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AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 20/00119 – N° Portalis DBVX-V-B7E-MZGD
SELARL [O] AVOCATS
C/
[P]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 17 Décembre 2019
RG : 18/1962
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 05 MAI 2023
APPELANTE :
SELARL [O] AVOCATS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Bruno DEGUERRY de la SELARL DEGUERRY, PERRIN ET ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON
INTIMÉE :
[W] [P]
née le 29 Juillet 1992 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, Me Stéphanie SCHINDLER, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Béatrice REGNIER, Présidente
Catherine CHANEZ, Conseiller
Régis DEVAUX, Conseiller
Assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Mme [W] [P] a effectué des stages conventionnés auprès de la société [O] Avocats (ci-après, la société) du 1er juin au 31 juillet 2015, du 1er au 30 septembre 2015, du 4 novembre au 15 décembre 2015 et enfin du 15 février au 15 avril 2016.
Elle a été par la suite déclarée à compter du 1er septembre 2017, sans qu’aucun contrat de travail n’ait été signé, et rémunérée en qualité de juriste débutante, qualification niveau III, classification échelon 4, coefficient 350.
Mme [P] a été placée en arrêt maladie du 26 février au 8 mai 2018 inclus.
La Convention collective applicable aux relations contractuelles est celle des avocats et de leur personnel salarié. La société employait moins de 11 salariés lors de la rupture.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mai 2018, Mme [P] a pris acte de la rupture du contrat de travail dans les termes suivants :
« Par la présente, je tenais à vous informer de ma volonté de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail compte tenu de mes conditions de travail particulièrement difficiles et de vos nombreux manquements à mon égard.
Tout d’abord et comme je vous l’ai indiqué dans mon courriel en date du 2 mars 2018, de nombreuses périodes de travail dans votre Cabinet n’étaient ni soumises à une convention de stage, ni à un contrat de travail et ce, notamment la période postérieure à ma préparation au CRFPA pendant laquelle j’ai travaillé de façon non déclarée ayant été payée bien en deçà des minimas sociaux. J’exerçais alors des fonctions de juriste au sein de votre Cabinet pour une durée de travail de 37h30/semaine, ayant été payée entre 800 et 1 500 euros dont une partie était réglée en espèces.
Compte-tenu de ma situation financière particulièrement difficile et dans l’incapacité de trouver un autre emploi de juriste (deux refus d’embauche compte tenu de mon impossibilité de justifier de mon expérience), mon statut au sein de votre cabinet a enfin été régularisé au mois de septembre 2017 par un contrat de travail à temps plein à durée indéterminée. J’avais alors exigé un salaire correspondant à la classification prévue pour les juristes selon la convention collective applicable aux salariés des cabinets d’avocats, ce que vous m’avez refusé. Vous m’avez alors demandé d’attendre le mois de janvier 2018 en me promettant alors un salaire correspondant à mon niveau d’études et à mes attributions.
Or, en janvier dernier, non seulement vous n’avez pas tenu vos engagements et obligations légales, refusant de m’attribuer le salaire que j’aurais dû percevoir depuis le début, mais les raisons de ce refus ont été particulièrement vexantes et humiliantes. En effet, vous n’avez pas hésité à revenir sur l’échec du CRFPA pour me dévaloriser, me tenant responsable de l’insuffisance de trésorerie de votre Cabinet et m’affirmant que mon embauche avait été uniquement « pour me faire plaisir »’
Les derniers mois au sein de votre cabinet étaient particulièrement éprouvants, vous exerciez sans cesse des pressions sur nous afin que vos clients paient leurs factures nous menaçant de ne pas être rémunérées à défaut de paiement de leur part. Par ailleurs, en plus de mes fonctions habituelles en tant que juriste, j’étais tenue de d’assurer la gestion administrative intégrale de votre cabinet (notamment du secrétariat : courriers, factures, recouvrement, etc’) en l’absence de votre assistante, [B], enceinte et régulièrement absente. Vous n’étiez que très rarement présente au Cabinet (ce dont vous avez bien fait état dans votre courriel en réponse du 7 mars), j’étais donc seule, à gérer votre Cabinet.
Pour autant, lorsque je vous ai fait part de ces difficultés par écrit dans mon courriel du 2 mars 2018, vous vous êtes contentée d’énumérer les dossiers que je n’ai pas eu le temps de gérer avant d’être arrêtée pour maladie, sans aucune considération pour mon travail et les innombrables dossiers dont je me suis occupée depuis le début. Pire encore, vous prétendiez que j’étais seulement stagiaire au sein de votre Cabinet, ce qui est bien décevant compte tenu de mon investissement, de ma charge de travail et de tâches que vous m’avez confiées (gestion seule de rendez-vous clients, négociation avec les avocats adverses, supervision des stagiaires, etc.).
Vous n’avez eu que très peu de considération à mon égard et pour votre personnel de façon générale, n’hésitant pas à nous laisser sans climatisation durant l’été 2017 puis sans chauffage durant l’hiver 2017 (où nous avons travaillé avec des températures avoisinant les 10 degrés).
Mon arrêt maladie n’est que le reflet de la situation insoutenable dans laquelle vous m’avez placée. Il m’était devenu impossible de travailler pour vous dans des conditions décentes, raison pour laquelle j’ai été mise en arrêt maladie par mon médecin traitant, placée sous antidépresseurs et raison notamment pour laquelle je n’ai d’autre choix que de mettre fin à mon contrat de travail. (‘) »
Par requête du 3 juillet suivant, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir requalifier le contrat en contrat de travail à durée indéterminée temps plein, de voir la prise d’acte produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de solliciter diverses sommes à titre indemnitaire et salarial.
Par jugement de départage du 17 décembre 2019, le conseil de prud’hommes a notamment
Dit que la demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée avant le 3 juillet 2016 était prescrite ;
Ecarté des débats la pièce n° 9 versée par Mme [P] ;
Requalifié la relation de travail du mois de juillet 2016 au mois d’août 2017 en contrat à durée indéterminée et à temps plein ;
Dit que Mme [P] bénéficiait de la classification de cadre niveau II, échelon l, coefficient 385 b de la convention collective du personnel des cabinets d’avocat à compter du 1er septembre 2017 ;
Dit que la prise d’acte était justifiée et produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamné en conséquence la société à verser à Mme [P] les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2018, date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de jugement valant mise en demeure :
16 077 euros bruts de rappel de salaire entre le 1er novembre 2016 et le 31 août 2017 ;
2 089,90 euros bruts de rappel d’heures supplémentaires entre le 1er novembre 2016 et le 31 août 2017 ;
1 951,30 euros bruts de rappel de prime de 13ème mois ;
2 011,82 euros de congés payés afférents ;
1 404,84 euros bruts de rappel de salaire entre le 1er septembre 2017 et le 28 février 2018 , outre 140,48 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
3 294,02 euros bruts de rappel d’indemnité complémentaire du 26 février au 8 mai 2018, outre 329,40 euros bruts de congés payés afférents ;
7 726,95 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 772,69 euros de congés payés afférents ;
2 275,65 euros d’indemnité de licenciement ;
Condamné la société à verser à Mme [P] les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement :
400 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de l’exécution loyale du contrat de travail ;
15 453,90 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
4 685 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonné la capitalisation des intérêts ;
Dit que la société délivrerait à Mme [P] l’ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformes, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement ;
Condamné la société à verser à Mme [P]
la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
Fixe la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 550,49 euros ;
Débouté les parties de plus amples demandes contraires au dispositif ;
Condamné la société aux dépens.
Par déclaration du 7 janvier 2020, la société a interjeté appel partiel, portant sur les dispositions suivantes de ce jugement :
Requalifié la relation de travail du mois de juillet 2016 au mois d’août 2017 en contrat à durée indéterminée et à temps plein ;
Dit que Mme [P] bénéficiait de la classification de cadre niveau II, échelon l, coefficient 385 de la convention collective du personnel des cabinets d’avocat à compter du 1er septembre 2017 ;
Dit que la prise d’acte était justifiée et produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamné en conséquence la société à verser à Mme [P] les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2018, date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de jugement valant mise en demeure :
16 077 euros bruts de rappel de salaire entre le 1er novembre 2016 et le 31 août 2017 ;
2 089,90 euros bruts de rappel d’heures supplémentaires entre le 1er novembre 2016 et le 31 août 2017 ;
1 951,30 euros bruts de rappel de prime de 13ème mois ;
2 011,82 euros de congés payés afférents ;
1 404,84 euros bruts de rappel de salaire entre le 1er septembre 2017 et le 28 février 2018 , outre 140,48 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
3 294,02 euros bruts de rappel d’indemnité complémentaire du 26 février au 8 mai 2018, outre 329,40 euros bruts de congés payés afférents ;
7 726,95 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 772,69 euros de congés payés afférents ;
2 275,65 euros d’indemnité de licenciement ;
Condamné la société à verser à Mme [P] les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement :
400 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de l’exécution loyale du contrat de travail ;
15 453,90 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
4 685 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonné la capitalisation des intérêts ;
Condamné la société à verser à Mme [P]
la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 550,49 euros ;
Condamné la société aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 5 mai 2020, la société demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du mois de juillet 2016, dit que Mme [P] bénéficiait de la classification cadre, Niveau II, échelon 1, coefficient 385 de la convention collective applicable à compter du 1er septembre 2017, dit que la prise d’acte de rupture était justifiée et devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement des sommes suivantes:
16 077 euros bruts de rappel de salaire sur la période du 1er novembre 2016 au 31 août 2017 ;
2 089,90 euros bruts de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 1er novembre 2016 au 31 août 2017 ;
1 951,30 euros bruts de rappel de salaire de treizième mois ;
2 011,82 € brut au titre des congés payés s’y rapportant ;
1 404,84 euros bruts de rappel de salaire sur la période du 1er septembre 2017 2016 au 28
février 2018 outre 140,48 euros bruts au titre des congés payés s’y rapportant ;
3 294,02 euros bruts de rappel d’indemnité complémentaire du 26 février au 8 mai 2018 ;
7 726,95 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis, outre 772,69 euros bruts de congés payés s’y rapportant ;
2 275,65 euros d’indemnité de licenciement ;
400 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;
15 453,90 euros d’indemnité pour travail dissimulé ;
4 685 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Débouter Mme [P] de sa demande de requalification et des rappels de salaire en résultant au titre du salaire de base, des heures supplémentaires, du treizième mois et des congés payés s’y rapportant, de sa demande de rappel de complément de salaire pour maladie, de sa demande de rappel de salaire liée à l’application du coefficient 385, de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé, de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés s’y rapportant ;
Reconventionnellement, condamner Mme [P] au paiement de la somme de 2 161,39 euros bruts, outre congés payés afférents au titre de l’indemnité due pour non-respect du préavis de démission ;
Condamner Mme [P] au paiement de la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamner Mme [P] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [P] aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 4 août 2020, Mme [P] demande à la cour de
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du mois de juillet 2016, dit qu’elle bénéficiait de la classification Cadre, Niveau II, échelon 1, coefficient 385 de la convention collective applicable à compter du 1er septembre 2017, que la prise d’acte était justifiée et produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; condamné la société au paiement des sommes suivantes :
16 077 euros bruts de rappel de salaire sur la période du 1er novembre 2016 au 31 août 2017 ;
2 089,90 euros bruts de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 1er novembre 2016 au 31 août 2017 ;
1 951,30 euros bruts de rappel de salaire de treizième mois ;
2 011,82 € brut au titre des congés payés s’y rapportant ;
1 404,84 euros bruts de rappel de salaire sur la période du 1er septembre 2017 2016 au 28
février 2018 outre 140,48 euros bruts au titre des congés payés s’y rapportant ;
3 294,02 euros bruts de rappel d’indemnité complémentaire du 26 février au 8 mai 2018 ;
7 726,95 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis, outre 772,69 euros bruts de congés payés s’y rapportant ;
2 275,65 euros d’indemnité de licenciement ;
15 453,90 euros d’indemnité pour travail dissimulé ;
1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ordonné la capitalisation des intérêts, dit que la société lui délivrerait l’ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés dans un délai de deux mois suivant notification du jugement ; rejeté la demande de la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la société aux dépens ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé les demandes de rappel de salaire prescrites ;
Statuant à nouveau, condamner la société :
‘ 13 043 euros bruts de rappel de salaire sur la période du 1er octobre 2015 au 31 avril 2016;
‘ 1 345,17 euros bruts de rappel de salaire sur la période du 1er octobre 2015 au 31 avril 2016 ;
‘ 1 345,17 euros bruts de rappel de salaire de treizième mois sur la période du 1er octobre 2015 au 31 avril 2016 ;
Infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a condamné la société au paiement des sommes suivantes :
400 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;
4 685 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Statuant à nouveau, condamner la société :
2 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;
4 685 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Débouter la société de ses demandes ;
En tout état de cause, condamner la société à lui payer 2 000 euros pour procédure abusive, 2 000 euros de dommages et intérêts pour absence de communication des documents litigieux ;
Condamner la société à lui communiquer les documents rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de l’arrêt à intervenir ;
Condamner la société à lui payer les intérêts au taux légal à compter de la saisine ; la condamner à l’anatocisme ;
Condamner la société à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société aux dépens de première instance et d’appel, avec recouvrement direct au profit de maître Laffly.
La clôture est intervenue le 24 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.
Elle n’a pas non plus à fixer le salaire moyen du salarié, s’agissant en réalité d’un moyen à l’appui des demandes indemnitaires ou salariales.
1-Sur la qualification de la relation entre les parties
Les parties s’accordent à dire que jusqu’au 30 septembre 2015, Mme [P] n’a effectué que des périodes de stage conventionné au sein de la société.
Par la suite, Mme [P] soutient avoir travaillé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein jusqu’au 31 avril 2016, s’être consacrée ensuite à la préparation du concours d’entrée au CRFPA, auquel elle a finalement échoué, puis être revenue travailler au cabinet dès le 1er novembre 2016, sous contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
La société affirme ne pas avoir conclu de contrat de travail à durée indéterminée avant le 1er septembre 2017 et n’avoir accepté de reprendre l’intéressée en stage pour lui rendre service, à compter du 18 novembre 2016, dans l’attente qu’elle se présente de nouveau aux épreuves du CRFPA et qu’elle s’inscrive dans un parcours universitaire, condition nécessaire pour signer une nouvelle convention de stage.
Le conseil de prud’hommes a jugé que la période antérieure au 3 juillet 2016 était prescrite et l’appelante demande l’infirmation de cette disposition. La cour doit en conséquence se prononcer sur cette fin de non-recevoir avant l’examen au fond des demandes.
1-1-Sur la prescription
Il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail, que l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription de l’article 2224 du code civil. La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l’activité, le point de départ de ce délai (5 ans) est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C’est en effet à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit.
En l’espèce, Mme [P] soutient avoir travaillé pour la société sous contrat de travail non écrit d’octobre 2015 à avril 2016, alors que la société verse aux débats des conventions de stage pour les périodes du 4 novembre au 15 décembre 2015, puis du 15 février au 15 avril 2016. Leur désaccord porte donc sur l’existence d’une relation de travail en octobre 2015 et sur la nature de leur relation sur la période suivante. La prescription de l’article 2224 du code civil a donc commencé à courir le 30 avril 2016, à l’issue de la relation revendiquée. Le délai de 5 ans n’était pas écoulé lorsque Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes ; son action en qualification n’est pas prescrite.
Quant à l’action en rappel de salaires, selon l’article L.3245-1 du code du travail dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013, elle se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Le délai de 3 ans n’était donc pas écoulé lorsque Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes, le 3 juillet 2018 et ses demandes peuvent porter sur les sommes dues à partir du 7 mai 2015. Elles ne sont donc pas prescrites.
1-2-Sur la qualification de la relation
L’article L.124-7 du code de l’éducation dispose : « Aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou un agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail. »
Par ailleurs, en application de l’article L.124-5 du même code, la durée des stages effectués au sein du même organisme ne peut excéder 6 mois par année d’enseignement.
L’accomplissement de tâches professionnelles sous l’autorité de l’entreprise d’accueil n’est pas de nature à exclure la mise en ‘uvre d’une convention de stage. Mais il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération.
Il est constant qu’aucune convention de stage n’a été signée entre les parties et un établissement d’enseignement pour le mois d’octobre 2015.
Il revient à Mme [P], qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail dès le 1er octobre 2015, d’en rapporter la preuve.
Pour ce faire, elle établit qu’elle a continué à percevoir la gratification convenue et elle verse aux débats des échanges de SMS qui démontrent sans ambiguïté qu’elle était toujours présente au cabinet en octobre 2015. En l’absence de convention de stage et de contrat de travail écrit, la cour considère que les parties étaient alors liées par un contrat de travail à durée indéterminée, même si Mme [P] s’est par la suite présentée dans un curriculum vitae ultérieur communiqué par la société comme ayant été stagiaire de juin 2015 à mai 2016.
Le contrat de travail à durée indéterminée s’est ensuite poursuivi jusqu’à fin avril 2016, Mme [P] reconnaissant avoir alors mis un terme à sa collaboration avec le cabinet pour préparer le concours d’entrée au CRFPA et justifiant avoir perçu une gratification pour la totalité du mois d’avril.
Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
La société admet que Mme [P] est revenue au cabinet à partir du 15 novembre 2016. Celle-ci évoque plutôt le début du mois, mais ne peut communiquer de SMS antérieurs au 18 novembre. La cour retient donc qu’elle n’a repris ses activités au cabinet qu’à partir du 15 novembre.
En l’absence de convention de stage et de contrat de travail écrit, son activité s’est nécessairement inscrite dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. La société ne peut en effet valablement soutenir que c’est la salariée qui, par son attitude, a empêché la signature d’une convention de stage, alors qu’elle avait toute latitude pour refuser de démarrer la relation tant que la convention n’était pas signée et qu’en tout état de cause, l’article L.124-5 du code de l’éducation limite la durée des stages au sein du même organisme à 6 mois par année d’enseignement, durée qui aurait été allègrement dépassée dans le cas d’espèce.
1-3-Sur le calcul de l’ancienneté
Mme [P] fait valoir qu’en application de l’article L.1221-24 du code du travail, les périodes de stage devraient être prises en compte pour calculer son ancienneté.
Cet article dispose en effet en son second aliéna qu’en cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue d’un stage d’une durée supérieure à deux mois, au sens de l’article L. 124-6 du code de l’éducation, la durée de ce stage est prise en compte pour l’ouverture et le calcul des droits liés à l’ancienneté.
Cependant, Mme [P] a décidé de quitter la société le 30 avril 2016 afin de préparer l’examen d’entrée au CRFPA et cette rupture du contrat de travail ne peut que s’analyser comme une démission, si bien que les parties ont été liées par un second contrat de travail à compter du 15 novembre 2016, cette date étant ainsi le point de départ de l’ancienneté de la salariée pour les développements à venir.
2-Sur la classification et le rappel de salaire
L’avenant n°50 du 14 février 1997 à la convention collective nationale des avocats et de leur personnel a mis en place une nouvelle classification, basée sur 4 critères : l’autonomie, l’initiative, la responsabilité et la formation et/ou l’expérience professionnelle.
Il existe 4 niveaux, dont le niveau 2, celui des cadres, avec les critères d’autonomie et de responsabilité et le niveau 3, qui met en ‘uvre les critères d’initiative, d’autonomie et de responsabilité.
Le classement doit être effectué en tenant compte des tâches requises par le poste, lequel définit le niveau de formation initiale et/ou d’expérience professionnelle nécessaire, par référence aux critères de qualification.
2-1-Entre le 1er octobre 2015 et le 30 avril 2016
Les échanges communiqués par Mme [P] montrent qu’au début de la relation, elle effectuait essentiellement un travail de recouvrement et de rédaction de courriers, qui a évolué au fil des mois puisqu’elle produit des exemples de courriels qu’elle pouvait envoyer aux clients et qui contenaient des conseils juridiques simples.
Son emploi correspondait donc à celui de secrétaire juridique relevant du niveau 3, échelon 1 (débutant), coefficient 240 (personnel chargé d’exécuter des travaux comportant une part d’initiative professionnelle dans le traitement des actes ou opérations simples, sous contrôle régulier).
Compte tenu du salaire mensuel minimum conventionnel alors en vigueur (1 597 euros en 2015 et 1 605,60 euros en 2016) et des gratifications versées (3 260 euros), la société devra donc verser à Mme [P] à titre de rappel de salaire la somme de 3 393 euros d’octobre à décembre 2015, outre 339,30 euros de congés payés afférents et 4 560,40 euros de janvier à avril 2016, outre 456,04 euros de congés payés afférents.
Elle devra également lui verser la part de 13ème mois, conformément à l’article 12 de la convention collective, soit 399,25 euros pour 2015, outre 39,96 de congés payés afférents, et 535,20 euros pour 2016, outre 53,52 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
2-2-Entre le 15 novembre 2016 et le 7 mai 2018
Il ressort de la lecture des courriels versés aux débats que jusqu’à la fin du mois d’août 2017, Mme [P] a été chargée du même type de tâches que sur la période précédente. Il apparait notamment qu’elle prenait ses instructions de maitre [O] (courriel du 6 juillet 2017 par exemple) et qu’elle ne rédigeait pas de projets de conclusions.
La société devra donc lui verser un rappel de salaire sur la base de la même qualification que précédemment, soit, après déduction des gratifications perçues, 7 063,20 euros, outre 706,32 euros de congés payés afférents et 1 271,10 euros de rappel de 13ème mois, outre 127,11 euros de congés payés afférents, conformément à l’article 12 de la convention collective.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Au 1er septembre 2017, l’employeur a souhaité signer un contrat de travail et a fait le choix de la qualification de « juriste débutante », laquelle correspond au niveau 2, 1er échelon, coefficient 385, contrairement à ce qui figure à l’article 2 du contrat. Le paiement d’un 13ème mois est prévu par le contrat.
Le jugement sera donc confirmé sur cette période.
3-Sur le maintien de salaire pendant l’arrêt de maladie
En application de l’article L.1226-1 du code du travail, Mme [P] aurait dû bénéficier du maintien de salaire pendant son arrêt de travail du 26 février au 8 mai 2018 inclus, puisque son ancienneté était d’au moins un an. Le jugement sera confirmé de ce chef.
4-Sur le rappel d’heures supplémentaires
Constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail.
Il résulte des dispositions de l’article L3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En application de l’article 1er de l’avenant n°73 de la convention collective relatif aux heures supplémentaires, dans les cabinets de 20 salariés au plus, la majoration des 4 premières heures supplémentaires est fixée à 10 %.
Mme [P] affirme avoir travaillé 37,5 heures par semaine entre octobre 2015 et avril 2016, puis entre novembre 2016 et août 2017, conformément aux termes des conventions de stage.
La société conteste toute relation de travail et donc toute réalisation d’heures supplémentaires.
Or seule la convention de stage relative à la période du 15 février au 15 avril 2016 prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 37,5 heures. Il est par ailleurs constant que le cabinet était fermé au mois d’août et Mme [C], secrétaire juridique, atteste que Mme [P] a pris des congés en décembre 2016 et avril 2017 et que maître [O] étant absente durant une partie du mois de juillet 2017, les stagiaires présents, dont l’intéressée, n’ont travaillé que le matin, et avec peu de motivation et d’efficacité.
En considération des éléments produits, la cour a la conviction que Mme [P] a effectué 30 heures supplémentaires entre le 15 février et le 30 avril 2016, et 70 entre le 15 novembre 2016 et le 31 août 2017, si bien qu’elle a droit à un rappel de 1 164,47 euros, outre 116,45 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera réformé en ce sens.
5-Sur la prise d’acte
La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d’une démission.
C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des faits qu’il reproche à son employeur. A l’appui de la prise d’acte, il est admis à invoquer d’autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.
En l’espèce, Mme [P] fait valoir divers griefs à l’encontre de son employeur :
-l’absence de chauffage entre novembre 2017 et février 2018 et de climatisation durant l’été 2017 ;
-une importante surcharge de travail dès le début de l’année 2018 en raison de l’absence de Mme [C], assistante du cabinet, et du départ de maître [N] en mai 2018, celle-ci ayant délaissé de ce fait les dossiers du cabinet dès le début de l’année ;
-le non-respect de la classification conventionnelle et de la promesse d’augmentation qui lui avait été faite ;
-une dégradation de ses conditions de travail ayant eu un impact sur sa santé ;
-les périodes de travail non déclaré ;
-l’absence de mutuelle, de prévoyance et de visites médicales ;
-les pressions exercées sur elle par maître [O] afin que les clients paient les honoraires.
Si la société conteste avoir commis la moindre faute contractuelle, il n’en demeure pas moins que Mme [P] justifie avoir insisté en vain pour obtenir une classification et donc une rémunération conformes aux dispositions de l’avenant n°50 du 14 février 1997 et ce après avoir travaillé pendant de longs mois sans bénéficier du cadre contractuel adapté et parfois même sans être déclarée.
Ces manquements de l’employeur sont suffisamment graves pour que la rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté la société de sa demande de condamnation de la salariée pour non-respect de son préavis.
6-Sur les conséquences financières de la rupture
6-1- Sur l’indemnité compensatrice de préavis
La convention collective prévoit un préavis de 2 mois pour les salariés bénéficiant d’un coefficient hiérarchique égal ou supérieur à 385 et ayant moins de 2 ans d’ancienneté.
La société devra donc verser à Mme [P] la somme de 5 664 euros à ce titre, outre 566,40 euros de congés payés afférents.
6-2-Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable à compter du 24 septembre suivant, a mis en place un montant minimal et un montant maximal des dommages et intérêts dus lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
En application de ce l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable, vu l’ancienneté de la salariée lors de la rupture (20 mois), son âge (25 ans) et sa situation au regard de l’emploi, la cour fixe à 1 mois de salaire brut l’indemnité due, soit 2 832 euros. Le jugement sera réformé en ce sens.
6-3-Sur l’indemnité de licenciement
Aucune indemnité de licenciement conventionnelle n’est prévue pour les salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté.
Trouvent donc à s’appliquer les dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-1 et suivants du code du travail, selon lesquelles :
-L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.
-Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.
Réformant le jugement, la cour fixe en conséquence le montant de l’indemnité due à 1 180 euros.
7-Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Mme [P] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser l’indemnité de 6 mois de salaire prévue par l’article L.8221-5 du code du travail en matière de travail dissimulé.
Or la dissimulation d’emploi salarié prévue par cet article n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, entendu se soustraire à ses obligations sociales et fiscales.
Tel n’est pas le cas dans ce dossier, les pièces versées aux débats montrant de façon incontestable que les parties entretenaient une relation très affective et que lorsque Mme [P] a échoué à l’examen d’entrée au CRFPA, maître [O] a accepté de la reprendre en stage pour lui permettre de rebondir en attendant une nouvelle tentative, pensant qu’elle s’inscrirait à l’université et qu’une nouvelle convention pourrait être signée.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef et Mme [P] déboutée de sa demande.
8-Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité
L’article L.4121-1 du code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Mme [P] soutient que son employeur a manqué à cette obligation à la faisant travailler dans des locaux où les températures avoisinaient les 10 degrés, en n’organisant aucune visite médicale d’embauche et en s’abstenant de prévenir la situation de dépression liée au contexte professionnel difficile créé par maître [O].
La société démontre toutefois avoir fait le nécessaire pour faire réparer l’installation de chauffage, sachant que les décisions ne lui incombaient pas, le cabinet étant situé dans un immeuble et les photographies communiquées par Mme [P] et montrant un thermomètre n’ont aucune valeur probante puisqu’elles ne permettent de déterminer ni le lieu ni le jour de leur prise.
Sur l’absence de visite médicale d’embauche, Mme [P] ne démontre pas avoir subi un préjudice de ce fait.
Enfin, elle échoue également à démontrer que son état de santé s’est trouvé altéré en raison du contexte dans lequel elle évoluait, les arrêts de travail avec un diagnostic non assorti de constatations cliniques et les prescriptions de médicaments ne pouvant suffire à emporter la conviction de la cour.
Mme [P] sera donc déboutée de sa demande.
9-Sur la remise des documents de fin de contrat
La société devra remettre à Mme [P] les documents de fin de contrat dûment rectifiés, sans que le prononcé d’une astreinte n’apparaisse nécessaire.
10-Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
Aucune des parties n’ayant abusé de son droit d’agir en justice, chacune sera déboutée de sa demande à ce titre.
11-Sur les intérêts
Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et les autres condamnations à compter du 6 septembre 2018, date de convocation directement devant le bureau de jugement, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code.
Les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés.
12-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la société.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement prononcé le 17 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a :
Dit que Mme [P] bénéficiait de la classification de cadre niveau II, échelon l, coefficient 385 b de la convention collective du personnel des cabinets d’avocat à compter du 1er septembre 2017 ;
Condamné la société à verser à Mme [P] la somme de 1 404,84 euros bruts de rappel de salaire entre le 1er septembre 2017 et le 28 février 2018 , outre 140,48 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
Condamné la société à verser à Mme [P] la somme de 3 294,02 euros à titre d’indemnité complémentaire du 26 février au 7 mai 2018 ;
Dit que la prise d’acte était justifiée et produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonné la capitalisation des intérêts ;
Dit que la société délivrerait à Mme [P] l’ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformes, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement ;
Débouté la société [O] Avocats de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande de condamnation de Mme [P] à lui verser une indemnité pour non-respect du préavis de démission ;
Condamné la société aux dépens ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Dit que la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et de rappels de salaire et d’heures supplémentaires n’est pas prescrite ;
Condamne la société [O] Avocats à verser à Mme [W] [P] la somme de 3 792,25 euros à titre de rappel de salaire entre octobre et décembre 2015, outre 379,26 euros de congés payés afférents ;
Condamne la société [O] Avocats à verser à Mme [W] [P] la somme de 5 095,60 euros à titre de rappel de salaire entre janvier et avril 2016, outre 509,56 euros de congés payés afférents ;
Condamne la société [O] Avocats à verser à Mme [W] [P] la somme de 8 334,30 euros à titre de rappel de salaire entre le 15 novembre 2016 et le 31 août 2017, outre 833,43 euros de congés payés afférents ;
Condamne la société [O] Avocats à verser à Mme [W] [P] la somme de 1 164,47 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 116,45 euros de congés payés afférents ;
Condamne la société [O] Avocats à verser à Mme [W] [P] la somme de 5 664 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 566,40 euros de congés payés afférents ;
Condamne la société [O] Avocats à verser à Mme [W] [P] la somme de 2 832 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société [O] Avocats à verser à Mme [W] [P] la somme de 1 180 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
Déboute Mme [W] [P] de ses demandes de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Enjoint à la société [O] Avocats de remettre à Mme [W] [P] les documents de fin de contrat dûment modifiés dans les 2 mois suivant la signification du présent arrêt ;
Dit n’y avoir lieu à assortir cette injonction d’une astreinte ;
Dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2018 et que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés ;
Y ajoutant,
Laisse les dépens d’appel à la charge de la société [O] Avocats ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel;
Le Greffier La Présidente