier 2019 traitant du LIC, qui précise aux « destinataires : Acheminement et poids lourds » que « comme indiqué dans le contrat de travail, le remplissage du LIC(livret individuel de contrôle) est obligatoire. A compter du 1er février 2019, ce livret doit être complété à chaque tournée effectuée (feuillet quotidien). Vous devez prendre en photo le feuillet complété et l’envoyer par mail à’en même temps que la FLR’. Vous devez également compléter le récapitulatif hebdomadaire et l’envoyer sur le mail régulation chaque fin de semaine (ou le lundi matin pour les tournées du dimanche). Lorsque le LIC est terminé (29 feuillets complétés), vous devez le retourner aux bureaux en le transmettant soit ‘ »

Par courrier du 13 mars 2019, M. [D] a été rappelé à l’ordre par la SARL DIENDY pour ne pas ‘avoir transmis depuis le 1er février 2019 son LIC complété sur le mail’ comme indiqué sur la note de service N° 16′ transmise avec le bulletin de salaire de janvier 2019″, l’article 4 de son contrat de travail lui étant rappelé. Il lui est par ailleurs rappelé en détail les conditions de remplissage du LIC.

Par courrier du 10 mai 2019, la SARL DIENDY a adressé à M. [D] un avertissement pour avoir persisté dans le non-respect de ses obligations contractuelles, à savoir l’article 4 de son contrat de travail et de la note de service N° 16.

M. [D] ne conteste pas qu’il ne remplissait pas le LIC. S’ il soutient que le livret était inadapté pour les chauffeurs effectuant des tournées de nuit, que « les directives officielles divergeaient singulièrement des explications orales données par les divers interlocuteurs à qui les salariés étaient obligés de demander des précisions», ou que le service administratif lui demandait de ne pas indiquer sur ce livret les tournées trop longues qui excédaient les limites réglementaires, il n’en justifie pas, ni ne démontre qu’il aurait alerté l’employeur sur ces difficultés ou contradictions. Le seul mail adressé par le salarié à l’employeur le 11 mai 2019 est insuffisant à le démontrer, l’employeur lui confirmant par mail de réponse du 25 mai 2019 qu’il doit retourner son LIC, que cette procédure est voulue par la DREAL et que le non-respect de cette obligation peut avoir des impacts financiers importants pour l’entreprise. En outre, l’employeur verse aux débats le LIC rempli de salariés effectuant comme M. [D], des tournées de nuit.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 mai 2019, l’employeur a mis en demeure M. [D] de restituer son livret individuel de contrôle complété depuis le 1er février 2019 lui rappelant que la SARL DIENDY était légalement tenue de conserver ces livrets individuels de contrôle dans l’entreprise ou l’établissement pendant 5 ans au moins à compter de leur restitution et que le défaut de conservation des documents manuscrits était puni d’une amende pouvant aller jusqu’à 750 €. L’employeur lui précise par ailleurs qu’à défaut de restitution sous 48 heures à réception de la lettre recommandée des LIC, il sera contraint d’envisager une sanction disciplinaire à son encontre pouvant aller jusqu’à son licenciement.

S’il est de principe qu’un même fait ne saurait justifier successivement deux mesures disciplinaires et qu’aucun reproche formulé à l’appui du licenciement ne peut être justifié par des faits ayant été sanctionnés par le biais d’une sanction disciplinaire, en l’espèce, M. [D] a persisté dans le non-respect volontaire de son obligation contractuelle après un rappel à l’ordre, puis un avertissement du 10 mai 2019 jusqu’à son arrêt de travail du 24 mai 2019, et ensuite de nouveau entre sa reprise du travail et le second arrêt de travail du 4 juin 2019 ; l’employeur étant dès lors en droit d’engager une nouvelle procédure de sanction disciplinaire à son encontre, pouvant aller jusqu’au licenciement. M. [D] ne justifiant pas, comme il le conclut, avoir indiqué à son employeur pendant ce délai avoir perdu son carnet de travail pendant son arrêt de travail.

La faute est constituée, le salarié ayant disposé du temps suffisant, compte tenu des alertes proportionnées de l’employeur, pour se soumettre à son obligation contractuelle, peu important l’obligation en découlant de préciser sur le LIC le temps de travail effectif qu’il estimait avoir exécuté au mépris des obligations légales de l’employeur.

Compte tenu du caractère persistant du refus par M. [D] de remplir son obligation contractualisée dans son contrat de travail et rappelée à de nombreuses reprises de manière proportionnée, de remplir son LIC, ce non-respect induisant pour l’employeur le risque de sanctions légales, constitue une faute d’une gravité telle qu’elle rendait impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise, par voie de confirmation du jugement déféré. Il convient par conséquent de débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Chaque partie a été partiellement déboutée de ses demandes dans le cadre de l’instance d’appel. Dans ces circonstances, l’équité commande de les débouter de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles et de dire qu’elles supporteront chacune la charge des frais et dépens qu’elles ont engagés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

Jugé que le licenciement pour faute grave de M. [J] [D] était bien-fondé

Jugé que M. [J] [D] avait bien effectué des heures supplémentaires et que la durée maximale de travail n’avait pas été respectée

Dit que la demande de supplémentaires formulée sur la période antérieure au 12 février 2007 était prescrite

Condamné la SARL DIENDY à verser à M. [J] [D] les sommes suivantes :

1 547,89 € bruts au titre des heures supplémentaires

154,79 € bruts au titre des congés payés afférents

2 500 € nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail

1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Débouté la SARL DIENDY de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamné la SARL DIENDY aux dépens de l’instance.

L’INFIRME, pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL DIENDY à payer à M. [D] la somme de 1 000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

DIT que chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles et dépens qu’elles ont engagés en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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